*** Chapitre 1 ***
Les ruelles de la capitale anglaise étaient désertes en cette heure avancée de la nuit, les pavés luisant de la bruine qui s'abattait sur la ville, les échos de ses pas se répercutait sur les vieux immeubles de White Chapel. Lentement, il se dirigeait vers le fleuve, n'écoutant que son instinct, se laissant bercer par le son des flots sombres et bouillonnants de la Tamise. Au loin, Big Ben faisait entendre son lourd carillon. Minuit. Il accéléra ses pas. Son ombre se découpait sur les murs. Il enjamba un trottoir et poursuivit son chemin. Une jeune femme l'interpella au loin, mais il ne s'arrêta pas, poursuivant obstinément sa route vers cet objectif aussi flou qu'il soit. Il FALLAIT qu'il le fasse, il le fallait. Son esprit maudit le lui avait tant de fois soufflé, hurlé qu'il ne put y résister plus longtemps. Enfin, sa cible était en vue. Ou plutôt ses cibles.
Un sourire flottant sur les lèvres, le regard sombre Klaus avançait sans ciller vers l'entrée d'un bar minable dont les effluves de bière venait rencontrer les odeurs nauséabondes de diverses souillures. Son odorat, si affuté, ne fit que lui indiquer qu'il était arrivé à destination. Un lieu de débauche, de perversion, où les rejets de l'Humanité venaient se rencontrer et s'entre-mêler. Oui, ce lieu était parfait. Une femme dont les tempes grisonnantes venaient trahir son âge avancé, vint l'accoster lui suggérant, sans aucune forme de poésie, de passer un moment intime avec elle en échange de quelques pièces. Du dégoût. Voila ce qu'il ressentit tout à coup. Il fit un pas vers elle. Il était prêt. Son esprit lui hurla d'agir, immédiatement. Il lutta une seconde. Mais une bagarre éclata entre deux poivrots tout aussi imbibé l'un que l'autre. Le premier, à grand renfort de cris et de jurons plus ou moins audibles, voulu, sans doute, asséner un coup de poing à son acolyte. Celui-ci, totalement ivre, bascula sur le sol sans effort, si bien que le poing vint s'écraser sur Klaus. Il ne bougea pas d'un millimètre ce qui surprit son agresseur qui lui bougonna un juron l'invitant à se décaler dans un langage des plus châtiés. L'Originel le détailla une seconde, lui sourit, dévoilant ses crocs. Les choses dégénérèrent alors. Sans prendre la peine de les hypnotiser, Klaus les supprima tous, les uns après les autres, laissant le démon qui sommeillait en lui depuis bien trop longtemps s'exprimer. Ce démon qu'il tentait de rabrouait jour après jour depuis les dis dernières années. Ce démon sans cesse torturé, excité, par la part maléfique de la Sorcière qui demeurait à ses côtés. Ce démon qui, enfin, exprima toute sa jouissance alors que sa dernière victime rendait son souffle dans un râle agonisant, la gorge tranchée de façon nette tandis qu'un rire diabolique résonnait dans son esprit.
Klaus balaya le bar de son regard perçant. Tout était redevenu silencieux. Les corps étaient affalés sur le sol souillé du troquet. Il n'y avait là plus âme qui vive. Une odeur de mort planait sur l'établissement. Son attention fut captée par le grand miroir qui ornait un pan de mur. La poussière et la crasse laissèrent passer son reflet. Il se vit, les vêtements sales, les lèvres dégoulinantes de sang, des viscères pendaient sur son épaules. Pendant une fraction de seconde il ne se reconnu pas. Il avait en face de lui l'homme qu'il fut des siècles auparavant. Le vampire qui rependait le chaos et la mort derrière lui. Cet être qu'il s'efforçait de combattre depuis qu'Hope avait vu le jour. Ce jour là, il s'était fait la promesse de tout mettre en œuvre pour que jamais sa fille puisse avoir peur de lui. Dix ans de pénitence et de tortures ont eu pourtant raison de cette promesse. La Sorcière, tapie dans son esprit, riait à gorge déployée devant le désespoir de sa victime. Il serra les dents et la fit taire mentalement.
