Detective Conan est la propriété de Gosho Aoyama , Shogakukan et tout le tralala, et soit dit en passant merci de poster des reviews ça fait plaisir \o/



I

Ran se retourna dans ses draps. Insatisfaite, elle roula à nouveau sur elle-même. Il faisait chaud. Trop chaud. Elle gardait les yeux fermés,espérant ainsi plonger plus rapidement dans les bras de Morphée. Mais rien n'y faisait; il lui semblait que la température ne cessait de monter. Ses draps étaient trempés de sueur. Elle éprouvait également de plus en plus de difficultés à respirer l'air. Il y avait une odeur de...fumée.

Fumée?

La jeune fille bondit au bas de son lit, prise de panique. Une lueur rougeoyante transparaissait par les joints des portes de ses appartements. D'épaisses volutes de fumée flottaient dans l'atmosphère irrespirable. Ran toussota, enfila la première tunique à portée de main et s'empara d'un mouchoir pour ne pas se laisser asphyxier. Elle ouvrit grand les portes et réalisa, avec un cri d'effroi, l'ampleur de la catastrophe.

Le château était en feu.

Son mouchoir collé contre la bouche, elle se mit à dévaler les interminables escaliers. Elle avait l'impression de descendre droit aux Enfers. Le sang battait à ses tempes, sa gorge était sèche. Des bruits lui parvinrent. Des objets qui se brisent. Le crépitement inquiétant des flammes qui la cernaient de toutes parts. Mais surtout des cris, des cris déchirants, qui finissaient par laisser place au silence de la mort.

La jeune fille était aveuglée par la panique. La sueur coulait sur son front et venait lui piquer les yeux. Ses jambes redoublèrent de vitesse, comme si elles pensaient par elles-mêmes.

Elle finit enfin par atteindre au gré de bien des efforts le hall d'entrée du palais.

Et ce qu'elle y vit lui coupa le souffle.

La première chose qui la paralysa fut la vue des corps. Partout. Jetés en vrac , les uns contre les autres, tels de vulgaires sacs éventrés d'où coulait du sang écarlate. Des pantins inertes en proie aux langues de feu qui les changeaient peu à peu en cendre. Ces mêmes immenses flammes rougeoyantes qui couraient sur le sol tels des serpents animés d'une volonté propre, qui léchaient les murs dont les tapisseries n'étaient plus que poussière, qui détruisaient chaque parcelle de la grande demeure sur leur passage.

L'impression de la Princesse se renforça : c'était bien aux Enfers qu'elle avait échoué. Jamais de sa courte vie l'adolescente n'avait été témoin d'un tel carnage. Incapable de faire un mouvement, elle observait la pièce brûlante, sa poitrine soulevée par sa respiration saccadée. Elle ne réalisait pas ce que ses yeux étaient en train de voir.

Une poutre enflammée se détacha soudain du plafond dans un craquement sinistre. Ran sortit instantanément de son état second lorsqu'elle aperçut la masse noire se précipiter sur elle; n'écoutant que son corps, elle se jeta de côté in extremis. Le sol lui brûla la joue et les coudes, mais ce n'était rien par rapport à ce à quoi elle avait échappé de peu. Sans plus perdre de secondes précieuses à sa survie, elle sauta sur ses pieds et reprit sa course effrénée.

Les rouages de son cerveau fonctionnaient à toute vapeur. Que s'était-il passé ? Qui avait tué tous les gardes, pourtant si bien entraînés au combat et ayant défendu les portes du palais pendant de nombreuses années ? Et, de plus, qui aurait intérêt à s'attaquer à une telle forteresse, et dans quel but ? La Princesse savait, aux dires des domestiques, que jamais personne n'est revenu indemne de cette entreprise depuis des siècles. Pourtant, qui qu'il soient, cette fois, ils avaient accompli leur tâche avec brio.

Elle fouilla dans ses souvenirs. Son père n'avait aucun ennemi particulier, du moins on ne lui en avait pas informé. En cet instant précis, elle aurait aimé pouvoir compter sur sa présence. L'adolescente se sentait perdue et horriblement seule. L'image des corps carbonisés continuait à la hanter tel un spectre s'imposant à sa vue.

