Coucou les amis ! Et oui cela fait longtemps et je m'en excuse tellement ! C'est que ce mois-ci j'ai eu très peu de temps pour écrire, déjà car je suis partie à Paris pour voir l'exposition des Borgia (AHHHHH !) et aussi car je suis de plus en plus passionnée par la série "Borgia" de Tom Fontana et que l'envie d'écrire dessus monte terriblement et m'a quelques fois bloqués pour ce OS... Mais le voici tout de même et je tiens à rendre hommage au roman "Les Borgia" de Klabund qui m'a reboostée pour l'inspiration et aussi à mes deux fidèles lectrices, Sandie et Aline, qui me suivent si fidèlement et dont les reviews me pousse à écrire, merci à vous les filles !

Ce OS se passe donc dans l'épisode 6 de la saison 3, mais il est à 80% inventé étant donné que je n'ai repris qu'une seule scène de l'épisode, la scène des retrouvailles de Cesare et Rodrigo, le reste sort purement et simplement de mon esprit et le prochain OS sera donc sur la discussion de Cesare et Lucrezia à Rome et le reste de l'épisode :)

Voilà je suis désolée pour l'attente mais ne vous inquietez pas, je vais terminer ma série de OS sur The Borgias avant de commencer quoi que ce soit d'autre mais je peux parfois mettre plus de temps mais je reviendrais toujours ! Je vais essayer de prendre moins de temps pour les prochains OS, c'est aussi que je les fait beaucoup plus long maintenant et qu'ils prennent également plus de temps à écrire. Ce OS j'en suis assez satisfaite il à été dure à écrire et j'espère qu'il vous plaira, de tout coeur :D

Sur ce, je vous laisse à votre lecture, bisous à tous et à très bientôt ! Roza-Maria.

REPONSES AUX REVIEWS :

Aline ~ Réponse à la review de "Dans l'arène Française" : Coucou Aline ! Désolée pour cette terrible absence, j'espère que tu va continuer à lire mes OS malgré tout :'( j'ai eu très peu de temps, je suis partie à Paris pour l'exposition des Borgia (c'était MAGNIFIQUE) et j'ai aussi un problème d'envie justement à cause des deux séries. Ne t'inquiète pas, je n'abandonnerais jamais mes OS, je mets parfois un peu plus de temps mais je n'abandonnerais pas alors reviens voir quotidiennement tu finiras par trouver le nouveau OS sur ma page ! :D Sinon, merci pour cette longue et délicieuse review, et en effet on à lu les mêmes romans je vois, normal en tant que fane de Borgia que nous sommes ! :D

C'est amusant, j'ai fais l'exact contraire de toi, j'ai d'abord vu The Borgias puis Borgia. Au début Borgia ne m'a pas plu... et aujourd'hui Borgia est à mes yeux la meilleure des deux, même si je reste une IMMENSE amoureuse de The Borgias, Borgia m'a détruite et envoûtée, j'en deviens tellement accro que ça fait peur. Cesare est illuminé (bipolaire à ma théorie) mais je l'aime... DIEU TELLEMENT ! Borgia de Canal+ est à mes yeux la meilleure série TV jamais réalisé, je suis fane de The Borgias, mais je trouve Borgia meilleure maintenant, pour la fidélité historique comme tu dis, qui est hallucinante, mais aussi pour la relation Cesare/Lucrezia, qui, au contraire de toi, me parait beaucoup plus proche de la réalité je pense, étant donnée que déjà Cesare et Lucrezia ont du être très séparés durant leur enfance vu qu'à l'époque on envoyait les jeunes hommes étudier l'église loin de chez eux (Pour Borgia, Pise par exemple, bien que certaines sources historiques disent que Cesare à étudier à Pérouse) et donc qu'ils sont très séparés. Leur lien qui se construit dans la série, à l'âge adulte, me parait donc plus crédible à la réalité, même si comme tu dis tout les scénarios ou presque reprennent le même schéma de la relation un peu "obsessionnelle" de Cesare et Lucrezia" est-ce que c'était la réalité ? Ca on ne le sait pas, en effet.

