Publié le 25 février 2015


Titre : Génération perdue.

Rating : M, pour plus tard, parce qu'avec une histoire en période de guerre ça n'est pas rigolo tous les jours.

Disclaimer : J. K. Rowling pour tout, les personnages, l'univers, le contexte.

Pairing : SBRL principalement mais ça viendra dans un moment, un looong moment ! Et d'ici là il y en aura d'autres, susu.

Note : Récemment, j'ai eu envie de lire une fanfiction sur les Maraudeurs à leur sortie de Poudlard, mais voilà, je me suis cassée le nez contre un vide quasi-intersidéral et j'en suis sortie terriblement frustrée. Du coup je m'y suis attelée, essentiellement pour que mon cerveau me lâche les basques à me réclamer des scènes avec les Maraudeurs (et surtout Sirius et Remus, hinhin) au milieu de la Première Guerre alors voilà. Je ne peux que vous souhaiter une bonne lecture et croiser les doigts pour vous aimiez.

Note #2 : Sur internet j'ai pu lire que les Maraudeurs finissaient leur année en 78, mais comme ça m'arrangeait pour le scénario je les ai fait finir un an plus tôt. C'est à peu près tout ce que j'avais à dire !


Chapitre 1
Septembre - Octobre 1977


« 18 septembre 1977
Londres

Patmol,

C'est étrange de t'écrire une lettre alors qu'on ne s'est pas lâché d'une semelle depuis toutes ces années. Je suppose qu'il va falloir s'y habituer, maintenant qu'on n'est plus à Poudlard et que tu as décidé d'aller t'installer à l'autre bout du pays.

L'emménagement à Londres s'est bien passé pour Lily et moi, nos voisins sont des moldus et je dois dire qu'ils sont plutôt sympas. Lily a commencé les cours il y a une semaine à peine et elle est déjà surbookée par le travail. Comme quoi McGonagall ne rigolait pas en disant que les études en Médicomagie faisaient parties des plus sélectives et des plus difficiles. Mais je reste confiant, après tout Lily était la meilleure en Potions de toute notre promo. Quant à moi j'ai encore quelques jours pour profiter des vacances et visiter le quartier. Je ne sais pas encore quel Auror sera mon tuteur, mais j'ai hâte de commencer. Avec la guerre qui empire, j'espère me rendre utile très vite. Je suppose que tu as entendu parler de l'attentat qu'il y a eu aux bureaux du Journal Sorcelin avant-hier ? Lily en était toute retournée – une de ses amies de Poudlard venait juste de commencer un stage là-bas…

Je ne comprends toujours pas très bien ta décision de t'installer dans le monde moldu à l'heure actuelle. Même si tu as dit que ce n'était que le temps de trouver la voie qui te correspond le mieux, je ne suis pas certain qu'il s'agisse d'une bonne idée. Avec la guerre il y a des responsabilités à prendre, et ce n'est pas en partant à la découverte du monde moldu que les choses vont avancer. J'ai du mal à te voir vivre comme eux – sans hiboux, sans réseau de cheminées, sans Quidditch ! Non, franchement, tu me sidères. Mais bon, profite quand même de ton temps libre et passe nous voir un de ces quatre à la maison.

Bien à toi,
James »

PS : Tu sais si Remus a réussi à trouver du travail ? Ça fait un moment qu'il ne m'a plus écrit.

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– Une pinte de Delirium s'il vous plait.

Les yeux posés sur la carte des bières proposées dans le pub moldu dans lequel il se trouvait, Sirius eut une vague pensée nostalgique pour la bièraubeurre sorcière. Il commanda la même chose que son rendez-vous, n'ayant pas la moindre idée de ce dont il s'agissait.

– Et donc, rappelle-moi ce qui t'amène à Fairford, Sirius ? Certainement pas notre église Sainte Mary ou la Royal Airforce, hein ?

Parfois il se posait lui-même la question. Pourquoi avait-il décidé de s'installer dans ce trou du cul du monde moldu, déjà ?

– J'avais envie de tranquillité après avoir terminé mes études secondaires, pour réfléchir à un projet, tout ça.

L'autre, une certaine Ariadne Fenwick, hocha la tête d'un air entendu. Sirius l'avait rencontrée quelques jours plus tôt à la caisse de l'épicerie du village, et cette dernière avait été surprise de rencontrer un jeune homme d'à peu près son âge qu'elle ne connaissait pas. Ariadne lui avait expliqué qu'après avoir grandi ici, elle connaissait tous les jeunes ayant grandi parmi les trois mille cinq cents habitants du bourg. Et elle lui avait proposé de boire un verre au pub de la rue principale.

