Déni de justice
Suite à mémoire d'un traître et plaidoyer d'un condamné.
Ecrit grâce à ma petite sœur Kandai.
Rating : M
Les chevaliers ici présents sont à Kurumada, mais il partage un peu.
(Kanon )
Notre combat était fini voila, nous allons nous éteindre ensemble. Je ne sais ce qui me pousse à dire ces quelques mots. Ce qui me pousse à me révéler. Ces quelques paroles, c'est lui ouvrir mon âme. Pourquoi le fais je ? Je le désire c'est tout, je sais qu'il est intelligent, je sais que c'est lui permettre de me connaître mieux que mon propre jumeau.
Il ne dit rien, mais il m'a entendu, je le vois en lui. J'ai touché quelque chose, mais il est trop tard.
Dommage pour nous deux. Pourquoi ? Je n'ai pas de réponse.
Quelque chose me sort de ma réflexion, un cosmos puissant, je le connais, même trop bien c'est Poséidon. Que fait il ici ? Que veut il de plus. Personnellement je m'en fiche. Pourtant je sens son appel.
Il veut me récupérer, me sauver, c'est à se demander pourquoi. Ou alors il ne s'est pas lassé du jouet que je suis. Comme si on n'en avait pas fait assez ensemble, comme si je ne m'étais pas fait manipuler par lui plus que lui par moi.
Il me veut, j'hésite venir pourquoi faire. Je suis las de toutes ces simagrées. Les guerres sont finies non, après le combat aux enfers chacun ira lécher ses plaies en ruminant contre les deux autres dieux.
Et puis merde, j'en ai ma claque de ce bordel. Non je ne reviendrai pas. Il insiste quel lourdaud. Et puis pourquoi moi ? Hein je ne suis pas irremplaçable. Vivre encore, la vie c'est agréable, je suis beaucoup de chose mais pas martyr.
Il me veut, il veut que je vive et que je rentre. Oui, c'est bon ça me va.
Je sollicite ce qu'il me reste de cosmos, je ne pensais pas avoir autant de ressource mais c'est mon cosmos, mon essence et pas le cosmos emprunté à Gémini. L'obscurité se teinte de vagues, comme de l'eau elle m'entoure. Je canalise ma force autour de mon adversaire, j'espère que le contact marin ne lui sera pas désagréable. Je le surveille du coin de l'œil. Non ça a l'air d'aller, sa réaction est bizarre, mais il se laisse faire, en plus il semble vouloir s' y abandonner.
Le dieu des mers est perplexe, et il peut l'être, je souris de plaisir. Oui c'est comme ça, j'ai décidé. N'importe qui dirait que je fais une énorme erreur mais ce n'est pas grave. Oui il a fallu que je le suicide pour le vaincre et alors ? Je suis un marina, oui, où est le problème. Je suis le dragon des mers donc c'est normal.
Je sens le barbu s'interroger, pour une fois c'est moi qui aurai le dernier mot.
« Kanon ? »
« Oui c'est mon nom. »
Je resserre un peu mon étreinte sur le juge.
« Je suis un dragon, les dragons s'attachent à plein de chosed. Les châteaux, les trésors, les îles »
« Oui mais ce truc là c'est une chose bizarre »
La suite se perd dans un rire, Poséidon rend les armes et moi aussi. Je laisse la volonté du dieu me toucher, je me sens bien mieux. Je n'avais pas conscience de ma fatigue, mon aura gagne en intensité. Rhadamanthe vient de s'évanouir. Je le récupère contre moi ; ainsi c'est très bien, j'ai gagné.
J'ai gagné et je suis content de ma victoire car elle est équitable. Pourquoi aurais je été le seul sauvé ? Il le mérite autant que moi. Mon écaille vient me rejoindre mais je m'en fiche un peu. Le sol du sanctuaire sous marin m'intéresse plus. Mes blessures sont presque plus rien, merci au cosmos divin. De notre combat je suis juste un peu fatigué.
Je soutiens mon ex adversaire, réflexion faite je le porte même pas comme un sac à patate. Enfin je suis un dragon hein donc un peu frustre. Ça se porte comment un spectre en plus avec les restes des ailes du surplis ce n'est pas franchement pratique. Sur l'épaule avec les ailes ce ne sera pas facile. A défaut je le porte dans mes bras, de toute façon il a pas l'air prêt à se réveiller. Je nous dirige vers le palais et mon aile d'habitation.
Le domaine respire la présence du dieu mais ce n'est pas ma première préoccupation. J'ouvre la porte de mes appartements avec mon cosmos et je pousse du pied celle de la chambre. Je pose mon fardeau, je ne lui ai pas fait de cadeau, mes mains sont couvertes de sang, de son sang. Je regarde son état général, ce n'est pas brillant, mais je devrais être dans le même délabrement.
