Première partie

Depuis dix minutes déjà, Jane essayant tant bien que mal de convaincre sa sœur de s'inscrire avec elle au concours de musique de Toronto. Exaspérée, Jane plaide sa cause avec toute l'énergie du désespoir.

-Élisabeth, il faut que m'accompagne. Je n'arriverai à rien de bon sans toi.

-Ce n'est pas ma présence qui va te faire gagner le concours. Vas y seule, tu auras plus de chance.

-Tu n'as pas le choix… Tu es déjà inscrite! Laisse finalement tomber Jane comme une bombe.

-JANE BENNET! Comment as-tu pu me faire ça?

-ET TOI, comment peux-tu laisser passer une telle occasion? Pense seulement aux artistes de renommées internationales que nous allons avoir la chance de rencontrer. Et plus particulièrement au beau William Darcy!

-Je ne vais pas m'inscrire à un concours de musique simplement pour avoir la chance de le voir de près aussi tentée que je puisse l'être.

-Mais tu as du talent Élisabeth! Tu en as même à revendre… En ce qui me concerne, j'ai toujours trouvé que ta voix était plus belle que la mienne.

-Ne recommence pas avec ça… tu sais très bien que ce n'est pas vrai!

-Lizzy… s'il te plait?

-Bon! Très bien, j'accepte de jouer pour toi, mais tu es prévenue… je ne chanterai pas!

-Oh… merci. Je savais que je pouvais compter sur toi!

-C'est pour toi que j'y vais. J'ai d'autres ambitions que celles de devenir musicienne et tu le sais.

-Oui, je sais… Tu veux devenir pédiatre! Mais tu ne peux pas m'empêcher de dire : quel gâchis!

Dans les jours qui suivent l'inscription au concours, les deux sœurs répètent plusieurs chansons afin de se préparer pour l'audition. Arrivées sur les lieux du concours, elles reçoivent un numéro et attendent patiemment d'être appelées. Elles reconnaissent plusieurs musiciens et chanteurs et devinent que les autres, ceux qu'elles ne connaissent pas, viennent de plus loin. Alors qu'elle retravaille mentalement ses partitions, Élisabeth aperçoit celui qu'elle admire depuis qu'elle a entendu son dernier disque. Il traverse la salle avec des cahiers de musique sous le bras. Il est suivi de près par la musicienne qui l'accompagne dans toutes ses tournées : Caroline Degas. Celle-ci marche d'un pas rapide, traînant une lourde mallette en essayant de ne pas perdre de vue celui qu'elle suit comme un petit chien. Élisabeth l'entend demander au jeune homme de marcher moins vite et de l'attendre, mais il ne l'écoute pas. Il ouvre la porte de la salle d'audition sans la retenir et ne prend surtout pas la peine de s'excuser lorsque Caroline la reçoit en plein visage.

-Tu vois… On est arrivées depuis une heure… et tu as déjà eu une première chance de l'apercevoir.

-S'il est toujours aussi grossier… j'avoue que je m'en serais passée…

La porte s'ouvre et deux autres personnes sont appelées. Lorsque leur tour arrive enfin, les deux jeunes filles entrent et se présentent aux trois juges.

-Alors, je vois ici… que vous êtes sœurs!… Laquelle est l'aînée! Demande le juge Collins.

-C'est moi! Je ne nomme Jane….

-Jane Bennet… oui, je vous connais de vue… donc vous, vous devez être Élisabeth?

-Quelle perspicacité monsieur Collins! Lui répond la jeune femme sur un ton sarcastique.

Jane s'approche d'elle et lui donne un coup de coude dans le dos.

- Qu'allez-vous jouer pour nous? demande le second juge à son tour.

-Une chanson que j'ai composée qui s'intitule : «l'amour n'était pas au rendez-vous!» Répond Jane à la belle rousse qui lui avait posé la question.

-Très bien! Nous vous écoutons mesdames. Lance alors le troisième juge.

-Lucie, Jasmine, vous avez oublié de leur préciser que ce n'est pas parce qu'elles se sont inscrites à deux que les deux vont être choisies…

-Nous le savons monsieur Collins… Merci tout de même de cette précision.

-Merci. Ajoute alors Jane tout sourire.

Lorsqu'Élisabeth commence à jouer, elle oublie tout et se concentre uniquement sur la musique. La voix de sa sœur étant pure et angélique, les paroles écrites par elle dans un moment d'inspiration deviennent presque irréelles. Élisabeth surveille les juges quelques instants et constate que sa sœur réussit à les charmer. Elle sourit avec satisfaction et admiration lorsque Jane laisse mourir sa chanson en beauté et douceur.

-Merci mesdemoiselles, nous vous ferons connaître les résultats dans la grande salle ce soir, vers 19h00.

Nerveuses mais tout de même confiantes, les deux jeunes filles quittent la salle après avoir salué les trois juges et s'en retournent chez elles. Vers 18h50, elles se présentent à nouveau dans la grande salle du théâtre et vont prendre place parmi les autres candidats et candidates. Le juge en chef Collins s'approche pour prendre la parole. Le silence se fait sans qu'il ait besoin de le demander.

-Bonsoir! Bravo à toutes et à tous. Alors, voici comment nous allons fonctionner. Ceux et celles qui ont réussi la première étape seront appelés et devront monter sur scène. Une fois les élus rassemblés, nous les séparerons en deux groupes. Un groupe sera composé de chanteurs et l'autre de musiciens. Lorsque vous serez nommés, veuillez aller du côté gauche si vous êtes un chanteur et à droite si vous êtes un musicien. Une fois que vous serez tous sur scène, notre photographe viendra vous prendre en photo. Ensuite, nous vous expliquerons le déroulement de la seconde étape du concours. Alors, sans plus attendre, voici la première personne retenue.

