Disclaimer : L'œuvre Harry Potter est le fruit du travail de notre bien aimée J.K. Rowling et je ne me fais absolument pas de sous avec l'histoire à venir. Quoique… Non non, je rigole, je rigole.

Avant-propos :Bonjour à toi, lecteur. Oui, je sais ce que tu te dis, « qui c'est encore cette nouvelle emmerdeuse qui vient polluer mon fandom sans même me vouvoyer ? ». Eh bien c'est moi, Ghoz. Étant donné qu'il s'agit de la première fois que je pointe le bout de mon nez par ici, tu es sûrement tombé sur cette page par un pur hasard mais ne t'en fais pas, je vais essayer de faire en sorte que tu n'aies pas à le regretter. Pour cela, je t'invite à lire le petit warning qui se trouve juste en dessous, histoire que tu saches un peu où tu mets les pieds.

Attention, cette histoire est déconseillée aux lecteurs ayant moins de 16 ans.
Cette histoire traite de relations homosexuelles masculines.
Cette histoire est un AR (Alternate Reality), c'est-à-dire que j'ai gardé l'univers de Rowling mais que je l'ai modifié.
Cette histoire est un AT (Alternate Timeline), c'est-à-dire qu'il se déroule à une autre époque que l'œuvre de base.
Cette histoire ne compte aucun personnage inventé mis au premier plan.

Voilà, ça s'est fait. J'espère que je ne t'ai pas fait fuir avec ce warning un peu pompeux mais au moins, tu sais maintenant vers quoi tu te diriges et tu peux partir ou continuer l'esprit un peu plus serein. Du moins je l'espère.

Allez, maintenant c'est promis, je te fiche la paix. On se retrouve en bas.

Bonne lecture :)


Hollande, 1700

Avec un soupir de soulagement, le corps de Neville Londubat s'affaissa sur le pavé luisant. Enfin, sa journée s'achevait. Un sourire béat creusa ses joues rondes lorsqu'il sentit l'humidité du port rafraichir son épiderme brulant et coulant de sueur. A quelques centimètres de l'eau, ses pieds ballaient paresseusement, frôlant la surface ondoyante de la mer.

L'odeur de la morue imprégnait encore ses narines et ses mains et ce fut un simple réflexe que de les frotter contre le tablier tâché d'huile qu'il portait encore. L'été revenait lentement sur la ville, nappant l'atmosphère d'une chaleur moite qui rendait les journées à travailler dans les cuisines insupportables.

Pourtant Neville n'aimait jamais plus son travail qu'en plein été. L'agitation redoublait et son patron s'égosillait à l'en rendre sourd pour couvrir les rires gras et les cris des marins qui fêtaient leur retour au port après des mois d'absence, mais il fallait voir le décolleté de la tavernière, Madame Rosmerta, lorsque la chemise blanche et délassée qu'elle mettait sous son corselet glissait et dévoilait son énorme poitrine constellée par la sueur. Neville rougissait toujours un peu lorsqu'elle se trouvait à proximité mais les mois passés à travailler auprès d'elle lui avait au moins enseigné l'art des coups d'œil furtifs.

Les yeux clos, il savourait la vision des courbes de sa patronne lorsqu'un bruit sec et étouffé résonna soudainement derrière lui. Se redressant d'un coup, il se tordit le dos pour voir ce qui se passait mais ne trouva rien ni personne, si ce n'est les piles de tonneaux qui s'amoncelaient sous les fenêtres des tavernes environnantes.

Il était pourtant certain d'avoir entendu une semelle claquer contre le pavé. Méfiant, il se détourna lentement pour revenir à sa position initiale et fixer l'horizon noir et piqueté d'étoiles qui s'étendait au-delà du port. Il resta immobile une longue seconde, le regard en coin, puis se retourna à nouveau brusquement, dans l'idée de surprendre tout importun qui aurait décidé de le surprendre. Toujours rien.

Rasséréné, il s'autorisa un nouveau soupir en se traitant d'idiot.

« Bouh…

- Aaah ! »

D'un bond, Neville se rejeta en arrière, les yeux ronds comme des soucoupes. Une tête flottante venait d'apparaître à quelques centimètres tout juste de son nez et lui souriait d'un air moqueur derrière une paire de lunettes rondes et une frange noire ébouriffée.

« Q- Qui êtes-vous ? » Bégaya-t-il piteusement en reculant.

- Oh, personne. » Lui répondit gaiement le visage volant en se relevant. Puis sorti du vide, de nulle part, un corps apparut sous cette tête isolée, ainsi qu'une main armée d'une épée qui fit pâlir Neville.

