Bonjooouuur ! :-)

Me revoilà avec un nouveau Théalthazar ! Bon, à la base, je me demandais pourquoi Théo portait toujours un bandeau et je pensais faire un petit OS là-dessus, et puis Bob a débarqué et ç'a dégénéré, comme toujours quand on colle Théo et Bob ensemble. x')

J'espère que vous apprécierez ! Bonne lecture !


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L'univers et les personnages d'AVENTURES ne sont pas à moi : ils appartiennent à Mayhar, Krayn, Fred, Bob, Seb, et tout ce joyeux petit monde qu'on adore. Ah, et au cas où vous auriez un doute : je n'écris pas ces histoires dans le but de gagner des sous, mais juste pour partager avec vous mes délires et cette passion d'Aventures. ^.^


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Marqué comme sien


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Après avoir livré un rude combat, les Aventuriers s'étaient éloignés de leur champ de bataille et s'étaient mis en sécurité à quelques kilomètres de là. Puisque le jour déclinait, ils avaient établi un campement sommaire. À présent, chacun s'attelait à panser ses plaies de son mieux. Étant le moins amoché du groupe, Shin était parti chasser dans les environs pour leur trouver de quoi manger, accompagné d'Eden. Le demi-élémentaire avait bien entendu protesté avec mauvaise humeur en gratifiant l'animal d'un regard noir, mais Grunlek avait insisté. On n'était jamais trop prudent, et ils ne connaissaient pas bien cette région-ci. Mieux valait qu'il ne parte pas seul. Résigné, Shin avait soupiré et finalement hoché la tête.

La magie de soin de Théo s'était une nouvelle fois révélée extrêmement utile et efficace pour refermer les nombreuses plaies plus ou moins importantes de Grunlek et soigner les quelques blessures que Bob avait également reçues. Occupé à restaurer ses compagnons, le paladin en avait délaissé son propre état, ce que ne manqua pas de souligner Grunlek avec inquiétude sitôt qu'il fut remis sur pieds :

« Théo, garde des forces pour te soigner. Tu es blessé, toi aussi. » lui rappela-t-il en pointant du doigt le sang sombre qui avait séché le long de sa tempe.

« C'est rien. » marmonna-t-il en puisant dans sa psyché pour refermer les dernières coupures de Bob, qui le remercia d'un signe de tête.

Théo se redressa et s'étira. Sa tête le lança violemment, et ses muscles ankylosés lui arrachèrent une grimace de douleur qui n'échappa pas au regard perspicace du nain.

« Viens t'asseoir, je vais regarder ça. » lui proposa-t-il gentiment tout en fouillant déjà dans son sac à la recherche d'herbes médicinales quelconques. « Tu en as assez fait pour le moment. »

« Ça va, je te dis. »

Grunlek posa ses poings sur ses hanches et secoua la tête. Théo était vraiment une tête de mule, quand il s'y mettait ! Toujours à vouloir se débrouiller seul, trop fier pour demander l'aide des autres… Ce n'était pas pour rien qu'ils voyageaient ensemble depuis aussi longtemps, tout de même ! Il savait très bien qu'il pouvait compter sur eux et leur faire confiance !

« Théo, tu t'es pris un sacré coup sur le crâne, ça peut être grave. » insista-t-il d'un ton plus ferme. « Il faut te soigner. »

« J'vais méditer et je m'en occupe après, c'est bon… » lâcha le paladin dans un soupir irrité en levant les yeux au ciel.

« Théo ! » l'appela Grunlek alors que le guerrier s'éloignait entre les arbres.

« Merde. »

Assis un peu plus loin auprès d'un petit tas de bois qu'il s'efforçait d'enflammer depuis plusieurs minutes (avec quelques difficultés, car leur combat avait quand même pas mal puisé dans sa psyché), Bob suivait leur discussion houleuse d'une oreille tout en esquissant un petit sourire en coin, qu'il dissimula lorsque le nain se rapprocha de lui et s'assit en grommelant sourdement à l'intention de Théo.