Jane étant nommée rapidement, Élisabeth ne la quitte pas des yeux tandis qu'elle monte sur scène sous les applaudissements des gens qui la connaissent déjà dans le milieu. Lorsqu'Élisabeth est également appelée, elle monte sur scène pour prendre place parmi les musiciens. Comme il s'agit de sa première participation à ce concours et qu'elle n'est pas connue des participants, les applaudissements sont très peu nombreux et seulement polis. D'où elle est sur scène, Élisabeth jette un œil en coulisse et observe avec intérêt William Darcy et sa pianiste qui attendent d'être présentés à la foule. Une fois la dernière participante montée sur scène, monsieur Collins annonce à la foule en délire que l'invité d'honneur va bientôt venir chanter quelques chansons pour ouvrir le concours, pendant que le photographe prendra une photo des candidats. Au fur et à mesure que les photos sont prises, les candidats peuvent retourner s'asseoir dans la salle pour profiter du spectacle donné par la star anglaise.

La voix de William et son charisme sont si contagieux que la foule se met à chanter pour le grand plaisir de la vedette qui savoure l'instant comme il se doit. Élisabeth est subjuguée par le talent de son idole. Si seulement il n'était pas aussi beau en plus, elle ne rêverait pas tant de lui. Lorsque ses chansons sont terminées, Collins revient prendre la parole pour expliquer le fonctionnement de la seconde étape du concours.

-Voilà! Cette année, nous avons décidé d'innover. Les photos que vous venez faire vont être développées et affichées sur les murs du grand hall d'entrée demain matin. D'un côté nous aurons les chanteurs et de l'autre, nous retrouverons les musiciens. Puisque vous avez été filmés aussi durant vos auditions, chaque participant pourra circuler dans le hall et faire un choix parmi vous afin de se choisir un partenaire. Si vous êtes embêtés, vous n'avez qu'à regarder les photos et écouter les auditions. Au bout de deux heures, c'est à dire vers 11h00, vous serez tous invités à revenir dans la salle de spectacle où débutera la période de jumelage. Lorsque votre nom sera pigé, vous devrez dire avec qui vous souhaitez faire équipe. La photo de la personne de votre choix sera alors retirée et on pigera un autre nom. Les duos seront ainsi formés jusqu'à ce qu'il ne reste plus personne.

Une fois que vous serez en équipe, vous aurez deux jours pour pratiquer vos chansons avant de repasser devant les juges pour la sélection finale. Après chaque prestation, les groupes restants devront préparer de nouvelles chansons et repasser devant les juges. D'ici une semaine, nous aurons notre duo gagnant. Alors, rentrez chez vous et reposez-vous bien car… demain… ça commence.

Jane est vraiment hors d'elle. De toute l'histoire du concours, c'est la première année, à sa connaissance où les candidats ne peuvent pas concourir avec le partenaire de leur choix.

-Je te l'avais bien dit que ce concours n'était pas une bonne idée!

Le lendemain, les deux jeunes filles se présentent à 9h00 et commencent à déambuler dans le grand hall afin d'examiner les candidats et les candidates. Comme de raison, elles pactisent pour se choisir mutuellement si elles sont pigées les premières. Tout en s'intéressant d'un œil distrait aux candidats, Élisabeth remarque alors que William Darcy se promène également dans la salle et qu'il écoute distraitement certains bouts d'audition sans vraiment manifester de réactions particulières. Caroline le suit et écoute certains musiciens de son côté. William s'arrête devant le présentoir de Jane et dévisage sa photo avec intérêt. Il n'est pas seul Un autre jeune homme aussi roux que William est brun écoute avec admiration la voix douce et mélodieuse de sa sœur. Mais les yeux d'Élisabeth sont uniquement intéressés par William. Celui-ci passe les écouteurs à Caroline qui semble partager l'intérêt de William.

-Elle a une belle voix… mais les paroles… elles sont ridicules, tu ne trouves pas Will?

-Au contraire… je les trouve intéressantes… c'est plein de mélancolie et d'espoir. Rétorque alors le rouquin.

-Sans doute avec un autre arrangement! Charles, tu peux me dire qui joue du piano?

-Une dénommée Élisabeth Bennet!

-C'est sûrement sa sœur… Hum! Nettement moins talentueuse. Ajoute alors Caroline en passant les écouteurs à William à nouveau.

-Elle n'a pas le goût d'être là… et ça paraît!

-J'aimerais savoir de qui est cette musique… Ah, attendez! Paroles et musique J. Bennet. En plus d'avoir le physique d'un ange, une voix angélique, elle semble douée pour la composition…

-Elle se rendra sûrement en finale… Sans sa sœur!

Caroline rit de sa blague et redouble d'ardeur lorsqu'elle constate que William joint son rire au sien.

Charles hausse les épaules et continue sa promenade en regardant ça et là autour de lui. Comme il passe devant Élisabeth, celle-ci pose des écouteurs sur ses oreilles et fait semblant d'être absorbée par l'écoute d'une chanson. Caroline et William passent également devant elle et, la reconnaissant, s'éloignent non sans avoir jeté un coup d'œil sur le nom du chanteur qu'elle avait l'air d'apprécier. Voyant qu'il s'agit d'un chanteur rock très ordinaire, ils pouffent de rire et s'éloignent rapidement.

-Et en plus… elle n'a aucun goût musical. Ajoute la star anglaise à sa partenaire.

Rouge d'indignation, Élisabeth dépose ses écouteurs et va s'asseoir sur les marches du hall d'entrée bien décidée à en finir avec le concours. Jane vient la trouver et lui indique qu'il est temps d'aller s'installer pour faire les choix. Une fois dans la salle, le juge Collins arrive avec deux grands bols. Pour débuter la période des choix, il plonge sa main dans le bol des chanteurs. Le premier nom à sortir est un chanteur amateur très populaire. Il se dirige vers une musicienne qu'il connaît déjà et retire sa photo du mur. Des murmures d'insatisfaction se font entendre un peu partout dans la salle. Collins passe alors une dizaine des chanteurs et de musiciens avant que le nom de Charles Bingley ne soit pigé. Élisabeth reconnaît alors le rouquin qui avait circulé avec William Darcy et Caroline un peu plus tôt. Élisabeth a le pressentiment qu'il va prendre Jane. En effet, il se dirige vers la photo de sa sœur et va la remettre au juge Collins. Mortifiée, Élisabeth ne sait plus quoi faire. Elle surprend alors le regard moqueur de Caroline posée sur elle. Il ne reste que quatre candidats. Un chanteur western est le suivant à être pigé. Il opte pour l'avant dernier musicien qui possède une guitare. C'est alors que Collins annonce que les deux derniers candidats vont devoir former un duo. Élisabeth constate qu'il s'agit du chanteur rock dont elle avait écouté la prestation hier pour se cacher de Charles, Caroline et William. L'heure du dîner étant arrivée, les deux jeunes filles s'installent à la même table, Charles vient se joindre à elles pour prendre son dessert.

