J'ai écrit ce court texte il y a deux ans, à l'occasion de l'anniversaire d'une ancienne amie et auteur de fanfictions, le 14 septembre 2008. Ayant cessé de m'intéresser profondément à l'univers de Naruto, ces fanfictions, parmi les rares que j'ai pu achever, seront certainement les seules que je posterais ici. Pensant que certaines d'entre elles valaient peut-être le coup, j'ai choisi d'en rassembler trois et de les mettre dans le même recueil. Comme la plupart de mes one-shot, ces écrits sont très courts. J'espère néanmoins que vous passerez un bon moment en les lisant. J'ai apporté quelques infimes modifications au premier, présenté ci-dessous, afin de limiter les petites incohérences qui s'y trouvaient au niveau des termes. Voilà. Excepté le troisième one-shot, il s'agit du couple Kiba/Hinata.
Edit : Si vous cherchez le nom de l'auteur pour qui j'ai écrit ce texte, faites un tour sur le blog de fantasy-narutostory. Il en vaut le détour.
Disclaimer : Naruto appartient à Masashi Kishimoto.
Ténèbres
L'orage éclatait dans la nuit obscure. Gelée, pétrifiée par l'oppressante froideur, la forêt baignait dans un océan lunaire, ses arbres meurtris et violés par le souffle rauque de la tempête. De grisâtres nuages dansaient et virevoltaient avec le vent, déchirant le ciel d'impitoyables éclairs et affluant la terre d'une drue pluie d'horreur. Tout espoir d'étoiles resplendissantes était occis par le manteau de nacre qui surplombait la surface céleste. Nombre de flaques en naquirent, se mélangeant inlassablement aux graviers crasseux, et la rivière serpentant au fond de l'immense gorge qui creusait le paysage s'emplissait de plus en plus d'eau. Les feuilles arrachées à leur abri natal s'humidifiaient et tourbillonnaient en volutes au rythme de la brise, tandis que les ombres nocturnes envahissaient l'air d'une terreur glaciale.
Loin, très loin, en plein cœur de la vivacité lugubre, un minuscule point fit son apparition. Imperceptible à l'œil nu, inaudible à quiconque n'écouterait pas avec attention. Bientôt, la piètre chose se dessina peu à peu en une frêle silhouette, puis se discerna finalement la fine corpulence d'une créature sortie tout droit de l'humanité. Ses longs cheveux tirant sur le marine étaient emmêlés, enchevêtrés de manière indescriptible, et voletaient avec les hurlements du vent. Ses membres malingres, sa poitrine infirme et sa taille maigre dont les côtes saillaient terriblement, laissaient inspirer qu'elle ne s'était ni nourrie, ni hydratée depuis... Un long et sévère moment. C'était une fille. Anxieuse et effrayée, une fille qui courait, courait, courait. Misérable et insignifiante petite mortelle perdue dans le monde de la peur.
Soudain, tel s'il avait été prisonnier trop longtemps, le tonnerre explosa. La foudre fendit l'air, les rafales vociférèrent comme elles ne l'avaient jamais fait, le trouble s'empara de la fille en entier, dévorant tout raisonnement, s'introduisant en elle jusqu'au sang. Elle trembla et accéléra sa course effrénée. Prise d'effroi, elle ne vit pas la racine imbibée par l'averse. Elle trébucha, oscilla, s'écroula.
Lentement mais sûrement, le temps varia. La pluie se fit plus légère, l'orage cessa. Seul les cendres et la peinture terne du ciel ne disparurent point, ainsi que les tourments de l'humaine. La couche grise se brisa légèrement, laissant scintiller les rayons de la lune. Chaque éclat argenté illumina maintes parcelles de la forêt mutilée, qui sembla taire sa douleur dans une absence de son parfaite. Un faisceau de lumière, doux et chatoyant, s'infiltra dans le noir jusqu'à ce qu'il éclaircisse une infime perle. Unique larme pourvue d'une lueur de pur chagrin, idyllique et imprécatoire à la fois, qui traçait un sillon sur le visage sordide de l'adolescente. Cette dernière se redressa, toussota, puis releva sa figure qui fut discernable dans son exactitude. L'on pouvait alors distinguer une mince bouche crispée, comme si elle retenait des sanglots, des narines insensibles à l'odeur âcre tant elles étaient anhydres et des yeux ivoire, immaculés, angéliques, deux abysses si profonds qu'ils semblaient plonger quiconque aurait la hardiesse de les affronter. Elle frissonna. Un froid insupportable la mordait, la rongeait, l'étreignait. Un froid de fatigue et de souffrance. Jamais homme n'aurait pu subir une telle froideur. C'était horrible. Insurmontable. Insoutenable. Anéantie par ce sentiment, elle abandonna tout essor d'espoir et se livra à la prostration totale.
Une ombre apparut soudainement dans le champ de vision de la fille, l'affranchissant de ses morbides pensées. Son regard fourvoyé suivit les courbes sinueuses de la silhouette, constatant que l'objet de son esprit n'était autre qu'un corps immobile qui la fixait. Son premier réflexe typiquement humain fut alors de paniquer. Son second, de remettre ses pieds sur terre, puis d'observer attentivement son hôte.
Il était très grand, ses bras étaient lâches et sa taille amaigrie. Sur le haut de son crâne dansait une masse de cheveux mêlés et ébouriffés, noircis par la nuit. Son visage paraissait taché de sang ; il ressemblait plus à un animal carnivore qu'à un homme. Et même si l'obscurité masquait son identité, la jeune femme l'aurait reconnu entre mille.
