L'angoisse de la page blanche

Ceci est le troisième texte que j'ai rédigé, court, certes, comme beaucoup de ceux que je produis, mais il est important pour moi, car je l'ai mis en scène et présenté devant ma classe, ensuite, je l'ai intégré au spectacle de l'école de l'année passée, je me suis énormément amusée avec cette fic!


Christophe était écrivain et avait, jusqu'à présent, eu beaucoup de succès, mais bizarrement, ces derniers temps, il n'avait plus d'inspiration en ce qui concernait son prochain roman.

Un matin, l'auteur se leva, heureux de sortir de son lit de métal dont les ressorts faisaient mal à ses vertèbres. Ensuite, il se débarbouilla, enfila son vieux peignoir et s'installa devant son bureau dans le but d'écrire quelques phrases mais n'aligna pas la moindre lettre. La page était vièrge.

C'est difficile de rester devant ce blanc, il est profond et infini. La peur de l'infini pousse l'écrivain à remplir le papier, à le noicir le plus possible de phrases qui auront un sens pour lui et, surtout, prendront fin.

Natacha, son épouse, essayait bien de l'aider, mais il refusait catégoriquement les propositions d'une personne autre que lui-même, même s'il n'en avait aucune à son esprit. Ainsi donc, il était odieux avec elle.

C'était ainsi depuis plusieurs semaines. Et chaque jour, il était plus violent. Natacha n'arrivait plus à le supporter et faisait chambre à part. Ce passage à vide avait débuté le jour où elle était revenue de chez le boulanger. Elle lui avait apporté une petite patisserie pour lui remonter un peu le moral et pour qu'il se nourisse aussi entre deux refus.

Elle l'avait épousé, car il la fascinait. Il était beau, gentil et très drôle. Elle adorait ses yeux gris, la façon intense avec laquelle il la regardait, au début, et la force de ses mains, mais jamais elle ne se serait imaginée qu'il deviendrait aussi distant et taciturne.
À présent, dès qu'elle entrouvrait les lèvres, avant même qu'elle ne pût prononcer une syllabe, il disait immédiatement « Tout seul, je trouverai seul ! ».

La situation se dégradait en même temps que Christophe : il ne se rasait plus, restait toujours en robe de chambre, mangeait à peine. Il maigrissait à vue d'œil, n'avait presque plus de joues, on pouvait apercevoir les os de ses mâchoires et son dos s'était courbé. Il paraissait sale et sentait mauvais. Heureusement qu'il ne sortait plus.

Au quarante-septième jour d'inactivité, lorsque Natacha rentra de son travail, son mari, ayant entendu le bruit des talons de ses bottes sur le carrelage du couloir d'entrée, se mit à crier de façon répétitive : « Moi-même, moi-même, moi-même… ». Il était devenu fou et refusait de s'arrêter.

Tout en continuant, il prit ses précédents livres dans la bibliothèque et les déchira. Il renversait et cassait tout ce qui se trouvait sous ses doigts et ne cessait de répéter les deux mots. Rapidement, le bureau fut dévasté et le fou passa dans la cuisine. Tout ce qui semblait d'habitude parfaitement rangé et très propre était maintenant dans un désordre inimaginable.
Il se mit à se frapper la tête sur le mur blanc, ce qui fit des taches. Il fallait que Natacha agisse.

Elle empoigna le téléphone qui, par miracle, n'avait pas encore été endommagé et, au lieu de joindre un peintre pour refaire la couleur de la pièce, appela un hôpital et raconta rapidement son problème.

Des infirmiers spécialisés arrivèrent en mois de cinq minutes, munis d'une civière et d'une camisole. Ils réussirent à faire enfiler celle-ci à Christophe, mais il restait encore incontrôlable. Il s'échappa dans la nature, hurlant encore.

La page restera blanche à jamais, mises à part sept lettres qu'il avait tracées comme pour mieux les retenir : « Moi-même ».