Le serveur revint avec deux pintes remplies de bière blonde à ras-bord, les déposants sur la table sans ajouter un mot.

Bien qu'un peu mal à l'aise, Sirius était content de s'être fait une connaissance et de sortir un peu le soir. James lui manquait. Remus et Peter aussi. Même Evans, il devait bien l'admettre. Après la fin de leur septième année à Poudlard, Lily et James avaient emménagé ensembles à Londres et lui avaient proposé de venir vivre avec eux. Il avait poliment refusé, estimant être bien assez redevable envers les Potter pour toutes ces dernières années durant lesquelles il avait logé chez eux pendant les vacances d'été. Et puis, il aurait été incapable de survivre plus de deux semaines en habitant sous le même toit qu'une furie comme Lily.

Alors il avait décidé de partir à la découverte du monde moldu, à Fairford, dans le comté du Gloucestershire. C'était Remus qui lui en avait parlé, comme quoi il y avait passé un week-end avec ses parents quand il était enfant. Il l'avait aidé à louer un petit cottage et se procurer de l'argent moldu avant de retourner chez son père pour trouver du travail. Tout le monde avait été étonné lorsque Remus avait annoncé qu'il n'allait pas poursuivre ses études mais entrer dans la vie active – après tout il faisait partie des élèves les plus brillants de leur promotion, si on oubliait ses notes en Potions. La nouvelle avait même mis très en colère Lily, criant au scandale à propos de ces Académies de Magie tellement fermées d'esprit qu'elles préfèrent passer à côté d'un étudiant prometteur.

– Si ça te dit, on peut aller à Bristol pour le week-end ?

Sortant de sa rêverie, Sirius remarqua qu'il avait à peine touché à sa bière et qu'il n'avait rien écouté de ce que lui racontait Ariadne.

– J'ai quelque chose de prévu ce week-end, je vais voir des amis à Londres. Mais peut-être une prochaine fois ?

Il fit mine de paraître navré, mais dans le fond ce n'était pas vrai. Rien ne comptait plus que ce week-end qu'il allait passer chez James.

– Pas de problème, lui répondit Ariadne avec un léger sourire. La semaine je travaille au garage de mon père, mais si jamais ça te dit de bouger un week-end, fais-moi signe.

Sirius avala une gorgée de bière avec prudence, se méfiant des boissons moldues depuis qu'il avait goûté un soda marron hyper-sucré dont il avait oublié le nom. Mais cette fois ci la surprise fut agréable, et bien que le goût n'ait rien de comparable à celui de la bièraubeurre, c'est avec plaisir qu'il prit une deuxième gorgée de sa bière.

– Qu'est-ce que tu fais au garage de ton père ? demanda-t-il, n'ayant pas la moindre idée de ce dont il s'agissait.

– Oh, j'aide un peu. Principalement je rafistole des motos, j'adore ça depuis que je suis toute petite à cause de mon frère qui m'emmenait le week-end faire des balades dans les champs.

– C'est quoi, une moto ?

Il avait demandé ça sur le ton de la conversation, mais à la vue de l'expression qu'Ariadne tira, ce n'était pas une question qu'elle entendait souvent.

– Quoi, sérieusement ? Tu ne sais pas ce qu'est une moto ? répéta-t-elle incrédule.

Sirius fit non de la tête, se demandant s'il avait dit une grosse bêtise.

– Ca alors, c'est la première fois que j'entends un truc pareil ! Tu as dû forcément en voir, l'inverse n'est pas possible. Passe au garage demain si tu as du temps libre, je t'en montrerai.

Sirius accepta l'offre, légèrement revêche à l'idée de s'être fait passer pour un imbécile. Peut-être aurait-il dû prendre l'option Etudes des Moldus après tout, bien que son père ait toujours jugé cette matière inutile et dégradante.

•·.·´¯`·.·•

Londres. Sirius n'y avait plus mis les pieds depuis qu'il avait quitté définitivement le logis familial. Cette ville, son brouhaha, ses foules, ses merdes de chien sur les trottoirs que leurs crasseux de propriétaires moldus n'avaient pas la décence de ramasser, rien ici ne lui avait manqué. Mis à part, maintenant qu'il y vivait, son meilleur ami.

L'appartement dans lequel il s'était installé avec Lily était bien rangé, remarqua Sirius. Rien à voir avec le dortoir qu'ils avaient partagés pendant sept ans et qui semblait décoré des caleçons sales de James jusqu'à ce qu'un elfe de maison vienne les ramasser et les nettoyer dans la nuit de dimanche à lundi. Vivre avec une femme pouvait changer un homme, songea-t-il.

– Alors Sirius, tu te familiarises avec la façon de vivre à la moldue ?