-Vous devez être déçues de ne pas pouvoir concourir ensemble?

-Je ne voulais pas concourir… de toute façon…

- Lizzie, voyons! La gronde Jane avant de se tourner vers son nouveau partenaire. C'est certain que nous aurions préféré être ensemble, mais je n'ai rien contre l'imprévu. C'est souvent signe de découvertes intéressantes…

-Parle pour toi!

-Puis-je me joindre à vous? Demande alors une voix caverneuse.

Reconnaissant le chanteur avec lequel elle est obligée de faire équipe, elle ravale la phrase assassine qu'elle avait préparée et lui tend plutôt la main.

-Vous êtes George Wickham, je présume?

-C'est ça oui! Vous aimez le rock, j'espère?

-Honnêtement? Non!

-Je refuse de chanter autre chose.

-Avez-vous déjà essayé George?

-Non!

-Vous devriez essayer… vous avez une belle voix… nous ferons comme vous voulez, c'est certain, mais j'aimerais vous entendre dans d'autres styles… vous pourriez être surpris.

-Très bien… Puisque vous insistez… mais pour le concours, nous travaillerons uniquement du rock… vous pouvez en jouer, j'espère?

-Je me débrouille dans tous les styles…

Ils se donnent rendez-vous dans l'après-midi pour répéter. Après avoir passé une heure à répéter avec lui, Élisabeth admet que George est assez sympathique, mais que musicalement parlant, il est incapable de faire des nuances. Il a tendance à pousser sur sa voix et n'hésite pas à choisir des morceaux qu'il n'a pas le coffre pour interpréter. Avant de se décourager totalement, Élisabeth décide de prendre une pause. Elle laisse George travailler sa chanson et circule dans le long hall où tous les autres groupes sont occupés à pratiquer. Elle s'arrête lorsqu'elle reconnaît la voix de sa sœur. Elle répète avec Charles. Ceux-ci sont très absorbés par leur travail et ne réalisent pas qu'une personne les regarde. Jane est en pleine forme vocalement et chante l'une des plus belles chansons écrite par Élisabeth il y a quelques temps. Charles ne semble éprouver aucune difficulté à lire la musique et à y ajouter quelques touches personnelles auxquelles Élisabeth n'avait même pas songé. Lorsqu'elle surprend le regard que Charles pose sur sa sœur, elle sait que le jeune musicien est en bonne voie pour tomber amoureux d'elle. L'envie et la déception se mêlent en elle. Jane avait vraiment beaucoup de talent. Non seulement elle était belle comme le jour, mais elle avait en plus ce petit quelque chose qui faisait qu'on ne pouvait l'oublier. La voir gagner le concours n'était plus une chose qu'elle pouvait espérer, c'était maintenant une certitude.

Élisabeth retourne ensuite vers son propre local de travail, lorsqu'elle aperçoit un cahier de musique qui traîne par terre. Le nom de Caroline et de William est clairement inscrit dessus. Élisabeth cherche ces derniers du regard. Ils ne sont pas là. Continuant son chemin, elle constate alors qu'un local de pratique vient d'être libéré. Elle y entre, verrouille la porte et installe le cahier devant elle à la première page. Elle commence à jouer avec fébrilité. Les morceaux se succèdent les uns aux autres. Elle constate que certains passages laissent à désirer. Des erreurs musicales de base sont répandues ça et là un peu partout, rendant l'harmonie difficilement perceptible. Sans vraiment s'en rendre compte, par habitude, elle sort son crayon, raye certaines notes et les remplace par d'autres. Elle joue les pièces à nouveau puis referme le cahier satisfaite. Elle a sauvé trois chansons suite à un long travail d'analyse. Pour elle, la composition était d'abord et avant tout une question de calcul et d'instinct. Réalisant qu'elle s'est permis d'écrire dans un cahier qui n'est pas à elle, Élisabeth se dirige vers la bureau du gardien de sécurité. Elle lui tend le cahier en lui disant qu'elle vient de le trouver par terre. Le gardien la remercie et lui demande son nom. Sans même réfléchir, elle répond J. Bennet, puisque c'est toujours ainsi qu'elle signe ses compositions.

Lorsqu'elle regagne la salle où George est toujours occupé à pratiquer, elle lui offre deux heures supplémentaires de travail pour toujours aussi peu de résultats. L'âme généreuse, Élisabeth lui propose de la retrouver chez elle le soir pour travailler une dernière fois avant la présentation du lendemain. De son côté, Jane est raccompagnée par Charles qui insiste pour faire le chemin avec elle. Le lendemain, tous les candidats sont présents et attendent le moment de présenter le résultat de leur dur labeur. Jane et Charles passent en premier. La salle est suspendue aux lèvres de Jane. Ils sont applaudis chaleureusement et quittent la salle pour laisser la place au second groupe. Après chaque duo, les 3 membres du jury incluant William Darcy prennent des notes et font un rapide commentaire aux participants. Lorsqu'arrive le tour d'Élisabeth et de George, celui-ci prend la parole pour spécifier qu'il va chanter dans un autre style que celui avec lequel il est à l'aise en précisant bien qu'il s'agit de l'idée de sa partenaire et non de la sienne. Élisabeth plaque le premier accord pour le faire taire et se concentre sur ce qu'elle a à faire. George est très convaincant et réussit à atteindre une note qu'il avait toujours ratée en répétition. Élisabeth ouvre les yeux étonnée par lui et plaque son dernier accord. Oubliant qu'elle doit rester assise pour entendre le résumé des commentaires, elle vient pour se lever.