Néanmoins, ce qui acheva le pauvre garçon fut le torse contre lequel il butta à force de reculer et la sensation glaciale d'une lame qu'on pose contre son cou. Il n'y connaissait rien mais il était presque certain que sa jugulaire se trouvait juste en-dessous aussi, il s'arrêta même de respirer.

« Si tu cries encore, je t'égorge. » Chuchota une voix grave et chaude à son oreille.

Face à lui, le garçon aux cheveux noirs s'approchait comme un prédateur, penché en avant, les mains nouées dans le dos. Il lui offrait un sourire resplendissant – et totalement inapproprié dans ce genre de situations – mais Neville n'y prêtait pas attention, obnubilé par la pointe de la lame qui, cachée dans son dos, dépassait tout de même au-dessus de son épaule.

Son rythme cardiaque accéléra à lui en briser les côtes et ses yeux s'agrandirent davantage lorsque lentement, l'inconnu exhiba à nouveau son épée et la pointa dans sa direction.

La dernière pensée de Neville avant qu'il ne ferme férocement les yeux fut qu'il était encore trop jeune pour mourir. Tendu, il attendait de sentir la pointe incisive de cette lame immense déchirer son estomac dans une boucherie digne des histoires de marin les plus horribles. Il imaginait déjà la mine horrifiée de sa grand-mère lorsqu'on découvrirait son cadavre en charpie. Voilà, l'autre n'était plus qu'à un mètre de lui, il allait mourir.

Il sursauta violemment quand un bruit de déchirure retentit – et Merlin, entendre son propre corps se déchirer comme un vulgaire morceau de tissu était un supplice de plus – mais bizarrement, la douleur physique ne fut pas fulgurante, comme il s'y attendait. En réalité, il ne sentait rien. La mort l'avait peut-être fauchée trop vite pour qu'il puisse avoir mal…

Prudemment, il rouvrit une paupière puis l'autre en constatant qu'il se trouvait toujours sur le port et que ses intestins ne se déversaient pas sur le sol.

« Que… »

Il fit un tour sur lui-même, ébahi. Plus personne ne se trouvait là, ni le garçon invisible, ni l'acolyte qui le retenait prisonnier. Immobile, il resta debout un moment sans rien faire avant de sentir une étrange légèreté au niveau de sa ceinture. Plaquant sa main sur sa hanche, il baissa les yeux pour s'apercevoir que sa bourse ne s'y trouvait plus.

Peut-être aurait-il dû se sentir indigné qu'on lui ait ainsi volé tout l'argent qu'il avait si durement gagné mais tout ce qui l'envahit à cet instant fut un profond sentiment de soulagement. Privées de force, ses jambes le lâchèrent et il atterrit sur les fesses, en plein milieu de la ruelle, l'air ahuri.


D'un geste du poignet, Harry fit rebondir le petit sac replet dans le creux de sa main.

« Oh oh, regarde-moi ça frangin, on va s'en mettre plein les poches ~ » S'exclama-il tout guilleret avant se mettre à siffler un petit air de sa composition.

L'autre main dans la poche, il fit plusieurs fois rouler son butin entre ses doigts, fier comme un paon. Dans les rues désertes d'Amsterdam, on n'entendait plus que le tintement des pièces, le sifflement joyeux du voleur et les pas des deux comparses. Du moins…

« Aïe ! »

Exaspéré par l'attitude de son camarade, Ron lui avait asséné une claque sur l'arrière du crâne et en avait même profité pour récupérer la bourse qui bondissait une fois de plus dans les airs.

« Arrête de jouer avec ça. » Grommela-t-il en rangeant leur larcin dans une sacoche qu'il portait lui-même à la taille, près de la dague dont il s'était servi pour détrousser le jeune cuisinier. « Pauvre gars… »

Occupé à se frotter vigoureusement la tête en marmonnant nombre d'insultes à l'égard de son indélicat camarade, Harry redressa la tête et arqua un sourcil.

« De quoi tu parles ? » Grommela-t-il

- Du type qu'on vient de voler. Il avait pas l'air méchant.

- Ah ça… » Fit Harry sur un ton suggestif. « Je suis même étonné qu'il ait pas souillé son pantalon. Enfin, un butin aussi facile, on va pas s'asseoir dessus, hein. Ça doit être mon cadeau d'anniversaire envoyé par Merlin en personne. »

Un sourire amusé étira les lèvres de Ron, tandis qu'ils continuaient d'avancer dans les rues calmes.

« Ça m'étonne de toi.