Sirius n'était pas un imbécile, loin de là, et le ton sarcastique de Lily ne lui échappa pas.

– Mmh, ça va. J'ai encore du mal à me faire à certains trucs, comme, euh.

Il marqua un temps d'hésitation, cherchant les bons mots.

– Le four à micronde et le frigidaire.

– A micro-onde, le corrigea gentiment Lily. C'est bien qu'un sorcier ait la curiosité de s'intéresser de près aux moldus. Je trouve ça très admirable.

Bien qu'il se doutât que cela fasse partie de ces compliments que Lily lui disait comme pour rappeler qu'ils avaient enterré la hache de guerre, il lui était reconnaissant. Il avala une gorgée de son thé, se brûlant un peu la gorge.

– Lily s'est inscrite à une association étudiante pour débloquer des fonds afin d'introduire des machines moldues à l'Académie, précisa James en levant les yeux au ciel.

– Il ne s'agit pas de simples machines, James, mais certaines techniques de médecine moldue, couplées avec la Médicomagie, pourraient s'avérer très utiles pour soigner les gens ! répliqua la jeune femme, piquée au vif. Et si les crétins comme toi ouvraient un peu les yeux et s'intéressaient aux moldus, je suis certaine que beaucoup de personnes pourraient bénéficier de l'aide dont elles ont besoin.

Un silence tendu s'abattit sur le petit salon. Sirius n'était même plus mal à l'aise, trop habitué à ces scènes de froid dans le couple de son meilleur ami. Il aurait presque pu parier sur le nombre de minutes qu'ils allaient mettre avant d'arrêter de se faire la tête.

– Vous avez eu des nouvelles de Remus et Peter ? demanda-t-il pour passer à autre chose.

– Remus est assez occupé avec son nouveau travail – ils l'ont pris en période d'essai pour faire les chambres du Chaudron Baveur – et Peter s'occupe toujours de sa mère. Apparemment son état s'est un peu amélioré ces derniers temps, dans sa dernière lettre il avait l'air de dire que d'ici quelques jours la crise serait passée.

Sirius hocha la tête, l'air sombre. Il n'avait jamais été très fana de la correspondance épistolaire, pas très à l'aise avec l'écriture. Il s'était toujours trouvé très faux dans ses lettres, pas naturel. Sauf avec James, avec qui tout semblait plus simple. Pourtant, ses deux autres meilleurs amis lui manquaient aussi terriblement.

Lily annonça qu'elle devait partir à Sainte Mangouste assurer le service du soir, et James l'accompagna jusqu'à la porte d'entrée. Du coin de l'œil, Sirius le vit déposer un baiser dans son cou, s'excusant pour sa remarque déplacée, et Lily désolée de l'avoir traité de crétin. Il détourna le regard quand ils s'embrassèrent, ayant soudainement l'impression de s'immiscer dans quelque chose dans lequel il n'avait pas envie de se fourrer, et se concentra sur sa tasse de thé tiède.

Quand Lily fut partie, James revint s'affaler sur le sofa à côté de Sirius, passant un bras autour de ses épaules et posant nonchalamment ses pieds sur la table basse. Sirius reconnaissait mieux ce James là que celui sagement assis dans son fauteuil avec un mug de thé à la bergamote entre les mains.

– Alors, vieux, tu as rencontré des personnes intéressantes à Fairford ?

– Pas grand monde, en fait. Il y a juste cette fille moldue qui est plutôt sympa, avec qui je suis sorti plusieurs fois. Elle m'a fait essayer un truc complètement dingue, une moto, tu aurais adoré. Mais sinon la plupart de mes relations là-bas se limitent à quelques bovins qui ruminent sous la pluie.

– Tu fréquentes une fille ? demanda James amusé, n'ayant visiblement rien à faire de la moto dont parlait son meilleur ami. Sirius Black aurait-il enfin trouvé une personne digne de son intérêt ?

– C'est juste une amie, c'est tout. Et arrête de dire ça comme si je me plaçais au-dessus de tout le monde, tu sais bien que ce n'est pas vrai.

Silence.

– Même si je dois admettre que mon postérieur est classé comme fameux et bien au-dessus de la moyenne.

– Voyez-vous ça ? Ce n'est pas le souvenir que j'ai de la fois où je t'ai retrouvé les fesses à l'air et à quatre pattes devant la cuvette des toilettes, minauda son meilleur ami, rappelant à Sirius cette terrible matinée où il avait dû courir de la douche aux toilettes après une soirée bien trop arrosée.

