Le jour où le ciel frôla la cime des montagnes...

...il y eut comme un fracas, et une horde de fangirls, dévalant les montagnes en portant des t-shirts à l'effigie de leur pairing préféré.


Coucou ! Voilà, je pense que ça devait être fait, et c'est une bonne chose au final.

Juste au passage, pour dire que la fiction devait s'appeler "ANALYSE DE SLIPS" à la base. Avec le recul ce titre a plus d'écho avec l'histoire (je me suis creusé la tête pour trouver le titre avec une amie, je vous raconte pas !)

Je tiens à préciser que MisterJday s'appelant Jérémy et M. Connard Julien selon Wikia, je me suis autorisée à utiliser leurs noms. Aussi, si jamais cette fiction parvient aux principaux concernés et qu'ils manifestent le désir de la voir retirée de l'internet mondial, je me plierai à leurs volontés. Tous les propos tenus et évènements relatés dans cette création sont totalement fictifs, et ne sera toléré ni message de haine ni insulte envers mon travail ou envers les protagonistes eux-mêmes. Voilà voilà, restez respectueux les uns des autres et laissez vous porter par la vague de ship issue du dernier épisode des analyses de pubs !

La fiction prend place juste après le dernier épisode, et se fera en plusieurs épisodes. Pas d'inquiétudes, ils sont tous finis et attendent d'être publiés ! Allez, bisous ;)

PS : l'image est de moi, vous pouvez la retrouver sur mon compte deviantart en lien sur mon profil !


Jérémy se rendit compte qu'il faisait déjà jour lorsqu'il ouvrit les yeux ce matin-là. Quelque part, il n'avait pas réussi à dormir ; la séance d'aveu de la veille avec le grand JD lui était restée en travers de la gorge, notamment la réclamation finale pour les 150 000 euros dépensés en voiture, putes et coke par l'imbécile qui lui servait de coéquipier. Où allaient-ils trouver tout cet argent ? Il soupira, passant sa main sur sa barbe, se redressant de son lit en grognant. Vendre la voiture était déjà un bon début, vendre le connard qui l'avait achetée avait sûrement un intérêt financier non négligeable, mais Jérémy se souvint que le sombre crétin dépensier ne savait même pas cuisiner correctement... il devait se rendre à l'évidence, il ne pourrait jamais en tirer un bon prix.

Il descendit les escaliers, en chaussons et en jogging, le bruit de ses pas résonnant dans la grande maison de campagne qu'il habitait grâce à l'argent des abonnés. Il devait envisager les choses plus sérieusement ; devenir le macro de Julien lui paraissait raisonnable, surtout vu son succès lors de ses apparitions en travesti. Et puis ce con aimait ça en plus, donc le convaincre ne serait peut-être pas si compliqué. Il allait attraper la brique de jus d'orange au bon goût kiwi pour son petit déjeuner de 13h lorsqu'il se rendit compte en relevant la tête que quelqu'un avait ouvert le frigo, fini la brique et l'avait laissée à l'abandon sur le plan de travail : pas de doute, l'imbécile qu'il avait hébergé la veille en résistant difficilement à une folle envie de l'étrangler était passé par là. Jérémy passa sa main dans ses cheveux en soupirant, cherchant quelque chose dans son frigo, n'importe quoi, juste histoire de contrer l'hypoglycémie matinale. Mais quel chieur, Julien ne buvait que du café d'habitude, et là, il s'était senti obligé de boire son jus d'orange au kiwi ? Il referma le frigo, peut-être un peu fort, et se dirigea vers le salon, où le squatteur avait élu domicile.

《... la reproduction des chamois est saisonnière, comme pour une majorité des mammifères de haute altitude. Les mâles, pourvus de longues cornes, dominent les femelles de par leur taille, et les acculent au coin d'une paroi escarpé, dans le but de pratiquer le coït. Le pénis du chamois mâle mesure entre dix et qu...》

Et ce sombre imbécile regardait un documentaire sur la reproduction des chamois, chaleureusement recommandée par leur ami le grand JD avant qu'il ne les quitte, livrés à leur sort d'endettés pour le reste de leurs vies. Julien releva la tête dans sa direction, surpris, une clope entre les lèvres, l'air distrait -ou très concentré dans la reproduction des chamois. Son visage se ferma un peu alors qu'il baissait les yeux.

