Les visages, d'une jeunesse terrifiante pour la plupart, semblaient figés. Tâchés de boue et de sang séché, ils témoignaient de toute la fatigue causée par des combats épuisants. Les forces confédérées par l'adrénaline n'avaient pas été suffisantes, les contraignant à puiser dans leurs réserves qui s'amenuisaient en moins de rien. Pourtant, il fallait tenir, faire front. Ceux qui n'avaient su y parvenir étaient désormais allongés, sans vie, dans la grande salle, ou dans un quelconque coin de la célèbre école de magie. Ils n'étaient que des mômes, des enfants aux joues encore rondes et au cœur tendre. Ils se battaient pour un monde dans lequel ils débarquaient à peine, plus par peur de ne pas voir de lendemain que pour quelques fous idéaux. Tant de décès, tant de vies écourtées. Une de plus, si l'on comptait celle qui les laissait tous sans voix. Des larmes, soudain, vinrent ajouter leurs sillons aux marques déjà nombreuses sur leurs pâles minois. Des sanglots qui se firent plus grands, plus forts. L'on jurerait entendre, chez certains, le déchirement final d'un organe déjà tant éprouvé, là, juste au creux de la poitrine. S'élevèrent aussi, ça et là, les bruits sourds des chutes. A quoi bon se tenir encore debout, alors que s'en était fini ? Ils n'avaient plus qu'à attendre que le désespoir, la peine ne les rongent, ou que l'un des ennemis ne les fassent grâce de cette épreuve en les libérant d'un éclair vert. Ce furent bientôt les ricanements incrédules et sourires débordants de fierté de ces dits ennemis qui naquirent, proliférèrent, hésitants, puis explosèrent. Les camps s'exprimaient en parallèle, antagonistes jusque dans leurs cœurs. Ils brisaient ce silence quasi religieux qui avait suivi le combat final. Cependant, les différents bruits furent, un instant, couverts par un rire. Un éclat de rire glacial, conquérant et victorieux, à vous en retourner le cœur et hérisser les poils. Un ersatz d'Homme titubait, au milieu de cette frontière entre ces deux camps hostiles, serpentant autour d'un corps sans vie. Grand ombre à la peau pâle, aux pupilles rouges du sang volé, aux mots empreints de venin.

« Harry Potter est mort ! » S'exclama la créature, dévoilant ses petites dents pointues dans l'intention évidente de se rendre plus laid encore. « Le garçon qui a survécu est mort ! Vous entendez ? Votre héros est mort, vous êtes vaincus ! » Elle illustra ses propos d'un regard le long des rangs brisés des combattants, ou de ce qu'il en restait. Soudain, tout sourire quitta ce simili de faciès humain, et la créature se dressa de toute sa hauteur pour reprendre d'un voix impérieuse.« Inclinez-vous, à présent, devant votre Maître ! Inclinez-vous face à la puissance de celui que vous vous êtes entêtés à défier, et votre misérable vie sera peut-être épargnée. »

Un hurlement vengeur l'interrompit dans sa tirade, déchirant les rangs des représentants du bien. Une tête, d'une rousseur telle qu'aucun doute ne put être admis quant à son nom, émergea de la foule. Baguette en l'air, traits déformés par une haine incommensurable et yeux noyés de larmes traîtres, Ronald Weasley n'avait plus rien du jeune homme qu'il était quelques jours auparavant. Il beugla, crachant toute la détresse qui lui serrait le cœur, la formule tant redoutée. Le jet de lumière n'atteint pourtant pas le Seigneur des Ténèbres. Pas comme son devancier, qui avait percuté sa cible de plein fouet, faisant s'écrouler son ami – son meilleur et plus cher ami –, anéantissant les espoirs de toute une communauté de sorciers. Sa voix se brisait alors qu'inlassablement, l'adolescent criait le sort jugé impardonnable, quelques insultes ponctuant chacune de ses attaques : un défouloir à la colère indescriptible qui animait chaque partie de son corps. Une colère qui l'embrasait comme jamais aucun sentiment auparavant, ravageant toute parcelle de raison et de bon sens. Une seconde furie rousse, plus menue et moins bruyante, s'échappa ensuite des lignes formées par sa famille et ses amis. Elle fonça, surprenant tout un chacun, sur la masse de Mangemorts qui lui faisait face. Ses sortilèges fusèrent, rejoints sans tarder par d'autres qui sifflèrent à ses oreilles.