Il enjamba les corps et sortit de là rapidement. Personne ne semblait avoir été le témoin du massacre grossier. Il pesta. Cet acte avait été aussi ignoble qu'inutile. Mais, les tréfonds de son âme, le démon s'était réveillé, et réclamait encore du sang. Le massacre était son hobby. Il voulait tuer, encore et encore. Au fond de lui, Klaus avait espéré qu'en cédant à ses pulsions, une fois, le monstre tapie cesserait de le tourmenter, mais il s'avère que ça avait été totalement inefficace. Bien au contraire, il n'avait jamais été aussi éveillé. Il serra les poings, jurant entre ses dents et s'enfonça dans la nuit, espérant ne croiser personne car, il le savait, il ne pourrait pas répondre de ses actes. Il devait absolument reprendre le contrôle. Le quartier avait déjà connu bien trop de noirceur pour ajouter la sienne. La Sorcière lui soufflait de lâcher prise, de se nourrir, de massacrer. Une nouvelle fois, il la fit taire et la chassa de ses pensées. Il essaya une autre approche et se concentra sur la seule personne qui pouvait occuper ses pensées sans danger : sa très chère barmaid blonde. Une amie, une confidente, peut être même un peu plus que ça. Il l'avait aimée, il en était conscient. Il focalisa son esprit sur elle, tentant de l'appeler à lui, mais elle lui échappait. Klaus savait très bien qu'elle n'était pas réelle, qu'elle n'était qu'une création de son esprit, mais malheureusement, son âme était bien trop malade pour avoir la force de la faire venir. Il était seul. Comme il l'avait toujours été d'ailleurs. Sa famille avait été là, pendant un temps, mais désormais, c'est seul qu'il devrait évoluer. Seul et en prie à la Sorcière. Son esprit sombra soudainement dans une profonde déprime. Il avisa, au long, les flots de la Tamise et sourit. Si seulement ça pouvait être aussi simple. Un bond, et tout était fini. Si seulement …
Dans sa poche, son téléphone vibra, le tirant de ses sombres pensées. Il vit sur l'écran un nom qu'il n'avait pas vu depuis très longtemps. Il prit une seconde pour réfléchir, devait-il répondre ? Il considéra qu'un appel méritait une réponse. De plus, elle n'aurait pas appelé si ce n'était pas vraiment important. Il hésita encore puis finit par accepter l'appel :
« - Freya ? Demanda t-il, la voix cassée
- Klaus ! Souffla sa sœur à l'autre bout de la ligne. C'est bon de t'entendre ! Soupira t-elle. Comment vas-tu ?
- J'ai connu mieux grande sœur, mais me dit pas que c'est pour ça que tu m'appelles...
- Tu n'as pas changé Klaus
- Plus que tu ne le penses murmura t-il en songeant au bar dont il continuait s'éloigner le plus possible.
- Klaus … j'ai trouvé …
- Tu … tu as trouvé quoi ? S'enquit-il en s'arrêtant
- Je sais comment tous vous ramener. Pour que nous fondions à nouveau une famille, pour …
- NON ! Coupa t-il
- Qu … comment ça « non » ?!
- Il est HORS DE QUESTION que je fasse quoi que ce soit qui puisse mettre potentiellement Hope en danger ! S'écria t-il alors qu'il sentait la Sorcière s'agiter en lui
- Mais tout ira bien Klaus !
- J'ai dis NON !
- Klaus ! M'oblige pas à venir te botter les fesses ! S'écria t-elle à son tour, retrouvant le côté borné et têtu de son frère. Tout est prêt ! Je ne t'aurais jamais téléphoné sinon ! Fais moi confiance ! Ça marchera ! Il ne manque plus que toi !
- Freya … ne me fais pas espérer pour rien … finit-il par lâcher après quelques secondes de silence
- Jamais... ça marchera Klaus ! Tout les éléments sont réunis, il ne manque plus que toi, Elijah, Kol et Rebekkah...
- Tu as quoi en tête ?
- Pas au téléphone. Je vais tout t'expliquer. Donnons nous rendez-vous... à 9h00 à l'Espresso Bar du Regent's park
- OK pour 9h mais …, continua t-il sans se soucier le moins de monde de la raison pour laquelle son aînée savait exactement où il se trouvait. Freya … Comment va t-elle ? Demanda t-il plein d'espoir
- Elle va bien. D'après ce que je sais. Elle est entre de très bonnes mains, elle ..
- Non, je ne veux rien savoir. A demain Freya ... » Coupa t-il plus sèchement qu'il ne l'aurait voulu avant de raccrocher.