Ok, il était rare -que dis-je, paradoxal- que le blond admette ses erreurs, pourtant toujours énormément stupides ; le voir baisser la tête en signe de culpabilité était déjà un bon début, qui adoucit résolument le cœur de Jérémy, malgré le désir consumant qu'avait sa main d'aller à la rencontrer de sa face de crétin infini. Il resta un instant silencieux, épaulé à l'encadrement de la porte, écoutant d'une seule oreille le commentateur à la voix si suave énumérer les espèces de chamois des Pyrénées et les propriétés adhérentes des petites épines parcourant leur sexe reproducteur. Julien finit sa cigarette en cours et la remplaça immédiatement par une autre, posant le paquet vide sur la table basse. Le brun s'interrogea sur l'efficacité d'une remarque sur le fait de jeter le paquet et conclut que fourrer le carton directement au fond de sa gorge serait sûrement plus parlant pour le concerné. Pourtant, avant qu'il ne puisse émettre un son, son squatteur prit la parole.

《J'ai bien réfléchis.》déclara-t-il, et un frisson d'horreur parcourut l'échine de Jérémy.

《Et ça t'a fait quoi ? C'est toujours bizarre la première fois hein.》se moqua-t-il, cynique et inquiet de voir quelles sinistres conneries son ami allait encore débiter.

《Tu me remercieras quand on aura tout remboursé et qu'on sera libres.》maugréa le concerné.

Jérémy le rejoignit sur le canapé, dégageant la couverture, dévoilant que son ami ne portait que son boxer blanc et rouge habituel. Le brun rembobina sa pensée ; son boxer blanc et rouge. Point. Comment pouvait-il savoir si oui ou non ce boxer était habituel ? Peut-être que Julien avait un fétiche des petites culottes, remarque. Vu comment il aimait porter une robe, c'était sûrement un de ses fantasmes les plus inavoués.

《J'ai mis mon appartement et ma voiture de fonction en vente. On devrait récupérer un peu d'argent avec ça.》expliqua finalement le blond, élaborant pour une fois un plan pas si stupide.

Mais stupide un peu quand même, sinon ce n'était pas Julien.

《Et où tu vas vivre du coup ?》

《Bah chez toi.》

《Super. J'avais 150 000 euros et maintenant j'ai un squatteur débile qui ne sait pas cuisiner.》

《Alors déjà, je sais faire des pâtes, et ensuite, c'est quand même un sacrifice que je fais.》

Admettons, même si Jérémy avait surtout l'impression de se faire sacrifier en même temps, il fallait un plan pour le tiers restant à rembourser ; ils ne pouvaient pas décemment envisager un braquage, ni l'agression de petites grands-mères dans la rue pour ne cumuler que de petits larcins, comme l'avait suggéré Julien la veille avant de dormir.

《Et sinon je devrai pouvoir nous faire gagner un peu d'argent en faisant des strip-cams.》

《Je vois pas qui ça pourrait intéresser mec.》

《Bah moi au moins je cherche des solutions je te ferai dire.》grommela l'homme aux cheveux longs, d'un ton bougon qui avait au moins le mérite d'attendrir le propriétaire des lieux.

《Personne va se mettre à poil sur internet, encore moins toi, regarde ta tête.》

《Et la tienne ? Les gens vont pas payer pour voir un la bite d'un clochard.》

《Par contre la bite d'un connard...?》

《...connard.》

《J'ai plus efficace.》annonça le brun, attirant l'attention de son ami.《Déjà on va arrêter les clopes, les chips, et les bières, on va économiser. Économiser ça veut dire, ne pas dépenser notre argent. T'as bité ce que j'ai dit ?》

