Disclaimer : personnages et univers à JK Rowling, histoire à Bluestocking79, traduction à moi

Résumé : A l'âge de 65 ans, Eileen Prince Snape est la première surprise de découvrir qu'elle a fini par développer un certain intérêt dans le fait d'être une épouse et une mère.

Ceci est la traduction de « Wholly to be a fool », de Bluestocking79. C'est la première fic centrée sur Eileen Snape que j'ai lu et elle m'a beaucoup plu. Je pense qu'il y a des théories intéressantes sans qu'elle soit parfaitement canon, mais de toute façon ce n'est pas l'intérêt ici. C'est une bonne histoire en elle-même, bien écrite, tendre, parfois drôle, parfois triste.
Le texte original est au présent, mais je ne suis vraiment pas à l'aise avec ce temps, j'ai donc choisi d'utiliser les temps du passé pour ma traduction.
De même que j'ai choisi de modifier le titre car les traductions littérales qu'on peut trouver pour « wholly to be a fool » ne sonnent vraiment pas bien en français. C'est l'idée d'être rendu idiot par l'amour. C'est Bluestocking79 qui m'a expliqué, je ne comprenais pas trop l'expression. Elle est tirée d'un poème que je vous laisse en version originale au début de l'histoire.
Enfin, dernière modification : la VO est un one shot. Mais comme c'est un très long OS, j'ai préféré le découper en chapitres.

J'ai pour l'instant traduit la moitié de la fiction, je verrai si ça vaut la meine de continuer selon le nombre de gens que ça intéresse... Mais noooon-euh, je la finirai quoi qu'il arrive ;-P Par contre désolée pour celles qui attendent la suite de Comment capturer un S. ; j'espère vraiment publier un nouveau chapitre avant novembre (je pars en voyage à ce moment pour environ un an) mais je ne pourrai pas la finir dans ce laps de temps...

La version originale de cette fanfiction se trouve sur le livejournal de l'auteur, ici : http : / / bluestocking79 . livejournal .com / 46760 . html Enlevez tous les espaces bien sûr, ou allez chercher le lien dans mon profil. Bluestocking79 comprend un peu le français, j'imagine que vous pouvez lui laisser des commentaires si ce n'est pas écrit en sms

since feeling is first
who pays any attention
to the syntax of things
will never wholly kiss you;
wholly to be a fool
while Spring is in the world

my blood approves,
and kisses are a far better
fate than wisdom
lady i swear by all flowers. Don't cry
—the best gesture of my brain is less than
your eyelids' flutter which says

we are for each other: then
laugh, leaning back in my arms
for life's not a paragraph

And death i think is no parenthesis

--e.e. cummings, "since feeling is first"


Dernière Impasse

par Bluestocking79 , traduit de l'anglais par Siryanne

La lettre arriva par un après-midi ensoleillé de mai, à 15h30.

Eileen Prince regardait au-dehors depuis la fenêtre de sa cuisine, jaugeant l'état de son jardin en même temps que ses mains s'affairaient à la préparation de sa collation de l'après-midi quotidienne. Le printemps avait été exceptionnellement pluvieux et les clématites semblaient bien en danger de périr noyées : la variété Lord Neville n'avait jamais beaucoup apprécié l'humidité. Les aconits quant à eux s'étaient épanouis sous ce climat : Eileen nota dans un coin de sa tête de penser à les tailler avant que ces plantes vivaces ne tentent une invasion guerrière du jardin. La menthe pouliot serait bientôt prête pour la récolte et ses fleurs seraient très demandées : l'excitation due au réchauffement du climat et les romances d'été n'avaient pas leur pareil pour faire ressortir toute l'idiotie et l'inconscience des jeunes filles de tous temps. (1)

Ceci, Eileen l'avait appris à ses dépens.

Elle entendit soudain un bruit derrière elle, un tapotement très faible mais déterminé qui venait de la fenêtre donnant sur la rue, brisant le silence qui régnait habituellement sur le cottage. Ses mains s'immobilisèrent dans leur préparation et elle résista au réflexe d'attraper la baguette enfouie dans sa poche.

