Je vous présente la version 2.0 de cet OS - inspiré, je le rappelle, de Promis, c'était la dernière fois de videlle59 avec l'accord de cette dernière. J'espère ce cela vous plaira!
Ce matin-là comme tous les autres, Alicia franchit la porte de sa demeure avant même que le soleil ne daigne se lever – ce qui, dans la mesure où elle était londonienne de naissance, n'était pas un exploit extraordinaire. Un sourire aux lèvres, elle enfourcha son vélo et se dirigea vers la Tamise, qu'elle devait longer pendant une quinzaine de minutes avant d'arriver à son lieu de travail. Elle avait déjà revêtu son uniforme, composé d'un chemisier blanc et d'une robe noir dont le haut était coupé comme un tablier. De la brume montait doucement de l'eau, ajoutant du mystère à la ville. Lorsqu'elle arriva devant la façade du Château, elle prit e temps de la contempler un instant – elle était en avance, de toute façon. L'immeuble, fait de massives pierres, était haut de quelques cinquante étages, dont chacun était percé par neuf fenêtres, superbes baies vitrées encore masquées, en cette heure matinale, par de lourds rideaux de velours rouge. Sur la dizaine de marches menant à l'immense porte en bois sculpté se tenaient des arbustes soigneusement taillés en forme de boules, plantés dans des pots en argent massif. Un majestueux tapis rouge indiquait la route. Après avoir salué les deux portiers et le voiturier d'un geste de la main, elle conduisit son vélo jusqu'à la petite ruelle, quelques mètres plus loin, qui permettait d'accéder à l'entrée du personnel. D'un pas léger, elle se dirigea vers le petit salon, réservé aux femmes de chambres, qui avaient été aménagé juste à côté des cuisines et meublé avec la même ostentation que les parties communes de l'hôtel le plus fameux d'Angleterre.
Elle ne pouvait nier que les inconvénients étaient, dans son métier, plus nombreux que les avantages mais elle ne regrettait en rien le choix qu'elle avait fait, bien des années auparavant. Le plus désagréable était certainement de devoir constamment nettoyer derrière des gens peu soucieux d'hygiène qui, sitôt la chambre rangée, s'en donnaient à cœur joie et la rendait plus sale encore qu'auparavant. Une des clientes avait un jour parlé d' « elfe de maison », expression qu'elle avait jugé tout à fait appropriée pour décrire la façon dont elle était parfois traitée par certains. Cependant, même ses heures de ménage plaisaient à la jeune femme, qui était, avec les années, devenues experte dans l'art subtil d'analyser la vie des résidents en un simple coup d'œil. Elle adorait servir les repas, assister à l'intimité d'inconnus à la manière d'une sourie. Elle aimait regarder les étoffes luxueuses des tenues de soirée lors des galas, elle aimait faire les lits dont les draps semblaient presque irréels tant ils étaient doux, elle aimait s'imaginer vivant dans ce monde, avec des produits de beauté hors de prix et des chaussures par millions. Elle aimait observer les différentes ambiances entre les chambres, selon les clients, leur état d'esprit et leurs relations entre eux : le joyeux bazar d'un couple amoureux, la perfection méticuleuse apportée aux tenues, les meubles retournés par des gens désespérés… Elle avait appris à connaitre les gens intimement sans qu'ils ne s'en rendent compte, à deviner leurs secrets, à cerner les limites de leur conscience.
Mais surtout, elle avait appris à servir. A exhausser les vœux les plus inavouables des clients les plus fortunés, à répondre aux exigences extravagantes qu'on lui soumettait, à anticiper le moindre souhait et à tout faire pour rendre le séjour aussi agréable que possible.
Elle adorait son métier, et elle y excellait.
