« Vas-y Acace, sors je te dis ! Il n'y a plus de danger. On les a tous chassés. Ils ont tué nos amis... Je sais, c'est injuste, je sais ! Mais on les a tués à notre tour, et sache que désormais, le continent est sécurisé… Le bain de sang, c'est fini. Viens dans mes bras. »
Locaux secrets – 25 Mars – 01h54 – NUIT
Deux hommes, dans une cage d'escalier sombre, montaient nonchalamment les marches en portant ensemble un gros carton. L'un était grand, élancé et sûr lui l'autre était assez gras, et malgré son jeune âge il n'avait presque aucun cheveu sur le crâne. Il était nerveux, c'était de sa faute si le carton bougeait dans tous les sens.
- Mon père était à la Team Rocket.
- Non ? s'étonna le grand type.
- Si, et du coup j'ai jamais pris au sérieux les organisations criminelles, tu vois… J'étais pas au courant que la Team Tacit existait !
A ces mots, l'homme mince lui lança un regard rébarbatif.
- Voilà, on est arrivés… soupira le plus gros des deux, à bout de forces. Au fait, moi c'est Earl, continua-t-il.
- Ravi de le savoir, jeune recrue, mais tu continueras à t'appeler « jeune recrue » tant que tu n'auras pas passé les deux ans d'ancienneté chez nous, rétorqua alors l'autre.
- Mais ça fait une semaine que je suis des vôtres ! Ça fait encore… cent semaines avant de pouvoir m'appeler Earl ? Oh… geignit-il comme un enfant qu'on envoyait se coucher tôt.
- Exact. Moi ça fait cinq ans, tu dois donc m'appeler Sugas, et respecter mon autorité. Là par exemple, tu dois te taire.
Sugas frappa alors à l'une des cloisons.
- T'es toqué mon gars, c'est l'cas de le dire ! Pourquoi tu frappes au mur, c'est l'dernier étage ! Y'a que des locaux à électricité ici ! fit Earl, moqueur.
Les murs s'écartèrent alors comme le font les portes automatiques d'un centre Pokémon. Earl était fasciné par ce spectacle hors du commun et laissa échapper un long gémissement d'admiration. Des personnes en uniforme de combat s'extirpèrent alors du passage secret, seuls leurs yeux étaient visibles, et laissaient deviner des humeurs belliqueuses. L'un des inconnus, qui tenait une mitraillette, leva sa visière et adressa à Sugas un salut discipliné et respectueux. Il enleva finalement son casque, et alors il n'y avait plus de soldat sérieux, mais plus qu'un jeune garçon de dix-huit ans avec des cheveux noirs rebelles, et un visage très bronzé.
- Bonsoir Sugas. Ce transport est considéré comme le plus important de la décennie. Ça m'étonne que tu aies sollicité une nouvelle recrue pour ça… remarqua-t-il.
- On fait avec ce qu'on a ! répliqua Sugas, en regardant du coin de l'œil sa recrue Earl, qui était toujours choqué par cette petite armée qui avait surgi de nulle part.
- Bon, on va pas s'attarder plus longtemps… s'impatienta le jeune homme au teint cuivré, Sugas tu dois aller au bout du couloir, le boss examinera le contenu.
- Le boss se déplace juste pour examiner le contenu ? s'indigna Earl, toujours essoufflé par le transport du carton. Ah je vous jure, les dirigeants c'est comme les livres dans les bibliothèques, c'est ceux qu'on place le plus haut qui servent le moins !
- Excusez-le, cette recrue ne sait pas quelle affront elle fait au grand chef. Allons chacun de notre côté.
Aussitôt, la troupe en uniforme, y compris le jeune homme bronzé, accoururent dans la cage d'escalier, descendaient à toute vitesse, se sautaient par-dessus dans une chorégraphie simiesque tout en tirant sur les murs avec leurs armes à feu. Sugas vit alors qu'Earl se penchait pour regarder, et tenta directement de capter son attention :
- Bon ! Recrue. On prend le carton et on l'amène au bout du couloir.
- On est go, répondit Earl d'un air motivateur, alors qu'en réalité il était le seul qui manquait de motivation.
