Lorsque j'étais plus jeune, je vivais à Ostende. De temps à autre, il m'arrivait de croiser un vieil homme riche. Ce dernier paraissait toujours très bizarre, je le croisais chaque matin.

Il portait une courte barbe blanche brune bien taillée, un chapeau haut-de-forme noir et une grande cape sombre également.

On ne le connaissait que très peu dans le voisinage et il ne fréquentait qu'un cercle très restreint.

Son métier était de peindre. Cela lui allait bien. Ses toiles était plutôt étranges, comme lui. Il se plaisait à représenter des squelettes. Ceux-ci se bagarraient ou terrorisaient des foules de différentes manières horribles. Je m'étais toujours demandé ce qui pouvait l'inspirer à esquisser des os. Tout le monde l'ignorait. De même, nous n'en savions pas beaucoup plus en ce qui concernait le lieu où il se rendait tous les matins dès huit heures et où se trouvait son atelier, car le peu de personnes étant entrées dans sa demeure n'en ont pas vu. Bref, cet homme était un mystère.

Un jour, je me décidai à le suivre, je désirais savoir. Il s'aperçut rapidement que je le filais. À mon insu, les rôles avaient été inversés et c'était moi qui étais surveillé.

Depuis que cette personne habitait ici, d'étranges disparitions s'étaient produites. Je me sentais mal, j'avais un pressentiment.

J'étais toujours derrière lui quand nous arrivâmes dans les dunes. Le temps n'était pas très gai, la brume régnait. Je percevais encore le bruit que faisait le clapotis des vagues venant mourir sur le sable froid. Ce son était presque rassurant, il me raccrochait à la réalité.

Nous pénétrâmes alors dans une propriété privée à l'air abandonné. Au fond du parc se dressait un pavillon au milieu du brouillard. Le peintre y entra et appuya sur l'interrupteur. La clarté se fit dans la pièce et, enfin, je pus en distinguer l'intérieur. Malheureusement, je n'étais pas encore assez près pour bien voir et m'approchai.

À présent, je me trouvais derrière les plantes qui avaient été plantées là pour empêcher le sable de trop avancer, cette verdure qui m'écorchait les mollets lorsque je courais sur la plage étant enfant.

La pièce était garnie toute entière de tableaux représentant tant de squelettes ou autres personnages des plus cauchemardesques. Au centre reposait simplement un chevalet à côté duquel l'homme arrangeait quelques couleurs. Au fond de la pièce se dressait une petite porte cadenassée.

Je fus distrais un moment par les mouettes qui se disputaient un morceaux de harengs, mais quand je retournai la tête dans la direction de la bâtisse, je ne voyais pas le vieillard. Il avait du entrer dans l'autre pièce…ou sortir !

Un souffle derrière moi, avant que tout devienne noir, j'ai pu saisir une dernière parole : « Dans huit mois, il fera un excellent modèle ! ».