Je me débarrasse de ma protection dorée, elle me gène plus qu'autre chose. Après un surplis comment ça s'enlève ? Ne sachant pas je tâtonne et j'ôte les bouts de métal l'un après l'autre.
Ils tombent les un sur les autres avec un bruit de casserole. Il me reste à inventorier les blessures. Non mais c'est une collection ! La prochaine fois je ne me battrais pas comme un bourrin si c'est pour soigner mon adversaire. Je ne suis pas logique, ce n'est pas grave.
Je vais chercher de quoi soigner ce carnage, et des vêtements dans mon armoire. Je commence par quoi ? J'ai repéré deux fractures jambe gauche et bras droit, je vais commencer au plus douloureux pendant qu'il est dans les vapes. Voila c'est fait maintenant il y a le reste, je finis d'enlever les bouts de tissus qui le couvre. Je lave la poussière et le sang, mais c'est qu'il serait beau gosse le premier juge.
Beau gosse mais pas léger, je l'ai porté, j'ai remarqué. Je finis mes soins et voila un autre problème comment je l'habille moi ? Par ce qu'avec ses fractures c'est pas gagné. En désespoir de cause je lui enfile une chemise sans passer le bras cassé par la manche, je remonte la couette. Et voila comment me retrouver avec un blondinet quasi à poil dans mon lit.
Je m'assois sur le rebord. Je suis irrécupérable. Pour un chevalier je passerais pour fou, mais voila je le sais je suis pas un chevalier. Je suis à Poséidon et même si je me débat il en sait plus sur moi que moi-même. Pour avoir côtoyer le sanctuaire d'Athéna je sais la différence entre les chevaliers et les marinas. Chez Athéna les étoiles et les armures choisissent un porteur parmi les potentiels, Ils ne sont chevaliers que par ce qu'elles les ont choisis. Ici c'est plus simple, nous somme des monstres marins à apparence humaine.
Je suis le dragon plus qu'un être humain. Et lui ? Qu'est il vraiment ? J'aimerais qu'il soit comme moi. C'est égoïste mais j'aimerais qu'il soit mon égal. Je l'ai cru un moment et j'espère. Pourtant de par la mythologie je doute, lui il était humain. Sans m'en rendre compte mes doigts effleurent ses cheveux. Je suis nul c'est pas possible. A force de veiller sur le sanctuaire et mes généraux je suis devenu un dragon mère poule. Il a pas l'air trop mal en point finalement. Il est temps que je m'occupe un peu de moi.
Je passe dans ma salle de bain, l'eau chaude en plus d'emporter la poussière et le sang séché me vide la tête. Je me sens épuisé. Je dormirais bien là mais dans la douche c'est pas confortable.
J'attrape un boxer, puis j'essore mes cheveux avant qu'ils ne noient le sol.
De retour dans ma chambre, le whyvern n'a pas repris connaissance. Je fais le tour du lit et je m'installe sur la couette à coté. Mes yeux se ferment touts seuls, j'écoute sa respiration et je m'endors.
(Rhadamanthe)
J'ai perdu, sa phrase tourne dans ma tête
« Je suis un traître, mais j'ai toujours été fidèle à moi-même et à mes idées.
Et vous ? »
Ma défaite est totale et pourtant son cosmos il est doux, c'est bon. Ce n'est pas un geste de pitié mais ça y ressemble de loin. Je suis incapable de comprendre sauf que c'est lui et qu'il est hors du commun. Quelque chose se joue mais je ne comprends pas, je ne saisis pas. Je ressens juste à travers son aura qui m'enserre ses sentiments.
C'est diffus et pourtant c'est pas désagréable, la force de son énergie, quelle volonté, quelle puissance. Je suis étrangement bien là même si ma conscience décline, la douleur s'amenuise. Si c'était lui qui en était responsable, mais c'est juste la mort qui s'approche de plus en plus. C'est fini, enfin je crois.
Je sens sa présence de très loin. Mes sens son trop faible, puis plus rien.
Pourquoi j'ai l'impression de redevenir conscient ? Ce n'est jamais arrivé avant quand je suis mort. Pourquoi cette impression de latence. Mon esprit est tellement engourdi, il me faut un très long moment pour rassembler mes idées. Mes perceptions sont plus fortes. Il y a un léger bruit près de moi, une respiration.
Cela voudrait dire que ? Je suis vivant ? Je veux bouger pour voir, pour savoir quelle est la source de ce bruit. Un élancement de douleur parcourt mon corps brisé. Je crierais si je pouvais mais seul un geignement s'échappe de mes lèvres.
La douleur retombe, immobile mon cerveau se met à fonctionner. Je suis vivant. C'est impossible. Sous moi et autour de moi c'est plutôt douillet comme un cocon. Il flotte dans l'air un parfum que je ne connais pas.