« Tu ne pourrais pas le convaincre, toi ? » demanda-t-il au mage en lui jetant un coup d'œil.

Bob ne put s'empêcher de ricaner.

« Oh, s'il est blessé à la tête, aucune chance. »

« Pourquoi ça ? » s'étonna le nain en fronçant les sourcils, perplexe.

Il avait parfois tendance à oublier que Bob et Théo s'étaient rencontrés bien avant qu'ils ne se réunissent et ne commencent à parcourir le Cratère tous les quatre. Par conséquent, malgré tout le temps qu'ils avaient déjà passé ensemble et aussi surprenant que cela puisse paraître, le paladin et le demi-diable étaient certainement les deux membres de leur groupe qui se connaissaient le mieux. Cette fois, Bob ne cacha rien de son sourire sarcastique.

« Son bandeau. Tu sais bien qu'il faudrait réussir à le lui retirer pour examiner sa blessure. »

« Oui, c'est vrai. » admit Grunlek dans un grognement impuissant.

Jour ou nuit, quelle que soit leur situation, peu importe la région du Cratère dans laquelle ils se trouvaient, Théo ne quittait jamais la bande de tissu jaune qui lui ceignait le front. L'inquisiteur ne leur avait fourni aucune explication là-dessus et personne ne lui avait posé de question quant à cette curieuse manie. Ça faisait partie de lui, tout simplement, et il ne leur serait jamais venu à l'idée qu'il puisse en aller autrement.

« Ne t'en fais pas. » le rassura Bob, ayant intercepté le regard sombre de Grunlek. « Il est pas aussi con qu'il en a l'air, il va faire ce qu'il a dit. Un peu de repos, et quand il aura retrouvé de la psy, il se soignera tout seul comme un grand. »

Le nain sourit à la remarque de son ami et hocha la tête. Puis il l'aida à entretenir le feu en attendant le retour de Shin.


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Le sang séché maculait toujours le visage de l'inquisiteur de la Lumière lorsqu'il réapparut pour manger avec ses compagnons. Ceux-ci firent mine de ne pas y prêter attention. Grunlek avait été rassuré par Bob un peu plus tôt. À un moment, Shin s'apprêta bien à ouvrir la bouche pour dire quelque chose, mais le demi-diable intercepta son regard et lui fit discrètement « non » de la tête. L'archer hésita, puis haussa les épaules et poursuivit son repas sans un mot, adressant tout de même un coup d'œil inquiet au paladin de temps à autre. Ses traits étaient tirés, conséquence probable de la rude bataille qu'ils avaient menée dans l'après-midi, et il paraissait plus pâle qu'à l'habitude.

La soirée se déroula normalement. Ils dînèrent tout en parlant de la journée qu'ils avaient vécue et de leurs projets des jours prochains. Grunlek déroula devant eux une carte de la région qu'il avait tiré de son sac et ils étudièrent les alentours afin de choisir leur itinéraire du lendemain. Puis vint la question des tours de garde pour la nuit. Assez en forme et revigoré par le bon repas mitonné par Grunlek, Shin se proposa de débuter. Il réveillerait ensuite Théo, qui passerait le relais au nain, et Bob achèverait la nuit. Après s'être accordés sur cet ordre, le demi-élémentaire d'eau invoqua Icy pour lui tenir compagnie tandis que ses camarades se préparaient à dormir.


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Une main sur son épaule le secoua vigoureusement pour le tirer de son sommeil. Le mage grogna, à moitié conscient, et tenta désespérément de ramper sous sa couverture pour échapper à son tortionnaire. Dans les brumes de son rêve qui se dissipaient lentement, il perçut le soupir amusé de Grunlek :

« Bob ! Ça fait trois fois que je t'appelle. »

« Ghm… Veux encore dormir… » marmonna le demi-diable en se recroquevillant sur lui-même, le dos tourné à son ami nain.