Bien qu'Eileen n'eut pas entendu le taptaptap insistant d'un bec de hibou sur le montant de sa fenêtre depuis des lustres, elle reconnut le son immédiatement. Durant la plus grande partie de sa vie d'avant, ce son avait annoncé l'arrivée de courrier : lettres, colis, changements malvenus et mauvaises nouvelles. Les nombreuses années qui s'étaient écoulées depuis n'avaient pas effacé la sensation de mauvais pressentiment qui naissait en elle à chaque fois qu'elle entendait ce bruit.

Malgré la chaleur du soleil qui brillait, Eileen se sentit soudain frigorifiée.

Elle n'attendait, ni ne voulait d'ailleurs, aucune lettre par hibou. Elle avait fui ce monde sans un regard en arrière et s'était recréé une vie qui n'appartenait ni au monde Moldu, ni au monde Sorcier, juste à elle-même. Elle n'avait laissé qu'une chose… une personne… derrière elle, et il ne pouvait rien avoir de bon à lui dire.

Elle finit délibérément de préparer son thé, sans se presser. Elle mit l'eau de la casserole à bouillir avant de se retourner pour aller ouvrir la fenêtre.

Elle se fit la réflexion que ce hibou était un spécimen bien pathétique : une toute petite boule de plumes et de poils affublée de grands yeux jaunes à l'expression niaise. L'animal lui adresse un regard suppliant et lui renifla la main alors qu'elle prenait la lettre où était inscrit son nom : cet étalage éhonté de besoin d'affection l'emplit d'une répulsion instinctive.

« Va-t-en maintenant ! » dit-elle sèchement. « Tu n'obtiendras rien de moi ! »

Le petit hibou afficha un air meurtri mais refusa de bouger du bord de la fenêtre. On lui avait manifestement ordonné d'attendre une réponse à cette lettre.

Merde. Aucune chance d'ignorer ce courrier alors, et c'était exactement ce qu'elle aurait voulu faire. Sa main se crispa nerveusement autour du parchemin. Elle voulait désespérément le réduire en cendre, d'un seul coup de baguette magique, et anéantir ainsi toute chance de lire son contenu.

Mais le hibou restait assis là, attendant sa réponse, plein d'espoir, et bien qu'elle supposa qu'elle pouvait tout simplement lancer un Sort d'Amnésie à l'oiseau et le renvoyer d'où il venait, elle ne pensait vraiment pas que cette histoire vaille la peine d'attirer l'attention du ministère. Officiellement, elle était juste une femme étrange qui vivait seule dans la banlieue d'une ville Moldue et qui dispensait ses remèdes « homéopathiques » infaillibles : elle n'avait aucune envie que le ministère vienne fourrer le nez dans ses affaires.

De plus, si Severus l'avait retrouvée, ce n'était pas un hibou amnésique qui allait le dissuader. Elle se savait lâche mais pas stupide. Et pour autant qu'elle s'en souvenait, Severus ne l'était pas non plus.

Le sang battait anormalement fort à ses oreilles alors qu'elle ouvrait l'enveloppe. Elle lança un regard noir à la lettre qui lui causait une telle réaction, comme si elle pouvait balayer la panique qu'elle ressentait par la seule force de sa volonté. Il était vraiment ridicule d'être effrayée par une bête petite lettre de rien du tout, mais cette constatation n'effaça en rien son appréhension.

L'écriture était ronde et régulière, le style terriblement emprunté, caractéristique d'une élève studieuse. Pourtant ce ne fut pas la présentation de la lettre qui fit qu'Eileen agrippa le dossier de la chaise la plus proche jusqu'à ce que ses phalanges virent au blanc, mais son contenu. Elle relut les mots encore et encore, tentant de les remettre dans un ordre qui leur donnerait un quelconque sens.

Elle pouvait saisir l'information que Severus était gravement malade et qu'il était plongé dans le coma. Elle pouvait même assimiler cette histoire impliquant un énorme serpent venimeux, aussi ridicule qu'elle puisse paraître. Après tout elle ne savait rien de la vie qu'avait mené Severus. Ce qu'Eileen n'arrivait pas à comprendre, c'était pourquoi cette fille, cette Hermione Granger, semblait croire que la présence de la mère du souffrant pourrait être d'une quelconque façon bénéfique.