Ils passèrent le reste de la soirée à discuter du bon vieux temps en buvant des bièraubeurres jusqu'au retour de Lily. Lorsque, plus tard, Sirius se retrouva seul allongé sur le sofa du salon, il ne put s'empêcher de remarquer que cela avait été la meilleure soirée qu'il avait passée depuis le début du mois de septembre.

•·.·´¯`·.·•

Après un peu plus d'un mois d'installation à Fairford, Sirius était bien plus à l'aise avec son nouveau train quotidien. Il s'était acheté une vieille moto moldue pour parcourir la campagne de la région, filant à toute allure sur les départementales et jetant des sorts de confusion aux radars qu'il croisait sur sa route. Il ne l'aurait pas dit devant James, mais il trouvait ça encore plus euphorisant que de voler sur un balai lors d'un match de Quidditch.

Il s'était aussi considérablement rapproché d'Ariadne et ils avaient pris l'habitude de se retrouver au pub quand elle avait fini de travailler au garage. Elle l'avait même invité à venir manger chez elle un soir, et Sirius avait passé l'après-midi aux fourneaux afin de tenter de préparer un dessert à la moldue pour le repas. Son crumble aux fruits rouges n'égalait en rien celui qu'on leur servait à Poudlard, mais la jeune femme le complimenta poliment après en avoir mangé une coupelle accompagnée d'une boule de glace à la vanille. Sirius, lui, se demanda après trois bouchées s'il n'avait pas oublié de mettre du sucre dans le biscuit.

– Mon ex a tenté de faire un gâteau flambé une fois, lui confia-t-elle alors qu'ils étaient assis dans son salon, quatre shots de Tequila Paf plus tard. Une vraie catastrophe, c'est la table entière qui aurait dû finir en cendres si mon frère n'était pas intervenu !

Sirius commençait à se sentir ivre, entre les verres de vin avalés à table et l'alcool mexicain qui lui réchauffait les entrailles. Il pouvait sentir ses joues brûlantes s'engourdir et il avait du mal à se séparer du large sourire plaqué sur ses lèvres.

Et puis Ariadne reprit la parole, coupant net le calme enivrant dans lequel il était plongé.

– Dis-moi Sirius, tu ne m'as jamais dit, tu as quelqu'un dans ta vie ?

Il lui jeta un coup d'œil, souhaitant soudain se trouver n'importe où mais loin d'ici. La tournure de la conversation ne lui plaisait pas du tout, et la proximité établie jusque-là entre eux lui sembla de trop. Il voulut reculer mais se dit qu'à ce stade-là de la soirée, cela semblerait bizarre qu'il s'éloigne tout à coup. C'est vrai qu'il la trouvait plutôt jolie, avec ses cheveux blond clair mal coiffés et ses lèvres pulpeuses, mais il la voyait comme une amie et n'avait pas envie de gâcher la seule relation qu'il avait à Fairford.

– Je ne suis pas en train de te draguer, Sirius, reprit tout à coup la jeune femme d'un ton beaucoup plus sérieux. Je suis simplement curieuse, c'est tout. Et si ça peut te rassurer, tu n'es pas du tout mon genre, si tu vois ce que je veux dire.

Il la contempla quelques instants, les yeux légèrement voilés par l'alcool.

– Ah. D'accord.

– Ca ne te dérange pas, j'espère ? lui demanda-t-elle l'air soudain suspicieux. Que je préfère les filles ?

– Non non, pas du tout. C'est juste que pendant un instant, j'ai cru que tu allais me faire une proposition, alors je suis un peu surpris.

Puis il éclata de rire et il sentit son corps se détendre, le nœud dans son ventre se défaire. Ariadne lui adressa un sourire reconnaissant.

– Tu aurais vu ta tête ! On aurait dit que tu allais rendre ton repas.

Sirius s'essuya le coin des yeux, quelques bribes de rire secouant encore ses épaules.

– Excuse-moi, c'est la première fois que je bois de cet alcool et je crois qu'il me monte un peu vite à la tête.

Il sentait sa vessie sur le point de craquer et il se redressa maladroitement pour se rendre aux toilettes. Il dut se concentrer pour viser la cuvette – la vraie, pas celle tremblotante qu'il apercevait en périphérie – et se dit que s'il y avait bien une chose que les moldus faisaient mieux que les sorciers, c'était l'alcool. Alors qu'il se bagarrait avec sa braguette pour la remonter, son regard glissa sur les journaux éparpillés sur l'étagère murale au-dessus des toilettes. Un titre attira son attention et il saisit le journal pour mieux le lire.

« Décès d'Amarillo Lestoat, célèbre auteur de Monologue avec un Vampire.