《Pff mais c'est pas ma faute aussi c'est la faute à la société...-》

《Ouais ouais, ensuite il faut travailler pour gagner de l'argent.》

《Travailler ?! Mais on vient de finir l'épisode sur le télé-achat !》

《Le principe c'est que tu as cinq semaines de vacances pour un an de travail, pas un an de vacances pour cinq semaines de travail donc...》

《Putain, je veux devenir chômeur, eux au moins ils sont payés à rien foutre !》

《T'es vraiment un connard.》

Julien lui rendit son regard, un sourire amusé étirant ses lèvres et le coin de ses yeux brillants d'espièglerie. C'était impressionnant, si Jérémy devait admettre une chose à propos de son comparse, il fallait dire que ce petit rictus était probablement le truc le plus craquant chez lui. Et il n'était pas du genre à trouver un mec craquant : juste, Julien avait un petit air d'adolescent qui vient de poser une punaise sur la chaise de son prof, un petit air malicieux qui lui allait bougrement bien, et lui donnait même un côté sexy insoupçonné. Insoupçonné parce que ce sombre imbécile était sûrement le dernier mec sur terre que Jérémy penserait qualifier de l'adjectif "sexy", avec ses cheveux longs de roleplayer et son importante pilosité pelvienne. Ou bien le fait de l'avoir vu porter une robe un nombre incalculable de fois le rebutait un peu.

《Allez, il faut trouver un nouveau sujet.》déclara-t-il en éteignant le documentaire.《Quel sujet on a pas encore démoli ?》

《J'en sais rien moi,》soupira Julien en soufflant sa fumée avec agacement.《Les pubs pour la lessive, les produits d'hygiène phytosanitaire, les...préservatifs ?》

《Qu'est-ce que tu veux dire là-dessus ?》

《J'sais pas moi mon job c'est de tenir la caméra.》

Caméra qui soit dit en passant tenait très bien toute seule sur ses trois pieds biens stables et optimisés pour les espaces naturelles au terrain inégal, mais le brun se dit qu'il devait exploiter le peu de matière grise dont disposait son ami plutôt que de le provoquer.

《La lessive ?》suggéra le blond, d'un air interrogateur.

《On a déjà fait une vidéo sur les femmes dans la pub, y a rien à dire sur ce sujet.》

《Les produits phyto-》

《Ta gueule. C'est de la merde, où t'as trouvé ça ?》

Comme le blond gardait le silence, l'homme à la barbe se releva du canapé pour faire les cents pas. Les préservatifs, il n'avait pas d'inspiration, il y avait vraiment pas grand-chose à dire, mais les pubs pour les médicaments ça avait peut-être un intérêt... Il sentit le regard de son squatteur lui brûler la nuque, et il ne résista pas longtemps avant de se tourner vers lui pour s'exclamer :

《Bon t'arrête maintenant ?》

《De quoi ?》rétorqua l'autre sur la défensive.

《De me fixer putain.》

《Que dalle je te fixe pas.》

《Trop qu'si !》

L'absence de réponse goguenarde de la part du blond, la cruelle absence d'un "Léon !" balancé avec toute la fierté d'un gamin tellement content de sa vanne qu'il la répète en boucle jusqu'à ce qu'elle soit insupportable, blessa l'oreille de Jérémy. Il resta silencieux, surpris par la tournure des choses, son comparse d'habitude si prompt à faire des jeux de mots débiles. Alors quoi ? S'il boudait parce qu'il fallait travailler ça commençait à bien faire ; en lui faisant signer le contrat d'embauche, le brun ne s'attendait pas à le voir rester à ses côtés. A vrai dire, le papier était bidon, il ne respectait aucune loi reconnue en rapport avec le travail, et ils travaillaient souvent très tard et très longtemps pour finir, notamment le montage, bien au-delà des 35h hebdomadaires : pourtant ils se versaient le salaire d'une semaine de salarié lambda, parce que de toute façon, si ils se payaient plus cher, ils allaient perdre davantage en impôts sur le revenu et tout le reste.