- Quoi donc ? » D'une façon ou d'une autre, Harry avait déjà réussi à s'approprier l'une des pièces que contenait la bourse avant de se la voir confisquer et s'amusait à la lancer en l'air d'une pichenette contrôlée, la rattrapant immanquablement entre l'index et le majeur.

- Te reposer sur la faiblesse d'une victime. C'est pas ton genre… »

Harry tourna vers lui un regard incrédule.

« Tu me prends pour Robin des Bois là, ou quoi ?

- Certainement pas. Je voulais surtout parler de l'absence de risque que je pensais presque inenvisageable pour ton esprit tordu et suicidaire. »

Harry balaya sa remarque d'un haussement d'épaules et se remit à jouer avec sa pièce. Ils mirent un long quart d'heure à traverser la ville pour rejoindre la majestueuse bâtisse blanche qui se trouvait à l'orée de la ville, là où les routes perçaient les remparts et s'enfonçaient dans les landes et les forêts qui bordaient la ville. Presque plus haute que les fortifications elles-mêmes, elle grimpait sur près de cinq étages et sa façade était couverte de fenêtres. Face à la porte, les deux compères contournèrent la fontaine ornée de statues et de festons sculptés qui trônait fièrement au milieu de la cours, emplissant l'air du gargouillement paisible de l'eau.

Ouvrant les portes du fastueux hôtel à deux mains, Harry pénétra dans le hall comme un conquérant et eut même l'audace de pousser un bruyant soupir de satisfaction. Néanmoins, il vit pour la deuxième fois de la soirée ses élans de grandeur être étouffés par une claque magistrale à l'arrière du crâne.

« Ah ! »

Basculant en avant sous le coup, il se plia en deux mais il ne lui fallut qu'un centième de seconde pour se retourner et tenter à son tour d'administrer un violent coup de poing à son agresseur. C'est une poigne de fer qui para son coup avec une facilité déconcertante, emprisonnant sa main dans une autre bien plus grande et plus forte.

Harry cilla.

« Sirius ?

- Imbécile. »

Son souffle se coupa net lorsque le genou de l'adulte s'enfonça dans son ventre et il ouvrit la bouche sur un cri silencieux avant de s'écrouler à terre, les bras serrés sur son abdomen douloureux. Une quinte l'empêcha de reprendre immédiatement son souffle et il se contorsionna un peu plus, recroquevillé sur le carrelage sous les grands yeux globuleux et inquiets d'un elfe de maison chargé de l'accueil et qui hésitait à intervenir, posté un peu plus loin dans le hall.

Harry mit plus d'une minute à retrouver une respiration suffisamment stable pour lever les yeux vers l'homme tout à coup immense qui le jaugeait de toute sa hauteur, l'air terriblement menaçant sous le rideau sombre des longs cheveux qui retombaient sur ses épaules. Il tenait à la main son épée, ainsi que le fourreau rouge dans lequel elle était sagement rangée.

« L'épée de Godric Gryffondor n'est pas un jouet, Harry. » Gronda-t-il. « Je t'ai dit mille fois de ne pas t'en servir, et encore moins pour aller jouer les brigands en ville ! »

Harry croisa le regard sévère de celui qui se trouvait être son parrain et soupira. Il eut toutes les peines du monde à se relever, une main toujours plaquée sur son estomac, là où un noyau de douleur le faisait encore souffrir le martyr.

« Désolé, Sirius… »

Black le dévisagea un instant avant de secouer la tête, dépité. Ce gosse était irrécupérable.

« Je vais aller ranger ça, » Fit-il en désignant l'épée. « …quant à vous deux, direction la salle de réception et toi, » Il cloua Harry d'un regard d'avertissement. « …tu te tiens tranquille, compris ? »

Puis sans même lui laisser le temps de répondre, il se dirigea à grands pas vers les escaliers en marbre qui menaient à l'étage et aux chambre, avalant les marches deux par deux. Harry le regarda s'éloigner en se frottant le ventre puis reporta son attention sur Ron et la mine à la fois réprobatrice et désolée qu'il lui offrait, les bras croisés en travers de sa large poitrine.

« Quoi ? Tu as vu la tête du type lorsque j'ai sorti l'épée ? » Il haussa les épaules avec un semblant de nonchalance qui aurait presque pu paraitre convaincant sans l'air contrarié qu'il affecta en faisant demi-tour. « Ça en valait mille fois la peine. »

Ron leva les yeux au ciel mais consentit à le suivre.


« Draco, calme-toi. »

Pour toute réponse, le verre de whisky pur-feu vola à travers la pièce et s'écrasa violemment dans le foyer de la large cheminée, faisant bondir les flammes qui enflèrent dangereusement, alimentées par l'alcool.