Les portes du palais n'étaient plus qu'à quelques mètres. Un soupir de soulagement s'échappa de ses lèvres tandis qu'elle allongeait ses enjambées. Plus que trois mètres...deux...presque...

Les lourdes poignées brûlantes en métal s'offrirent à elle. La Princesse prit une longue inspiration, rassemblant ce qui lui restait de ses forces, et les tira.

Les portes restèrent immobiles.

Le garçon observait le château avec un mélange de crainte et d'ébahissement peints sur son visage. A la place de la structure autrefois imposante qui trônait au centre de la Capitale se trouvait à présent ce qu'il comparait à une torche géante.

Les immenses et majestueuses flammes s'élevaient si haut qu'elles semblaient vouloir atteindre le ciel et brûler les étoiles une par une. De cet incroyable bûcher se dégageait une puissante lumière orangée éclairant à plus de trois kilomètres à la ronde. Cette même lumière qui avait sorti l'adolescent de son sommeil déjà léger. Il avait cru qu'il s'agissait des premiers rayons de l'aurore, mais il avait aussitôt chassé cette idée de son esprit en se rendant compte qu'il n'était que deux heures du matin. Attisé par sa curiosité naturelle, il avait alors bondi de son lit pour se précipiter sur la Grande Place. Il n'avait bougé depuis, totalement fasciné par ce qui arrivait au symbole de son royaume. Le garçon remarquait à peine la présence des badauds terrifiés qui étaient à deux doigts de le prendre par le col pour l'inciter à reculer.

Des ruines enflammées du palais jaillirent soudain des rayons de lumière d'une blancheur éblouissante. L'adolescent mit alors sa main en visière devant ses yeux, eut le temps de proférer une exclamation, et un souffle puissant le fit brutalement décoller du sol.

Ran oublia complètement la notion de sang-froid, dont il n'était plus question, et, hors d'elle, frappa de toutes ses forces les lourds battants en bois; un bois auquel on avait jeté un sort d'incombustibilité et qui était aussi neuf que s'il venait d'être taillé. La seule personne capable de l'ouvrir s'avérait être le portier royal, dont le corps calciné gisait sans doute avec ceux des autres gardes.

Elle maudit de toutes ses forces tout ce qui lui venait à l'esprit, de ses parents perpétuellement absents aux fous qui s'étaient attaqués à ce château, en passant par les portes de bois contre lesquelles elle tambourinait toujours inutilement. Elle ne se rendit même pas compte dans l'immédiat que des larmes salées s'étaient mises à rouler sur ses joues.

Elle se mit alors à suffoquer. L'air était à présent totalement irrespirable, envahi par la fumée nauséabonde qui répandait son enveloppe grise à travers la pièce. Elle se retrouva bientôt la tête contre le sol.

Un instant s'écoula. Au fur et à mesure que les minutes défilaient, Ran se sentait doucement mourir. Elle n'avait plus la force de pleurer sur son sort.

Des pas résonnèrent alors dans la pièce. Secs. Lents.

Bien que dans un état proche de l'inconscience, elle sentait que l'inconnu venait dans sa direction. Le sol vibrait légèrement à chaque fois que ses semelles s'y posaient, à un rythme régulier. Ran ne pensait pas être capable de voir son visage avant de quitter ce monde. Elle frémit à l'idée que la dernière image qu'elle emporterait avec elle seraient ces pieds enveloppés dans de grandes bottes noires qui s'avançaient d'un pas décidé vers elle. Elle allait bientôt perdre conscience, et là, ce serait fini...

La silhouette était à présent penchée sur le corps de la jeune Princesse. Elle eut un rictus dévoilant ses dents blanches scintillant à la lumière des flammes. Un sourire sans joie, malsain.

L'individu secoua alors sa longue chevelure blonde et s'accroupit près du corps inerte de l'adolescente.

Lui empoigna l'avant-bras.

Ran eut alors un sursaut brutal. Elle ouvrit brusquement les yeux ; le souffle lui manquait, son cœur s'était remis d'un coup à tambouriner contre sa poitrine avec une violence inouïe.

Des images, des flashes défilèrent à ses yeux sans qu'elle ne puisse les arrêter. C'était un afflux de lumières et de couleurs tourbillonnantes auxquelles s'ajoutaient des sons mélangés les uns aux autres, qui provoquaient un brouhaha infernal à ses tympans. La douleur fulgurante qui paralysait son bras courut bientôt le long de ses membres, se répandit dans tout son corps. Elle eut l'impression que sa tête allait exploser.