En gros, Jérémy savait très bien que Julien était parfois exploité, pour le bien de leur entreprise. Si il décidait de partir, le patron n'avait rien à dire, et le contrat ne changeait rien à cela, aucun tribunal ne prendrait le dossier avec la gueule du papier signé. Et même si Julien avait un humour gratiné et passait souvent pour le dernier des cons, il n'était pas aussi débile qu'il en avait l'air, et souvent ses mauvaises actions étaient le résultat d'un simple manque de recul et d'un besoin constant de s'affirmer. Il fit le tour de la table basse, s'assit dessus pour faire face à son ami et le regarder fixement dans les yeux.

《Arrête, là c'est toi qui me fixe...》grogna Julien, agacé.

《Écoute je sais que t'as pas fait exprès -Jérémy retint une grimace agacée- de dépenser tout ce fric, tu pouvais pas savoir qu'il ne nous appartenait pas mais... mais putain t'es vraiment le dernier des cons si tu es obligé de conduire une super décapotable et un bateau pour te sentir important.》

《... de fonction.》

《Quoi ?》

《...non rien.》

《Donc si t'as un truc à retenir c'est que t'as pas besoin de thunes pour compter auprès des gens, tu as plein de choses pour toi, du caractère et tout alors... Ok ?》

Julien ne répondit pas, il baissa même les yeux, étonnement sérieux. Le brun allait poursuivre maladroitement le sermon, asseyant de le rassurer sans vraiment le faire, n'osant pas souligner qu'il avait quand même été vraiment stupide pour dépenser plusieurs mois de salaire en l'espace d'un peu moins d'un an. Lorsqu'il n'eut plus rien de pseudo positif ou du moins "dénégatif" à dire, un silence malaisant tomba sur les deux hommes comme la neige sur le toit de la maison.

《J'ai fait une grosse connerie... shui désolé.》souffla soudain le blond sans le regarder, brisant le silence de sa voix rauque, grave.

Jérémy avait déjà entendu cette voix lourde de regret, et même si à chaque fois, la culpabilité entière du cadreur était inexcusable, il y avait toujours ce petit quelque chose d'impossible à ignorer, ce visage inconsolable et cette souffrance dans le fond noir de ses pupilles. Ils étaient amis depuis longtemps. Ils se moquaient du mélodrame, prenaient la vie comme elle venait, et quelque part le comportement récent du blond n'avait pas vraiment dénoté de leur mode de vie habituel, pas vraiment axé sur l'économie. Juste, l'argent lui était monté à la tête. Il passa main dans sa nuque, soupirant sereinement. Il n'arrivait pas à lui en vouloir, malgré ses efforts. C'était juste M. Connard, après tout, ils avaient signé pour ça tous les deux.

《Oui...Une sacrée grosse connerie...》répondit-il.

Il vit la pomme d'Adam de son vis-à-vis faire l'ascenseur dans le fond de sa gorge, et déglutit à son tour en se penchant vers lui. Julien combla l'autre bout du chemin, posant son tempe contre son épaule, enfouissant ses yeux clos contre son cou.

Ils restèrent ainsi, immobiles, attendant que la culpabilité ne s'efface comme la neige qui fondait sur les vitres des fenêtres pour ne laisser qu'une bouillie cristalline et trempée dégouliner le long de la paroi. Jérémy ne sentit pas son comparse bouger, entendant seulement le bruit de sa déglutition dans le silence, portant simplement, et sans explication, sa main contre la nuque de son collègue. Il remonta contre ses cervicales, sentant ses poils fins rebroussé sous la pulpe de ses doigts jusqu'à rencontrer ses cheveux lisses, attachés en un chignon lâche, comme souvent. Ils laissèrent juste le monde s'éteindre autour d'eux, dans un instant où plus rien ne comptait. Un instant de calme, de réconfort. Un court instant de soulagement dans toute une vie.


