Bonjour à tous

un nouveau découpage et des ajouts ont été fait sur les deux chapitres qui avaient déjà été publié.

bonne lecture


Chapitre 1

Son épaisse chevelure d'un bleu profond flottant au gré du vent, Milo De la Salle savoure le contact à la fois ferme et souple du cuir entre ses mains. Cela fait bien cinq ou six miles qu'il est en pilotage automatique. Au volant de son pur-sang, le jeune homme roule à tombeau ouvert. Son corps conduit, mais son esprit est bien loin de la River Road, vagabondant dans les méandres de la métaphysique avec pour seul lien à la réalité, les effluves du Mississippi.

Rouler à tombeau ouvert... Songe-t-il. Quelle drôle d'expression pour dire que l'on a atteint une vitesse plus que déraisonnable, et pourtant tellement grisante... Peut-être est-ce parce que l'on risque d'y arriver plus vite... Au tombeau. Mais Milo s'en fiche. La mort ne l'effraie pas. Il a déjà croisé son chemin. Il l'a regardé droit dans les yeux et elle s'est détournée de lui. La mort a fui, mais pas lui. Alors peu lui importe ces stupides expressions destinées à garder la populace dans le rang. Il n'est pas comme eux, un mouton apeuré. Il est un loup sauvage. Pire encore... Il est un démon, craint autant qu'admiré, envié autant que jalousé. D'une façon ou d'une autre, son nom est sur toutes les lèvres... Son nom ou celui de sa famille... Mais contrairement à ces derniers, Milo se moque totalement de l'opinion publique. La seule qui ait compté à ses yeux n'est plus. Le seul être qu'il a vraiment aimé est mort. Comme sous l'effet d'un électrochoc, ses mains se crispent sur le volant.

- Putain ! jure-t-il en entendant les sirènes de la police routière.

Un rapide coup d'œil au rétroviseur lui apprend que les deux motards ne vont pas tarder à le rattraper. Avec un sourire sardonique, il applique une légère pression sur l'accélérateur, juste le nécessaire pour les distancer sans leur ôter l'espoir de le rattraper. L'adrénaline d'une bonne course poursuite est l'une de ces drogues favorites. Les Harley de la MCSAP* ne peuvent rivaliser avec son Aston Martin. Le savent-ils ? Sans doute… Comme c'est beau d'espérer, et comme c'est bon de jouer avec l'espoir des autres.

La sonnerie de son téléphone lui tire un grognement agacé. L'écran de celui-ci affiche numéro masqué. Habituellement, il n'aurait pas décroché, mais c'est peut-être la plantureuse Priscilia qu'il a rencontrée la veille au Sunset. Pour une fois, Milo l'a joué mystérieux et gentleman. Aussi, après l'avoir bien enivrée et enflammée, il l'a plantée dans une luxueuse chambre d'hôtel, tous frais payés, avec son numéro, prétextant qu'il n'aurait pas été raisonnable d'aller plus loin dans son état. Certain que c'est la belle qui l'appelle pour le remercier comme il se doit, le séducteur prononce d'une voix suave.

- Allo...

Celle de son interlocuteur, lui fait perdre son sourire. Adieu sulfureuse Priscilia, bonjour la majesté paternelle ! Milo raccroche et jette l'appareil sur le siège passager puis il écrase l'accélérateur d'un mouvement rageur. Finit de jouer, pour se détendre il lui faut maintenant une bonne partie de chasse. Il vérifie qu'il a semé ses poursuivants avant de ralentir. Sa destination approche. Il peut le sentir dans ses entrailles. Un plaisir viscéral qui lui remue les tripes à mesure qu'il approche de cette véritable liberté qu'est à ses yeux la Nouvelle Orléans. L'excitation électrise chaque particule de son corps. De gibier, il est devenu prédateur. Son attention s'accroit dès qu'il dépasse le panneau bleu "Welcome to New Orleans" orné d'une fleur de Lys. Il guette dans la chaleur moite de cette fin de journée. A cette heure particulière où diurnes et noctambules se croisent, les uns rentrant, les autres sortant, et chacun étant une proie potentielle pour le démon. C'est ainsi que Milo perçoit chaque personne croisée. Un sourire gourmand aux lèvres, il observe. Une main paresseusement passée dans les cheveux, une langue taquinant négligemment le pourtour de la bouche, tous ces petits appels inconscients à la luxure, c'est cela que le jeune homme recherche, un véritable challenge. Mettre dans son lit quelqu'un qui ne veut pas de lui.