-Mademoiselle Bennet… vous nous quittez déjà?

Rougissant violemment en reconnaissant la voix de William Darcy, Élisabeth revient sur ses pas et retourne s'asseoir. Le juge Collins s'adresse alors à George Wickham.

-J'avoue avoir pris beaucoup de plaisir à vous entendre George. Votre voix n'est pas très puissante, elle est assez limitée en fait, mais la musique que vous avez choisie la mettait en valeur. On pourrait croire qu'elle a été écrite sur mesure pour vous…

-Vous n'êtes pas habituée à jouer dans des concours n'est-ce pas? Demande ensuite William Darcy à la musicienne.

-Non, en effet!

-George, pouvez-vous me dire qui s'est occupé des arrangements musicaux?

-Attendez! George prend la partition laissée par Élisabeth sur le piano et répond au juge Collins après avoir jeté un rapide coup d'œil sur la feuille. Un dénommé J. Bennet.

-J. Bennet pour Jane Bennet? Demande Collins à Élisabeth.

-Bien entendu. Répond rapidement Élisabeth en se sermonnant intérieurement puisqu'elle sait très bien qu'elle va devoir se justifier auprès de sa sœur à propos du petit mensonge qu'elle venait de faire.

-Très bien… vous pouvez aller rejoindre les autres maintenant. Les duos retenus vous seront communiqués tout à l'heure.

Saluant les quatre juges d'un léger signe de tête, Élisabeth marche d'un pas déterminé derrière George Wickham. Elle entend alors le juge en chef s'adresser à elle à nouveau.

-Mademoiselle Bennet, attendez… je veux voir votre partition… vous voulez bien me la remettre?

-C'est que…

William Darcy étant plus près d'elle que le juge Collins, il tend la main s'attendant à ce qu'elle lui donne la feuille, mais comme elle hésite, il est obligé de la lui prendre lui-même.

-J'allais vous la remettre…

-Vous êtes plus rapide sur un piano. Ne vous en faites pas. Je rendrai moi-même cette partition à son auteur.

-Comme vous voulez monsieur Darcy.

Dans la salle où les participants doivent attendre sagement, Élisabeth se demande comment elle pourrait rapporter l'incident à sa sœur, mais celle-ci est entourée d'admirateurs et ne quitte pas Charles. George est également très sollicité alors qu'elle est seule dans son coin. Plusieurs personnes viennent tout de même la féliciter, mais elle ne fait rien pour les encourager à rester près d'elle.

Le juge Collins fait une entrée théâtrale lorsqu'il arrive avec les résultats. Il demande à ceux qui circulent encore de regagner leur place. Encore une fois, les résultats sont annoncés et les duos retenus pour la suite du concours doivent monter sur scène. Jane et Charles sont nommés les premiers suivis de près par trois autres duos qu'Élisabeth avait effectivement appréciés. Puis, à la grande surprise de la jeune fille, George et elle sont également invités à monter sur scène. Jane est si heureuse qu'elle saute dans les bras de sa sœur.

-Je le savais… Je savais que tu arriverais jusqu'ici!

Ensuite, le juge Collins demande aux participants de retourner s'asseoir dans la salle. Il annonce alors que William Darcy et Caroline Degas vont venir jouer quelques morceaux pour eux. William arrive enfin accompagnée de Caroline qui se tient à son bras comme une «groupie». Malheureusement, comme William marche très vite, elle se prend le pied dans sa longue robe, tombe lourdement sur le sol se tournant le pied par accident. Les cris qu'elle pousse obligent les organisateurs à lui faire quitter la scène afin qu'elle soit examinée par un médecin très rapidement. Comme Élisabeth étudie en médecine, elle se propose et est invitée à monter sur scène pour l'examiner.

-Vous êtes médecin?

-En fait monsieur Collins, j'étudie en médecine… mais j'en suis à ma dernière année.

Le juge la mène alors vers l'arrière scène où Caroline a été installée temporairement. Lui tâtant le pied, elle constate qu'il s'agit d'une fracture sérieuse. Élisabeth informe les autorités que la jeune femme doit être transportée à l'hôpital le plus vite possible afin de passer des radiographies.

Pendant que les secours sont en route, Élisabeth veille sur Caroline et est témoin de la suite des événements. Le juge Collins tente de convaincre William d'aller chanter sans sa musicienne. Devant son obstination à réfuser, Collins mentionne à la vedette que tous les candidats attendent cet instant avec impatience.

-Mais je n'ai pas d'accompagnatrice… et je ne crois pas que nous puissions trouver ici une musicienne capable de lire la musique… à première vue.

-Moi, je peux…

Comme les mots sont sortis de sa bouche par réflexe, Élisabeth se maudit intérieurement.

-Alors vous devez accompagner William!

-Ce n'est pas une bonne idée! C'est une candidate!

-Je suis d'accord avec monsieur Darcy… ce n'est pas une bonne idée!

-Mais elle pourrait s'installer en coulisse… William, tu n'auras qu'à dire que Caroline a accepté de jouer avec de s'en aller… et qu'elle va rester en coulisse pour ne pas marcher sur la jambe.

-Bon d'accord…

-Ça peut fonctionner… d'ailleurs, si je rate quelques notes… vous pourrez expliquer que Caroline est souffrante…

-Alors, c'est décidé… Allez prendre place en coulisse mademoiselle Bennet. Toi William, va sur scène expliquer la situation aux candidats pendant que je dirige l'installation du piano.

