‒ On n'y voit rien, se plaignit Hadia. On aurait dû prendre une lampe de poche.
Ses camarades l'ignorèrent. L'adolescente se renfrogna. Elle aurait de loin préféré arpenter l'île toute seule ! Alors, elle aurait peut-être eu une chance d'observer un Tuit-Tuit, cet oiseau forestier endémique de La Réunion, comptant parmi les les plus rares au monde. Avec le boucan que faisaient les autres, même les peu farouches Zoizo la Vierge fuyaient devant leurs pas. Pourquoi ses parents avaient-ils décrétés que, puisqu'ils étaient amis avec les parents de Mickaël, Émilie et Amédée, leurs enfants devaient nécessairement passer leur vie ensemble ? Hadia n'avait pas besoin de copains, mais de calme ! La compagnie des animaux (elle possédait deux chiens, un chat, trois lapins et un cheval en demi-pension) lui suffisait parfaitement, merci. Et à présent, ces idiots s'étaient mis dans la tête d'explorer une grotte sans aucun matériel ! Encore une idée brillante de Mickaël, benjamin du groupe, aventurier auto-proclamé et cervelle brûlée. Pourquoi les deux autres l'écoutaient-ils ? Si Hadia avait eu un petit frère, elle lui aurait vite montré qui commandait !
‒ Vous allez vous casser la figure ! prédit-elle.
‒ Par ici ! appela Mickaël, continuant à l'ignorer. Je crois qu'il y a un passage.
‒ Et moi, je crois que c'est une mauvaise idée. En plus, la nuit va tomber.
‒ Et alors, tu as peur ? la provoqua Mickaël.
Hadia haussa les épaules. Elle détestait qu'on la traite de froussarde.
‒ Ne viens pas pleurer si tu te casses une cheville en marchant dans un trou, marmonna-t-elle.
Mickaël ne l'écoutait déjà plus. Il avait repris l'exploration du boyau découvert au fond de la grotte. Émilie et Amédée se pressèrent derrière lui, tâtant la paroi des mains pour définir les contours du passage pierreux.
‒ Si ça se trouve, rêva Émilie tout haut, on va découvrir une grotte préhistorique et on deviendra célèbres, comme ceux qui ont trouvé la grotte de Lascaux !
‒ Je te rappelle que nous sommes sur une île volcanique, signala Hadia. Ça m'étonnerait qu'il y ait des vestiges préhistoriques ici.
‒ Ne sois pas négative, la rabroua Mickaël.
L'écho répéta après lui, déformant sa voix.
‒ On dirait que c'est super profond... remarqua Amédée, incertain.
Enfin une étincelle de bon sens… pensa Hadia. Hélas, Mickaël s'empressa de l'étouffer :
‒ Tant mieux ! Ça veut dire qu'il y a vraiment quelque chose à trouver.
Un rayon de soleil orange, descendant sur l'horizon, illumina un instant la grotte dans laquelle ils se trouvaient. Peu profonde, des fougères en dissimulaient l'entrée depuis le chemin de randonnée. De là à croire qu'il s'agissait d'une grotte inexplorée… Fallait pas pousser mémé dans les orties ! Hadia jeta un coup d'œil rapide aux parois de basalte, dépourvues de toute marque distinctive. Une grotte préhistorique, n'importe quoi !
‒ Venez ! les appela Mickaël. Ça s'élargit !
Sa voix était déjà lointaine. Hadia hésita : suivre le groupe, ou les planter là pour rentrer à l'hôtel ? La seconde solution la tentait bien, mais si elle revenait seule, ses parents le lui reprocheraient pendant quinze jours. Et s'il arrivait malheur aux explorateurs en herbe… Avec un gros soupir, elle se décida à leur emboîter le pas. Elle dut ramper au départ du boyau rocheux et grimaça. Elle détestait cette impression d'être enfermée, sans échappatoire possible. Heureusement, deux mètres après, le couloir marquait un coude puis s'élargissait de nouveau. L'obscurité y était totale.
‒ Vous êtes là ? appela Hadia.
Un cri de terreur lui répondit.
‒ Mickaël ?!
‒ Attention, cria Amédée, ça g...
Sa phrase s'interrompit dans un hurlement. Le cœur battant, Hadia s'immobilisa, une main de chaque côté du boyau. Quelque chose n'allait pas !
‒ Ohé ? lança-t-elle.
Seul le silence lui répondit. Une étrange odeur métallique imprégnait l'air.
‒ Je savais que c'était une mauvaise idée, grogna Hadia.
Mieux valait faire demi-tour et prévenir les secours ! Oui, mais si les autres se trouvaient en danger de mort ? Elle fit un pas de plus vers l'avant pour les appeler une dernière fois... et le sol se déroba sous elle ! Avec un cri de terreur, elle se sentit partir en une glissade interminable.