Ils entrèrent dans la salle, posèrent le carton, et examinèrent les alentours. Tout était couvert d'un métal blanc luisant et massif, quelques écrans donnaient des informations cryptées, et il y avait çà et là des cages contenant des Ratentif endormis. Des pas venaient d'un coin de la pièce, les deux hommes se retournèrent. Le chef était là. Il était nu, la peau peinte en bleu marine, et dans ses longs cheveux poussaient six cornes de plus d'un mètre chacune. Il fronça les sourcils, ce qui donnait un air plus que menaçant à ses yeux totalement blancs. D'une voix surhumainement grave et puissante, il lança à Earl :
- Tu as commis une faute, recrue…
- Oh, patron, oh m'sieur… bégaya Earl en riant jaune, mais quand j'ai dit ça sur les dirigeants haut placés c'était juste pour faire un trait d'esprit, pour, vous voyez, dire une phrase bien tournée… Je sais bien que vous servez, vous avez plus d'importance que je n'en aurais jamais !
- Tu as commis une faute bien plus grave recrue… Tu as dit un mot interdit, tout à l'heure dans l'escalier !
- Qu… Quoi donc ? s'écria Earl, en reculant comme emporté par un léger courant.
Sagas s'interposa et ouvrit son blouson, puis sa chemise.
- Tu as dit ces mots, expliqua-t-il.
Sur son torse était tatoué « Team Tacit », d'une encre bleu marine.
- Mais ! Monsieur en quoi est-ce interdit ? Je ne suis qu'un minable ignorant qui est incapable de mettre en danger l'organisation ! Même si on m'avait entendu on ne saurait pas de quoi je parle ! balbutia Earl.
- Aucun grain de sable n'est insignifiant, dans le mécanisme d'une montre…
- Holà, bien dit chef, remarqua paisiblement Sugas en reboutonnant son blouson.
- La sentence est le trépas ! Dans ce colis que tu as porté de tes bras fébriles, il y a toute la clé de notre équipe… Toute l'essence de nos idées ! Quand tu comprendras notre plan tu seras en train de mourir !
Il l'attrapa alors de son bras musclé et le jeta sans effort dans un coin de la pièce. Il ouvrit le carton, encore humide de la sueur des mains grasses d'Earl, pour en sortir une fiole. A l'aide d'une seringue il injecta le liquide dans l'un des Ratentif. Le Ratentif devint alors incontrôlable, il était dans une telle rage que ses mouvements manquaient de faire tomber la cage. Il leva le loquet et le Ratentif se jeta sur Earl, qui en quelques secondes se fit déchiqueter vivant par une pauvre bête de niveau 5. Il était encore conscient, mais se vidait de son sang, pendant que le petit Pokémon jouait les lambeaux de peau de ses doigts.
- Tu es viré, recrue. Une fois que nous aurons assez de Pokémon en notre possession nous leur injecterons ce produit fabuleux, ils deviendront alors des Pokémon Tacit… et nous les lâcherons sur le continent… Et nous observons le spectacle depuis nos hélicoptères ! La Terre deviendra un désert, dont les derniers paysages ne seront plus que des carcasses d'humains, et des bâtiments dévastés ! Ensuite nous bâtirons notre empire sur du neuf ! s'égosillait le chef de plus en plus fort, afin de couvrir les cris d'agonie d'Earl.
- Vous oubliez, interrompit Sugas, que pour l'instant nous gardons certains Pokémon Tacit de côté, sur une île. Et pour tester leur hargne, on va y organiser un petit jeu de survie. Si tu avais su tenir ta langue, recrue, tu aurais pu y assister…
Pacifiville – 2 Avril – 14h55 – JOUR
Timmy, le jeune dresseur de Rubis/Saphir/Émeraude, quant à lui, avait fait du chemin. Il avait battu le conseil des quatre et était devenu le Maître Pokémon de Hoenn. Dans toute la région, si un problème de force majeur subsistait, c'était à lui qu'on faisait appel. Il avait entendu parler d'un Pokémon inconnu du Pokédex qui terrorisait les pêcheurs de Pacifiville, et avait décidé d'aller capturer ce poisson.
- Oui, mon bon monsieur, articulait difficilement la doyenne de la ville, ça serait gentil à vous de l'attraper c'te bestiole ! C'est comme un requin !
- Vous en faites pas Madame, vous risquez rien du tout ! fit Timmy, empli de fierté.
Il monta sur son Milobellus, croyant réaliser une mission de routine... Pourtant il s'embarquait dans la pire épreuve sa vie.