La foule réagit avec joie à l'arrivée de William. La star explique brièvement la situation particulière qui donne lieu à un réaménagement de la scène pour que Caroline puisse jouer du piano. Lorsqu'il est finalement prêt, William fait signe à Élisabeth d'attaquer la première chanson. La voix de William est si puissante que la jeune fille n'a aucune peine à le suivre et à l'accompagner. Le premier morceau se passe bien et William accepte de bonne grâce les applaudissements du public. Lorsqu'il annonce le titre de la seconde chanson. Élisabeth ne sait pas quoi faire. Il s'agit justement de la mélodie dont elle a changé quelques passages pensant la rendre plus agréable lorsque le cahier s'était retrouvé entre ses mains. Rapidement, elle constate que les changements qu'elle a apportés ne modifient pas la mélodie et qu'à partir du moment où le piano est loin dans les coulisses, William ne remarquera probablement pas les nuances. Elle attaque donc le morceau, soucieuse de voir comment William réagira lorsqu'elle jouera les passages modifiés. Seule une légère hésitation dans sa voix lui confirme qu'il a remarqué quelque chose. Deux autres passages réarrangés arrivant, Élisabeth les attaque avec assurance sentant maintenant sur elle le regard perplexe du chanteur. La mélodie s'éteint et recueille autant d'applaudissements que la première chanson. William remercie le public et annonce qu'il va maintenant interpréter la dernière composition de Caroline. Il attaque celle-ci avec gravité s'attendant à ce qu'Élisabeth le suive comme Caroline l'aurait fait. À sa grande surprise, le tempo change et passe d'une ballade romantique à un tango sensuel et rythmé. William s'adapte du mieux qu'il le peut sans remarquer que le rythme proposé par la pianiste convient bien mieux à la mélodie que celui prévu par Caroline. À la fin du morceau, Élisabeth se retire et s'éloigne suivie de loin par les yeux colériques de William qui salue la foule en délire. William remercie Caroline et dirige les applaudissements vers les coulisses. Une fois la clameur apaisée, William se dirige vers les coulisses à grands pas.

-Qu'est-ce que c'était que ça? Je croyais que vous saviez lire la musique à première vue…

-C'est ce que j'ai fait!

-Je connais les morceaux de Caroline… vous avez raté plusieurs passages… et vous avez dénaturé la dernière chanson.

-À quoi vous attendiez-vous de la part d'une jeune fille sans talent et qui ne connaît rien à la musique?

William prend le livre de musique qu'Élisabeth tient encore entre ses mains et regarde attentivement les partitions. Il constate que ce que la jeune fille a joué est effectivement inscrit dans le livre.

-Caroline m'en aurait informé… ça ne lui ressemble pas de faire des modifications sans m'en parler!

-Elle aura oublié de vous le dire c'est tout!

-Je déteste décevoir mes fans!

- Consolez-vous… je prends le blâme pour vous. Je ne suis pas une professionnelle!

-J'avais déjà remarqué!

-Vous me flattez… Mais, surtout ne vous abaissez pas à me remercier… C'est inutile… je sais que vous n'en penseriez rien. Au revoir monsieur Darcy. Juste avant de disparaître à ses yeux, elle lui lance une dernière fois : Oh, en passant, votre partenaire devra certainement rester au lit et porter un plâtre pendant quelques semaines. Juste au cas, ne comptez plus sur moi pour la remplacer.

Une fois dans la salle où elle retrouve Jane. Celle-ci la questionne brièvement sur l'état de santé de Caroline.

-Une vilaine fracture!

-Mais… elle vient de jouer pour nous…

-Elle s'est bien débrouillée n'est-ce pas?

-Pourquoi ai-je l'impression que tu me caches quelque chose?

-Comment as-tu trouvé William?

-Pas très détendu… mais aussi sexy que d'habitude… dommage que tu étais derrière… Eh! C'était toi qui jouait c'est ça? Voilà pourquoi il n'avait pas l'air à l'aise.

-Ça le changera… mais n'en parle à personne… je ne voudrais pas qu'on l'accuse de favoritisme. Il fait partie des juges après tout. Remarque, il va plutôt voter contre moi maintenant que j'ai bousillé sa prestation.

-Mais tu as bien joué… comme toujours…

-Ouais… ouais…

Le lendemain elle se retrouve une autre fois obligée de travailler avec George. Celui-ci insiste tellement qu'elle accepte de jouer du Rock avec lui en autant qu'elle puisse arranger la musique afin que les notes ne soient pas trop élevées, ni trop basses pour lui. George est étonné de trouver la partition facile et prend rapidement ses aises avec la mélodie. Même Élisabeth ne peut que le trouver bon. Seule une oreille avertie saurait voir clair dans ses limites vocales, mais il possède d'autres atouts qui ne sont pas négligeables et qui pourrait le faire se rendre en finale. Quoique Jane ait davantage de chances de gagner avec Charles. Leur duo est plus harmonieux. Mieux assorti. Le moment où ils doivent tous repasser devant les juges arrive trop vite pour la jeune fille. Encore une fois, son duo passe dans les derniers. Cette fois, Élisabeth attend bien sagement les commentaires des juges avant de retourner à l'arrière scène.

-Mademoiselle Bennet, vous nous aviez habitués à mieux. Mentionne simplement le juge Collins.

-En effet…mademoiselle Bennet, le Rock ne vous convient pas. Par contre George, vous avez été à la hauteur! Précise William Darcy de manière très condescendante.

-Cet arrangement aurait du être plus varié. Élisabeth, pourquoi l'avez vous épuré? L'effet sert George, mais pas la pianiste.

Sans rien répondre à la question du juge Collins, Élisabeth retourne derrière le rideau où Jane la prend dans ses bras.

-Lizzie, la prochaine fois… ne cèdes pas au caprice de George et laisses les autres voir à quel point il est limité vocalement.

-Mais je suis responsable de l'effet que nous produisons à deux. Nous devons réussir tous les deux. Je ferai mieux demain… si on m'en donne la chance évidemment.