Ah je comprends que la nudité et la violence dérange, perso ça m'a pas plu car cela reflète la réalité et que j'ai vu des séries tellement pire sur le sujet (Spartacus : Blood and Sand, Borgia parait être la série la plus sainte en comparaison...). Sur le reste, je suis l'exact contraire de toi, j'ai tout d'abord trouvé le rythme de Borgia beaucoup plus lent que The Borgias, notamment à cause du triple de politique qu'il y'a mais au final je suis tellement tombée amoureuse que, je n'irai pas jusqu'à dire que cela eclipsé The Borgias, mais cela l'a grandement dépassée, et pour moi, Borgia de Tom Fontana et leurs Cesare et Lucrezia sont devenus ma référence numéro 1 pour la famille, la plus crédible et la plus réaliste pour moi. The Borgias et Cesare et Lucrezia resteront toujours mes bébés cela dit, mais cette série est plus romancée et donc plus à matière de rêver magnifiquement :) ma passion de plus en plus grande pour Borgia m'a posé quelques problèmes car j'ai envie de me concentrer sur cette série (je vais aussi écrire dessus oui ! :) Ainsi que sur les Cesare et Lucrezia des jeux vidéos Assassin's Creed si tu connais :D) mais un roman que j'ai lu récemment, "Les Borgia" de Klabund m'a redonnée l'inspiration pour finir ce difficile OS et je te promets, je vais essayer de poster plus rapidement pour les prochains OS!

Pour le OS, MERCIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII, je suis heureuse qu'il t'ait plu et qu'il fonctionne avec ta vision des choses, cela me fait tellement plaisir ! Je suis contente que tu trouve que j'ai réussi à bien montrer ce côté politique qu'est la France et comment Cesare doit jouer dedans, c'était le but premier de ce OS ! Je suis entièrement d'accord pour Cesare, c'est un homme de plaisir et il ne dit jamais non pour le sexe, que ce soit avec Caterina ou Charlotte, mais il sait ce qu'est l'amour et comme toi, je pense que c'est à cet instant précis qu'il "accepte" ses sentiments pour Lucrezia et que les choses vont changer maintenant. On est d'accord sur ce passage et je prie pour que ce OS quasiment entièrement crée de ma part te plaira et fonctionnera avec ta vision des choses je croise les doigts :D Voilà merci encore pour tes reviews passionnantes qui me font toujours chaud au coeur et j'espère te revoir pour ce nouvel OS tout neuf et pour les prochains ! :D Bisous et à bientôt ;)


La Ville Eternelle… C'est ainsi qu'on surnommait Rome. Et tandis que Cesare l'observait depuis les hautes collines de la campagne romaine, il se rendait compte à quel point ce surnom était vrai. On voyait chaque époque gravée dans différents quartiers. On pouvait voir l'Antiquité majestueuse avec l'amphithéâtre Flavien, les ruines des anciens Forums, les thermes et les imposantes statues. Les siècles précédents, temps qu'on commençait à appelez Moyen-Âge, brillait avec leurs petites églises modestes mais d'une puissance spirituelle jamais égalée. Et voici leur époque. Leur siècle, où des églises et des palais plus majestueux les uns que les autres voyait le jour à Rome. Où la Basilique Saint-Pierre n'était plus un lieu de pèlerinage mais aussi d'art, où le Saint-Père faisait venir les plus grands artistes italiens afin de l'embellir. Une époque où le luxe s'alliait avec la débauche et l'art.

Cesare ressentit un sentiment de plénitude et de paix l'envahir. Il était enfin chez lui, après plusieurs semaines de voyage à travers les terres d'Italie, traversant le duché de Savoie, celui de Milan, de Modène, arrivant dans la République Florentine pour enfin entrer dans les Etats Pontificaux dont Rome étaient la capitale. A mesure qu'il s'avançait, qu'il observait ce pays dans lequel il avait souvent voyagé et vécu toute sa vie, il eu l'impression de le voir pour la première fois. Sans doute car cette fois-ci, il le voyait d'un œil neuf. Toutes ces villes qui se disaient indépendantes, toutes ces villes qui se rebellaient contre le Saint-Siège, Urbino, Sienne, Ravenne, Rimini, Pesaro, Bologne… Des villes splendides, pleines de richesses et de beauté. En passant en travers de ces villes, sentant d'abord les regards effrayés en voyant l'armée française imposante, puis méprisant lorsqu'on reconnaissait le fils bâtard du pape, il avait senti un désir l'envahir. Un désir si intense qu'il dut prendre sur lui pour ne pas changer de cap. Un désir de conquête.