Je prends sur moi pour me relever, mon bras proteste, mes cotes brûlent, le souffle me manque. Rompu par la douleur je retombe sur la couche haletant. Des larmes embrument mes yeux. Un cosmos m'enveloppe, celui du gémeau encore. La douleur reflue. Est-ce lui qui fait ça pourquoi. Quelque chose bouge sous moi. Je serre les dents pour me retourner, je suis sur le coté. Mon regard tombe sur une pièce claire rangée agréable. Ça bouge encore, le cosmos apaise mon corps. Je me laisse aller jusqu'à ce que quelque chose de chaud s'appuie contre mon dos. J'attends la douleur, mais le contact est léger. En y faisant attention je sens un souffle sur ma nuque. Ce serait Kanon ?
Je suis mieux mais j'ai sommeil. J'ai dû avoir une hallucination.
(Kanon)
Je m'éveille lentement, encore dans les brumes chaudes de mon repos j'entends les bruits de dehors. Près de moi, il y a la chaleur de quelqu'un qui dort encore. J'ouvre les yeux, je suis au sanctuaire sous marin. Bizarre je n'amène pas mes conquêtes d'une nuit ici. Puis les souvenirs reviennent. Je tressaille, je regarde à coté de moi comme pour confirmer que c'est réel.
Sans un bruit je me glisse hors du lit, je m'étire, m'habille et regarde le champ de bataille que j'ai laissé hier. Il faudrait que je range un peu. Alors je m'y mets, jusqu'à ce qu'il ne reste que le tas de bouts de ferraille sombre qui me nargue.
J'en fais quoi moi ? Le surplis est resté en pièces détachées sur le sol comme les restes d'un animal mort. Finalement je les emporte dans mon bureau pour les examiner. Le whyvern est vraiment en mauvais état, j'essaie de lui demander de reprendre sa forme mais il reste inerte, comme mort. Je m'interroge, et je finis par vider le caisson de mon écaille pour y porter les pièces de l'armure du juge. Normalement elle devrait mieux s'y régénérer. Je laisse mon écaille à coté.
Il est temps d'aller voir mon… Mon quoi ? J'en sais rien et puis zut c'est pas le moment.
Il semble dormir toujours, j'écarte les draps pour constater ses blessures et refaire les pansements. Je regrette de ne pas avoir de vraie capacité de guérisseur mais je fais ce que je peux. J'insuffle mon énergie sur les lésions sérieuses. Ce n'est pas parfait mais c'est mieux que rien.
J'y suis allé un peu fort ou je l'ai surpris, je suis certain qu'il ne dormait pas. Son regard d'or me met mal à l'aise aussi je m'esquive le plus vite possible. Pourtant il faudra bien que je repasse dans ma chambre.
Au détour d'un couloir je hèle un serviteur et lui demande de porter un plateau de nourriture au jeune homme dans ma chambre. Et je vais faire un état des lieux de tous ce que j'ai laissé en suspend pour cette bataille contre Hadès. Je hais les papiers, la gestion du domaine c'est agréable, mais ce monceau de paperasse idiote c'est l'enfer. Je vais en avoir pour un moment.
Les heures passent je demande une collation que j'engloutis le nez dans mon travail. J'ai l'impression d'avoir omis quelque chose, mais quoi, ça me reviendra plus tard.
Rhadamanthe a le bras droit cassé, mais qu'est ce que je peux être stupide des fois. J'ai comme l'impression que cette bourde je vais m'en souvenir. Je lâche la commande de fourniture de bureau que je remplissais, elle attendra et puis qui en a besoin sous la flotte.
Je regagne la chambre, le lit est défait, le plateau sur la table de nuit n'a pas était touché et il n'y a personne. Par Poséidon et ses blagues foireuses il est passé où l'éclopé. Je jure à faire rougir un pirate et je sorts par la porte fenêtre. Si je devais fuir c'est par là que je passerais.
J'arpente ce coin du domaine, bon sang il est où ? J'élargis mes recherches et je l'aperçois enfin, mais c'est qu'il est allé loin l'animal. Je le rejoins sans me hâter, avec une jambe cassée c'est à se demander comment il a fait. Visiblement il s'est donné du mal, la chemise qui m'a prise et le pantalon sont couverts de poussière et accrochés.
« Je peux savoir ce que tu fais ? »
Il ne me répond pas mais son regard et c'est celui d'un guerrier prêt à en découdre.
« Mais tu vas pas te battre dans cet états et puis te battre pourquoi ? Pour qui ? La guerre est finie, les enfers sont en ruine d'après Poséidon »
« Qu'est ce que ça peut te faire laisse moi. »
« Te laisser ? Pour que tu te noies ou que tu meures bêtement. »
Mais quelle bourrique, une voix raisonne dans mon esprit « Tu as commandés mes dvd ? Je les reçois quand ? ». Mais c'était quoi cette journée de dingue ? Je ravale la réponse que j'ai au bout de l'esprit et grogne. Dire à Poséidon qu'il peut s'asseoir dessus ce n'est pas la meilleure réponse à faire. Déjà que la patience n'est pas ma principale qualité.