« C'est à ton tour de monter la garde. Allez, debout. »

Il fallut encore plusieurs minutes de persévérance à Grunlek pour réussir à réveiller totalement Bob. Celui-ci se redressa enfin et se passa une main fatiguée sur le visage, tout en retenant de son mieux un énorme bâillement.

« …s'ki s'passe ? » bougonna-t-il.

« Va surveiller. » lui indiqua le nain tout en le poussant pour prendre sa place sur leur couchette improvisée.

« Ok, ok. »

Le mage se leva en époussetant négligemment sa robe, s'étira, puis tourna la tête pour observer les alentours. Il fronça les sourcils.

« Hé, où est Théo ? »

« Il m'a dit qu'il allait un peu plus loin pour méditer tranquillement. » l'informa Grunlek en s'allongeant à la place que Bob venait de quitter. « Je pensais qu'il reviendrait, mais il a dû s'endormir. »

« D'accord. » fit-il en hochant la tête, à présent tout à fait réveillé. « Des menaces dans les parages ? »

« Il n'y a pas l'air. Eden n'a pas bougé une oreille. » sourit le nain en lançant un regard affectueux en direction de la louve endormie, son museau strié de cicatrices posé sur ses pattes avant.

« Parfait. »

Bob s'installa auprès du feu et patienta durant de longues minutes, guettant le moment où Grunlek s'endormirait. Lorsqu'il fut certain que son ami avait sombré dans l'inconscience et qu'il se fût assuré que ni Shin, ni Eden ne seraient réveillés par ses mouvements, le mage se releva doucement et quitta le camp.

Comme s'il savait exactement vers où se diriger, le demi-diable parcourut la forêt et arriva rapidement à une autre petite clairière, un peu isolée, éloignée de l'endroit où ils avaient établi leur campement. En son centre, un corps était étendu au sol. Endormi ou en train de méditer, il ne savait pas trop. Du coin de l'œil, il remarqua des surfaces métalliques qui reflétaient l'éclat de la lune. Bouclier, épée… mais pas seulement. Bob sourit doucement dans la pénombre. Théo avait retiré le haut de son armure pour être plus à l'aise, comme souvent lorsqu'il méditait ainsi.

Sans un bruit, le mage s'avança dans la clairière et se pencha au-dessus du corps inconscient, laissant son regard glisser sur le visage apaisé, les épaules puissantes, le torse dévêtu et les muscles bien dessinés de son compagnon. Cela faisait longtemps qu'il n'avait plus eu le loisir de le contempler ainsi en toute quiétude, sans que le nain ou que le demi-élémentaire d'eau ne soient dans le coin. Il était toujours aussi beau… et attirant. Ses yeux remontèrent pour fixer sombrement les marques de sang qui ornaient encore la tempe droite du guerrier. Il fronça les sourcils et s'agenouilla auprès de Théo. Lentement, ses doigts glissèrent le long de sa peau, puis s'aventurèrent dans ses cheveux.

Bob retira sans la moindre gêne le bandeau de son ami, invoqua une flamme au creux de sa main pour l'éclairer, et écarta de l'autre quelques mèches de cheveux noirs pour examiner plus en détail la blessure de Théo. Mais son inspection ne dura qu'une dizaine de secondes. Dans un sursaut, le paladin éleva brusquement un bras dans les airs et s'empara de son poignet, le serrant si fort entre ses doigts que Bob laissa échapper un petit cri de douleur.

« C'est qui ? » grogna Théo, menaçant.

« C'est moi. » marmonna Bob en agitant son bras pour se dégager. « Lâche-moi, maintenant. »

Il diminua la pression de ses doigts et le demi-diable put enfin recouvrer l'usage de sa main. Il se remit à fourrager dans la chevelure de son ami tandis que celui-ci grommelait :

« Arrête de me faire des peurs pareilles, bordel. »

« Toujours pas habitué à mon petit cadeau ? » sourit narquoisement Bob pour dissimuler son amertume.