Un rapide coup d'œil au calendrier lui confirma ce qu'elle pensait. Mardi 27 mai. Le dernier du mois. Ils étaient donc là. Elle sourit discrètement, noua son foulard et se précipita en cuisine., ou elle prit le temps de saluer chacun des commis, gardant pour la fin le chef, qui, après avoir baisé sa main, la garda serrée contre lui peut-être un instant de plus que nécessaire. C'était un très bel homme d'une trentaine d'année, d'origine italienne, aux cheveux noir et au sourire charmeur. Tout en lui, de sa fossette à la jour gauche en passant par ses sourcils fournis, faisait frissonner Alicia. L'accent charmant du maitre résonna lorsqu'il lui demanda ce qu'il pouvait faire pour elle, et elle sentit ses joues s'enflammer, lorsqu'elle lui répondit, la voix tremblante :
-J'aurais besoin des petits déjeuners de la 394, et de la 731 dans dix minutes. A sept heures, il me faudra celui de la 599. Cela suffira pour le moment. »
Elle se détourna alors qu'il lui répondait, se hâtant pour préparer les trois chariots qui seraient utilisés ce matin-là, y disposant l'argenterie nécessaire en fonction du repas commandé. Après une seconde d'hésitation, elle retira un lys de la jarre posé dans le petit couloir menant aux ascenseurs de service et le déposant dans un vase en cristal qu'elle laissa sur l'un des chariots.
Elle adorait cette routine matinale, si rassurante. Arriver, attendre les plats, servir les repas, redescendre discuter en attendant que vienne l'heure de nettoyer les chambres et ainsi de suite. Lorsqu'elle était arrivée au château, craintive et désireuse de bien faire, elle avait rapidement appris à connaitre les familles qui y résidaient à plein temps. Une vingtaine de chambre au total était des habitations permanentes, et elle avait appris à gagner la confiance de quelques un d'entre eux, suffisamment pour qu'ils la réclame comme seule et unique femme de chambre. Environs la moitié, en fait. Ce n'était pas plus difficile que de s'occuper des autres chambres de l'hôtel, voir même plus simple. Elle connaissait leur emploi du temps, savait quand les réveiller, comment, qu'apporter, quand … Si des modifications devaient être faites, un simple mot sur un papier réglait tous leurs problèmes. Elle s'occupait de leur linge, et parfois de quelques courses personnelles. Elle avait même accompagnée une de ses clientes chez un gynécologue !
La chambre 394, cependant, ne correspondait pas tout à fait à cette définition. Une fois par mois depuis onze ans, elle était occupée par un couple qui avait organisé leur temps au Château avec la précision qu'une horloge suisse. Dès la première nuit, ils avaient fait appel à elle, sans jamais lui expliquer pourquoi. Lorsque, le premier matin, elle était entrée dans leur chambre et qu'elle avait vu cet homme, aux traits fins constamment barrés par une ombre menaçante, qu'elle avait vu cette femme, vêtue d'un simple tailleur noir, sur lequel pendait négligemment un collier doré, elle avait su que cette rencontre changerait sa vie. L'élégance qui émanait d'elle, même vêtue aussi simplement, même avec ses ongles rongés, dépassait de loin celle de femmes vêtues de robes de soirée et maquillées par les maitres du genre.
Plus que leur beauté à tout deux, ce qui l'avait réellement marqué était l'atmosphère qui régnait autour d'eux. Comme de l'électricité dans l'air, leur bonheur semblait presque palpable. Ils ne se touchaient même pas, puisqu'elle était debout et lui au lit, mais se regardaient en tout cas avec intensité.
Elle avait fini par attendre avec impatience cette matinée qui lui permettait de les observer tout deux. Elle alla même jusqu'à se renseigner auprès des autres de leurs habitudes qu'elle ne pouvait observer – ce qu'ils faisaient en arrivant. Elle voulait tout savoir de la vie à l'hôtel de ce couple qu'elle considérait comme le plus assorti possible. Un soir, elle était même allé les observer à la dérobée.
On lui avait dit qu'ils se croisaient toujours au bar, vers dix-sept heures. L'homme était vêtu d'un costume gris et attendait un verre de bourbon à la main, l'air triste. Il fixait sans presque ciller le mur en face de lui, sa mâchoire se contractant parfois durement. Lorsque la femme était arrivée derrière lui, elle avait commandé un verre un barman et était partie, sans un regard pour celui qui la suivie quelques instants après.