« Viens je te ramène, c'est un exploit d'être arrivé ici. »
Je passe un bras autour de la taille du juge pour le soutenir, ce qui serait parfait si il ne se débattait comme un beau diable.
« Kanon mes dvd ? »
Mais ils vont le lâcher ces deux abrutis ? Merde j'en ai rien à faire de ses dvd.
« Ça suffit ! »
La réponse est valable pour les deux, je raffermis ma prise sur le juge récalcitrant et le jette sur mon épaule pour rentrer au palais. Poséidon lui me fait la grâce de se taire. C'est presque bien, si je ne venais pas de recevoir un coup de genoux dans le ventre. Je maugrée et serre les dents, je me retiens de démolir mon captif qui tambourine sur mon dos.
« Mais t'es le spectre de l'anguille ou quoi ? »
Ma patience vient de se faire la malle, j'abats une claque retentissante sur les fesses de mon passager et gagne à grandes enjambées mes appartements. Je dépose le spectre sur le lit quand une voix s'élève. Je réponds d'un rugissement.
« Quoi encore »
Le serviteur se fige, bredouille que le repas sera bientôt servi. Avec un geste las je le congédie et reporte mon attention sur le juge. Il n'est pas de première fraîcheur. Je fais un détour par la salle de bain pour récupérer de quoi le décrasser quand un bruit sourd accompagné d'un gémissement me fait accourir. Mon regard détaille le whyvern qui est tombé du lit, une lueur meurtrière passe un instant dans mes yeux puis je vais ramasser cet encombrant blessé.
« Mais pourquoi ? » Je pense à haute voix.
Tout à coup il me paraît un peu plus coopératif, je déchire la chemise et fait glisser comme je peux le pantalon avant de commencer mon travail de toilettage. Sans autre incident j'arrive à avoir une Vouivre toute propre en pyjama dans mon lit.
Je vais enfin pouvoir souffler et peut être même m'offrir un verre bien mérité quand une tornade bleue entre sans frapper.
« Kanon tu as reçu mes livres ? »
Avec un soupir de fin du monde je regarde mon dieu. Et parts chercher dans mon bureau mais je reviens immédiatement. Ce qui me surprend le plus c'est l'air absorbé avec lequel il détaille le spectre.
« Drôle d'idée de l'avoir ramené, Machiavel préconisait d'éliminer toute la famille du prince vaincu. Pourquoi t'encombrer d'un juge de mon frère ? Autre fois en temps de guerre c'est les femmes qu'on ramenait captives. T'as vraiment de drôle de goût kanon. »
Rhadamanthe tressaille à l'observation du dieu et détourne le regard. Je suis sur le point de m'étrangler, il pense à quoi le barbu ?
« Enfin si t'aimes pas les femmes, il fera l'affaire »
« Vous avez bientôt fini de débiter des âneries ? Ou vous avez un record à battre ? »
« Et mes dvd ? Et je voudrais le nouveau modèle d'écran plat le plus grand de la marque Toya. Et puis j'ai besoin des nouveaux livres sortis ce mois ci et l'accordeur c'est perdu. Tu me prêteras ton jouet, je veux savoir ce qu'il a de si bien. »
« Alors l'accordeur soit il se retrouve tout seul soit je l'étrangle avec les cordes du piano, vos livres les voila et vous allez arrêter de me rendre chèvre avec vos dvd, votre écran et mon juge ! »
« Chèvre ? T'es déjà un dragon. Tu ne manques pas un peu de patience aujourd'hui ? »
« Si elle se compte en négatif, et elle frise le zéro absolu.»
« Un dragon chèvre c'est un nouveau concept. »
« Vos livres et tuez vous avec ! »
« T'es pas amusant mon dragon. C'est parce que t'as un dragon femelle dans tes draps ?»
Mais c'est quoi cet intérêt soudain pour le whyvern ? Femelle ? Décidément l'humour du dieu marin est une horreur.
« J'ai entendu Sorrente qui vous appelle »
« Mais non j'ai rien entendu »
« Moi je vous dis que oui »
Quand le poison marin lève le pied de la chambre, je pousse un soupir face au serviteur qui porte le repas de mon ôte. Je n'aurais pas une minute à moi.
Je récupère le plateau que je dépose sur le lit, regarde mon blessé qui évite soigneusement mon regard. En désespoir de cause je me saisis des couverts pour découper les aliments comme pour un enfant.