« Me calmer ? »

Un nouveau verre suivit le chemin du premier et le parquet rougeoya à nouveau.

Imperturbable, Abraxas continuait de s'occuper de la paperasse qui s'accumulait sur son bureau, l'air détendu. Face à lui, Draco avait cessé de faire les cents pas pour se camper au milieu de la pièce et le clouait d'un regard flamboyant de colère.

« Me calmer ? Est-ce que tu te rends bien compte de ce que tu viens de m'annoncer ? »

Il était prêt à exploser, les joues rouges et le nez froissé. Grondant de rage, il se remit à creuser le tapis, tournant comme un lion en cage dans la vaste chambre qu'ils occupaient depuis leur arrivée, la veille au soir.

« Tu aurais dû m'en parler ! »

Avec un soupir, Abraxas récupéra le monocle qui couvrait son œil droit et, sortant un mouchoir de tissu de sa manche, se mit à le nettoyer calmement.

« Je l'ai fait.

- Oh oui ! » S'exclama Draco avec une ironie mordante. « A une heure de leur arrivée !

- Quelle différence si je t'en avais parlé plus tôt ?

- Tu aurais eu le temps de renvoyer cet abruti !

- Que tu le veuilles ou non, Draco, cet « abruti » a reçu la même charge que toi. »

Le jeune homme ricana, sardonique.

« A qui veux-tu faire croire que notre collaboration apportera quoique ce soit de bon ?

- Il n'y a pas lieu de faire croire quoique ce soit à qui que ce soit. Les choses sont telles qu'elles sont. Tu ne peux endosser pareille responsabilité seul.

- Et tu sais à quel point nous sommes incapables de nous entendre. » Persiffla Draco entre ses dents serrées. « Si tu nous envoies ensemble protéger Daphne, là tu pourras être sûr qu'on court à la catastrophe. »

Abraxas balaya les reproches de son petit-fils d'un mouvement négligeant de la main, absorbé à nouveau par la montagne de papiers qu'il manipulait depuis des heures mais qui ne semblait pas s'amoindrir d'un iota pour autant.

« Que veux-tu que je dise d'autre ?

- Dans l'absolu, j'aimerais que tu m'annonces que tout ceci n'est qu'une vaste plaisanterie !

- J'ai beau être complaisant, il ne me viendrait pas à l'esprit de plaisanter sur un sujet pareil. »

Les poings de Draco convulsèrent et il pinça l'arrête de son nez en sentant de nouveaux maux de tête poindre dangereusement entre ses deux oreilles. Il n'arrivait pas à croire que son grand-père ait pu lui faire un coup pareil.

« Renvoie Theodore. » Fit-il d'une voix qui se voulait calme mais sous laquelle sourdait toujours sa colère.

Abraxas se renversa dans son fauteuil et croisa les mains sur son abdomen sans détourner les yeux. Les colères de son petit-fils ne l'avaient jamais impressionné, aussi redoutables fussent-elles. Il le détailla un bref instant et son regard se troubla quand un vague à l'âme se présenta. Draco ressemblait tellement à sa mère lorsqu'il s'emportait.

« Je suis navré Draco, » Répondit-il au bout de quelques secondes. « …mais c'est impossible. Il a besoin de toi comme tu as-

- Je peux très bien m'en sortir seul ! » Rugit le jeune garçon en plaquant violemment ses mains à plat sur le bureau. Celui-ci s'ébranla et d'un moulinet du poignet, Abraxas fit léviter la plume qui venait de tomber pour la ramener près de son encrier.

Insensible aux humeurs de son petit-fils, l'aristocrate conservait un calme admirable. D'un geste machinal, il retroussa sa lourde moustache grise, sur laquelle s'éparpillaient encore quelques reflets blonds suivant la lumière, et replaça son monocle.

« Ta réaction prouve le contraire. » Répondit-il sagement. « Tu agis encore trop souvent sous le coup de tes émotions. »

Draco n'eut pas le temps de répondre à cette accusation que déjà, un « pop » sonore résonnait dans la pièce. Abraxas et Draco tournèrent la tête comme un seul homme vers la petite créature humanoïde qui venait d'apparaitre dans la pièce en grattant nerveusement son mollet droit de son pied gauche.

Sous de grandes oreilles de chauve-souris, un nez très long pointait le sol et les yeux gigantesques de l'étrange animal osaient à peine regarder les deux aristocrates.