« Tu parles d'un cadeau… »

Théo avait les yeux fermés. Il ne voyait donc pas le regard du mage s'assombrir ni ses traits se crisper peu à peu alors que, dans les cheveux du paladin, ses doigts se teintaient de rouge. Après un long moment de silence, il finit par jurer entre ses dents.

« Merde, Grun avait raison. C'est plus profond que ce que je pensais. Et avec tout le sang que tu as déjà perdu… »

« Mh. » fut la seule réponse du guerrier.

Bob lui jeta un regard soucieux. Il n'avait toujours pas rouvert les yeux et lui paraissait encore plus blafard que tout à l'heure. C'était mauvais signe. Pourquoi ne s'était-il pas soigné d'abord au lieu de s'occuper d'eux, pour une fois ? Et pourquoi ne pas s'être laissé examiner plus tôt, au moins par lui, le seul à savoir exactement ce que Théo cherchait à tout prix à dissimuler au monde entier sous ce bout de tissu ? Au diable la foutue fierté de ce foutu paladin, il était à deux doigts de tomber dans le coma, maintenant ! Il fit disparaître le feu dans sa paume, retira son autre main des cheveux de son ami et lui tapota la joue, laissant sur la peau trop pâle de l'inquisiteur de légère traces sanglantes.

« Théo ! Hé, Théo, tu m'entends ? »

Pas de réponse. Il n'aimait pas ça… mais alors pas du tout. Bon. Aux grands maux, les grands remèdes. Par réflexe, Balthazar vérifia d'un coup d'œil circulaire qu'ils étaient bel et bien seuls dans cette clairière, sans aucun témoin. Puis, d'un geste vif, il remonta la manche de sa robe de mage, laissant apercevoir au centre de son avant-bras une sorte de tatouage noir représentant un pentacle. Il repoussa doucement les mèches sombres qui recouvraient encore le front de Théo, et appliqua son bras contre le même signe qui marquait son ami, priant pour qu'il ne soit pas trop tard et qu'il soit encore en mesure de réagir à ça.

Dès que leurs peaux se furent effleurées, les deux symboles s'illuminèrent de rouge. Tout comme les yeux du pyromage.

Théo reprit brutalement conscience, se redressa dans un sursaut et poussa un hurlement de douleur. Bob s'était attendu à ce genre de réaction. Il l'avait même espéré : ça signifiait qu'il n'était pas encore passé de l'autre côté. Il enlaça fermement le paladin, plaquant une paume au centre de son torse nu pour le maintenir collé à lui, tandis que son avant-bras marqué du signe démoniaque glissait de son front jusqu'à sa bouche pour étouffer son cri jeté dans les ténèbres. Théo se débattit comme un beau diable pour se libérer de son étreinte, les yeux révulsés, et Bob eut toutes les peines du monde à le maintenir contre lui.

« Je sais, je sais… » lâcha-t-il entre ses dents alors que le paladin s'agitait dans ses bras. « Ça va passer. Je n'avais pas d'autre choix, je suis désolé. »

De longues secondes de lutte s'écoulèrent, après quoi l'inquisiteur de la Lumière parut se calmer. Il cessa de se débattre. Mais sous la main que Balthazar pressait toujours contre son torse, son cœur tambourinait à un rythme effréné, et sa respiration était saccadée et chaotique. Contre sa paume, le demi-diable sentit les lèvres de Théo s'agiter, en un marmonnement étouffé qu'il ne comprit pas. Il décala légèrement sa main.