A cet instant précis, il était devenu clair pour Alicia qu'il était important pour eux de ne pas être vu ensemble. Peut-être étaient-ils mariés, peut-être leurs familles étaient-elles ennemies.
Toujours est-il qu'elle avait eu l'impression d'avoir outrepassé ses droits en les observant ainsi à leur insu et qu'elle ne s'autorisa plus à venir en dehors de ses heures de travail. Ce que cette brève rencontre lui avait appris était bien plus intime que toute les fois où elle avait ouvert la porte sur leurs corps nus, encore emplis l'un de l'autre.
Elle se souvint de sa surprise lorsque son supérieur l'avait appelé, le premier matin, et lui avait donné une lettre à l'entête de l'établissement, adressée à son nom. Elle n'avait tout d'abord pas compris ce qu'elle signifiait. Pourquoi des gens qu'elle ne connaissait pas l'exigeaient, elle, comme femme de chambre, alors qu'elle n'était au service de l'hôtel que depuis quelques semaines ? Elle avait cependant lu la missive, l'avait apprise par cœur, était montée jusqu'au troisième et avait vu sa vision du couple se transformer.
Elle savait que leur relation n'était pas parfaite, elle voyait les larmes aux coins des yeux, elle voyait les traces de lutte et entendait parfois les cris. Mais elle voyait les petits cadeaux, elle voyait les preuves d'amour et entendait parfois les mots prononcés avec une infinie tendresse.
« Mademoiselle, disait la lettre, nous vous priions de bien vouloir, demain matin, monter un petit déjeuner pour deux personnes –thé, œuf et bacon - à la chambre 394. A six heure quarante-cinq précises. Je descendrai avec vous par l'ascenseur de service. A demain, Hermione Granger. »
Et leur routine s'était mise en place. Alicia entrait dans la chambre, et ouvrait un rideau, supposément pour les réveiller bien que la plupart du temps, la faible lumière de l'aube n'éclairât que leurs deux corps tendrement enlacés, discutant à voix basse. Elle allait ensuite délivrer les autres petits déjeuners commandés à la même heure, puis redescendait au troisième. Le premier matin, elle n'avait pas tout à fait compris ce qui était attendu d'elle : après avoir monté leur repas, elle avait sagement attendu à côté de l'ascenseur que la femme ne la rejoigne, inquiète à mesure que le temps passait de voir qu'elle serait en retard dans les autres chambres.
«-Je sais, lui avait expliqué celle qui devait être Hermione Granger, que nous ne sommes pas les seuls à avoir demandé un petit-déjeuner à cette heure-ci. Pourquoi ne pas monter ces commandes, pour me laisser le temps d'avaler quelque chose, et m'attendre dans – disons un quart d'heure, dans l'ascenseur de service, pour que nous descendions ensemble ? Je sortirais ensuite par la sortie de derrière. A tout à l'heure, mademoiselle. »
Tout avait été dit clairement, d'une voix calme, posée, rauque pour une femme, parfaitement assurée. Alicia avait acquiescé et avait fermé précipitamment la porte.
Une fois la femme montée dans l'ascenseur, elles descendaient sans presque échanger un mot, et Alicia voyait la porte de service se refermer sur elle en même temps que la grande porte se refermait sur l'homme.
Revenant au présent, elle frappa doucement à la porte, l'entrouvrit, plaça le chariot à côté du lit. La femme était allongée contre son amant, murmurant à son oreille. Un des premiers rayons de soleil vint se poser sur son visage lorsqu'Alicia ouvrit le rideau et elle ferma les yeux, ravie de ce contact chaud. Une main douce vint déposer une caresse tendre sur ce visage abandonné à la chaleur de l'été naissant. Le silence se fit, et emplit la chambre. Elle était nue, allongée sur le dos, ses cheveux étalés autours d'elle en un sublime désordre. Son corps était envoûtant. Emouvant. Son bras, ses jambes, ses seins étaient parsemés de cicatrices comme d'autres de grains de beauté. Elle n'était pas grande, ni mince, ni belle. Mais il émanait d'elle une telle assurance, une telle grâce… Se rendant compte de la présence d'Alicia, comme s'éveillant d'un rêve, elle couvrit son corps du drap de lin et se redressa un peu. Elle offrit un doux sourire à la femme de chambre, la regardant traverser la pièce pour sortir.