George la regarde méchamment lorsqu'ils doivent retourner sur scène pour entendre les résultats. Collins arrive avec les notes des juges et fait monter sur scène les quatre couples retenus pour la finale du lendemain. Jane et Charles montent les premiers. Deux autres couples sont invités à se joindre à eux. Lorsqu'arrive le temps de désigner le dernier couple, Élisabeth se bouche les oreilles. Voyant que tous les regards se tournent vers elle, elle enlève ses mains et accepte le bras que lui tend George tout souriant. Elle monte sur scène avec lui, tandis que les candidats éliminés sortent pour aller ramasser leur affaire. Collins annonce aux huit finalistes le déroulement de la dernière journée. Cette fois, ils devront travailler une chanson imposée par le comité. De plus, dans la matinée, ils pourront avoir un cours privé avec nul autre que William Darcy. Le duo George et Élisabeth sera le dernier à travailler avec lui.

Le lendemain, Élisabeth est stupéfaite de constater que la pièce qu'elle se voit contrainte de travailler est très simple d'exécution et que vocalement George ne devrait pas avoir trop de mal à la rendre intéressante. Elle travaille depuis une heure lorsque George fait son entrée passablement amoché. Il a les traits tirés et sent l'alcool à plein nez. Il est mécontent lorsqu'il apprend le titre de la chanson qu'il doit travailler prétendant qu'elle est trop facile. Il commence à la travailler avec elle, mais s'arrête souvent pour reprendre son souffle.

-George… tu n'aurais pas du sortir hier soir… pas la veille de la finale.

-Tais-toi! Je me passerai bien de tes conseils… nous avons failli perdre hier par ta faute…

-Sans doute, mais si tu veux gagner aujourd'hui, c'est maintenant qu'il faut le prouver!

-Je connais déjà cette chanson… c'est toi qui doit travailler… Tu n'as aucun talent. C'est grâce à moi si tu es arrivée jusqu'ici. Ta sœur elle est très douée.

-George! Que je sois douée ou non ne change rien au fait que nous devons travailler ensemble. S'il te plait, mettons-nous au travail!

La voix grave et profonde de William Darcy qui fait son entrée dans leur local, les force à se taire.

-Pardonnez-moi… mais c'est à votre tour.

-Pourquoi?

-Notre cours privé George! Viens… suivons-le!

Dans le local de pratique de William, Élisabeth découvre le plus beau piano à queue qu'elle n'ait jamais vu. Elle caresse les notes blanches, puis les noires sans oser les presser. De son côté, George accepte le café que William lui prépare et s'assied dans un fauteuil épuisé.

-Vous êtes sortis, hier soir?

-Élisabeth tenait à aller danser!

Élisabeth jette un regard incendiaire à George, mais préfère tenir William à l'écart de leur chicane.

-Vous n'auriez pas dû!

-C'est ce que je me tue à lui dire depuis ce matin.

Sceptique, William examine George, puis Élisabeth : «Elle semble en meilleure forme que vous pourtant!»

-Elle l'était cette nuit aussi! Hein, chérie?

Rouge comme une tomate, Élisabeth plaque un accord discordant sur l'instrument de William.

-Alors, on le commence ce cours?

-Oui… oui. Bien sûr Élisabeth. Faites moi entendre le morceau que vous allez interpréter tout à l'heure. Histoire de voir si je peux vous aider à l'améliorer.

Élisabeth installe la partition devant elle et attend que George daigne se lever.

Lentement, péniblement, George se lève, s'approche du piano et dépose un baiser très suggestif sur les lèvres d'Élisabeth avant de ramasser le micro et regarder William de manière très provocante. Sa voix s'élève alors, incertaine et rauque.

William ne peut se retenir de grimacer tant la voix de George est inégale. Il suit difficilement le tempo proposé par Élisabeth. William la regarde et lui fait signe d'accélérer le rythme. Avec soulagement elle constate que les défauts de la voix de George paraissent moins ainsi et que la chanson devient même très amusante. Inspirée par le plaisir évident que William semble ressentir à les écouter tous les deux maintenant, elle agrémente la mélodie en y ajoutant certaines variations rythmiques très agréables et surtout créatives qu'elle improvise. Elle est loin du monde réel. La voix de George raisonne à ses oreilles encore et encore. Elle garde les yeux fermés très longtemps. La fin arrive, implacable. Un dernier accord, bien senti… puis, plus rien. Un long silence. Élisabeth ouvre les yeux et constate que les deux chanteurs la dévisagent.

-Pardon… je me suis laissée emporter.

-Élisabeth… on entendait plus ma voix… Le piano ne doit pas prendre autant de place.

-Pouvez-vous me passer la partition?

-Pourquoi? Je n'ai fait qu'y ajouter ça et là des effets très simples et des formules rythmiques ordinaires… Il n'y a pas de quoi en faire un plat…

-Donnez-moi vos feuilles!

Rageusement, Élisabeth passe ses feuilles à William. Celui-ci les examine quelques secondes avant de les redonner à la jeune fille en la regardant avec étonnement.

-Rien de ce que vous avez joué n'est écrit sur la partition… vous avez tout improvisé?

-À peine… Jane et moi retravaillons toujours nos morceaux ainsi pour le plaisir. Rien d'extraordinaire.

-Vous devez garder ça lors de la présentation de cet après-midi. C'est excellent! Par contre… je crois que vous devriez garder les yeux ouverts. Quand vous partez dans votre monde en fermant les yeux, vous devenez inaccessible. Le public n'aime pas ça… ça crée une distance.

-Je le savais… on ne communiquait plus… je n'aimais pas ça!

-Quand à vous George, je veux que vous travailliez votre chanson davantage. Les mots doivent sembler venir de vous, pas d'une feuille de musique.

-Mais…

-Et vous ne pourrez pas vous consoler en vous disant que c'était une chanson difficile, puisque celle-ci est très simple. Bien, voilà… je ne crois pas avoir mieux à vous dire. Si George travaille le texte et que vous pouvez retrouver ce sentiment de liberté, vous avez de bonne chance de gagner.

Élisabeth ramasse ses affaires et vient pour passer devant William. George la suit comme un chien.

-Mademoiselle Bennet, puis-je vous parler un instant?

-C'est que je dois encore répéter avec elle.

-C'est vous qui devez travailler… pas elle.

-J'arrive dans quelques minutes George… Attend-moi dans le local. Travaille ton texte en attendant.

