C'était un étrange spectacle qui s'offrait aux yeux des travailleurs des rizières aux environs de la ville de Kyoto en ce matin de printemps 1865. Une jeune femme à la peau pâle et aux cheveux sombres avançait d'un pas lent mais décidé à travers la campagne japonaise. Son allure indiquait qu'elle ne venait pas d'ici. Quoique ses vêtements fussent cousus dans des étoffes japonaises de qualité aux couleurs neutres, leur coupe, plus européenne qu'orientale, pouvait être surprenante pour les personnes qui croisaient son chemin. Sa tenue semblait en effet plus appropriée pour un homme que pour une femme. Mais cette voyageuse ne paraissait pas se soucier de la méfiance des japonais envers les gaijin en ces périodes de troubles. Pour tous bagages, elle portait un sac de cuir et un naginata.

À mesure qu'elle se rapprochait de Kyoto, son regard gagnait en détermination. Quand le mur d'enceinte de la cité apparut au loin, elle s'arrêta, et enfila par-dessus sa tenue un ample kimono informel. Après avoir ajusté son chapeau conique pour qu'il la protège mieux du soleil et des regards, elle reprit sa progression vers cette ville qu'elle avait tant de fois vues en rêves, lorsqu'elle préparait son départ.

Quelques chariots et un ou deux kago allaient et venaient à travers les larges entrées principales de bois rouge. La voyageuse décida d'emprunter une des entrées secondaires afin de se faire plus discrète. Elle s'arrêta quelques instants pour inscrire dans sa mémoire la beauté de l'endroit. Elle soupira et un air de tristesse passa sur son visage.

-Toi là-bas! s'écria un des gardes alors qu'elle s'avançait vers la porte.

Elle s'arrêta et se retourna vers son interlocuteur à l'allure imposante qui la regardait sévèrement.

- D'où viens-tu? Que viens-tu faire à Kyoto? reprit l'homme d'un air menaçant.

La jeune femme vit deux autres gardes se rapprocher du premier.

- Je m'appelle Yûna. Je suis venue à Kyoto pour prier au temple de Kiyomizu-dera, répondit-elle simplement.

-Le temple de Kiyomizu-dera, hein? Et pourquoi donc une étrangère viendrait-elle prier à Kyoto avec une arme sur elle?

-C'est que les routes ne sont pas sûres, surtout pour une femme sans escorte. Même les âmes les plus pieuses se doivent d'assurer leur protection. Cependant, reprit-elle, si vous avez la moindre crainte quant à mes intentions, je vous confierai mon arme bien volontiers. Je ne serai à Kyoto que pour une journée. Je pourrais repasser la chercher au moment de mon départ. Je ne doute pas qu'elle est entre d'excellentes mains, et qu'une fois à l'intérieur de ces murs je n'aurais plus rien à craindre grâce à vous et à vos compagnons…, ajouta-t-elle avec un sourire enjôleur au soldat en lui tendant sa lance.

Les trois hommes se concertèrent un moment du regard, mais ils n'attendirent pas bien longtemps.

- Fort bien, dit le premier soldat en s'emparant avec rudesse de l'arme. Circulez.

Il contempla la lame et s'étonna lui-même qu'une étrangère puisse détenir en sa possession une arme d'une telle qualité. Il se promit de garder un œil sur cette dénommée Yûna. Mais déjà, elle avait disparu dans la foule. Les deux autres gardes reprirent leur ronde après que le premier soldat eût déposé le naginata sur une caisse derrière lui. Il eut soudain l'étrange impression que quelqu'un se trouvait derrière lui. Il se retourna aussitôt mais ne vit personne. L'arme, quant à elle, avait disparu.

- Gardes! Gardes! Fouillez Kyoto! Retrouvez cette femme! cria-t-il.

Son intuition première que cette étrange personne n'était pas à Kyoto pour juste prier était donc ainsi confirmée, et quoiqu'un autre eût trouvé inutile de s'inquiéter au sujet des agissements d'une femme seule dans une ville inconnue, quelque chose lui disait qu'il devrait s'emparer d'elle au plus vite. Mais c'était peine perdue. À quelques rues de là, dans l'ombre d'une maison, cachée derrière un chariot, Yûna observait les mouvements des gardes partis dans la mauvaise direction. Elle leva les yeux vers les toits et emplit ses poumons d'air frais.

- Kyoto…

Elle reprit sa route à travers le dédale de la ville en longeant les murs. Elle prenait note au passage de la configuration de la cité, de l'enchevêtrement des rues, ruelles et ponts, se constituant ainsi une carte mentale de la ville. Au détour d'une rue, elle aperçut un grand et élégant bâtiment.

« Nous y voilà, pensa-t-elle. Le Nishi Hongan-ji, les quartiers du Shinsengumi. »

Note de l'auteur :

Un grand merci à ma bêta-reader, O'Cahan, pour tous ses précieux conseils.

J'espère que cette histoire vous plaira. N'hésitez-pas à me laisser vos commentaires positifs ou négatifs.

J'ai essayé de rester aussi fidèle que possible à la chronologie historique des événements. Toutefois, si vous repérez des erreurs historiques ou autres, vous pouvez me le signaler dans les commentaires et je les corrigerai dès que possible.

Disclaimer :

Tous les personnages (mis à part Yûna, Makoto et un ou deux personnages) appartiennent à Idea Factory et Studio Deen. Même Sannan. Hélas…

Pour des fins de cohérence au sein de l'histoire, j'ai dû reprendre certains dialogues appartenant soit aux séries, aux films ou au roman visuel otome 'Memories of the Shinsengumi'.

Toute ressemblance entre mes personnages et des personnages ayant existé est… probablement voulue.