Il se mit à avancer vers elle. Ses pas feutrés étaient tellement silencieux qu'aucune personne n'aurait pu soupçonner sa présence. Il marcha. Elle attendit. Il avança. Elle patienta. Il s'arrêta. Elle s'attarda.
Il était à présent à sa gauche, inactif. Ils avaient tous deux la tête baissée, tel un individu honteux de ses actes. Mais c'était bien plus que cela. Aucun regard n'avait été échangé, aucun geste n'avait été exécuté. Aucun. C'était un véritable tableau, deux statues fades ruisselantes de pluie. C'était une scène d'épouvante. C'était une évocation funèbre.
Quand soudain, sans prévenir, l'homme leva son membre supérieur droit, et l'élança. Son avant-bras percuta de plein fouet le visage pétrifié de la fille. Elle fut expulsée au loin par l'inexorable dureté du coup, et heurta violemment le tronc d'un arbre. Elle cracha un flot de sang et fut immédiatement possédée par de brusques convulsions. Mais, en une fraction de seconde, son agresseur réapparut juste devant elle. Sans lui laisser le temps de respirer. Une féroce poigne s'empara alors de son cou et resserra ardemment sa prise. Son autre paume plaqua le poignet de la fille, l'empêchant toute retraite ou défense. Il avança doucereusement sa figure vers la sienne.
- Je te hais, Hinata... murmura-t-il à son oreille.
Sa voix rauque, sombre, méconnaissable et remplie de mépris troubla la jeune Hyûga.
- K... Kiba... susurra-t-elle faiblement, sa gorge brûlée par l'étranglement.
La main de l'Inuzuka relâcha un petit peu son étreinte, puis s'écarta finalement de sa jugulaire. Puis elle prolongea son chemin, glissa lentement le long du bras de Hinata et se referma sur son autre poignet. Elle était immobilisée. Il la contrôlait.
- Je te hais, répéta Kiba en enfouissant passionnément son visage au creux de son cou.
Ses pattes humaines reprirent leur exploration. Elles se faufilèrent toutes deux sous le haut délabré de Hinata, caressant et parcourant son échine avec délectation.
Puis soudain, il emprisonna ses lèvres dans les siennes. Ils fermèrent leurs paupières dans une parfaite harmonie.
Leurs langues s'enlaçaient, se câlinaient, s'effleuraient, cherchant à se transmettre leur chagrin par cette union utopique. Les mains de la fille s'agrippèrent vivement au torse de son hôte, jusqu'à lui en faire mal. Celles du garçon tracèrent alors de striures sanglantes sur son dos. Hinata poussait de petits cris de douleurs, étouffés par les baisers de Kiba. Leurs contacts épidermiques n'avaient rien de tendre, ni d'affectueux. C'était une cohésion bestiale, unie de fureur et de désespoir.
- Je t'exècre... souffla-t-il en frôlant ses lèvres.
Il enfonça de nouveau ses ongles dans la chair de la kunoichi. Et griffa avec toute l'animosité qu'il pouvait dévouer. Hinata dut se restreindre, tant bien que mal, à ne pas pleurer. Il releva alors son visage. Il releva alors ses yeux.
Et elle la vit. Cette rancœur. Cette terreur. Mais plus encore, cette haine. Sa haine. Noire et rouge. Obscure et pourpre. Brûlante et glaciale. Oppressante, suffocante. Toute la souffrance et la haine, toute la véhémence qu'un homme pouvait ressentir. Et les larmes débordaient de ses pupilles. Elles coulaient. Elle se mélangeaient abominablement avec les taches, les crocs rouges symboles de son clan. On aurait dit... Des larmes de sang.
- Tu m'as tout pris... Tu m'as tué ! hurla-t-il, au paroxysme de la frénésie. Tu m'as volé mon âme ! Mon chien... MON CHIEN EST MORT PAR TA FAUTE !
La foudre cingla de nouveau. S'accordant avec la colère et le mal de deux personnes sur Terre. Il s'éloigna d'elle, attrapa violemment le col de la Hyûga.
- Et... Et mon âme sœur, mon courage par la tienne ! s'époumona Hinata en enfermant à son tour le haut de son équipier dans sa paume.
Elle se jeta délibérément sur lui. Ils tombèrent sur le sol, s'écrasèrent et roulèrent sur la boue, les souillant encore plus qu'ils ne l'étaient. Ils se retrouvèrent, à califourchon, l'un sur l'autre.
- Mais arrête de penser à lui... lâcha Kiba. Arrête ! Il est MORT ! Ils sont morts tous les deux ! Et par NOTRE faute ! Par la NÔTRE !
- Alors... Si c'est le cas... gémit la fille. Quelle est donc notre raison de vivre..?
Ils restèrent un moment silencieux. Embrassés par la réflexion. Enivrés par la souffrance. Épris par le néant.
Puis ils se relevèrent, et s'échangèrent un regard. Un dernier regard. Leur dernier regard. Empli d'un tourbillon de pensées. Comme un miroir. D'une cohésion absolue.
- Disparaissons... dit Hinata à voix basse.
- ENSEMBLE ! cria Kiba.
Il empoigna le bras de son équipière. Elle se laissa faire. Ils coururent. Encore. Longtemps. Un précipice. Un immense gouffre. Du noir. De l'eau. Le vide. La peur. Et l'espoir.
Kiba et Hinata s'étreignirent. Ils sautèrent, s'engouffrèrent dans la gorge, dans les abysses de la pluie amassée. Jusqu'à ce que l'eau efface toute impureté de leur être et qu'ils se dissolvent au tréfonds des ténèbres.