Dès que George est sorti, William offre à la jeune fille de prendre place à ses côtés sur le fauteuil principal.

S'asseyant de manière à ne pas être trop près de lui, Élisabeth l'observe pendant qu'il se lève pour aller chercher des feuilles dans le tiroir de son bureau.

-Vous êtes trop bonne avec lui! George ne vaut pas tout le mal que vous vous donnez.

-Qu'en savez-vous? Vous avez oublié comment on peut être mauvais lorsqu'on commence…

-Non. Par contre je sais reconnaître le talent lorsque je le rencontre.

Il lui remet la partition de la première chanson qu'elle a interprétée avec George, suivi du cahier de musique qu'elle avait déjà ramassé puis annoté sous le pseudonyme J. Bennet.

-Pouvez-vous m'expliquer ceci?

-Que voulez-vous dire… je vous ai déjà raconté…

-Je veux la vérité cette fois… J'ai tout de suite fait le rapprochement entre l'écriture qui a été ajoutée dans mon cahier et l'écriture de celle que vous appelez J. Bennet. S'agit-il réellement de votre sœur?

-Votre pianiste est très talentueuse.

-Oui… c'est un fait! Mais J. Bennet l'est beaucoup plus … à mon avis…

-Oh !

-Il s'agit de vous n'est-ce pas?

-Non!

-Je sais reconnaître une signature musicale lorsque j'en entends une…

-Très bien… c'est vrai, mais je vous assure que je n'avais aucune mauvaise intention… votre cahier était par terre dans le hall… Je l'ai ramassé et je n'ai pas pu résister… il fallait que j'essaie certains morceaux. Si je me suis permis certaines corrections… c'est que j'ai cru que ce serait mieux, musicalement parlant… je suis désolée… je n'aurais pas du prendre cette liberté.

-Je vous en suis reconnaissant au contraire.

-Vous n'êtes pas fâché?

-Non, mais je suis tout de même contrarié…

-Je comprends… je peux recopier vos partitions comme avant si vous voulez…

-Non, ce qui me choque, c'est de vous voir gâcher votre talent… vous devriez devenir soliste… ou mieux vous devriez composer… Oh, mais j'y repense, c'est vous qui avez écrit votre première chanson d'audition aussi? Mais, oui, je me souviens de la signature : J. Bennet. D'où vient la lettre J?

-Joséphine… mon nom complet est Marie, Joséphine, Élisabeth Bennet.

-Joséphine ou Élisabeth, peu importe comment vous vous appelez… vous devriez me laisser m'occuper de votre carrière… Je pourrais vous présenter des gens… vous ouvrir des portes…

Tout au long de ce long monologue, William s'est approché de la jeune fille. Il soulève ses cheveux et l'observe avec attention tout en dirigeant son regard vers ces lèvres tremblantes.

-Vous n'avez qu'à me laisser prendre les choses en mains!

C'est alors qu'il pose ses lèvres sur les siennes et en force l'entrée avec sa langue. Sous le choc autant que désirant qu'il l'embrasse indéfiniment, Élisabeth ne peut chasser de ses pensées le fait qu'il utilise la flatterie pour tenter de la séduire. Persuadée de ne pas avoir tant de talent, elle ne comprend pas qu'une vedette de son envergure, puisse s'intéresser à une jeune femme comme elle. Ses pensées ont beau la réveiller du magnifique rêve qu'elle est en train de vivre, la réalité du baiser et son effet sur elle la rendent incapable de se défendre. Elle ne peut que gémir et lui offrir sa bouche. Lorsque ses mains descendent à la rencontre de son chemisier et que ses doigts experts s'emparent des boutons pour les détacher, Élisabeth se redresse pour le repousser. William est étonné convaincu qu'il est d'avoir une fille consentante devant lui. Il tend la main pour la ramener vers lui, mais elle recule et gagne la porte.

-Je connais la chanson, monsieur Darcy… et ma réponse est non! Je ne coucherai pas avec vous!

Dés qu'elle a quitté la pièce, William se relève et cherche à comprendre ce qui a mal tourné. Habitué à séduire les jeunes filles sans même devoir faire d'efforts, il n'accepte pas l'échec cuisant qu'il vient d'essuyer. Il n'avait pas eu l'intention de l'embrasser tout d'abord. Vraiment pas. Il avait essayé de se convaincre que seul son talent était la cause de l'intérêt qu'il lui portait. Mais il lui avait suffi de plonger son regard dans la prunelle sombre de ses yeux anxieux pour que le désir le saisisse et qu'il passe à l'action. Et puis, comme la réponse de la jeune fille avait été la même que chez ses admiratrices les plus passionnées, il avait poursuivi l'expérience. Avant de quitter la pièce devenue froide et vide depuis le départ de la musicienne, il se fait la promesse de ne plus se compliquer la vie avec une histoire sentimentale. Sa dernière expérience avec Caroline avait été tellement pénible qu'il se dit qu'il devait rester loin de cette Élisabeth Bennet compte tenu de l'attirance qu'il éprouvait pour elle.

De son côté, Élisabeth est en état de choc, elle arrive dans le local de répétition pour constater que George lui a laissé une note pour lui dire qu'il ne pouvait pas rester. Qu'il allait travailler seul de son côté pour faire suite à la suggestion de William. Soulagée, elle prend le chemin de son appartement où elle devra affronter les questions de sa sœur si celle-ci est le moindrement attentive à l'expression égarée qui ne quitte pas son visage. Pendant tellement d'années, William Darcy, chanteur de renommée internationale, avait représenté l'homme idéal. Et un homme idéal n'est certainement pas fait de chair et d'os. N'ayant que très peu d'expérience avec les hommes, la jeune femme ne sait qu'elle attitude adopter envers lui, ni même quelle importance donner à ce qui venait de se passer entre eux. Chose certaine par contre, son amour propre venait d'en prendre un coup. Elle estime qu'elle s'est laissée aveugler temporairement par les compliments qu'il lui a adressés. Sans doute lui a-t-il attribué du talent uniquement pour la mettre dans son lit. Toute soulagée à l'idée de pouvoir se confier à Jane, elle rentre rapidement dans la cuisine où elle entend plus d'une voix.

