Ete 1978
Un homme massif face à un autre, plus fluet, à peine plus petit. L'un vêtu élégamment, d'un vert émeraude, se tenant droit comme un i, ses cheveux cendrés rassemblés en un long catogan. L'autre, les yeux plissés en une provocation à peine voilée, des mèches de cheveux noirs volant en encadrant son visage bazané, portant un sweat rouge vif.
Ils se disputaient. Violemment. Le plus âgé le frappa d'un geste vif, fendant sa lèvre inférieure qui laissa immédiatement échapper un mince filet de sang. Pas une seule émotion ne traversa son visage émacié à l'expression dure. Il jeta une phrase et fit demi tour, l'air toujours aussi impassible, presque furieux interieurement. Seuls ses yeux de glace laissait transparaître une profonde colère.
Le plus jeune le suivit de ses yeux gris haineux tout en essuyant d'un revers de main son menton collant. Il était mince, admirablement bien bâti, des traits gracieux. Pourtant, tout en lui ne transpirait que rage et hurlements retenus. Cependant, il ne fit que faire demi tour, sa main se portant parfois à sa blessure.
Il grimpa dans les étages lugubres, échappant à un sorte de harpie décérébée, et entra enfin dans une petite partie du grenier qui était probablement devenue sa chambre. Un simple matelas à même le sol, une immense armoire sur un mur nu constituaient l'ensemble du mobilier.
Toujours bouillant de rage, il se laissa tomber sur son lit en respirant profondément, fixant les toiles d'araignées au plafond qui semblaient s'agrandir chaque jour d'avantage. Son haut remonta de quelques centimètres lorsqu'il croisa ses bras sous sa tête, dévoilant une fine ligne de poils noir qui disparaissait sous son jean noir.
Dix minutes plus tard, il se relevait en soupirant presque avec défaitisme, la lueur déterminée cependant encore encrée au fond de ses prunelles oscillant entre l'acier et l'océan. Il prit une porte minuscule qui s'ouvrit sur un salle de bain aux dimensions réduites, comprenant une simple douche et un lavabo. Il avisa son reflet dans un miroir fendu.
Ses doigts sur crispèrent instinctivement sur les rebords de l'évier, les lèvres tremblantes, se retenant sûrement de lancer son poings sur le miroir rien que pour faire disparaître son image. Il passa rapidement son pull par dessus sa tête et déboutonna son jean qui tomba sobrement à ses pieds.
Entré dans la cabine de douche, il posa son front contre le carrelage froid et laissa l'eau lui dégouliner dessus, en une réflexion muette, un relaxation avant une nouvelle bataille. Il finit par l'arrêter et ceignit sa taille d'une serviette crême.
Il ne fallait pas se voiler la face, il était incroyablement beau avec ses hanches étroites, ses muscles dessinés finement, visibles mais pas trop, une peau bazanée comme si il venait de passer deux mois au bord de la mer. Un petit air androgyne, innocent, cependant vite chassé par l'air farouche qu'il portait dans son regard.
Il revint dans sa 'chambre' et ouvrit en grand les portes de sa penderie, jetant au passage un air déçu à la malle prête depuis trop longtemps qui trônait sous la fenêtre. Il enfila une chemise blanche impeccablement lisse et une veste noire à queue de pis qui le fit grimacer. Un pantalon tout aussi sombre et un sort de guérison sur sa lèvre plus tard, il redescendait au rez de chaussé où l'attendait l'homme et une femme qui acquiescèrent le voyant et disparurent aussitôt.
Blasé au possible, il s'assit dans une immense salle aux plafonds décorés d'arabesque , encore vide, et soupira en passant une main dans ses cheveux. Ce soir serait cellé son avenir et il n'avait même pas eu le courage de s'enfuir. Il n'avait même pas su s'opposer à celui qui se considérait comme son père.
Huit heures, les premiers invités qui arrivèrent et l'angoisse sourde qui s'empara de sa gorge ne fit qu'augmenter avec l'égrénation lente de leur noms avant la descente de l'escalier en marbre. Il tremblait légèrement quand le nom qu'il redoutait arriva enfin.
Il n'osa pas immédiatement relever les yeux, mais les visages de ses amis apparurent fugacement et, fier, il la fixa. Et ce qu'il vit manqua de lui laisser échapper un hoquet de surprise. Avant de se ressaisir et de se dire que quoi qu'elle ferait, il la haïrait, rien que pour ce qu'elle représentait. Sa fin.
Elle sembla troublée de ne voir personne s'avancer vers elle et coinça nerveusement une mèche de cheveux blonds derrière son oreille. Elle avait une peau pâle et d'immense yeux gris-vert qui lui donnaient un air rêveur. Elle portait une longue robe bustier verte pastel toute simple et avait construit un vague chignon d'où s'échappait quelques mèches bouclées.
Angoissée comme cela ne devrait pas être permis, elle s'avança vers lui. Il eut la vague sensation qu'elle vacillait dangereusement sur ses hauts talons et que ses fines chevilles se forçaient à ne pas partir directement vers le sol.
" M. Black ?"
Il tiqua vivement à l'emploi de ce nom qu'il n'avait jamais aimé. Il soupira. Au moins il aura passé la soirée en bonne compagnie et elle n'avait pas si laide qu'il l'avait imaginé. Elle devait même probablement être jolie.
" Sirius.
- Enchantée, dit elle en tendant une main qu'il serra avec un temps de réflexion. Je suis Lulanna Harper. Appelez moi Tia."
Il haussa un sourcil aussi haut que cela est humainement possible et laissa échapper un mince sourire qui se répercuta sur elle en largement plus grand et humain.
"Heureuse de vous avoir arraché un sourire. Ma soirée ne sera pas perdue.
- Votre soirée peut être pas. Que pensez vous de votre vie ? Jeta-t-il acerbe."
Il eut la surprise de la voir baisser le visage vers le sol. Elle avait l'air triste et son sourire s'était affadi.
" Je n'ai pas eu le choix, souffla-t-elle. Figurez vous que vous n'êtes pas le seul qui aurait aimé garder votre vie. Je vais mettre les choses au point tout de suite. Mari et femme ne sont que des mots. Je n'ai pas l'intention de laisser tomber mon statut et mes conquêtes par la même occasion."
Sirius en fut soufflé. La jeune fille venait d'exprimer tout ce qu'il pensait en quelques mots. Elle se tenait à présent droite et avait un étrange sourire en coin qui lui rappela, et il s'interrogea plus tard sur cette comparaison, James lorsqu'il voyait Snivellus au détour d'un couloir.
"Et vous savez le pire de tout ? Ils veulent un héritier le plus vite possible ! J'ai même eu le droit à des cours pour ça. Vous vous rendez compte ? DES COURS ! Elle éclata de rire et il la suivit de bon coeur, voyant ce mariage d'un meilleur oeil. Comme si je ne savais pas comment faire..."
Il eut vaguement l'air choqué, s'entendant presque parler comme si il était devenu elle. Ce qui était assez perturbant, vous en conviendrez. Jamais une fille n'avait abordé le sujet aussi librement avec lui, comme si ça n'avait pas d'importance.
Elle se saisit de son bras avec un sourire et, reprenant contenance en un instant, se redressa et chassa les quelques mèches qui encombraient son regard perçant. Il avisa ses parents qui le fixaient au fond de la salle, un petit air satisfait sur leur visage, ce qui lui déplut fortement.