« Dobby est désolé de déranger… Mais Dobby vient annoncer à sire Abraxas que le carrosse de Dame Daphne aura du retard. » Draco s'alarma aussitôt.

- Comment ça ? »

Le petit elfe de maison tressaillit, effrayé par l'agressivité inconsciente du jeune garçon, et continua d'une petite voix, le regard désolé :

« Dobby a cru voir un danger sur la route que Dame Daphne empruntait alors pour plus de sûreté, il a été décidé que le cocher ferait un détour. » Fit-il très vite.

Si cette explication ne rasséréna pas complètement le jeune Malfoy, elle eut au moins le mérite d'atténuer l'angoisse qui avait étreint son estomac comme une poigne de fer. Il s'autorisa même un soupir.

« Bien. C'est bien Dobby. » Les yeux du petit elfe s'illuminèrent en entendant le compliment d'Abraxas et il eut toutes les peines du monde à contrôler son sourire. « Tu peux repartir, nous les attendrons. »

La petite créature hocha vigoureusement la tête et disparut, de la même manière qu'elle était arrivée.

« Tu vois bien. » Le vieil aristocrate se tourna vers son petit-fils plus sarcastique que jamais. « Il est incapable de protéger Daphne.

- Et qu'aurais-tu voulu au juste, Draco ? Qu'ils s'engagent volontairement dans ce qui aurait pu être un véritable guet-apens pour que Theodore puisse te prouver sa valeur ?

- Mais il vient de prouver sa valeur. Ils n'auraient pas eu besoin de faire un détour s'il avait été réellement capable de la protéger. » Siffla Draco.

- C'est ce que tu aurais fait ?

- Moi, j'aurais été apte à la défendre !

- Et tu l'aurais mise en danger. » Asséna la voix implacable d'Abraxas. « C'est ce discernement qui te manque Draco. Tu sous-estime le monde entier et c'est bien pour pallier cela que Theodore doit t'accompagner. »

Le jeune homme dut serrer les dents de toutes ses forces pour s'empêcher de faire une nouvelle erreur.

« Encore une fois, je suis navré Draco mais il semble qu'après treize ans, votre confrontation soit désormais inévitable. »

A bout de nerf, le jeune Malfoy se redressa comme un ressort et fit brusquement demi-tour, s'éloignant à pas lourds du bureau. La porte claqua. Abraxas soupira. Les retrouvailles s'annonçaient encore plus compliquées que ce à quoi il s'était attendu.


Au rez-de-chaussée, assis sur le bord d'une des nombreuses fenêtres de la somptueuse salle de réception et le dos appuyé contre l'encadrement, Harry balançait paresseusement sa jambe au-dessus d'un buisson d'hortensias rouges. Perché à deux mètres tout juste au-dessus des jardins, il suivait du regard les résidents qui quittaient l'hôtel ou, au contraire, y entraient enfin après des heures de voyage en berline hippomobile.

Lassé de ce spectacle, il reporta un œil ennuyé sur la salle quasiment vide. Il regrettait presque de voir que Gemma Padley, une jeune employée particulièrement appliquée, ne lui prêtait plus aucune attention. Elle l'avait couvert de son regard le plus noir dès son arrivée, exaspérée depuis longtemps par ses attitudes de malappris, et la voir arrondir de grands yeux indignés lorsqu'il avait osé poser ses bottes sur le bord blanc de la fenêtre avait été un vrai régal pour le jeune homme.

Néanmoins, elle avait depuis pris la décision de l'ignorer pour s'occupait uniquement du reste de ses clients, s'assurant de ses yeux d'aigle qu'ils soient choyés comme il le fallait. Il perdit réellement tout espoir lorsqu'elle quitta son coin de salle pour rejoindre une table où un jeune couple de bourgeois terminait leurs verres. En désespoir de cause, Harry laissa retomber sa tête contre l'encadrement, frustré par cette accalmie inhabituelle. L'ambiance avait rarement été aussi morne et le lieu aussi peu peuplé.

L'hôtel De Witte* faisait partie des monuments les plus « récents » de la ville. Construit dix-neuf ans auparavant grâce aux fonds de Dame Sinistra, le grand bâtiment était un lieu principalement sorcier qui servait de points d'ancrage pour tous les mages nobles attirés par l'intérêt stratégique du vaste port d'Amsterdam.

Par un jeu d'accords ingénieux, Aurora Sinistra avait acquis un véritable monopole sur toute la région car si de nombreuses auberges pour sorciers fleurissaient chaque année le long des berges, aucun établissement ne pouvait se targuer de pouvoir concurrencer le De Witte en matière de luxe sur plusieurs kilomètres à la ronde.