« A nous, et tu vas pas me casser les pieds 107 ans. Je te préviens »
Je présente une première bouchée à mon éclopé. C'est pas tout à fait commun le grand méchant dragon des mers qui donne la béqué au vilain juge d'Hadès, enfin au point ou j'en suis. Un détail me saute aux yeux tout à coup, depuis quand le blondinet est devenu timide comme un chaton ? J'ai dû rater quelque chose. Enfin si il mange je suis contant. C'est presque avec reconnaissance que je donne une deuxième bouchée puis une troisième au spectre. Je finis de lui donner son repas en silence, presque calme.
Si Rhadamanthe y met du sien, les jours à venir seront supportables. Je prie intérieurement pour que ce soit le cas.
(Rhadamanthe)
Après le repas le gémeau était parti pas très loin mais assez pour que je puisse m'abandonner dans les oreillers. Le regard perdu sur le plafond je remets un peu d'ordre dans mes pensées et cette journée.
En me réveillant j'ai voulu partir, partir où d'ailleurs comme Kanon me l'a confirmé les enfers n'ont pas besoin de moi. Et je n'ai nulle part où aller. Les enfers, ma charge de juge, c'est toute ma vie, ma seule raison d'être.
Je me suis débattu, je l'ai provoqué, je n'aurais jamais pensé m'en sortir vivant. Enfin si ce que l'on raconte sur Kanon est exact. Je ne sais plus vraiment. Il lui aurait suffi de quelques secondes pour se débarrasser de moi, quelques instants et une once de cosmos. Pourquoi alors ?
Il n'est pas comme les gens le décrivent, c'est un guerrier fort, fier, violent non il manque juste de patience. Si il avait été violent rien de l'aurait empêché de me battre comme plâtre pour mon entêtement. Je ferais aussi bien à l'avenir d'éviter de dépasser la patience du gémeau. Le premier juge d'Hadès vaincu par une claque sur les fesses, si ça venait aux oreilles de mes deux frères ils en mouraient de rire.
Mais pourquoi voulait il me sauver. Les mots de l'empereur marin raisonnent dans ma tête. Autre fois c'était les femmes que les guerriers ramenaient en esclave, on épargnait la servitude aux hommes de hautes lignées. Était ce pour cela que Kanon l'avait ramené. Comme un trophée, pour avoir comme esclave un juge.
J'ai sans doute eu tort de le penser trop fier pour une telle bassesse. Je ne connais rien de lui, ou si peu. Un homme qui ne craint pas les dieux, capable de crier sur un des trois grands olympiens est tout à fait capable de vouloir le bâtard de Zeus à sa merci.
Ils s'étaient croisés, il l'avait vaincu, il l'avait pris. C'était aussi simple. Même les soins qu'il me donne ont un sens vu sous cet angle. Pourquoi n'a il pas encore usé de sa prise. Peut être par ce qu'il n'a pas le temps, qu'un corps mutilé ne l'excite pas, peut être par ce qu'il veut me voir capable de me débattre.
Un sourire amer monte sur mes lèvres, j'aurais préféré mourir c'était plus simple. J'aurais conservé mon rang, ma fierté. Des larmes cruelles montèrent à mes yeux. Vivant Je ne suis plus rien. J'essuie mon visage, dans la pièce à coté il y a du bruit. Quant le général entre dans la chambre je ferme mes paupières et prie pour qu'il me croit endormi. Je retiens mon souffle, c'est peut être pas suffisant pour l'arrêter mais peut être qu'il ne me réveillera pas.
Je sens une main se poser un instant sur son front, puis plus rien et un mouvement sur le matelas de l'autre coté. Il me semble rester une éternité à attendre, enfin le souffle régulier de kanon m'apprend qu'il dort.
Je soupire de soulagement c'est pas pour ce soir. Je me blottis à l'autre bout du lit comme je peux, j'ai encore mal partout mais je finis par trouver le sommeil.
Quand je me réveille je suis heureux de me découvrir seul dans la chambre. Je me force à bouger un peu. Ma jambe et mon bras sont toujours hors d'usage mais je devrais pouvoir sortir du lit. Je furète vers la porte en face de moi, il y a un baquet. Si je pouvais éviter que l'autre vienne faire ma toilette. Je cherche une pompe ou quelque chose qui devrait amener de l'eau au baquet vide. Je pourrais attendre un serviteur mais si je peux me débrouiller seul.
Une voix interrompt mes réflexions et mon énième tour de la salle de bain.
« Tu veux de l'aide »
Je sursaute et perds l'équilibre. Sans savoir comment je finis collé contre le général qui me regarde en attendant une réponse. Je cumule les malchances. Je fais de son mieux pour me redresser.