Ce dimanche, l'écrivain vampire Amarillo Lestoat a été retrouvé décapité dans son caveau à New York, alors qu'il venait tout juste de fêter son deux-cent-et-unième anniversaire. Les Shérifs locaux, équivalant de nos Aurors anglais, mènent l'enquête et n'excluent pas la piste d'un assassinat commandité par Vous-Savez-Qui. En effet, Lestoat avait déclaré quelques semaines plus tôt son soutien au Ministère de la Magie et avait invité ses congénères à ne pas rejoindre les rangs des Mangemorts.

Pour en savoir plus sur Amarillo Lestoat et revenir sur sa production littéraire, rendez-vous page 15. »

Cela lui prit quelques secondes avant de réaliser pourquoi le nom de l'écrivain vampire l'avait interpelé. Ahuri, il tourna frénétiquement les pages pour retourner à la première et la calligraphie gothique du titre du journal lui sauta à la figure. Dans ses mains, il tenait un numéro de la Gazette du Sorcier. Le serrant fermement dans ses mains, il retourna dans le salon en précipitation.

– Tu es une sorcière ? demanda-t-il en pointant du doigt le numéro de la Gazette.

Le regard stupéfait d'Ariadne alterna de Sirius à la couverture du journal.

– Qu'est-ce que tu racontes ?

Sa voix n'avait rien de sûre et la panique se lisait dans son regard. Elle se leva du canapé, les mains tremblantes.

– Où est-ce que tu as trouvé ça ?

– Réponds-moi ! cria Sirius.

Il lâcha le journal et sortit sa baguette du fond de sa poche, la pointant sur la poitrine d'Ariadne d'un air menaçant. Il avait peur de comprendre. Elle avait son âge, et pourtant il ne l'avait jamais vue à Poudlard.

– Tu as pris du Polynectar, pas vrai ? Dis-moi qui tu es !

Elle avait les yeux fixés sur sa baguette à présent et avait l'air terrorisé. Sirius jetait des regards partout autour de lui, s'attendant à voir surgir d'autres personnes dans la maison, des complices.

– Arrête, Sirius, couina-t-elle. Ce n'est pas ce que tu crois.

– Ah oui ? Et qu'est-ce que c'est, alors ?

Il pensa à combien il avait été imprudent de s'installer seul aussi loin de ses amis en plein temps de guerre. Après tout il était l'héritier déchu des Black, un traître à son sang, il aurait dû s'attendre à se voir menacer par les Mangemorts après Poudlard.

– Ca, ce journal, ce n'est pas à moi. Je te le jure !

Il la dévisagea, se demanda pourquoi elle n'avait toujours pas sorti sa baguette pour se défendre.

– Mon frère a dû le laisser ici la dernière fois qu'il est venu, reprit-elle en se mettant à pleurer. C'est un sorcier, mais pas moi. S'il te plait, ne me fait pas de mal…

Sous le choc, Sirius abaissa sa baguette. Il la regarda se rassoir sur son sofa, se couvrant le visage et pleurant à grosses larmes. Il rangea maladroitement sa baguette dans sa poche, le cœur tambourinant dans sa poitrine.

– Ton frère ? Mais tu ne m'avais pas dit que c'était un sorcier.

Il resta debout, les bras chancelants, ne sachant que faire. Bien sûr que non, elle ne le lui avait pas dit, puisque lui-même s'évertuait à cacher sa véritable nature. Et maintenant il était rongé par la culpabilité.

– Pardon, je ne voulais pas te faire peur. J'ai cru que…

Ne finissant pas sa phrase, il s'assit à côté d'elle et la prit dans ses bras. Il sentit ses muscles tendus et tremblants sous la paume de ses mains, et il eut l'impression de tenir quelque chose d'extrêmement fragile.

– Je comprends, hoqueta-t-elle, je sais ce qui se passe dans votre monde. Mon frère m'en a parlé, de ce mage noir et de la guerre.

Elle avait arrêté de pleurer désormais, mais ses yeux étaient encore rouges. La gorge de Sirius restait nouée.

– Ton frère ? Celui qui a éteint la table en feu à cause du gâteau flambé ?

Elle hocha la tête, essuyant ses joues trempées du dos de sa main.

– Benjy, confirma-t-elle d'une voix faible en s'écartant de lui. Il vit ici d'habitude, mais il est à Londres depuis le début de l'été.

Sirius se prit la tête entre les mains.

– Quel crétin je suis. Pardon de t'avoir effrayée comme ça.

– Ce n'est pas grave. Toi aussi tu as dû avoir peur.

Il sentit une main se poser sur son épaule et il hésita un instant avant de poser la sienne par-dessus. Ariadne vînt appuyer sa tête contre son épaule et ils restèrent longtemps assis comme ça, silencieux. Après ce qui sembla être quelques minutes aux yeux de Sirius, il se rendit compte qu'elle s'était endormie contre lui. Délicatement, il la prit dans ses bras en faisant attention à ne pas la réveiller et la porta jusque dans sa chambre pour la déposer dans son lit.