Son corps à lui n'était pas moins marqué. Une longue cicatrice entaillait son ventre, du cœur à l'aine, sur laquelle courait la main de la jeune femme. Il la couvait du regard, plein d'amour, de colère, de tristesse.
Alicia referma la porte avec regret. Quelque chose avait changé. Elle l'avait vu. La chambre ne dégageait pas la même impression de folie et de passion. Pas la même odeur de fatigue et de sexe.
Elle se souvint d'une soirée qui avait été organisée au château pour une association quelconque. Quel déballage de luxe ça avait été ! Les lustres d'or et de diamants éclairaient les convives, qui dégustaient dans des coupes de cristal des boissons aux noms imprononçables. Les plats pour le service étaient faits de l'argent le plus fin, et le sol était recouvert de tapis persans d'une beauté sans égale. Quelques tableaux, visiblement hors de prix avaient été accrochés aux murs, comme veillant à la bonne ambiance de la soirée.
Les invités avaient revêtus leurs plus beaux atours. Les robes de créateur, les rivières de diamant, les talons follement hauts et les costumes faits sur mesure dans les étoffes les plus pures.
Alicia, qui avait été appelée pour remplacer une serveuse malade, avait été éblouie. Même travaillant au château, elle n'avait jamais vu tant de richesses, tant d'argent, tant d'ostentation. Jamais elle n'avait vu de femmes plus belles ni d'hommes plus exquis. Jamais elle n'avait approchée tant d'orgueil, tant de dédain ni de suffisance. Jamais elle n'avait entendu de propos d'une vacuité si évidente, tant de flatterie et de vantardise.
L'argent l'attirait, ça avait toujours été le cas, et elle adorait son métier car il lui permettait de fréquenter un milieu qui ne l'accepterait jamais. Cette soirée-là pourtant, loin de l'éblouir, la conforta dans l'idée qu'une trop grande richesse gâtait les âmes du moins l'avait-elle pensé jusqu'à ce que n'apparaisse sur scène l'hôte de la soirée.
Alicia n'avait tout d'abord pas reconnu la femme de la chambre 394. Vêtue comme elle l'était d'une sublime robe rouge dénudant son dos sur lequel pendait nonchalamment un collier de perles, les cheveux relevés en un étrange chignon, elle était méconnaissable, loin de la femme toujours sobre et stricte qu'elle voyait le matin. Elle arborait un magnifique sourire pour seul maquillage et fit tinter son verre pour réclamait l'attention. Et le discours qu'elle donna maqua Alicia sans commune mesures. Elle parlât de guerre, droits, d'égalité, de reconstrction, de réalité. Elle utilisa si bien les mots qu'ils semblaient avoir été créés pour elle. Loin d'être moralisateur ou accusateur, son discours reflétait la société, proposait des alternatives, se battait pour les femmes, pour les homosexuels, pour les « elfes de maison », pour les prisonniers, contre les religions intégristes. Elle appela à un changement profond des mentalités. Après avoir évoqué les leçons qu'il fallait tirer de la « Grande Guerre », elle leva son verre en la mémoire d'illustres inconnus. Du moins l'étaient-ils pour Alicia.
La soirée reprit peu à peu son court, après que le malaise provoqué par les paroles de la jeune femme se soit dissipé. Deux hommes, un brun et un roux se précipitèrent sur l'hôtesse à peine fut-elle descendue de l'estrade et l'enlacèrent avec affection.
Ce soir-là, elle était restée pendue à leurs bras, ne s'approchant pas de celui qui partageait parfois sa chambre d'hôtel. Tout juste se lancèrent-ils quelques regards enflammés à travers la salle. Ils tentèrent plusieurs fois de se rejoindre, mais la foule les en empêchât.
Alicia n'avait jamais su pourquoi ils n'avaient pas franchi la distance qui les séparait, ni pourquoi elle était repartie avec l'homme roux. Elle avait juste admiré l'amour qui se dégageait d'eux à chaque fois que leurs yeux se rencontraient.