L'homme, lui, éclatait d'un rire sardonique, quasiment dénué d'humanité qui vrilla les oreilles de l'adolescente. Il resserra son emprise, ce qui lui arracha un cri de douleur…mais ce qui eut également pour effet de la sortir de sa transe. Aussi soudainement que si elle avait encaissé un choc électrique. Elle se débattit frénétiquement, et, dans son désespoir, se mit à appeler à l'aide, bien que sachant pertinemment que personne ne l'entendrait. Mais une énergie nouvelle s'était formée en elle. Elle qui avait vu la mort poser ses mains froides sur sa poitrine, se sentait d'un seul coup revitalisée comme si rien ne s'était passé. Cela montait en elle comme un flux, un cours d'eau brûlante qui serpentait dans ses veines, de la lave en fusion dans laquelle se concentraient haine et peur.

L'étreinte sur son bras se desserra quelque peu. L'énergie affluait toujours, toujours plus brûlante.

La dernière chose qu'elle vit fut un éclair aveuglant. Elle sombra dans les ténèbres.

Ébahi, le garçon se redressa sur un coude ; la silhouette du palais avait disparu. Le souffle de l'explosion l'avait projeté à une trentaine de mètres du lieu de l'incident mais il ne souffrait d'aucune blessure. A sa grande surprise d'ailleurs, c'était à peine s'il s'était égratigné aux genoux et au visage.

Il se releva, perplexe, les membres endoloris, et jeta rapidement un oeil au paysage dévasté. Il ne distinguait pas grand chose malgré l'obscurité, mais ce qu'il pouvait voir lui coupait le souffle : les maisons les plus proches avaient été détruites. Des pierres encombraient le passage, éparpillées partout sur le sol. La végétation était loin d'avoir été épargnée; des arbres il ne restait plus que des tas de cendres. Ils avaient été complètement désintégrés. C'était une scène de désolation.

Les badauds jusqu'à présent cachés sortaient de leurs caves de part et d'autre de la place. Les plus courageux venaient constater les dégâts, tandis que d'autres se contentaient de pointer craintivement leur nez au-dehors, craignant que cette explosion ne soit que le présage d'un fléau bien pire qui ne tarderait pas à tomber. Les hommes étaient pétrifiés, les femmes et les enfants pleuraient en silence, les yeux écarquillés par la terreur.

Soudain, Shinichi eut un frisson dans le dos. En un clin d'œil, il disparut sans laisser de traces.

Ses doutes étaient fondés. Il eut l'impression d'avoir avalé un cube de glace. Un trou béant séparait le toit de chaume incandescente en deux. Les murs, dont certains avaient littéralement explosés, donnaient l'impression qu'ils allaient s'écrouler rien qu'en s'appuyant dessus. De part et d'autres se dessinaient d'énormes ouvertures, là où la brique avait cédé. Les poutres avaient également beaucoup souffert et ne semblaient plus très fiables. Quant à l'intérieur, une épaisse pellicule de cendre recouvrait les meubles écrasés par les chutes de briques et de chaume brûlantes. Le sol était jonché de livres éparpillés et salis ; les étagères s'étaient écroulées. Il régnait un désordre aux limites de l'imagination. Shinichi tressaillit en voyant le lit dans lequel il était couché quelques minutes plus tôt brisé en deux par une poutre en bois. Il aurait pu se faire écraser, avec le lit...! Il se demanda si tous les citoyens étaient indemnes, ou si certains avaient eu moins de chance que lui. Il chassa cette idée de son esprit. Ce n'était pas le moment. Il devait se préoccuper de ce qu'il allait devenir, prioritairement. Ce n'était pas de l'égoisme de sa part ; c'était une question de survie. Car, même si sa maison tenait -à grand peine- encore debout, elle était à présent inhabitable. Et rien ne garantissait sa solidité, à présent. Il ne tenait pas à se réveiller le lendemain matin avec une montagne de pierres sur la tête, ou transpercé par une poutre...!