Il sentait la Sorcière s'agiter. Elle voulait savoir. Elle voulait Hope. Il le savait, il le sentait. Mais aussi longtemps que son cœur battra, il la combattra et l'empêchera d'arriver à ses fins. Entendre sa sœur avait été salutaire. Plus qu'il n'aurait voulu l'admettre. Ces dix dernières années de solitude complète ont eu un effet désastreux sur lui. Bien qu'il avait plusieurs siècles d'errance derrière lui, il y avait toujours eu Rebekkah, voire Elijah ou Kol avec lui. Cette fois ci c'était différent. Non seulement aucun membre de sa famille n'était là, mais, en plus, de savoir Hope loin de lui était une véritable torture. Douleur qui réjouissait d'ailleurs le Hollow qui l'incitait à y mettre un terme en essayant de rejoindre sa fille. Les quelques mots de Freya avaient suffit à nourrir en lui des espoirs qu'il croyait perdus. Avait-il ne serait-ce qu'une chance de la revoir ? De les revoir ? Son cœur battait à la chamade. Il remarqua alors que le démon s'était calmé. Il se taisait. Il savait qu'il ne s'agissait que d'un sursis, mais il choisit de le savourer. Il prit conscience de l'état lamentable dans lequel il se trouvait et toqua à la première maison qu'il trouva. Une jeune femme vint lui ouvrir après quelques minutes :
« - Oui ? C'est pourquoi ? demanda t-elle méfiante en entre baillant la porte
- Bonjour madame, je suis profondément désolé de vous réveiller à une heure aussi avancée de la nuit, mais je viens de me faire agresser quelques mètres plus loin. Ils m'ont volé mon téléphone, pensez-vous que je puisse emprunter le votre ? Demanda t-il poliment en prenant la voix la plus douce qu'il put. La jeune femme ouvrit la porte pour constater les vêtements souillés de sang de Klaus. Elle eut un sursaut d'horreur mais il était trop tard. Klaus la fixa et l'hypnotisa. Etes-vous seule dans cette maison ? La jeune femme hocha la tête, le regard perdu dans le vide. Bien ! En êtes-vous la propriétaire ? Nouvel hochement de tête. Encore mieux. Très bien, il ne vous arrivera rien, vous allez m'inviter à entrer et me laisser utiliser votre salle de bain.
- Je vous en prie, entrez donc, répondit-elle en s'effaçant pour laisser passer son visiteur nocturne
- Merci beaucoup. Par le plus grand des hasards, n'auriez-vous pas des vêtements d'homme dans un de vos placards ?
- Mon ex-mari a laissé quelques unes de ses affaires, répondit-elle, le regard perdu, je vais vous les chercher.
- C'est très aimable de votre part. » Répondit Klaus, tandis qu'il visita la maison en quête de la salle de bain.
L'Originel ressortit une demie heure plus tard. Son hôte involontaire lui avait déposer un jean et un tee shirt propre sur le lit. Rapidement il s'habilla et sortit de la maison en jetant un coup d'oeil à son portable. 6H00 du matin. Il avait juste le temps de rentrer à l'hôtel qu'il occupait, récupérer sa voiture pour pouvoir se rendre au café.
Lorsqu'il se gara à proximité immédiate du parc, il prit un instant pour souffler. La perspective de revoir Freya le remplissait d'une grande joie mais aussi du crainte sans limite. Arriverait-il à contrôler on démon ? Et la Sorcière ? Une chose était sure, ses nerfs allaient être mis à rude épreuve. Quel que soit l'idée de sa sœur, il savait que ça n'allait pas être une partie de rigolade. Il soupira et descendit de son SUV pour d'enfoncer dans le parc. Il connaissait l'endroit par cœur et se dirigea immédiatement vers l'établissement qu'il aperçut au bout de quelques minutes de marche. D'un rapide coup d'oeil, il constata que sa sœur ne se trouvait pas au café. Un souffle d'inquiétude mêlé de paranoïa vint souffler sur son esprit. Il avisa une table vide et fit quelque pas en sa direction quand il L'aperçut. Elle. La dernière personne qu'il pensait rencontrer. Pas une seconde il pensa à la coïncidence. D'autant plus qu'elle avait vissé son regard au sien sans ciller. Elle l'attendait. Il fit un pas vers elle et entama le dialogue :
« -Bonnie Bennett … » lança t-il en souriant