« Quoi ? »

« Connard. »

« Bah, au moins t'es conscient, maintenant. » rétorqua Bob en haussant les épaules, sans le moindre état d'âme. « Dis-moi que tu as récupéré de la psy, s'il te plaît. »

Tout en murmurant ces mots, il avait lentement glissé sa main le long du cou et de l'épaule du paladin, en une caresse à peine perceptible. Il attrapa à son tour son poignet, avec douceur, souleva son bras et appliqua les doigts du guerrier de la Lumière contre la profonde blessure qu'il avait à la tête.

« Soigne-toi, Théo… » souffla-t-il.

Complètement avachi contre le torse du demi-diable, l'inquisiteur ferma les yeux. Il avait conscience qu'il avait failli y passer, stupidement. Lui qui s'obstinait à ne jamais laisser deviner la moindre faille dans son armure… il se retrouvait aussi impuissant que démuni dès lors qu'il était prisonnier de l'étreinte de cet être hérétique. Entre ses bras, il ressentait une agaçante sensation de vulnérabilité.

Sensation décuplée par le fait qu'il n'avait pas regagné assez de psyché pour pouvoir soigner correctement sa blessure.

« Aide-moi. » murmura-t-il faiblement.

Il colla le dos de sa main à la paume du demi-diable, et leurs doigts s'entremêlèrent. Alors que Théo puisait à la fois dans sa magie et dans celle du mage pour se soigner et qu'un léger halo de lumière entourait le bout de ses doigts, il sentit les lèvres chaudes de Balthazar se déposer délicatement sur sa jugulaire, puis papillonner le long de sa gorge.

Alors, il esquissa un sourire tandis que revenaient dans son esprit d'anciens souvenirs. Une scène, en particulier, qu'il avait pendant longtemps tenté d'occulter, mais qui cette nuit se rappelait à lui sans la moindre rancune, enfin.

Parce qu'il s'apprêtait à sombrer, et que c'était grâce à cette hérésie que Bob était parvenu à le réanimer et à le ramener in extremis du côté des vivants…


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Cela faisait déjà plusieurs longues semaines que Théo et Bob s'étaient rencontrés et avaient décidé, par un concours de circonstances, de poursuivre leur route ensemble. Tout d'abord méfiants l'un envers l'autre, un certain esprit de corps avait fini par se former entre les deux hommes au fur et à mesure de leur voyage. Ils avaient fait connaissance, au cours du trajet ou le soir, près des feux de camp que le mage allumait sans peine. Ils s'étaient peu à peu dévoilés l'un à l'autre, et malgré leurs différends et la relative méfiance que l'inquisiteur maintenait toujours vis-à-vis du demi-diable, force était d'admettre que leur duo était agréable et efficace. Ils avaient parfois un peu de mal à se supporter, lorsque leurs avis divergeaient, mais aucun d'eux deux ne tenait à retrouver sa solitude.

Une tension s'était installée entre eux, petit à petit. Chacun la percevait, sans forcément en connaître l'origine. Ou du moins, sans vouloir se l'avouer. Pourtant, un soir, alors qu'ils partageaient la même chambre d'une auberge par manque de place dans l'établissement et qu'ils avaient auparavant vidé ensemble le contenu d'une bouteille ou deux, la pression qui s'était accumulée entre eux au fil des derniers jours avait explosé. Enfin.

Théo n'aurait pas su dire lequel s'était le premier jeté sur les lèvres de l'autre sitôt la porte de leur chambre refermée dans leur dos. Parfaitement conscients de ce qu'ils faisaient, malgré leur esprit embrumé par l'alcool, les déclarations enflammées avaient jailli spontanément, entre deux baisers torrides. Leurs vêtements avaient naturellement rejoint le sol et le lit ne semblait attendre qu'eux. Théo avait ressenti un véritable soulagement, presque une délivrance. Son corps était enfin libre d'épouser les formes de celui de son compagnon. Ses mains pouvaient explorer sans aucune barrière le moindre centimètre carré de sa peau nue. Leurs lèvres se scellaient enfin pour des échanges passionnés. Rongés par l'impatience et la frustration, ils n'avaient pas vraiment été doux. Était-ce le démon qu'il abritait en lui qui rendait Balthazar aussi possessif… presque brutal ? Théo ne s'en était pas plaint. Si leurs débuts avaient certes été douloureux, c'étaient ensuite des cris de plaisir qui avaient résonné entre les murs de leur chambre.