C'est les yeux encore pleins de ses souvenirs qu'elle ouvrit la porte de l'ascenseur au troisième, porte devant laquelle se tenait sa cliente.
« -Je me dois de vous remercier, Alicia. Vous avez été d'une efficacité et d'un talent exemplaire. Malfoy parlera de vous au directeur. Je ne pense pas que nous aurons jamais l'occasion de nous revoir. »
Incapable de prononcer le moindre mot, comme voyant sont monde s'écrouler, Alicia ne dit mot. Au bout de quelques secondes, sans avoir remarqué le silence, presque pour elle-même, la femme continua.
« -Je ne remettrais probablement jamais les pieds ici. Voir le hall, les chambres… Vous voir serait trop douloureux. N'est-ce pas étrange de penser que vous, qui ne connaissez rien de nous, de nos vies ni même de notre nature, vous avec qui nous n'avons jamais eu de réelle conversation, allait rester pour toujours la seule et unique preuve de cette histoire tordue … La seule et unique personne au monde qui aura vu Draco Malfoy et Hermione Granger ensemble. J'allais dire amoureux, j'allais dire heureux, mais il n'est plus temps de s'attarder la dessus, j'imagine. Vous avez vu nos discutions, nos ébats, notre haine et nos colères.
-J'ai vu votre amour.
-Non, sotte. Il n'y a ni n'y avait de ça. Pas d'amour. Pas entre lui et moi.
-Pardon, madame.
-Non, ne vous excusez pas. Je n'aurais pas dû vous appeler sotte. Pourrez-vous me pardonner ? Ne le faites pas. Je ne mérite pas le pardon. Je suis une femme immonde. Pardonnez-moi de vous imposer ma présence salue par le vice. Ne dites-rien. Vous ne savez pas. Vous ne savez pas. »
Sa voix se brisa sur son dernier mot. L'ascenseur s'ouvrit une seconde plus tard et elle chassa rapidement les larmes qui dévalaient ses joues tout en prenant une grande inspiration. Puis elle sorti de la cabine, le dos droit, la démarche souple, et s'éloignant sans un regard en arrière, une fleur de Lys à la main qu'elle écrasa lorsqu'on spasme la traversa.
Juste avant cela cependant, elle avait murmuré, si bas qu'Alicia ne fut pas sure de ce qu'elle avait entendu « Qui eut cru que je tomberai amoureuse de cet homme ? »
La jeune femme resta immobile pendant ce qui lui sembla une éternité avant de se souvenir qu'elle avait un travail à accomplir. Elle s'activa rapidement entre les différentes chambres et, lorsque l'heure du ménage arriva, elle retarda au maximum le moment où elle entrerait dans la 394.
La chambre était dévastée. Les meubles brisés, le lit retourné, les rideaux déchirés, les murs tâchés par les restes du petit déjeuner, les coussins éventrés, le tourne-disque de collection à moitié cassé qui passait en boucle dix secondes d'un morceau qui devait probablement être du Mozart. La télé avait été arrachée du mur et jetée au sol, le bureau en bois ancien aurait pu servir à allumer un barbecue et une bande de papier peint pendait misérablement à côté d'une fenêtre brisée. Un regard vers la salle de bain lui montra un sol couvert de crèmes et autres produits de beauté, un miroir éclaté en son milieu par ce qui semblait être un poing. Dans la désolation de la pièce se tenait une silhouette assise à même le sol, les épaules tremblantes, comme absente de son propre corps.
Pétrifiée, Alicia allait s'en aller aussi discrètement que possible lorsque la voix retentir, enrouée peut-être d'avoir trop crié.