De plus belle, la bataille reprenait. Une nouvelle force les habitait à présent : la détresse, la désolation, le chagrin. Ils étaient persuadés de leur défaite, ils se savaient incapables de détruire ce mal qui avait été fatal au garçon supposé les sauver, mais ils ne déposeraient pas les armes sans lutter. Ils perdraient la vie fièrement, baguette au poing et tête levée. Ils ne se soumettraient pas : ils n'offriraient pas tant à ces ordures qui se prétendaient supérieurs . Ils comptaient bien, d'ailleurs, en éliminer une bonne flopée avant de rendre l'âme. Les corps dansaient avec une sorte de grâce morbide entre les maléfices et les coups. Les cadavres s'écroulaient à un rythme démesuré, mais les pertes étaient à déplorer des deux côtés. Ceci dit, très peu des partisans du Lord n'auraient à pleurer la vie d'un proche, contrairement aux familles détruites du camp adversaire, dont les survivants subiront les pertes et vivront les conséquences.
Seule la détermination des combattants enragés n'avait pas l'air de faiblir, ainsi que la haine qu'on sentait flotter au-dessus du méli-mélo d'hommes, de femmes et d'enfants. Seulement les forces du mal grappillaient du terrain, encore et toujours plus. Ils venaient à bout de leurs adversaires, sans même se soucier de faire le moindre prisonnier. C'était une issue inévitable, ils en étaient tous conscients. C'est alors qu'un éclair blanc, aveuglant, traversa le champ de bataille, s'infiltra partout autour d'eux et figea le temps. Les combats cessèrent et tous les gestes, toutes les paroles restèrent inachevés. Une voix s'éleva et raisonna, grave et ferme.

« Fuyez, fuyez tous bande d'écervelés ou vous pourrirez tous ici. »

Dumbledore second du nom. Abelforth, puissant et acariâtre, comme si les récents événements n'avaient aucun impact sur lui, leur procurait la précieuse opportunité de déguerpir. Totalement désintéressé, il précipitait sa propre chute, utilisant ses dernière ressources pour focaliser l'attention des larbins de Voldemort sur lui. Il les inondait de tous les sortilèges de sa connaissance et encaissait les coups de son mieux. Il devait demeurer le plus longtemps possible, réparer les erreurs de son vieux frère, pour que son camp, ces gosses, puissent décamper le plus loin possible de ce maudit continent. Certains ne se firent pas prier et disparurent en quelques « plop » sonores, mais d'autres n'eurent pas tant de facilité. Hermione et Ron affrontaient une poignée de laquais, Ginny s'était précipité jusqu'au corps de son cher et tendre en échappant aux bras de Molly, Luna était tombée sous les cris désespérés de Neville qu'on gratifia d'une jolie entaille sur la joue. Ils continuaient de mourir tout autour, partout, tout le monde.

Finalement, tout s'enchaîna avec une rapidité déconcertante. Un ultime éclair de lumière vint impitoyablement ôter la vie de ce grand sorcier, si semblable au regretté directeur, et signa l'achèvement de cette bataille. Le patriarche Weasley empoigna sa femme, sa fille et le Garçon-Qui-A-Péri puis, avec un regard embué pour ses fils, transplana. Les derniers combattant tentèrent de fuir, sans grand succès. Ronald fut foudroyé par un Avada Kedavra et Hermione s'effondra en observant son corps chuter, vidée, annihilée. Neville, ne sachant se résoudre à l'abandonner, hurla, l'agrippa pour tenter de la ramener, de les faire disparaître, mais fut immobilisé avant d'y parvenir. Des tas d'éclairs rouge avaient remplacés les verts, réduisant le nombre de victime et augmentant celui des prisonniers. Les plus courageux n'imploraient rien d'autre qu'une mort rapide, tentant même parfois de se débattre mollement, sans grandes convictions, avant d'être réduit, d'un geste du poignet, soit au silence, soit à l'inconscience. Les plus effrayés, eux, rampaient dans le but qu'on leur offre un avenir plus doux. Ils n'imaginaient pas combien ils se trompaient.

Un seul être, un esprit des plus brisés, ne prononçait pas un mot. C'était pourtant sa spécialité, du moins c'est ce qu'en disaient ceux qui la connaissaient. En d'autres temps, entourée de ses deux compagnons, elle aurait été la première à réconforter les pleurs et remotiver les troupes. Elle n'était, à présent, plus bonne à cela. Elle était déserté du moindre sentiment, de la plus petite parcelle de rébellion qui avait pu habiter son corps. Ce n'était plus qu'une coquille qui s'attendait presque à ce que son âme s'envole à son tour pour la laisser vide. Mais Merlin n'était pas miséricordieux en ces temps troublés, elle le savait. Des cordes vinrent entourer ses poignets sans qu'elle n'oppose de résistante et la tirèrent, la traînèrent sur le sol de pierre jusqu'aux pieds du plus grand Mage Noir de tous les temps. C'est son visage, si tant est que ce qu'elle avait devant les yeux méritait un tel nom, qu'elle eut le loisir d'observer avant que la fatigue n'ait raison d'elle. Son corps, l'instant d'avant aussi douloureux que son cœur meurtri, lui parut plus léger qu'une plume. Elle crut qu'elle s'envolait, elle-aussi. Elle pria pour les retrouver, là-haut, mais fut englouti par nulle autre qu'une obscurité totale dans laquelle aucun de ses deux amis ne se trouvait.