Harry avait eu la chance d'y passer plus de douze ans de sa vie. Aurora était une amie proche de la famille Black ou tout du moins, de son rejeton le plus turbulent, alors quand Sirius était venu frapper à sa porte, un enfant au bout de chaque bras, elle les avait tout de suite accueillis avec sa bienveillance maternelle.

Depuis lors, Ron et Harry organisaient leurs vies autour de l'hôtel et des larcins qu'ils commettaient dans les rues du port, s'attirant les foudres des villageois qui les soupçonnaient depuis longtemps sans pouvoir passer outre le solide bouclier que constituait Aurora. Personne ne s'attaquait à ses protégés.

Néanmoins, si la mère qui sommeillait en elle se plaisait à couver ces deux garnements avec bien plus de conciliation qu'ils n'en méritaient, il en allait autrement pour Sirius qui s'arrachait les cheveux à chaque conséquence désastreuse – et il y en avait… – qu'occasionnaient les délits de ces fripouilles de bas-étage.

Sans compter que ses corrections, aussi sévères fussent-elles, n'avaient jamais suffi à décourager les deux compères sans scrupule. Et c'était aussi pour cela que l'ambiance des soirées du De Witte descendait rarement aussi bas.

Harry avait fermé les yeux de dépit lorsqu'un murmure ébranla les quelques clients qui peuplaient la salle. Intrigué, il rouvrit les paupières sur les femmes qui gloussaient et les hommes qui chuchotaient leur admiration et suivit leurs regards pantois. Le sien rencontra aussitôt la cause de leur trouble.

Un homme à la carrure impressionnante venait de pénétrer dans la salle. De ses cheveux cendrés à son costume élégant, il semblait avoir été sculpté dans un marbre clair et brillant et s'il semblait avoir bien vécu, ses traits restaient inaltérables. Il avait les épaules très larges et l'encadrement semblait tout à coup bien petit autour de sa silhouette massive. Chaussé de bottes en cuir blond, il avait la démarche assurée et le port noble et majestueux. A l'aise comme un lion sur son territoire, il traversa la salle sans se préoccuper de l'attention dont il faisait l'objet.

« Sûrement un noble… » Chuchota une jeune femme à sa complice lorsqu'il passa près d'elle.

Il leur dédia un sourire aimable qui fit rougir leur visage de porcelaine et s'éloigna après un signe de tête poli.

D'abord surpris, les yeux d'Harry se mirent à luire dangereusement lorsqu'il vit cet homme immense prendre place à une table déserte, près de la cheminée, et il bondit sur le sol avec toute la souplesse et la discrétion qui faisaient sa réputation de brigand.

En un clin d'œil, il disparut de la salle comme une ombre, sans attirer le moindre regard. Pas même celui de Gemma.

La dernière heure de la journée approchait et Gemma vit avec soulagement une nouvelle table se vider. Chose rare, la soirée avait été calme mais s'était tout de même étirée sur des heures interminables pour les convives du De Witte. Elle continuait d'ailleurs à s'étirer pour certains noctambules.

Droite comme un « i », les mains sagement jointes sur son tablier, la jeune fille embrassa la salle d'un regard attentif et fier, ravie de voir qu'aucun phénomène du nom de Potter ou Weasley ne soit venu troubler la quiétude des clients durant la soirée.

Ne restait plus que trois courageux résidents qui achevaient leur lecture, installés à chaque extrémité de la salle. La soirée se terminerait comme elle avait commencé : tranquillement.

L'esprit serein et d'humeur généreuse, Gemma se tourna vers le chariot que tous les domestiques tels qu'elle avaient inlassablement baladé entre les tables tout au long de la soirée pour servir leurs clients, et y récupéra trois tasses en porcelaine qu'une théière enchantée avait déjà pris soin de remplir. Les disposant sur un petit plateau d'argent, elle prit le tout dans l'idée de servir une dernière fois les messieurs qui tardaient à aller se coucher.

Elle se retourna et le sourire aimable qui lui mangeait le visage disparut aussitôt, balayé par une expression horrifiée.

Par-dessus l'épaule de cet homme qui avait attiré tous les regards en milieu de soirée, un sourire carnassier venait d'apparaitre. Un sourire familier, que la jeune femme aurait pu reconnaître entre mille.

Les poumons de Gemma se gonflèrent brusquement mais son cri mourut dans sa poitrine quand un stupéfix informulé l'assomma nette. Restée debout, elle avait les yeux vides, la tête tombante et son plateau dans les mains.