« Je voudrais de l'eau »
« De l'eau ? Y a un problème avec la plomberie ? »
« La quoi ? »
Kanon va répliquer un peu durement quand il réalise qu'il n'y a que de la sincérité dans les mots du juge. Un déclic se fait dans son cerveau. Il ne devait pas y avoir d'eau courante et d'électricité chez Hadès. Avec la même patience qu'il avait eut avec ses minis généraux il lui montre le robinet et son fonctionnement.
« La plomberie c'est ce qui amène l'eau »
J'étudie le baquet blanc qui est muni des mêmes accessoires que la vasque. C'est donc si simple. Je vais les toucher quand le général me devance. Je le vois tourner une décoration et ouvrir l'eau. Il me reste juste un deuxième problème. Je suppose que les latrines aussi ont changé. D'ailleurs elles sont où. A contre cœur je demande à Kanon qui me désigne une autre porte.
Je m'en tire mieux que ce que j'aurais cru surtout que le marina semble prêt à m'aider sans profiter de la situation. Je le vois sortir des serviettes et deux flacons qu'il pose sur le rebord blanc prés de l'eau avant de me laisser.
Heureusement pour moi que les commandes d'eau sont toutes de couleur argentée sinon j'aurais eu du mal à comprendre le fonctionnement des commodités parce que je me vois mal demander de l'aide.
Mon bain est prêt, je suis seul, et j'ai oublié que me mouvoir dans mon état de délabrement et entrer dans l'eau se révélerait ardu. Après cinq minutes de combat acharné je réussis à m'installer à demi allongé. Ma tête appuyée contre le rebord je me détends vraiment pour la première fois. Je suis bien, je sens les produits, fais ma toilette et m'installe confortablement. Je n'ai aucune envie de bouger aussi je cherche comment ajouter de l'eau chaude. Je suis si bien que j'ai dû finir part somnoler, c'est le dragon qui me sort de mon agréable torpeur.
« Tout va bien ? »
Au son de sa voix je sursaute, mais qu'est ce qu'il fait ici. Instinctivement je cherche à me recroqueviller un peu.
« Tu es dans l'eau depuis trois heures je peux me demander si il t'es devenu un poisson ou si tu t'es noyé ? »
Je l'ai un peu cherché aussi trois heures dans un bain. Par Hadès, mais c'est pas une raison pour me retrouver à poil devant un dangereux prédateur qui finira bien par me sauter dessus.
(Kanon)
Je vérifie que mon colocataire est en bonne forme et sorts de la pièce pour ménager sa pudeur. Parce que les joues un peu rosie du juge m'avaient semblé dû à ma présence. Je profite des quelques minutes pour demander à un domestique de changer les draps pendant que je m'octroie un verre.
Un bruit dans la salle de bain attire mon attention, ainsi que quelques mots que je ne saisis pas.
A regret je laisse ma boisson sur la commode et tape à la porte. Pas de réponse. Je retape et entre. Le spectacle aurait pu me faire sourire mais à cet instant je me sens plus contrarié de trouver le juge assis au sol après une chute.
Mais il m'aura tout fait et puis c'est quoi cette mine de vouivre battue ? Je ne vais pas le manger.
« Demander de l'aide ça te serais pas venu à l'esprit ? »
Je secoue la tête et cherche une serviette sèche dont je l'enveloppe. Retour dans la chambre je songe avec philosophie. Je soulève le blond dans mes bras pour le ramener sur le lit. Au passage je constate les bandages et attelles portées manquantes. Lui aussi il allait me rendre chèvre.
Autant pour la méthode traditionnelle .J'immobilise la jambe toujours blessée et augmente mon cosmos au maximum. Je l'insuffle dans les tissus pour les régénérer. Et recommence avec le bras.
Voila ainsi ce sera mieux. Je vais me relever quand un vertige m'assaille. Je prends appui sur le matelas en retenant le juron que j'ai au bout de la langue. Pourquoi guérir deux blessures simples m'épuise toujours aussi vite. Je ne suis pas guérisseur, c'est sans doute la réponse mais ça m'énerve.
Un bruit de porte qui s'ouvre me fait lever les yeux vers, encore Poséidon.
« Ho je dérange, je voulais rien interrompre continuez je fais que passer. »
Le dieu marin pousse vigoureusement le dragon qui s'effondre sur son patient et part dans un grand éclat de rire.
« Amusez vous bien »
Sous moi Rhadamanthe c'est figé, je remue légèrement pour me relever et reprendre des distances normales. Je me racle la gorge et cherche quelque chose à dire.
« Ça devrait aller mieux. »
Sur ses mots je quitte la chambre pour me réfugier dans mon bureau. Je me laisse tomber sur le canapé et me perds dans mes pensées. Que le dieu marin pouvait avoir des idées tordues quand il s'y mettait. Comment moi je peux expliquer au juge que l'humour marin est aussi agréable d'un paquet d'eau de mer glacé en hivers qu'on se prend en pleine figure.