Il les repère aux abords de Lafayette Square. Un couple d'étudiants, le genre sexy-relax qui en laisse voir suffisamment pour mettre en appétit. L'un, chaussé de scandale de cuir, porte un short outrageusement moulant, couleur cannelle assorti d'un débardeur orange lui arrivant au-dessus de la taille, découvrant ainsi sa peau fine dorée par le soleil. Sa silhouette mince et ses longs cheveux blonds pourrait facilement le faire passer pour une femme de dos. L'autre, châtain, coupé court, tout aussi bronzé, est vêtu d'un pantalon sculptant noir taille basse, avec un T-shirt à capuche, écru, court, orné d'un aigle royal aux ailes déployées. Les manches ont été négligemment coupée. Intrigué, Milo se gare à quelques mètres d'eux. Le look est plutôt réussi, mais ne peut tromper un œil exercé. Le couple, âgé en réalité d'une trentaine d'années, est lui aussi en quête d'une proie. Ce qui pourrait passer pour des marques d'affection est en fait un véritable langage corporel. Une pression de la main sur la taille du blond, un regard ou un sourire langoureux de celle-ci, autant de questions et réponses codées pour trouver la conquête idéale. Ingénieux, songe Milo en s'efforçant de décoder leur conversation muette.

- Pas possible ! s'exclame-t-il soudain.

Tant pis pour l'inaccessible, le jeune homme décide de les aborder histoire de vérifier sa théorie. Paré de son sourire le plus enjôleur, le riche héritier klaxonne lorsque le couple bredouille arrive à sa hauteur.

- Je vous emmène quelque part ?

A sa grande satisfaction, les faux étudiants se regardent hésitant quelques secondes, tout en le détaillant, avant de finalement accepter. Milo sait exactement où les emmener. L'idée de se taper un plan à trois, car c'est cela que le couple recherche, dans l'hôtel de papa, fait sourire d'anticipation le jeune homme. Tout ce qu'il risque, c'est une nouvelle engueulade. Le déshériter ? De la Salle père est bien trop soucieux de la transmission de la lignée pour cela et tient trop à son image pour le jeter dehors. De plus, le garder sous son toit lui permet de conserver son rejeton à l'œil et de passer pour un père exemplaire. Oh bien sûr, il peut lui couper les vivres. Milo a envisagé cette possibilité. Alors profitant de l'emprise familiale sur une bonne partie de l'état, il s'est, par sécurité, constitué une fortune personnelle. Toujours bien connaître son ennemi pour prévoir ses réactions, répétait sans cesse son frère aîné, si seulement il avait suivi ses propres conseils...

- Je m'appelle Argol et mon copain c'est Misty.

- Salut ! fait le susnommé avec un signe de la main et un sourire niais.

- Salut ! Moi, c'est Milo. Alors ? Je vous emmène où ? demande-t-il un regardant Argol dans le rétroviseur.

Avec ses cheveux châtains et ses yeux noisette, son passager est plutôt quelconque. Néanmoins, son teint hâlé, certainement artificiel, paré d'un sourire savamment étudié lui donne un petit quelque chose qui peut faire fondre bien des filles.

- Eh bien... A vrai dire nous venons d'arriver pour les vacances et nous ne connaissons pas la ville.

- Ah oui ! Et d'où venez-vous ?

- New York, répondent-ils dans un ensemble qui sent le préparé.

- Vous savez où loger ?

- Non ! font-ils comme précédemment.

- En fait, précise Argol. Nous nous sommes posés dans une auberge de jeunesse sur Magazine Street. Le temps de trouver mieux pas trop cher.

Milo retient un petit rire amusé. Décidément, leur petit numéro du couple sur la même longueur d'onde, c'est peut-être un peu trop. Cependant, le jeune homme joue le jeu et n'est pas avare de questions, histoire de voir à quel point leur combine est bien ficelée. Le couple a, en effet réponse à tout. Ils sont si bien rodés que Milo ne se souvient plus comment la discussion a bien pu dériver sur le sexe.