Fier de son petit tour de force, Harry, terré bien à l'abri sous sa cape d'invisibilité, rangea sa baguette en avisant les deux autres clients qui, par chance, tournaient non seulement le dos à l'aristocrate blond, mais tout comme lui, semblaient parfaitement absorbés par leur lecture. A tel point d'ailleurs qu'ils ne s'étaient rendu compte de rien, pas même de l'état de la pauvre Gemma.

Dans le silence de la salle, le jeune homme retira sa cape d'un ample mouvement du bras et d'un geste habile du poignet, fit rouler un poignard entre ses doigts, jusqu'à glisser la lame sous le menton du riche aristocrate.

Son sourire s'accentua et il se pencha en avant mais avant qu'il ait pu murmurer quoique ce soit à l'oreille du patricien, un imprévu le pétrifia. La pointe d'une arme venait de se poser contre sa nuque.

Un instant, il pensa à Sirius. Peut-être était-ce là sa bêtise de trop… Non, jamais Sirius n'aurait osé le menacer de la sorte.

« Retire immédiatement ton couteau de son cou. »

Cette voix n'était définitivement pas celle de son parrain et malgré la situation, il s'en sentit soulagé. Son regard, jusque là fixé sur le bord de l'oreille de l'aristocrate où brillait l'argent d'une boucle, se déplaça sur le reste de la salle. Inconscients du drame qui se déroulait à quelques mètres d'eux, les deux autres clients continuaient de lire.

Excité par une brusque bouffée d'adrénaline, Harry ne put s'empêcher de sourire en coin. Son bras bougea et il sentit la pointe effilée appuyer un peu plus fort sur sa nuque. Pour montrer sa bonne fois, il leva les deux mains, mettant ainsi son poignard hors de portée de la gorge qu'il menaçait jusque là.

Il voulut tourner la tête vers son propre agresseur mais une nouvelle pression lui fit comprendre qu'il devait rester immobile.

Derrière lui, il sentit au souffle de l'inconnu qu'il s'apprêtait à alerter le reste de la salle et leva les yeux au ciel. Il adorait cette situation et comprendre qu'elle allait rapidement prendre fin l'ennuyait profondément.

Néanmoins, l'homme qui le tenait en joug n'eut pas le temps de mener son projet à bien car la voix de l'aristocrate s'éleva la première :

« Du calme, Draco. »

Harry sourcilla. Le vieil homme n'avait pas levé la tête de son livre, toujours paisiblement attablé. En revanche, il tenait dans sa main une petite montre à gousset qu'Harry ne se souvenait pas l'avoir vu sortir de sa poche.

« Tu vois cette montre ? » Le garçon cilla en comprenant qu'il s'adressait directement à lui. Par réflexe, il releva à nouveau la tête vers la salle de réception et fut surpris de voir que malgré la voix clair et distincte que l'aristocrate utilisait, aucune tête ne s'intéressait à eux. « Elle n'est pas moldue. »

Un retourneur de temps, en déduisit aussitôt le jeune Potter.

« La salle que tu vois-là est totalement figée. » Il tourna calmement une page de son livre et le jeune brigand vit l'ombre d'un sourire se profiler sous sa moustache. « Je dis ça pour que tu n'aies pas peur de t'exprimer librement. »

Harry tiqua à cette phrase. Peur ? Harry n'avait peur de rien. Si ça avait été le cas, jamais il n'aurait eu le cran de s'en prendre à un riche aristocrate au beau milieu d'une salle de réception, au risque de s'attirer les plus graves ennuis de toute son existence.

« Je n'ai pas peur. » Assura-t-il avec un petit sourire contrarié.

- Tant mieux ! » Se réjouit l'homme en riant, amusé par l'excitation évidente de son agresseur et la cocasserie de la situation. « Alors dis-moi, tu fais bien partie de l'hôtel, n'est-ce pas ? »

Harry ne pensa même pas à se demander comment diable cet homme pouvait savoir cela et répondit par l'affirmative.

« Eh bien. J'imagine que tu avais dans l'idée de m'éliminer discrètement et au milieu de tout le monde pour faire grimper ta popularité auprès des brigands de la ville. »

A nouveau, le jeune Potter fronça les sourcils, contrarié par cette affirmation.

« Je n'ai jamais tué personne.

- Oh… Toutes mes excuses. Alors tu comptais simplement me voler quelques pièces.

- Peut-être plus… » Fit Harry avec prétention.

- Voler, pour quelqu'un qui vit sous la protection d'une riche aristocrate et qui n'en a pas besoin, c'est un passe-temps bien étrange. Mais je suis persuadé qu'elle est au courant.