Mais alors qu'il commençait lentement à perdre pied, il y avait eu cette chaleur intense, cette brûlure qui avait irradié dans le corps entier du paladin, pénétrant chacun de ses os, le moindre de ses muscles. Il avait perdu connaissance et s'était écroulé dans les bras de Balthazar, inerte.

Théo était revenu à lui le lendemain matin. Souriant au souvenir de leur nuit, il s'était rhabillé, avant de constater le changement de comportement radical de Bob. Il fuyait son regard, affichait une expression coupable. Perplexe, le paladin avait fouillé dans ses souvenirs, avant de se rappeler son évanouissement subit. Quand il s'était interrogé à voix haute, le demi-diable avait poussé un profond soupir, puis lui avait tendu un miroir en évitant soigneusement son regard. Seuls cinq mots avaient su franchir le seuil de ses lèvres, dans un murmure débordant de culpabilité :

« Pardonne-moi… je ne voulais pas. »

Théo s'était contemplé sans rien voir. Puis il avait remarqué un trait noir entre ses cheveux. Lentement, il avait levé un bras pour écarter ses mèches sombres, et avait découvert avec horreur le pentacle qui ornait désormais sa peau. Il s'était frotté le front, mais le tatouage était inscrit sur lui, comme indélébile, à la racine de ses cheveux. Le visage décomposé, il avait tourné la tête vers Balthazar, qui le regardait tristement. Il avait relevé l'une de ses manches, et l'avant-bras qu'il avait posé sur sa cuisse portait le même symbole noir.

« Qu'est-ce que tu m'as fait, hérésie ? » avait sourdement articulé Théo, du feu dans la voix et toute affection envers le demi-diable brusquement envolée.

« Je ne sais pas… Ça doit être de la magie démoniaque, je t'ai dit que je ne la contrôlais pas ! » gémit Bob alors que l'inquisiteur s'avançait vers lui d'un air menaçant. « Je ne sais pas ce que c'est, Théo, je suis désolé, je ne voulais pas ! »

Le désespoir dans la voix du mage avait fait se serrer le cœur du paladin, malgré sa colère. Il s'était souvenu qu'il aimait cet homme… cette hérésie. Ce demi-diable… ce monstre. Il avait lâché un soupir furieux. Envers Bob… mais surtout envers lui-même. Il aurait dû s'en douter, pourtant. Il s'était uni à lui, il avait commis l'irréparable… Et pour tout dire, il ne regrettait pas. Mais à présent, il était lui aussi marqué du sceau de l'hérésie.

Personne… Personne ne devrait jamais savoir. L'Église de la Lumière. Les autres inquisiteurs, les autres paladins. Victoria. Viktor… Théo avait fermé les yeux et chassé cette pensée de son esprit, se pinçant l'arête du nez entre le pouce et l'index. Il devait à tout prix le dissimuler. Personne ne devait savoir.

Restait à découvrir ce que cette marque hérétique provoquait…

Brusquement, sans prévenir, il avait attrapé l'avant-bras du demi-diable et l'avait élevé pour le coller contre son front. Bob avait écarquillé les yeux et entrouvert la bouche, mais n'avait pas eu le temps de proférer le moindre son. Ses yeux étaient devenus incandescents.

Une brûlure lancinante avait de nouveau envahi la totalité de son corps, et sous la douleur insupportable, Théo avait relâché le bras de Balthazar pour s'effondrer au sol, s'agrippant au rebord du lit de toutes ses forces, la respiration saccadée, les yeux clos et la mâchoire serrée pour retenir le gémissement de souffrance qui tentait de s'échapper d'entre ses lèvres.