Sous forme de plaisanterie plus ou moins graveleuses, ils tâtent habillement le terrain pour leur plan à trois. Le jeune homme abonde dans leur sens tout en se disant que finalement, ils ne sont peut-être pas si mauvais que cela. Ils arrivent ainsi à l'hôtel Paradizio dans une ambiance bon enfant, mais dès qu'ils y pénètrent, le couple se fait plus discret le temps que Milo prenne la clé de la suite à la réception. Le jeune homme esquisse un sourire satisfait en apercevant les regards de mépris qu'ils croisent. Lorsqu'enfin le trio entre dans la luxueuse chambre, il entend Argol émettre un sifflement admiratif.

- Et oui ! lance Milo amusé. Ça a des avantages d'être riche. La salle de bain est par ici si vous voulez vous rafraîchir. Je ferais transférer vos bagages de l'auberge où vous êtes descendus.

- Oh Non, non ! proteste Misty, bien qu'il jubile intérieurement. C'est bien trop au-dessus de nos moyens.

- Ne vous inquiétez pas, je vous l'offre avec plaisir.

- Bah, merci, fait simplement Argol entraînant son compagnon vers la salle de bain.

Ils laissent la porte ouverte et se dévêtent avec des gestes calculés. Il est maintenant trop tard pour reculer. Leur petit jeu érotique est lancé. Milo sort une bouteille de champagne millésimé du réfrigérateur et l'ouvre en observant le spectacle sensuel qu'offre le couple sous la douche. Il remplit trois coupes, déglutit et en avale une cul sec. Il navigue entre désir et appréhension à la vue des caresses indécentes sur ces corps mouillés. Le touriste, qui semblait si quelconque à l'arrière de la voiture, l'est nettement moins sous le jet d'eau chaude.

- Bon sang ! Quel appareillage ! songe Milo qui réalise soudain ce qu'implique un plan à trois.

Il déglutit à nouveau et descend une seconde coupe de champagne comme s'il s'agissait d'un simple verre d'eau.

- Voyons ! À trois ne signifie pas forcément que tu vas y passer, se moque sa voix intérieure, à laquelle il répond nerveusement.

- Ouais ! Ben, il a l'air du genre à tirer dans les deux camps !

Le jeune homme, que ses cogitations ont amené près du lit, se retourne en réalisant que l'eau ne coule plus. Ce qui s'offre à ses yeux lui coupe le souffle. Il en lâche le troisième verre de champagne qu'il tient à la main. La beauté nue et ruisselante, se déhanche vers lui en une démarche féline. Son esprit se vide net... Ou plutôt se focalise entièrement sur cette insolente goutte d'eau qui glisse sur cette peau d'ambre entre deux mamelons qu'il devine déjà durcis, poursuivant jusqu'au nombril, orné d'un rubis, qu'elle contourne pour atteindre le... Face à cette divine vision, le temps lui-même semble retenir son souffle. Milo ne reprend ses esprits qu'en entendant une voix suave proposer.

- Champagne ?

Le milliardaire, à peine revenu à la réalité, s'aperçoit que la voix est accompagnée d'une main tenant une coupe. Il n'a même pas remarqué à quel moment elle l'a prise.

- Et merde ! Secoues-toi un peu mon vieux ! se fustige-t-il. T'as l'air d'un puceau en manque !

Puceau, il ne l'est certes pas. Par contre, il doit être sacrément en manque pour réagir ainsi. Misty, un sourire espiègle aux lèvres, porte la coupe à sa bouche. Milo l'entrouvre, offrant ainsi un passage au nectar. Cette fois, guidé par l'Apollon, il prend le temps de jouir de cette saveur si raffinée et aphrodisiaque. La dégustation du champagne cesse dans un rire subtil pour laisser place à une autre. Lèvres contre lèvres, deux langues libertines font connaissance, tandis qu'une main agile part à la découverte des trésors cachés sous les vêtements de luxe.

Entre baisers et champagne, sans même savoir comment, Milo se retrouve sur le lit, le corps en feu. La créature de rêve le déleste de son pantalon tandis qu'approche son compagnon, lui aussi nu. Allongé, le corps du jeune homme ne semble plus répondre. Si tant est que cela fut possible, sa température monte encore de quelques degrés, et sans pouvoir s'en empêcher, il a l'impression de sourire bêtement. Il sombre dans les affres du désir. Milo soupire d'aise lorsque son cerveau daigne refaire surface, puis... Quelque chose cloche !


* MCSAP= Motor Carrier Safety Enforcement, section de prévention routière de la Louisiana State Police.