- Elle ferme les yeux. » Répondit-il en haussant les épaules.

- Je vois. Néanmoins, aussi… courageux, sembles-tu être, il vaudrait mieux pour toi qu'elle n'apprenne jamais rien de ce qui vient de se passer. Alors je te propose un marché. »

Le voleur écarquilla les yeux. Un marché ? Cet homme tenait vraiment à passer un marché avec lui qui venait d'essayer de le voler ?

« Je ne tiens pas à déranger Dame Sinistra avec cette histoire, elle est suffisamment préoccupée comme cela. Néanmoins, je ne tiens pas non plus à être dérangé pendant mon séjour ici. Alors si je ne dis rien à Dame Sinistra, j'attends de toi que tu trouves une autre cible dans l'hôtel. »

Invraisemblable. Tout dans cet homme était absolument et totalement invraisemblable, de son discours à ses réactions, sans parler de ce calme désarmant qui ne trahissait rien. Derrière lui, Harry entendit le garçon qui le tenait en joug faire claquer sa langue contre son palais en signe d'agacement mais il ne sut pas vraiment pourquoi.

« D'accord.

- Bien. »

Le sourire de l'aristocrate s'accentua. Il leva alors une main nonchalante, comme pour interpeller un domestique.

« Draco, s'il-te-plait. »

Il pouvait presque sentir l'indignation de l'allocutaire. Il l'entendit ranger rageusement son épée dans son fourreau et lorsqu'il fut certain qu'il ne lui prendrait pas l'envie de la ressortir pour le mettre en miettes, il se retourna prudemment.

Le visage qu'il rencontra alors lui ôta les mots, l'espace de quelques instants. Les yeux gris en amande, irisés par les lumières de la salle, le fixaient d'un air contrarié et Harry se passionna pour son nez pointu et froissé par l'indignation. Un bien joli minois.

Tout cela ne dura pourtant que quelques secondes et il reprit pied lorsque le garçon face à lui s'anima. Amusé par son expression, il dit :

« Ce n'est pas élégant pour une femme de porter une épée. » C'était totalement tiré par les cheveux, le jeune homme en face de lui n'avait rien d'une femme, juste des traits nobles et délicats, mais il n'avait pas résisté à l'envie d'exciter davantage la colère de cet inconnu qu'il sentait si susceptible.

Avec un sourire chafouin et ravi, il vit son interlocuteur blanchir de colère et empoigner brusquement son épée.

« Eh bien Draco, tu ne vas tout de même pas répondre à une provocation aussi grossière. »

La voix amusée d'Abraxas figea les deux belligérants. Prenant une profonde inspiration, Draco s'efforça de retrouver son calme et avança jusqu'à son adversaire, jusqu'à ce que leurs deux visages puissent se frôler. Harry, toujours souriant bien que légèrement décontenancé par cette soudaine proximité, haussa les sourcils et constata avec amusement qu'ils faisaient exactement la même taille.

« A l'avenir, évite de croiser mon chemin si tu veux garder ta misérable petite tête de voleur sur les épaules. » Gronda Draco en plissant les yeux, avant de dépasser Harry et de quitter la salle.

Il disparaissait tout juste par l'encadrement de la porte lorsqu'Abraxas redonna vie aux derniers occupants de la pièce, un sourire au coin des lèvres.

A suivre ~


Bon alors déjà, merci de m'avoir lue jusqu'ici. Ensuite, j'espère sincèrement que tu as apprécié ce que tu as lu, cher lecteur.

Autre chose. Si tu vois une erreur dans cette histoire, qu'elle soit d'orthographe, de grammaire ou de n'importe quoi d'autre et que tu es en mesure de la rectifier, tu as parfaitement le droit de me taper sur les doigts en rédigeant un petit commentaire rapide ou en me contactant par MP (oui oui, ça aussi tu as le droit). Ne t'inquiète surtout pas à l'idée de m'annoncer que je suis une tâche, on m'a déjà mise au courant. Si tu as aimé et que tu considères que je mérite un encouragement ou que tu as simplement envie de me faire part de ton avis, d'un conseil ou, avec un peu de chance, d'un compliment, tu peux aussi utiliser le cadre blanc qui se trouve tout en bas. Enfin, si tu n'as pas aimé ce que tu as lu, ne te frustre pas, tu as aussi le droit de me le faire savoir. Je ne mords pas, c'est promis )

Ouala, maintenant, je te laisse à tes affaires et je te dis à la prochaine pour le deuxième chapitre :D (enfin, si tu veux toujours de moi après ça).

Ghoz.


*De Witte : La Blanche, en néerlandais.