En sortant de chez elle, il jeta quelques sorts de protection sur sa porte.

•·.·´¯`·.·•

Heureusement, l'incident ne dégrada pas la relation qui était en train de se tisser entre Ariadne et lui. Sirius était surpris d'apprendre qu'il était ami avec la petite sœur du probablement seul sorcier ayant grandi à Fairford. Son nom ne lui avait rien dit car il ne s'agissait ni d'un sang-mêlé et encore moins d'un sang-pur, mais d'un né-moldu. A vrai dire, il était même soulagé qu'Ariadne ait appris la vérité. Il n'avait plus à cacher sa curiosité face aux us et coutumes moldus devant elle, et elle lui faisait découvrir tout ce qu'il demandait à connaître.

Quand il invita ses vieux amis à venir chez lui pour Halloween, elle passa l'après-midi à l'aider à faire la cuisine – et cette fois il n'oublia pas de mettre du sucre dans le biscuit du crumble. Une heure avant le début de la soirée, elle rentra chez elle afin d'accueillir son frère de retour chez eux, le laissant seul face au four terminant de cuir le flan au potimarron qu'il avait préparé amoureusement. Il était surexcité à l'idée d'une retrouvaille entre Maraudeurs, la première depuis que la fin de l'école les avait séparés. Lorsque quelqu'un frappa à la porte du cottage, il bondit hors du salon pour ouvrir.

– On arrive avec un peu d'avance, mais James devenait vraiment insupportable à tourner en rond dans notre appartement, lui expliqua Lily en lui faisant la bise sur chaque joue.

Peter arriva pile au moment où la grosse pendule du salon sonnait huit heures, ce qui lui valut quelques remarques bien placées de la part de James et Sirius. Ils s'installèrent tous autour de la table basse du salon, et Lily le complimenta sur l'impeccabilité de sa maison. Sirius n'osa pas lui avouer qu'il avait passé la matinée à tout ranger pour qu'ils aient un peu de place pour dormir, chose qu'il n'aurait jamais faite si elle-même n'avait pas été invitée.

– Les mesures de sécurité prises par le ministère sont de plus en plus drastiques, expliqua James un peu plus tard. A partir de la semaine prochaine, il y aura même des Aurors en patrouille constante à la gare de King's Cross, du côté sorcier comme moldu.

– Comment se passe la préparation de ton concours ? lui demanda Peter entre deux bouchées de petits fours.

– Oh, ça va, répondit James sur un ton visiblement beaucoup moins emballé. Au mois de décembre les candidats passeront des examens blancs, mais je ne m'en fais pas trop.

– C'est ça, et Dumbledore est la reine d'Angleterre tant que tu y es ! s'exclama Lily avec sarcasme. Il est insupportable depuis que Fol'Œil lui a dit que s'il ne s'améliorait pas en Dissimulation il se ferait pincer par le premier Mangemort venu, quand bien même serait-il aveugle et dans le noir.

Lily jeta un petit regard victorieux à James, apparemment ravie de briser sa fausse assurance, et Sirius éclata de rire.

Une voix douce qu'il n'avait plus entendu depuis des mois le fit taire aussitôt.

– J'ai toqué plusieurs fois mais personne n'est venu ouvrir, je suppose que vous n'avez pas entendu.

Sirius se retourna avec un grand sourire aux lèvres. Remus Lupin se tenait dans l'embrasure de la porte, un sac dans chaque main et une veste usée sur les épaules. Il avait l'air fatigué et semblait avoir vieilli de plusieurs années durant ces quelques mois. Sirius se leva de son fauteuil et alla le serrer dans ses bras.

– Lunard, ça fait longtemps ! Désolé de ne pas t'avoir écrit souvent, tu sais comment je suis…

– Je sais, Sirius, ça ne fait rien.

Ils restèrent figés quelques instants, se regardant droit dans les yeux, jusqu'à ce que James se racle bruyamment la gorge.

– Tu permets qu'on serre nous aussi notre ami dans les bras, Patmol ?

Sirius s'éloigna en riant.

– Oui oui, allez-y, je vais chercher les plats dans la cuisine en attendant.

Ils passèrent les trois heures qui suivirent à se remplir la pense de salade de maïs, de perdrix à la sauce forestière et de flan au potimarron, complimentant à chaque fois un peu plus Sirius sur ses talents culinaires. Sirius ne vit pas le temps passé et lorsque quelqu'un toqua à la porte une fois le repas terminé, les autres lui lancèrent un regard interrogateur.