Le garçon poussa un soupir et entreprit de rassembler ce qui pouvait encore être sauvé. Les livres, en particulier, qui empêchaient carrément la circulation. Lui qui y tenait comme à la prunelle de ses yeux, il poussa un soupir en les nettoyant du mieux qu'il pouvait de la pellicule de poussière grise qui recouvraient leurs couvertures dorées. Lorsqu'ils furent soigneusement empilés dans un coin où il ne risquait pas de leur arriver de mal, il se rendit compte qu'il n'avait pas le coeur à continuer ce travail fastidieux. Il sortit prendre l'air tiède de la nuit. Des feux follets avait à présent été allumés un peu partout, au hasard, dans les rues. Il leur arrivait de se déplacer, laissant une zone d'ombre pour aller éclairer un autre lieu, comme indécis.

Plus il s'approchait des lieux de l'accident, plus le nombre de maisons en ruines s'accentuait. Certains faisaient preuve de sang-froid, d'autres se laissaient aller à leur désespoir. Il aperçut de part et d'autres des gardes de Sécurité en train de tenter -sans grand succès- de rassurer la population. Eux-mêmes étaient en état de choc. Shinichi dévia de côté pour en laisser passer deux transportant un brancard recouvert d'une couverture. De cette couverture dépassait un bras livide, ballant. Le garçon essaya de chasser l'image de son esprit. Tous ne s'en étaient pas sortis indemnes.

Ses pas le menèrent bientôt juste devant les décombres de ce qui était autrefois le palais royal. A la place des magnifiques jardins fleuris, un immense cratère obscur. Derrière ce cratère, les décombres du château. Prudemment, le garçon s'avança. Il avait toujours rêvé , depuis tout petit, de pouvoir mettre les pieds dans la majestueuse enceinte de ce palais légendaire, tout en sachant que ce n'était réservé qu'aux habitants de la structure et à quelques rares privilégiés. Il avait encore moins osé imaginer qu'il se retrouverait ainsi démoli. Il n'y avait pas de feux follets dans cette zone, aussi il fit bien attention à ne pas se prendre les pieds dans les débris. Monticules de pierres, tapisseries calcinées, objets de valeur , meubles et bibliothèques remplies d'épais ouvrages se chevauchaient les uns sur les autres. Le capharnaum qu'était sa maison lui sembla bien minime par rapport à ce sur quoi il marchait. Et encore, il n'en voyait que la surface. Il devait y en avoir plusieurs mètres de hauteur!

L'adolescent tendit l'oreille, en quête de bruits autres que le vent hululant dans le lieu fantômatique. Peut-être y avait-il des survivants? Il appela. Seul l'écho lui répondit. Un frisson le parcourut ; mieux valait ne pas plus traîner. L'obscurité lui sembla tout à coup effrayante, comme si elle se refermait sur lui en le piégeant dans son enveloppe. Et l'idée de se trouver peut-être au dessus de cadavres écrasés lui serra la gorge. Il rebroussa chemin d'un pas vif.

Lorsqu' il vit une main.

Une main ouverte, frêle et pâle. Il eut un hoquet de dégoût, puis se ressaisit en voyant qu'elle appartenait à un bras écrasé par une lourde planche de bois. Son coeur se mit à battre la chamade. Il saisit doucement le poignet, malgré les frissons qui lui parcouraient l'échine.

Le pouls de cette personne battait encore faiblement.

Mu par une énergie nouvelle, et s'interdisant par-dessus tout de laisser une âme disparaître, il se jeta à genoux sur les débris sales et entreprit de soulever la planche. Après bien des efforts , elle glissa finalement de côté, dévoilant le reste du membre. Le corps était enseveli sous une couche de décombres, qui fort heureusement n'avait pas l'air d'être trop épaisse. Il redoubla d'efforts, extrayant pierres et cailloux les un après les autres, se salissant des ongles aux avants-bras. Ses cheveux noirs étaient collés par la sueur sur son front humide. Lorsque le dernier débris fut enfin retiré, le corps enfoui apparut enfin sous la lueur de la lune.

Il s'agissait d'une jeune fille. Sa peau d'une paleur fantômatique semblait briller sous la clarté lunaire. Ses longs cheveux noirs, cascadant tout autour de son corps étrangement intact, étaient devenus presque gris par la cendre. Shinichi se demanda s'il ne s'agissait pas d'un ange.