« Théo ! Est-ce que ça va ? »

La vision trouble, il avait relevé la tête en direction du visage inquiet de Bob. Il ne savait plus très bien s'il était en colère ou non contre lui. Il l'aimait. Passionnément. Mais tout les opposait. Tout prouvait que cet amour était impossible. Ce lien démoniaque n'en était qu'une confirmation supplémentaire. Pourtant…

Pourtant, le paladin savait qu'il ne pouvait plus se passer du demi-diable.

« Je crois que j'ai lu quelque chose à ce sujet dans un vieux grimoire, il y a longtemps… » avait balbutié Bob en offrant son aide à Théo pour se relever, aide qu'il avait dédaigné en se redressant seul. « Quand je cherchais à en savoir plus sur ma nature… C'est comme un sort automatique. »

« M'en fous. Dis-moi seulement qu'il y a moyen de l'annuler. »

Les yeux du mage s'étaient mis à briller et il avait continué, sans se soucier du marmonnement agressif de l'inquisiteur :

« Il lie le diable à… à son âme sœur, lorsque celle-ci est humaine. »

« Pardon ? »

« C'est une magie que je ne connais pas, et beaucoup trop puissante pour que quiconque puisse la supprimer. Je crois que tu ne peux pas t'éloigner de moi à compter d'un certain périmètre. Je ne me souviens plus des effets que ça fait quand nos deux pentacles sont en contact… mis à part la brûlure. » avait-il ajouté d'une petite voix face au regard de Théo, dont l'animosité augmentait de seconde en seconde, à chaque mot qu'il prononçait.

« Ça veut dire qu'on est reliés à vie ? » avait prononcé sombrement le paladin avec une lenteur menaçante.

« Ça veut dire que tu m'appartiens. » avait dégluti Bob en hochant la tête, tout en essayant de censurer son esprit qui lui murmurait tous les sous-entendus que pouvait signifier cette phrase. « S'ils voient ce symbole, aucun démon ne pourra te toucher. Parce que… »

Il avait marqué une hésitation.

« … Parce que tu es ma propriété. »


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Théo n'avait pas cherché à étouffer sa rancœur, persuadé qu'elle deviendrait son meilleur atout pour se tenir éloigné du demi-diable. Comme il s'était trompé ! Ses lèvres, ses caresses, la chaleur de son corps contre le sien… Ils n'avaient peut-être partagé qu'une seule nuit, mais malgré tout, Balthazar lui manquait. Et comme un con, il s'en était rendu compte trop tard, alors que Grunlek et Shin les avaient déjà rejoints. À présent qu'ils voyageaient tous les quatre, impossible de redevenir aussi proches qu'ils auraient pu l'être. La violence de Théo avait grandi au fil de leurs aventures, alimentée par la frustration qu'il ressentait de vivre aux côtés de Bob sans pouvoir partager son amour. Le demi-diable avait bien compris que le paladin lui en voulait. Désolé, il n'avait même plus cherché à l'approcher. Peu à peu, leur relation était revenue au beau fixe, mais il y avait toujours quelque chose de distant et de réservé dans leurs échanges. Même Grunlek et Shin l'avaient remarqué, mais ils avaient mis cela sur le compte de l'aversion de l'inquisiteur pour le démon que Bob abritait en lui.

Il portait ce bandeau jaune autour de son front depuis ce jour fatidique, et ne l'avait plus jamais retiré. Ainsi, il cachait à tous la marque de l'hérésie qui ornait à présent sa peau. Tant qu'il parviendrait à se dissimuler ainsi, Théo pourrait donner le change et demeurerait ce qu'il avait toujours été : un fier paladin et inquisiteur de l'Église de la Lumière. Mais en réalité, au plus profond de lui-même, il se savait damné. Il était impur, indigne de porter cette lame, ce bouclier, cette armure frappée du sceau éclatant de la Lumière.