《Ok, c'est quoi toutes ces merdes ?》demanda Jérémy en désignant la dizaine de boîtes de préservatif que son imbécile de colocataire forcé venait de poser devant lui.《On avait dit "pas une analyse de pub sur les préservatifs", putain, quel mot t'as pas compris là-dedans ?》

《C'est pas pour les analyses.》répondit le blond en haussant les épaules.《J'ai besoin d'un stock pour la semaine.》

《Pour la semaine ?! Mec, on a dit stop avec les putes !》

《Hey mais t'as rien compris, j'ai trouvé des filles super sympa qui veulent bien bosser pour moi. On prend 50% de leurs gains et en échange on leur prête quelques chambres et on leur fournit le stocks de matières premières.》

《Quoi ?!》

Un instant, le brun s'imagina lui faire bouffer un à un ses putains de préservatifs et l'idée de transformer SA maison en maison close. De toute façon c'était foireux, qui viendrait dans ce trou paumé juste pour baiser ? Ça n'avait aucune putain de logique, et imaginer que Julien ait pu manquer de neurones à ce point lui faisait douter de sa véritable intention.

《C'est quoi l'embrouille ?》grommela-t-il, méfiant.

《Quelle embrouille ? Je veux juste faire venir quelques prostituées c'est pas un crime !》se défendit le blond en fronçant les sourcils au-dessus de ses lunettes de soleil.

《Bien sûr que si c'est un crime pauvre con, ça s'appelle du proxénétisme !》

《Tout de suite les grands mots...》

Le cadreur sortit son téléphone de sa poche et sembla le consulter un instant, laissant son vis à vis perplexe. La curiosité finit par être trop forte et l'employeur reprit :

《Qu'est-ce que tu fais ?》

《J'envoie un message.》

《A qui ?》

《Bah aux filles, tu suis ou quoi ? Je leur dit que c'est mort.》

《Sérieux ?》

《C'est ce que tu viens de me dire...》

《Ouais mais... tu l'acceptes, comme ça sans rien dire ?》

《Euuuh, j'ai pas envie d'aller en taule ?》

Un point pour lui. Jérémy se tourna à nouveau vers son écran d'ordinateur, dans l'objectif de poursuivre l'écriture de l'analyse de pubs sur les médicaments, qu'il n'arrivait pas à avancer depuis quelques jours. En fait, le sujet avait paru riche au début, mais la plupart des choses à dire à ce sujet étaient plus chiantes que drôles. Il avisa un instant son collègue ranger les boîtes de capotes dans son sac pour aller, je cite, "pff mais je sais pas moi, les vendre à des gamins à la sortie du collège en leur disant que c'est du chewing gum". Alors quoi ; peut-être que les préservatifs c'était pas une mauvaise idée, que le titre putaclik d'une analyse sur les pubs pour les produits du sexe aurait au moins l'avantage de leur apporter un peu pkls de thunes que la moyenne de leurs vidéos. En tout cas c'était mieux qu'un what's in my placard de salle de bain sponsorisé par Dursex ou qu'un challenge de celui qui arrive à enfiler un maximum de capote sur un gros concombre sans déchirer le latex...

《Attend j'ai une super idée.》annonça-t-il, retenant le blond, qui s'apprêtait à repartir, sa clope au bec.

《Laisse tomber le concours du premier qui déchire sa capote sur le concombre, ça fait pitié et c'est super connoté gay... Pas comme si on était pas déjà catalogué m'enfin bon.》grogna le concerné.

《Mais non, on fait une analyse de pubs sur les produits à usage sexuel !》

《Ah. Et ?》

《Et donc ne rend pas les boîtes maintenant. En plus c'est parfait, t'as plein de marques et de styles différents, on va pouvoir faire des tests. On cherche des pubs et on écrit la vidéo, on oublie pas les obscures pubs que personne connait et qui passe entre deux et trois heures du mat' pour les vibro-masseurs. C'est parti.》