Des recherches Moldues pointues suggèrent que le meilleur moyen de tirer des patients de leur coma est en leur parlant et en leur faisant la lecture. Les membres de la famille proche sont particulièrement efficaces ; une voix familière comme la vôtre pourrait vraiment aider votre fils , avait écrit cette Granger. Eileen renifla avec mépris en relisant encore une fois cette dernière ligne. Sa voix n'avait rien de familier pour Severus. Comment aurait-elle pu ? Ils ne s'étaient pas parlé depuis plus de vingt ans.

Bien qu'elle se dit qu'elle ne pouvait rien faire pour lui, la souffrance de son fils lui fit ressentir un étrange élan de tristesse. Elle se demanda quel genre de vie il avait bien pu avoir pour qu'il échoue à une écolière d'écrire un courrier aussi sensible et personnel. N'avait-il personne d'autre dans sa vie ? Sa mère, somme toute une inconnue maintenant, était-elle vraiment le seul lien le rattachant au reste de l'humanité ?

L'idée lui parut terriblement triste.

A quelques occasions au cours des années passées, Eileen s'était laissée submergée par l'attrait de la curiosité, le désir de voir ce qu'elle avait manqué. Plusieurs fois, elle avait failli succomber à la tentation de feuilleter un exemplaire de la Gazette du Sorcier, d'en lire les gros titres, d'en parcourir furtivement la rubrique nécrologique, les faire-part de naissance et les annonces de mariage, en cherchant le nom de Severus. Chaque fois, elle s'était retenue juste avant de se laisser aller à de telles bêtises, saisie de peur à l'idée que si elle jetait un regard en arrière ne serait-ce qu'un instant, elle gèlerait sur place.

Elle s'était faite une règle d'or de se refuser le luxe de ressasser le passé.

Cependant, elle pouvait bien s'autoriser de ressentir une curiosité toute naturelle quant à l'homme que son fils était devenu en son absence. C'était l'occasion parfaite de satisfaire cette curiosité : si elle ne la saisissait pas maintenant, elle doutait fort que la chance se représentât un jour. Il lui semblait peu probable que Severus tire un quelconque bénéfice de sa présence, mais si elle n'y allait pas, qui le ferait ? Tobias avait manifestement quitté le tableau : elle ne pouvait imaginer qu'on l'aurait contactée, elle, sinon.

Et peut-être… vraiment peut-être… pourrait-elle trouver le courage de dire certaines choses à Severus pendant qu'il dormait qu'elle n'oserait jamais lui dire autrement. Il ne pouvait pas la détester dans son sommeil, si ?

Malgré le fait qu'Eileen eut pu se trouver un millier de raisons de ne pas s'impliquer dans cette histoire, elle se retrouva à chercher du papier et un stylo pour répondre à Mlle Hermione Granger. Elle était déjà en train de réfléchir à toutes les dispositions qu'elle allait devoir prendre. Le cottage aurait besoin de toutes les protections possibles, naturellement, surtout contre la curiosité des Moldus, et elle était certaine que Maggie accepterait d'envoyer son fils Jamie s'occuper du jardin pour elle.

Eileen était passée maître dans l'art de changer complètement de vie, échappant aux difficultés de celle-ci en s'enfuyant sans jamais un regard en arrière. Mais la fuite ne faisait pas partie des possibilités cette fois.

Contre tout instinct, elle retournait à l'Impasse du Tisseur.

A suivre...


(1) J'ai dû faire des petites recherches pour comprendre ce passage en anglais et proposer quelque chose d'à peu près compréhensible, mais je pense qu'il vous faut tout de même une précision. L'huile extraite de la menthe pouliot (pennyroyal en anglais) a des propriétés abortives : il faut donc comprendre ici que les filles se « laissent aller » en été et ont beaucoup recours à l'avortement par les plantes. Dans la fic hein ! ;-p