Il appartenait corps et âme à Balthazar.

Théo sentit un mouvement contre son bras, et reprit peu à peu ses esprits. Confusément, il fit à nouveau la part des choses entre le réel et ses pensées tourmentées. La tête baissée, il rouvrit les paupières et son regard tomba sur la main de Bob, toujours plaquée contre son torse nu. Il sourit aux souvenirs torrides que cette vision provoqua et sentit un souffle chaud près de son oreille.

« Ça va mieux ? »

Le paladin tourna la tête pour embrasser Bob à pleine bouche.

« Maintenant, oui. »

« Tu ne me détestes plus ? » murmura ironiquement le demi-diable.

Théo se redressa, et sa main quitta ses cheveux et sa blessure guérie pour s'élever et caresser la joue de Balthazar.

« Je ne t'ai jamais détesté… »

« Alors t'as bien fait semblant, enfoiré. »

Le guerrier demeura silencieux. Puis il donna un vigoureux coup d'épaule dans le mage, qui ne s'attendait pas à cette attaque en traître et bascula en arrière. Théo se retourna et grimpa sur lui à califourchon avant de se pencher sur son compagnon et de l'empoigner par le col de sa robe.

« Qu'on soit bien clairs. » gronda-t-il. « Plus jamais tu ne touches à ce bandeau, c'est compris ? »

« Très bien. » marmonna Bob, boudeur. « La prochaine fois, je te laisserai crever. »

« Il n'y aura pas de prochaine fois. »

Les mains de Théo descendirent, baladeuses. Balthazar fit mine de ne pas se rendre compte qu'il était en train d'écarter les pans de sa robe de mage pour dévoiler son torse.

« J'ai fini par l'accepter, tu sais. »

Bob planta son regard dans celui de Théo et apprécia l'ironie de la situation. C'était lui le mage, et pourtant, c'étaient les yeux du guerrier qui parvenaient à l'ensorceler sans peine…

« Accepter quoi ? » murmura-t-il innocemment.

Il ne quitta pas Théo du regard tandis que ce dernier descendait vers lui, et se mordit les lèvres en étouffant un gémissement lorsqu'il plongea la tête au creux de son cou pour mordiller délicatement sa peau. Tout en continuant à le déshabiller lentement, il lui susurra à l'oreille :

« La marque que tu as posée sur moi. »

Il revint prendre possession de ses lèvres, goûtant encore et encore à ce fruit défendu dont il savait qu'il ne pourrait plus jamais se passer. Balthazar l'avait envoûté. Il l'avait entraîné avec lui dans la plus dangereuse et la plus délicieuse des hérésies…

Et puis merde, au diable la Lumière et ses foutus préceptes à la con.

Balthazar l'avait marqué comme sien, à jamais.

« Je suis à toi. » eut le temps de souffler Théo avant de perdre totalement le contrôle de son désir.

Dissimulés au cœur des ténèbres, dans la noirceur de la nuit, deux hommes se retrouvèrent enfin pour s'aimer en toute liberté, et la clairière ne tarda pas à résonner de leurs cris de délivrance.


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Les choses étaient censées s'arrêter là, mais quand j'ai écrit le passage sur les "conditions" de cette marque démoniaque, je me suis interrogée sur ce fameux "périmètre" que Théo n'est pas censé dépasser en s'éloignant de Bob… Et je me suis demandé comment ils auraient vécu ça à la fin de la saison 1 / au début de la saison 2, lors de la "mort" de Théo…

Il se pourrait donc qu'un deuxième OS soit publié prochainement à la suite de celui-ci… Restez à l'affût ! ;-)

Merci beaucoup de votre lecture et à (très) bientôt ! (Au passage, n'hésitez pas à laisser une review, je vous offre un cookie virtuel pour la peine ! ^^)