– J'ai oublié de vous prévenir, expliqua-t-il en se levant pour aller ouvrir, j'ai invité Ariadne et son frère pour la soirée. Ils mangeaient en famille mais je tenais à ce que vous la rencontriez.

Lorsqu'il ouvrit la porte, Lily et Remus se levèrent poliment pour saluer les nouveaux invités, mais James et Peter restèrent à leur place, le premier les sourcils froncés et visiblement sceptique vis-à-vis d'une intrusion d'étrangers dans une réunion entre Maraudeurs. Ariadne l'embrassa malgré le fait qu'ils aient passé l'après-midi ensemble, et Benjamin lui serra chaleureusement la main.

– Voilà donc le fameux Sirius dont me parle tant ma sœur.

Le timbre de sa voix était grave, peu courant, et Sirius lui retourna son sourire. Il ressemblait énormément à sa sœur, remarqua-t-il, et le dépassait au moins d'une bonne tête.

– Hé, mais je te connais ! s'exclama James en bondissant du canapé. Tu étais poursuiveur dans l'équipe de Poufsouffle, non ?

Benjamin acquiesça et il n'en fallut pas plus pour que James semble l'adopter.

•·.·´¯`·.·•

Après qu'ils aient descendu plusieurs bouteilles de vin dans le salon, Peter salua ses amis avant de rentrer chez lui et le reste des hommes migrèrent dans la cuisine, laissant les filles qui s'étaient endormies sur le canapé déplié pour en faire un lit. Sirius sortit une bouteille de whisky pur-feu qu'il avait mis de côté et en servit un verre pour chacun.

– Les Aurors sont impuissants face aux forces de Vous-Savez-Qui, le ministère essaie bien de cacher leurs bévues dans la Gazette mais au lieu de censurer la presse ils feraient mieux de traquer plus activement les Mangemorts !

Benjamin et James s'étaient lancés dans un débat farouche autour de l'efficacité des Aurors, Remus les écoutant attentivement et Sirius continuant silencieusement de boire.

– N'importe quoi ! s'exclama James avec colère. Les Aurors font tout ce qu'ils peuvent pour endiguer les forces de Tu-Sais-Qui, et je peux te dire que ce n'est pas facile tous les jours, loin de là.

– Ils ont beau avoir toute la motivation et la bonne volonté du monde, les Aurors restent sous le contrôle du Ministère, et c'est là tout le problème. Ils ont des procédures à suivre qui leur font perdre un temps fou, des règles à respecter-

– Alors quoi, tu proposes que les Aurors agissent sans respecter la loi ? Ce n'est pas comme ça que ça marche, de quoi auraient-ils l'air ? De criminels entrant de force dans les maisons des sorciers pour les mettre sens dessus dessous ? Ils vaudraient à peine mieux que les Mangemorts !

– Les circonstances exceptionnelles actuelles justifient une révision de tout ça, les sorciers ont besoin d'actions efficaces contre Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom.

– Je suis bien d'accord avec ça, mais ce dont les gens ont aussi besoin, c'est d'une figure de force qui respecte la justice et les institutions. Qui dit qu'une fois l'ordre rétabli l'autorisation de telles exceptions ne puissent pas se retourner contre eux ?

– Et qui dit qu'en continuant comme ça l'ordre se rétablira ? répliqua froidement Benjy avant d'avaler cul sec son verre de whisky.

Sirius connaissait bien James, et il savait que rien ne saurait le faire changer d'avis sur les Aurors. Qu'une personne comme Benjy lui ait balancé les failles du système à la figure en pleine soirée l'avait profondément froissé, et insister ne faisait qu'empirer les choses. Prétextant avoir laissé Lily seule trop longtemps, il leur souhaita une bonne soirée et partit se coucher dans la chambre de Sirius, qu'il leur avait laissé pour l'occasion.

– James croit en ses idéaux, et il a envie de se montrer utile contre Tu-Sais-Qui, commenta Sirius une fois son ami parti.

– C'est une bonne chose, il faut des gens motivés pour redonner de l'espoir aux autres. Ton ami est quelqu'un de bien, même si son optimisme risque un jour de se retourner contre lui.

Le silence s'abattit entre eux le temps qu'il remplisse à nouveau leurs verres. Remus, dont la tête reposant dans le creux de la main se balançait dangereusement, sursauta légèrement lorsque Sirius le secoua par l'épaule.

– Ca va Lunard ?

– Oui oui, je suis simplement un peu fatigué en ce moment. Je crois que je vais aller me coucher.

– Je vais rentrer aussi dans ce cas, annonça Benjy.