« -Elle vous aimait bien, vous savez. Elle aimait votre présence tranquille et la façon que vous aviez de nous détailler. Elle se souviendra de nous, elle disait. Elle enregistre des images de nous qui resteront pour l'éternité. Elle est notre salut, notre unique avenir, notre futur et nos possibilités. Elle est tout ce que nous pourrons jamais avoir. Alors laisse son regard courir sur nos corps enlacés, sur nos larmes et nos violences, laisse-la être témoins de nos séparations et du calme que tu me fais ressentir. Laisse-la voir la tendresse. Et quand tu la regarderas, à ton tour, tâche de ne pas oublier qui elle est. Notre enfant ou presque. La vivante expression de ce "nous" qui ne devrait pas exister. Elle était intelligente Granger, pas vrai ? Elle savait, elle, elle savait que ce jour allait venir. Et depuis toujours, elle l'a préparé en douceur. Elle a laissé ici et là des souvenirs, suffisamment existants pour être repérés mais assez discret pour ne pas nous empêcher de vivre. Avez-vous jamais connu l'amour, Alicia ? Nous, non. Nous, on avait la passion et la tendresse et le bonheur et je ne dois pas en parler, Merlin, plus jamais. Nous, c'est juste un être solitaire et un être solitaire. Deux âmes, même pas. La guerre nous a brisés. Il n'y a plus de joie pour nous. Elle est partie, maintenant. Elle est partie ou c'est moi, je ne sais pas. Il n'y aura plus de derniers lundi du mois auxquels se raccrocher pour survivre à ces journées insipides. Et vous savez pourquoi ? Parce qu'elle est juste trop bonne, trop gentille, et que ça la bouffera. Parce que je tiens trop à ma famille pour la renier, parce que je suis lâche et que je ne vais même pas tenter de la retrouver. Parce que ça aurait blessé trop de gens, ça aurait brisé le fragile équilibre qui s'est créé. On ne peut pas briser ce qu'elle a mis tant de temps à créer. Les gens ne comprendraient pas, pas après ce qui s'est passé lorsque Théo et Luna ont annoncé leur mariage. Tout a failli s'effondrer à ce moment-là, vous savez ? Les gens descendaient dans la rue, chassaient les anciens mangemorts qui attaquaient pour se protéger, tuaient de nouvelles personnes, et a haine montait, montait, montait, et une héroïne de guerre avec celui qui a failli tuer Dumbledore ils n'auraient pas supporté, ces stupides esprits étriqués, ça les aurait rendu fou, cet amour. Ils auraient crié à la trahison. Alors un "nous" abandonné sur l'autel de la paix universelle, après tout, ce n'est pas si grave. Je m'en remettrai, elle aussi. Et le monde restera tel qu'il est. Et le Royaume Uni sera sauvé. Et les enfants ne seront plus jamais, jamais, utilisés comme nous l'avons été. Plus de génération sacrifiée. Plus de jeunesses volées. Plus de haine viscérale. Je l'aime et ça va me tuer. Mais on ne peut pas détruire tout ce pourquoi elle s'est battue. Notre séparation assoie la paix à jamais. Personne ne doit savoir. Jamais. »
Il l'avait regardé quelques instant, comme incertain quant à la conduite à tenir, et avait posé son regard sur le carnage de la chambre.
« Ne vous inquiétez pas, cela sera réparé dans la journée. »
Alicia se savait congédiée, mais ne pu se résoudre à s'en aller. Consciente qu'elle signait peut-être la fin de son travail au Château, elle prit la parole.
« Vous m'avez fait croire aux contes de fée. Vous devez vous battre pour elle. J'ignore ce dont vous parlez, je n'ai pas compris un mot de vos élucubrations à propose de mange-la-mort, mais je vais les mettre sur le compte de la douleur. Seulement, battez-vous pour elle. Ce que vous avez est précieux, réel. Personne ne pourra jamais vous haïr pour quelque chose de si beau ! Agissez, bon Dieu, ne laissez pas l'opinion publique dicter votre conduite ! »
Le silence qui suivi sa déclaration fut si profond, le regard qu'il lui lança fut si froid, qu'elle s'en sentit mal. Il se leva cependant avant qu'elle ne disparaisse à toutes jambes et força le passage.
Elle était seule au milieu de la pièce retournée.
"Naïve petite sotte.
Alors, qu'en avez-vous pensé ? N'oubliez pas que la review est le pain de l'auteur ! :3