Et puis pourquoi il s'imagine des choses cet animal marin sans écaille. J'ai voulu le spectre et alors ? Lui sauver la vie c'était pas grand-chose, non ? Mon raisonnement se heurte aux images que suggérait l'olympien.
Il est un grand guerrier, pour le reste. Je fouille ma mémoire pour chercher des souvenirs récents. Il a quoi une vingtaine d'années, blond aux yeux d'ors, avec des sourcils un peu trop fournis. Je le revois dans la salle de bain et dans le lit. Il a un joli corps, des airs de petit garçon touchant, un minois agréable à regarder.
Décidément la fatigue me fait divaguer. J'abrite mes yeux de la lumière derrière mon bras et m'endors.
(Rhadamanthe)
Seul dans la chambre je reste d'abord immobile puis je fais précautionneusement bouger mon bras. Pour mon plus grand plaisir je ne ressens plus aucune gène ni douleur. Lentement je me mets sur mes pieds et fais le tour du propriétaire. Ma serviette nouée sur les hanches je cherche dans le placard de quoi me vêtir. J'emprunte un pantalon et un tee-shirt sur une étagère, déniche une brosse dans un tiroir. Un peu plus présentable et rassuré je refais un tour de la pièce il n'y a rien pour m'occuper. Je soupire et reviens m'asseoir sur le lit.
Je reste à contempler le vide, la précarité de ma condition me saute à la figure. Même si le gémeau ne m'a pas touché pour son dieu c'est une évidence qu'il m'a ramené pour satisfaire ses désirs. Tant que j'étais blessé, Je comprends qu'un corps couvert de bandage et brisé ne lui dise rien. Mais avec ma rémission je dois m'attendre à ce que ça arrive.
Au fond n'est ce pas un juste retour des choses. J'ai toujours joui de ma position pour avoir ce que je voulais. Je ne me suis pas gêné pour obtenir ces soulagements aux près de mes subordonnés. Je ne me suis jamais posé la question de ce qu'ils ressentaient.
Une vague de rage me submerge mon poing frappe contre l'oreiller, pourquoi moi. Je pensais avant ne jamais avoir abuser de mes inférieurs. Je demandais rien d'extravagant, me contentais de soulager le besoin qui me chatouillait les reins. L'image d'un des ces spectres agréable au regard qui m'attendait sagement à quatre patte sur mon lit me semble cruelle. je ne peux pas en être réduit à ça.
Des larmes de dépit brouillèrent ma vue, je me laisse tomber sur le dessus de lit. Tout ici me rappelle mon geôlier, du coussin que je mouille aux vêtements que j'ai sur le dos. Tout porte imprégné l'odeur de Kanon. Le Pire c'est qu'un instant je l'ai apprécié, j'aurais pu l'aimer comme un ami. J'avais désiré que nous ayons du temps ensemble pour nous connaître.
Je finis par tarir mes larmes et un peu rasséréné je vais me passer de l'eau froide sur le visage. Je reste un peu plus longtemps dans la petite pièce, car j'ai entendu un bruit. Finalement ce n'est que mon repas qui est déposé. Je pioche un peu dans les aliments. Je pensais ne pas avoir faim pourtant je finis mon plateau. Je ne suis pas plus avancé mais l'idée de rester à me ronger les sangs ne m'enchante pas. A pas de velours j'arrive devant la porte du bureau, je l'ouvre le plus discrètement possible.
La pièce est grande et lumineuse de cette clarté banche bleutée qui règne sous l'eau, Il y a ce silence propice au grand fond. C'est un lieu confortable, propice au travail qui fleure bon le vieux cuir des reliures des livres qui occupent tout un pan de mur. Je m'approche sur la pointe des pieds et effleure les tranches sombres. A défaut d'être libre j'ai trouvé l'évasion. Je me demande un instant ce que peut lire un général. Il y a des classiques anciens que je connais et beaucoup d'autres inconnus. Je pioche un livre au hasard un fin recueil de Rimbaud.
Mon butin en main je vais m'en retourner mais j'avise que je ne suis pas seul. Je suspends ma respiration. Kanon semble dormir. Avec soulagement Je détale par la porte. Juste à temps je pense. Un petit grattement à la grande porte retenti puis quelqu'un entre. Caché derrière mon panneau de bois je vois une belle femme blonde avec une écaille rouge se diriger vers le dragon. Je reste immobile de peur d'être surpris, à quelques mètres l'écaille rouge tinte sur le sol de marbre alors qu'un chant lance ses premières notes. Des murmures, le bruit du tissu, des gémissements s'entremêlèrent dans un geste involontaire la porte s'entrebâille d'avantage me révélant le tableau d'un couple. Mon regard reste hypnotisé sur le ballet des deux corps, les lèvres qui laissent couler une sensuelle mélodie. Les yeux de la femme, elle m'a vu, je déglutis difficilement et m'enfuis en claquant la porte. Elle l'a vu par Hadès il a joué les voyeurs.