Ils terminèrent leurs verres en silence et retournèrent dans le salon plongé dans le noir. Sirius profita que Benjamin réveille Ariadne pour allumer un feu dans la cheminée d'un coup de baguette et déplier les couettes qu'il avait préparées et mises de côté. Laissant Remus se préparer pour se mettre au lit, il raccompagna ses invités jusqu'à la porte.

– Merci pour l'invitation, c'était vraiment sympa cette petite soirée.

– Y'a pas de quoi, répondit-il aimablement. Tu restes dans le coin pendant combien de temps ?

– Oh, je ne sais pas trop, ça dépendra de mes supérieurs à Londres. Quelques semaines je pense, avec un peu de chance.

Sirius hocha la tête, sentant la fatigue retomber peu à peu sur ses épaules. A l'horizon, il voyait le ciel s'éclaircir de l'autre côté des champs et les oiseaux n'allaient plus tarder à se réveiller.

– Bon eh bien, à la prochaine alors.

Somnolente, Ariadne lui décocha un simple signe de la main et Benjy lui claqua amicalement l'épaule. Fermant la porte derrière lui, Sirius retournant dans son salon éclairé par la lumière du feu et s'écroula sur le matelas déplié du canapé. A côté de lui, Remus qui s'était roulé en boule sous la couette sortit son museau du cocon.

– Tes amis sont sympas, dit-il d'une voix endormie. Ariadne et Lily avaient l'air de bien s'entendre.

– On ne peut pas en dire autant de James et Benjy, rétorqua Sirius en se glissant à son tour sous la couette.

Remus se tourna sur le côté, se mettant face à lui. Sirius le contempla et ne put que constater que son visage s'était creusé et que les cernes qu'il avait sous les yeux lui dévoraient d'autant plus le visage.

– Tu es sur que tout va bien, Remus ? chuchota-t-il, inquiet.

– Oui, ne t'inquiète pas. La pleine lune est dans quatre jours et avec tout le boulot que j'ai à faire je n'ai pas le temps de bien me reposer.

– Comment tu vas faire ? Avec ton travail, tout ça ?

– Je suis obligé de demander deux jours de congé pour rentrer chez mon père, soupira Remus avec lassitude. Je ne peux pas rester sur le Chemin de Traverse pour la pleine lune, c'est beaucoup trop risqué. J'espère simplement que le patron ne sera pas trop rude avec mes absences.

Dans la pénombre, Sirius se rapprocha un peu de lui.

– Tu pourrais rester ici, tu sais. Il y a largement de la place pour deux personnes, et les voisins les plus proches sont à plusieurs kilomètres du cottage.

Il pensait sincèrement ses paroles et s'imaginait déjà Remus vivant à ses côtés, deux Maraudeurs sur quatre réunis sous le toit de la vieille maison de campagne. L'idée lui plaisait sincèrement, et là, au petit matin alors qu'ils avaient passé la nuit à boire et parler, elle semblait terriblement réelle et possible.

– C'est très gentil de ta part Sirius, mais je peux me débrouiller seul. Je ne l'oublierai pas cependant. Merci.

Sirius tenta de cacher sa déception. Pendant quelques secondes, il s'était imaginé tout ce qu'il aurait été possible de faire avec Remus à ses côtés.

– Ne laisse personne te marcher dessus parce que tu es un loup-garou, Remus, jamais.

– Si seulement c'était aussi simple, souffla son ami. Et avec la guerre, les choses sont de pires en pires. Les gens sont capables de choses cruelles lorsqu'ils ont peur, et Tu-Sais-Qui est très fort pour les manipuler et profiter de la situation.

– Je me sens tellement impuissant face à tout ça, lui confia Sirius. James a de bonnes intentions, mais je suis plutôt d'accord avec ce qu'a dit Benjy. Les Aurors sont surmenés et le Ministère n'avance pas assez vite face aux forces opposées. Ici tout est calme, en dehors de ce qui est dit dans la Gazette on dirait que la guerre n'a pas lieu.

– Il faut que tu fasses attention à toi. Tu as un nom dont les Mangemorts pensent que tu as souillé, et te balader dans les rues de Londres ne serait pas prudent.

Sirius ferma les yeux, sentant le sommeil l'atteindre petit à petit.

– Je suis bien ici, mais j'ai envie de me montrer utile. J'ai envie de me battre.

A côté de lui, il sentit Remus se rapprocher de lui pour chercher un peu de chaleur.

– Moi aussi Sirius, moi aussi.

Sirius sombra dans le sommeil. Il rêva qu'il chassait un loup-garou aux côtés de ses ancêtres et qu'un garçon à la voix grave lui rappelait incessamment que son devoir n'était pas là où il le pensait.