《Oh putain.》

Ça y est ils avaient une idée et de la motivation. Jérémy, en ouvrant un nouveau document pour prendre ses notes, avisa le blond ; de dos, il le vit s'asseoir sur une chaise, en face de son ordinateur portable, son boxer jaune avec des cactus verts en motif dépassant de son jean. Il ne savait pas pourquoi cette question le taraudait autant. Même s'il n'était pas homophobe il avait cru son hétérosexualité fixe et déclarée autour des années de gloire de son adolescence, et ne pensait pas la remettre en cause un jour. Enfin, remettre en cause était peut-être un terme un peu agressif, disons plus... qu'il était curieux ; qu'est-ce que ça pouvait bien faire de coucher avec un mec ? Est-ce que c'était obligatoirement plus brute, plus dur, ou bien est-ce que ça pouvait être aussi doux et tendre qu'avec une fille ? Est-ce qu'on peut être attiré par un mec si on a aimé que des filles auparavant, est-ce qu'il y avait des conventions entre les membres d'un couple homo, style, un qui fait la femme et l'autre qui fait l'homme ? En vérité il se rendait compte en formulant ses questions dans sa tête que sa connaissance de l'homosexualité était binaire et très hétérosexuelle. Il essaya de se recentrer et tapa rapidement le titre de l'analyse en majuscule au début du document.

Il avouait, voir la vidéo du grand JD l'avait intrigué ; bien sûr, ils avaient eu beau expliquer à leur camarade qu'ils n'étaient pas du tout en train de faire ce que la vidéo suggérait, il n'avait rien voulu entendre, persuadé qu'ils essayaient de ruiner la valeur de sa menace. C'est vrai, cette vidéo ne laissait pas de place au doute, on voyait clairement qu'ils pratiquaient le coït au milieu du jardin, et plutôt violemment en plus. Julien le disait même, avec son subtil "tu vois ce que ça fait de se faire baiser". En fait, cette réplique sous entendait qu'en règle générale, Julien était l'enculé -et cette fois dans le sens littéral du terme. Un sourire amusé gagna ses lèvres alors que Jérémy retenait un rire moqueur ; avec son melon, le blond devait sûrement flipper que cette vidéo se retrouve sur l'internet mondial.

《Tu veux une bière ?》demanda le centre de ses pensées juste derrière lui, le faisant sursauter. Celui aux cheveux longs haussa les sourcils, perplexe.《Pourquoi tu souris ?》

《Je pensais à un truc. Pourquoi on laisse pas Julien –le grand JD- diffuser la vidéo en fait ? Elle ferait peut-être assez le buzz pour rembourser tes conneries ?》

《Quoi ? Alors déjà c'est mort, ensuite, quoi ?! Nos mères regardent nos vidéos, tu crois que ça leur ferait quoi de nous voir baiser comme deux gros pd en plein air ?》

《Tu sais, elles nous ont déjà vu prendre des bains ensembles...》

《On avait huit ans.》

Le blond soupira et se dirigea dans la cuisine, prendre la fameuse bière. Jérémy se releva, pas vraiment inspiré par sa page blanche. Il rejoignit discrètement son ami et reprit en s'accoudant à ses épaules.

《On a que 500 000 abonnés, ça changera rien à nos vies si cette vidéo était publiée. Et puis nous on sait que c'est faux, c'est le principal.》

《Bien sûr que si !》gronda son ami à la grande surprise de l'employeur.《Bien sûr que si ça change tout.》

Julien l'avisa un moment avant de détourner les yeux, évitant son regard. Il posa finalement sa bière sur le plan de travail et ferma la porte du frigo d'un geste brusque. Il bouscula son colocataire et saisit sa veste en cuir en se dirigeant vers l'entrée.

《Tu vas où ?》s'exclama le brun.

《Je me casse, tu me saoules.》

《Quoi t'es vraiment homophobe alors ?》

Seul le bruit sourd de la porte qui claque lui répondit, le laissant seul dans la cuisine ; alors qu'il reprenait la bière laissée à l'abandon pour porter le goulot à ses lèvres, il regarda le blond quitter la propriété par la fenêtre.