-Lizzie! Te voilà enfin… Charles est avec moi… Est-ce que tu as eu ton cours privé avec William Darcy?

-Il est très doué hein? Il a donné de précieux conseils à Jane.

-Très doué, en effet!

-George n'est pas avec toi? Tu aurais pu le ramener tu sais.

-Non! Il avait un rendez-vous!

L'après-midi, leur petit groupe de trois arrive au local très en avance. Élisabeth va s'asseoir à côté de George qui semble anormalement calme. Élisabeth comprend pourquoi lorsqu'il lui adresse la parole pour la première fois. Il empeste l'alcool à plein nez. Lorsque vient le moment de monter sur scène pour interpréter leur morceau, c'est à peine s'il tient sur ses jambes. Élisabeth fait de son mieux et se concentre sur George. Elle le regarde droit dans les yeux et pose les lèvres sur sa bouche. Surpris il se redresse lentement et la regarde avec un point d'interrogation dans les yeux.

-Qu'est-ce qui se passe?

-George, c'est à nous… viens. Aie confiance… tu seras merveilleux comme toujours.

Reprenant confiance, il bombe le torse et avance sur scène avec Élisabeth. Celle-ci lui adresse son plus beau sourire et commence à jouer la mélodie tant travaillée par elle. George commence à chanter et se laisse porter par la mélodie entraînante d'Élisabeth. Ne pouvant se laisser aller comme durant la matinée pour surveiller George, elle n'en profite pas moins pour améliorer la mélodie et pour y ajouter sa touche personnelle. William ne peut détacher ses yeux d'elle. Comprenant qu'il est dangereusement attiré par la jeune femme, il se redresse et essaie de regarder ailleurs. Il est très étonné de la performance de George. Il est très habité par sa chanson. William se demande ce que la jeune fille a bien pu lui dire pour le ramener à la réalité. Le juge Collins et le troisième juge sont également subjugués. Ils accordent beaucoup d'intérêt à Élisabeth et l'applaudissent à tout rompre. William se garde toutefois d'émettre le moindre commentaire. Il laisse Collins les féliciter puis faire sortir tous les concurrents pour la dernière fois.

Durant les délibérations, William est très peu loquace. La décision finale prise, les membres du jury font revenir les quatre couples et annoncent le nom du duo gagnant. Élisabeth est certaine que Jane et Charles vont gagner. Ils ont une longueur d'avance sur les autres couples. Ils sont mieux assortis et plus professionnels. Sans compter qu'ils représentent un meilleur marché, ils sont déjà «un produit commercialisable». Élisabeth saute de joie pour sa sœur lorsque son nom et celui de Charles sont nommés. Elle leur saute dans les bras et se presse de faire des appels à ses parents pour leur apprendre la bonne nouvelle. Pendant ce temps, monsieur Collins vient expliquer aux deux gagnants qu'ils vont devoir se rendre en Angleterre d'ici quelques semaines pour travailler sur un album commun qu'ils produiront de concert avec la «DeBourg Music Association». La même maison de disque qui produit les albums de William Darcy et de Catherine Degas. William s'approche des gagnants et les félicite chaleureusement. Élisabeth attend que William ait quitté le groupe pour s'approcher de Jane et l'informer qu'elle rentre chez elle. Elle l'encourage à suivre les juges pour aller prendre un verre. William Collins invite tous les juges à prendre un verre avec les deux gagnants.

-Vous avez mérité cette victoire Jane! Vous allez bientôt avoir une foule d'admirateurs masculins…

-Comme vous avec les femmes… vous devez être flatté?

-Non, je trouve ça plutôt gênant.

-Vous savez que ma sœur a tous vos posters sur les murs de sa chambre?

-Élisabeth?

-Oui… elle-même… elle était très intimidée à l'idée de vous rencontrer en personne.

-Elle n'agissait pas comme si je l'intimidais…

-Je pourrais même dire que c'est la seule raison pour laquelle elle a fini par accepter de participer au concours… Il a suffi que je lui dise que vous y chanteriez.

-Elle a elle même beaucoup de talents! Dommage qu'elle soit tombée sur un aussi mauvais partenaire.

-Je le pense aussi… nous aurions fait un malheur toutes les deux… mais je n'aurais pas eu la chance de rencontrer Charles.

-Charles est vraiment une bonne personne. Vous allez bien ensemble.

-Comment va Caroline?

-Elle pourra recommencer à jouer dans un mois ou deux. Avez-vous hâte de venir en Angleterre?

-Ça me rend anxieuse… mais j'imagine que je m'y ferai.

-Alors Jane… comment vous sentez-vous? Demande le juge Collins s'approchant des deux autres.

Laissant Collins discuter avec elle, William va rejoindre Charles assis à l'autre table et un peu perdu dans ses pensées.

-Oh, merci encore William pour les précieux conseils que tu m'as donnés avant l'audition.

-Vous auriez gagné de toute façon. Vous irez loin… c'est moi qui te le dit. Et contrairement à Caroline et moi, vous serez tous les deux connus.

-Puis-je te poser une question indiscrète?

-Bien sûr!

-As-tu déjà eu une aventure avec Caroline pendant que vous faisiez équipe?

-Oui, malheureusement… et ça a rendu notre collaboration très compliquée… Mais pourquoi veux-tu savoir ça? Oh, je crois comprendre… Toi et Jane… tu es attiré par ta partenaire et tu ne sais pas quoi faire?

-C'est un peu ça… en fait c'est tout à fait ça!

-Je te suggère la prudence… mieux vaut ne pas mélanger les choses… remarque que votre histoire pourrait être différente… ou être encore pire! Qui sait que ce les femmes peuvent devenir lorsque les choses se compliquent… mais oublions ça pour l'instant… et levons nos verres à une amitié… une amitié qui sera très importante pour moi. Si je puis me permettre.

-Je te remercie William… À ta santé également.

... à suivre ...