Apprendre le respect à ces familles qui se disait au-dessus des Borgia car ils était de sang italien, prendre leurs villes et les diriger, prendre possession de ces beautés sur lequel il régnerait, lui et lui seul, même si cela se ferait sous couverture pontificale. Des idées, des plans de guerres, des attaques lui étaient apparues à l'esprit. Certaines exécutables sur le champ. Mais il ne pouvait pas. Son chemin le menait à Rome et il avait pour ordre de prendre Milan, non pas de soumettre la Romagne. Mais maintenant que cette idée était dans son esprit, il n'arrivait plus à l'effacer.

Une fois qu'il en aurait fini avec les Sforza, il mettrait ces plans en place. Forli et Imola, les terres de Caterina, seront les premières de sa principauté. Il s'emparerait ensuite de la précieuse ville de Giovanni Sforza. Il lui avait pris la vie, après tout. Ses biens lui appartenaient. Et il fouillerait ses villes de fond en comble afin de trouver les plus beaux trésors, les plus belles toilettes, les bijoux les plus somptueux, qu'il offrirait à Lucrezia. Il pouvait déjà la voir, rayonnante de beauté, au milieu d'une de ses cours majestueuses qui deviendrait sa cour, et cette vision lui donna l'impression qu'un feu s'emparait de lui. Il dut prendre sur lui pour ne pas retrousser chemin et commencer sur le champ.

C'était impossible pour le moment mais il en aurait bientôt fini avec les Sforza et avec le roi Français. Alors, il mettra en place les préparatifs et partira à la bataille pour réaliser ce rêve.

Mais pour le moment, il devait penser à autre chose. Le voilà enfin de retour à Rome. Et il devait se retenir de ricaner en s'imaginant dans quel état devait être son père à l'heure qu'il est. Les rumeurs de son arrivée armée suivie d'une armée faisaient gronder toute l'Italie, il en avait parfaitement conscience. Il aurait pu rassurer les hauts dignitaires, leur dire que rien ne leur serait arrivé. Mais il n'en avait aucun désir et cela ne lui serait d'aucune utilité. Quelques jours plus tôt, alors que le reste des troupes françaises arrivait à La Spezia, il avait pu connaître l'immense sentiment de satisfaction en dévoilant l'armée à Vitellozzo Vitelli. Ce cher Vitelli et les manigances qu'il menait avec les Orsini, les Baglioni, les Colonna afin de s'allier avec Caterina contre lui… Il les aurait bien volontiers tous mis dans le même sac avant de le brûler mais ce n'était pas possible. L'armée française ne lui appartenait pas vraiment et il fallait absolument qu'il s'en souvienne. Il en avait le commandement, mais pour combien de temps ? Il l'ignorait et devait s'assurer de former sa propre armée en attendant qu'il en ait une à disposition. Et il avait la ferme intention de récupérer celles de Vitelli et des autres ainsi que celle de Caterina. Mais il fallait jouer prudemment. En alliant les forces de Vitelli, Baglioni, Colonna et Orsini aux siennes, il avait un net avantage sur Caterina. Comme elle aurait un grand avantage sur elle si elle parvenait à les gagner à sa cause. Pour le moment donc, il était plus prudent de s'allier avec eux plutôt que d'être contre eux. Même si il ne comptait pas rester leur allié éternellement.

En montrant l'armée à Vitelli, il avait cherché à la fois à lui faire peur et aussi de lui montrer qu'il était un allié nettement plus avantageux que Caterina. La France et le Saint-Siège pouvaient offrir bien plus de récompenses que Forli, cette petite cité misérable auquel Caterina s'accrochait comme une hyène à sa proie. Il avait eu l'effet qu'il désirait chez lui, Cesare l'avait parfaitement vu. Maintenant, rien n'était joué. Ce n'était que le premier coup dans l'immense partie d'échec qui venait de se lancer en Italie. Et Cesare aimait les échecs plus que n'importe quel autre jeu.

Une image lui revint alors tout à coup, tandis que son cheval continuait d'avancer, talonnez sur serpent d'Amboise et de l'armée française. Il se revit à 15 ans, dans le palais des Borgia, assis seul devant un plateau d'échec, contrarié par une énième remontrance de son père suite à ses protestations en ce qui concernait ses études de prêtres, qu'il détestait et voulait cessez à tout prix. Des fois, il aimait se battre et s'entraîner à l'épée pour se défouler et évacuez sa haine. Mais ce n'était pas toujours suffisant. Quelques fois, c'était son esprit qui avait besoin de combattre.