Julien rouvrit les yeux en expirant sa fumée d'un coup ; il regarda autour de lui pour voir la nuit tomber dans les rues, et les habitués du bar bavarder à côté de lui sur la terrasse. Il regarda la lumière dorée des lampes se refléter dans l'ambre de sa bière, perdu dans ses pensées. Ses paupières se fermèrent de nouveau sur sa consommation, et il entendit pour la énième fois la voix de son colocataire, surprise et perplexe, lui demander s'il était homophobe. Bien sûr que non... il ne l'était pas ; c'était toujours difficile à admettre pour lui, mais ce type, aux cheveux gras et à la barbe de clochard, ce type il l'adorait. Il avait cru d'abord que ce sentiment de tiraillement dans le ventre, c'était l'amitié. Que c'était l'excitation d'une journée à écrire des sketchs, à tourner, à rigoler avec son ami, et que son impatience à chaque fois que le brun l'appelait pour qu'ils se rencontrent n'était que son enthousiasme à l'idée de laisser s'exprimer sa créativité. Mais petit à petit, un flottement avait laissé place à son euphorie, et comme s'il tendait les doigts pour toucher les nuages, un sentiment de frustration avait commencé à l'envahir.

Bien sûr qu'il n'était pas homophobe, c'était stupide, sous ses couverts de dragueur hétéro et de coureur de jupons, il était amoureux -il grimaça à ce mot- de son ami et collègue. Il avait pêté un câble, avec tout cet argent. Il avait juste voulu que Jérémy le regarde, et pas que au travers de sa lentille de caméra ; que le brun oublie un peu de faire des vidéos et lui propose, innocemment, d'aller faire une balade, boire un coup ou dîner, ailleurs que dans un foutu kebab. Il attrapa son verre pour le descendre en quelques gorgées -il se sentait stupide.

Il déposa le montant exact de l'addition dans la coupelle -lui, un pourboire ?- et se leva sans rien dire ; direction la maison sans doute, il n'avait nulle autre part où aller. Il tira dans une canette, l'envoyant valser plus loin sur le trottoir. Il avait foiré avec l'argent, oui, à vouloir que Jérémy passe un peu de bon temps à ses côtés, voit du paysage, de belles voitures, de belles piscines, fasse du bateau. Il avait foiré à vouloir se faire remarquer, parce qu'au fond, le brun n'avait rien à faire de l'opulence et du luxe, faire du yacht et conduire une décapotable, il s'en fichait bien. Lui, il était heureux avec sa caméra, à filmer les paysages escarpés de sa montagne natale, à écrire des analyses en buvant de la bière bon marché. Alors... alors oui, Julien avait foiré. D'un autre côté, cette situation ne lui déplaisait pas tant que ça : en mettant son appartement en vente, ils avaient pu combler un bout de leur dette, et ils s'appliquaient à rembourser le reste grâce aux futurs vidéos qu'ils allaient sortir. Oui, ils allaient devoir mettre un peu plus de pubs, mais leurs abonnés étaient assez bienveillants à ce sujet, et tant qu'ils n'abuseraient pas de leur confiance, les pubs passeraient.

Il se dit qu'il fallait parler à Jérémy d'un "Mister JDay lit ses commentaires V" ; ce format demandait un peu moins de travail mais ils pouvaient la faire durer une petite demi-heure et raquer deux ou trois pubs dessus.

Il arriva devant l'entrée, pas vraiment surpris de voir les volets fermés ; il était quoi, deux heures du matin ? Le brun était sûrement déjà parti se coucher. Le cadreur trifouilla les clés dans ses poches et ouvrit la serrure avant de pousser la porte ; il n'eut pas besoin d'allumer la lumière, puisque l'écran de télévision allumé éclairait faiblement l'entrée depuis le salon. Il retira ses chaussures, surpris, et s'aventura jusqu'à sa chambre d'appoint pour y découvrir son hébergeur, qui avait étrangement déplié le lit, et qui s'était endormi devant la télévision. Son ordinateur portable sur ses genoux était en veille, ce qui laissait penser qu'il était assoupi depuis un petit moment déjà. Le blond s'approcha, ôtant l'ordinateur de ses genoux, secouant son doigt sur le pavé tactile pour voir l'écran s'allumer sur le travail en cours de son ami ; d'abord surpris qu'il n'y ait pas de code, le nouvel arrivant fit le tour du canapé pour s'allonger aux côtés de son comparse, devant le télé-achat.