Encore troublé par ce que j'ai vu je fais plusieurs fois le tour de la chambre et échoue sur le lit. Pourquoi suis je si troublé. Parce que je n'avais pas à rester regarder, parce que c'est kanon, parce que si il faisait ça avec elle rien ne l'empêchait de vouloir le faire avec moi.
Ce qui m'a troublé c'est qu'il ait des besoins et que j'allais me retrouver face à cette réalité.
L'esprit troublé je me jette à corps perdu dans le livre que j'ai volé. Mais décidément je suis maudit. Pourquoi cet auteur de poème parle d'amour, et pas courtois. Comment un tel ramassis d'obscénité a pu arriver dans cette bibliothèque.
Sans autre dérivatif je ferme les yeux et attends que le temps passe. J'attends jusqu'au soir pour que quelqu'un vienne me déposer à manger. Au point d'ennui où j'en suis n'importe quoi est une diversion agréable. Mon esprit a tourné et retourné en boucle les événements de l'après midi.
Toujours seul je cherche un vêtement de nuit et retourne me glisser sous les draps.
Kanon dû arriver tard, quand il se coucha près de moi je fis semblant de dormir. Après de longues minutes il me sembla qu'il dormait. La proximité du général me mettait mal à l'aise. Mon esprit tourne en boucle sur la question fatidique quand va t'il me sauter dessus. Mais je me défendrais, je n'abandonnerais pas le peu de fierté qu'il me reste. A moins que…
Je sorts discrètement du lit et me faufile dans le bureau. Je cherche comment allumer la petite lampe, il doit y avoir une commande comme pour l'eau. Voila j'ai trouvé. Décidément le sanctuaire sous marin est un joyau de confort. Je cherche dans les tiroirs jusqu'à trouver un coupe papier. Il est long effilé, pointu. Je considère l'objet, ma résolution prise je ferme les yeux et arme mon bras. Ce sera mieux comme ça. La point pique ma peau mais quelque chose l'empêche l'aller plus loin.
Je rouvre les yeux une main est fermée sur la lame, une main qui saigne d'ailleurs. Mon regard remonte le long du bras pour croiser deux océans agités. Mes doigts lâchent la garde du petit poignard.
«Je peux savoir ce qui te prend au milieu de la nuit ? Tu t'es dit c'est une belle heure pour mourir ? »
« Qu'est ce que ça peut faire »
« Hein ? Quoi ? »
« Qu'est ce que ça peut faire si je meurs… »
Je n'ai pas le temps de finir ma phrase que le dragon visiblement furieux me gifle. Par reflex je porte ma main à ma joue. Pourquoi tient il à ce que je reste vivant. Il n'a pas besoin de moi et j'aurais dû mourir. Je n'avais pas à survivre à ma défaite ni à celle des enfers.
(Kanon)
Je soupire, je n'aurais pas dû me mettre en colère, je n'aurais pas dû le frapper mais zut quoi je viens de me taper une affreuse soirée mondaine avec le dieu qui sait pas ce qu'il veut. Je rentre me coucher et dix minutes après l'autre zouave va se tuer.
« Je suis désolé, mais déjà que ma patience est limité c'est pas une heure pour les discutions. On parlera demain si tu le désires »
Bha ? Il ne bouge pas, parle pas ? Il se passe quoi encore j'attends quelques instants et finis par prendre le juge par le bras pour le guider jusqu'au lit. Je m'allonge de l'autre coté regarde le spectre coucher qui me tourne le dos. J'hésite puis me colle contre lui et passe un bras sur sa taille.
« Au moins cette fois tu partiras pas faire n'importe quoi. »
Je le sens tressaillir puis se raidir, peut être qu'il n'aimait pas les contacts physiques mais je n'ai aucunement l'intention de le laisser sans surveillance. Quelques instants plus tard alors que je commence à me rendormir un petit bruit éveille se qu'il reste de mon esprit. C'est quoi ? Un ronflement ? Non un gémissement bizarre, un sanglot. Je maudis toute l'Olympe il se passe quoi encore. Totalement à coté de la plaque je pose ma main dans le dos de mon empêcheur de dormir en rond et étends mon cosmos. Je caresse distraitement le dos contre moi, si on m'avait dit qu'un jour je ferais ça pauvre de moi. Petit à petit les bruits s'estompent, mon énergie éclaire un peu la pièce et visiblement elle apaise le blondinet. Je bouge un peu pour voir son visage, encore un peu chiffonné par les larmes je remarque à quel point il est jeune. Un peu comme mes généraux. Finalement c'est presque un gamin.
Je me réinstalle pour dormir moi aussi en me disant qu'il faudra que je sois plus attentif au juge.