C'était les premières ébauches de la prochaine analyse. Le blond se rendit compte que son ami avait du mettre en suspens tous ses autres projets, notamment son prochain culture tube, pour travailler avec lui. En y réfléchissant, Jérémy aurait carrément pu le laisser trouver les fonds pour rembourser le grand JD tout seul. Après tout... c'est lui qui avait fait la connerie. Ce n'était pourtant pas impossible que le brun n'ait même pas envisagé de le laisser tomber ; il était trop gentil et loyal, c'était dingue, à quel point il prenait soin des gens autour de lui. C'était le genre de gars sur qui on pouvait compter. Son regard fut attiré un instant par le visage endormi de son ami, vers son profil escarpé, et le fouillis noir de sa barbe. Il avait un look de clochard, sérieusement, mais ce qui faisait craquer le fumeur, c'était son regard doux, comme la caresse des nuages sur les sommets enneigés. Son visage entier, quand on regardait son sourire sous sa barbe, et les faussettes sur ses joues, tout son visage était... adorable. S'il était sérieux devant la caméra, les quelques sourires et rires qui lui échappaient finissaient dans le dossier bêtisier du cadreur. Ce n'était pas vraiment drôle, souvent des pêtages de câble à cause d'une réplique impossible à sortir... mais le regard de son ami sur ces rushs était vraiment à faire tomber les anges. Un noir doré, café serré, des cheveux aussi indomptables que les broussailles sauvages de leurs lieux de tournage, tout ce qu'il aimait.

Julien se souvint de leur première dispute. La première vraie dispute avant celle qui avait éclaté à cause de l'argent de France 6, c'était pour ses stupides clopes. Il s'en souvenait comme si c'était hier, il avait adoré tourner cet épisode, partir en balade avec son collègue, déjeuner en tête à tête dans les montagnes, boire des cafés au PMU en trépignant de froid. Ne manquait qu'un instant de silence, le regard dans la brume qui endrape les montagnes au loin, et Jérémy qui cherche à se blottir près de lui. Oui, il aurait aimé que ces deux week end durent toute une vie, et sa frustration au retour du dernier jour avait été grandissante à mesure qu'ils finissaient de tourner la fin de l'épisode. Quand Jérémy lui avait dit qu'ils n'avaient plus de quoi acheter ses clopes, il avait explosé, et était parti. Il avait voulu partir. Loin, il aurait avisé ensuite, seulement loin de ce mec dont il dépendait trop ; il détestait se sentir graviter de cette façon autour de lui, avoir besoin de le voir, de recevoir un message au moins une fois par jour, sinon c'était un mauvais jour.

Il lut les premières lignes de l'analyse en diagonale : une émission sur le thème des produits sexuels dans la pub. Peut-être qu'il y avait des trucs intéressants à dire... en tout cas y avait surtout un sacré réservoir de blagues douteuses et de tests débiles style "qui arrive à enfiler le maximum de capote sur un concombre sans déchirer la capote". Il soupira. Cet épisode allait être long et difficile à tourner.

Il posa l'ordinateur après avoir sauvegardé et éteint, attrapa la télécommande de la télé pour éteindre à son tour le grand écran. Il chercha son coussin avant de se rendre compte que Jérémy dormait dessus, et enleva finalement son sweatshirt pour le rouler en boule sous son crâne. Il attrapa la couverture pour une personne que son hébergeur squattait, et prit garde à ne pas découvrir son ami en se glissant dessous. Il perçut un mouvement de la part du brun, et remonta la couette sur son épaule avant de se blottir un peu plus contre lui pour profiter de la chaleur de la couverture -si si, il jurait, que pour la couverture. Il sentait l'odeur du linge de son comparse, de là où il était. Il ferma les yeux, inspirant profondément, un frisson parcourant son dos alors que le sommeil de son ami le saisissait à son tour.


Et voilà ! N'hésitez pas à partager et à reviewer si la fiction vous a plu, ou si vous avez une remarque à faire !

Le Mister Jday x M. Connard vaincra, soyez en sûres !

Bisous ;)