Dans ces cas là, le jeune garçon adorait les échecs, un jeu de stratégie que son père leur avait enseigné, à Juan et lui il y'a plusieurs années. Juan avait rapidement oublié les règles du jeu, trop occupé à suivre son entraînement militaire et à courir les putains, vie que Cesare ne pouvait s'empêcher de lui envier maladivement. Son frère se levait pour apprendre l'art de la guerre et de l'épée, tandis que lui étudiait tous les jours les mêmes textes, les mêmes paroles inutiles et ennuyeuses de l'église qui ne lui serait jamais d'aucune utilité sur le champ de bataille. Car, malgré ce que disait Rodrigo, Cesare sentait déjà au fond de lui qu'il finirait, d'une manière où d'une autre, en tant que soldat.

Mais lui n'avait jamais oublié les règles des échecs. Ce jeu le fascinait tant. Il le considérait comme un entraînement. Sa propre préparation pour les tactiques militaires qu'il devrait un jour mettre au point. Il avait une manière de jouer féroce, disait son père. Trop pour sa pauvre mère, qu'il battait à chaque fois et qui se lassait souvent de la rage que son fils mettait dans ce jeu. Cesare se retrouvait donc bien souvent à joué seul. Cela ne le dérangeait pas le moins du monde, bien au contraire. Il était à la fois les blancs et les noirs. Deux armées à dirigés, deux ennemis à contrôlez. Il fallait se mettre à la place du vainqueur et à celle du vaincu à la fois. C'était un meilleur entraînement. Mais il lui arrivait bien souvent de ne plus savoir quel équipe faire gagner. Car il trouvait toujours le moyen, pour les blancs autant que pour les noirs, de s'en sortir et de remporter la victoire.

Tandis qu'il réfléchissait devant son plateau, totalement absorbé et coupé du monde, un rire argentin le tira de sa concentration et il leva les yeux pour découvrir Lucrezia, du haut de ses 10 ans, sourire avec malice devant lui, debout de l'autre côté du plateau. La colère et la rancœur qu'il ressentait et qu'il ruminait depuis plusieurs heures s'atténuèrent immédiatement à la vue du visage enfantin de sa soeur. Cette petite avait le don de l'apaiser, ne serait-ce que par son regard. Ces yeux qui observait toujours tout ce qu'il y avait autour d'elle avec joie et innocence. Innocence… Déjà à 15 ans, il ne se rappelait plus ce que c'était de connaître ce sentiment. Lucrezia était la seule à lui rappeler que ce sentiment existait encore et cela lui redonnait à chaque fois un peu espoir dans la vie.

- Que mijote-tu, petite chipie ? Demanda Cesare, un sourire au coin des lèvres.

Lucrezia gloussa et posa le doigt sur ses lèvres, le regard complice.

- J'espionnais quelqu'un. Mais il ne faut le dire à personne ! Tu promets ?

- Cela dépend de qui, murmura-t-il en se penchant sur sa table pour mieux la regarder. Dis-moi, petite soeur, qui espionnais-tu ?

Cesare sentit une goutte tomber sur sa joue et il regarda Lucrezia leva les yeux vers le ciel, qui commençait à s'assombrir depuis plusieurs heures, promettant un bel orage cette nuit. Il vit son expression se troubler. Elle détestait les orages plus que tout, elle ne parvenait jamais à dormir si on l'a laissait seule dans sa chambre les nuits d'automne. Son père disait que les enfants apprenaient à ne plus craindre les choses en les affrontant, comme le noir et les orages. Mais Cesare ne supportait jamais de passer devant la chambre de Lucrezia en terminant ses devoirs à la bibliothèque du palais et de l'entendre pleurer et gémir. Il entrait alors dans sa chambre et la portait dans la sienne, dans lequel elle était bien plus rassurée et il la laissa dormir entre ses bras, lui racontant ses journées de petite fille, écoutant ses plaintes au sujet de la couture et du filage qu'elle n'aimait guère, puis s'amusa de sa passion lorsqu'elle parlait des livres que son père lui avait permis d'étudier. Tout en la tenant toujours contre lui et en lui chuchotant des mots rassurants quand l'orage grondait et qu'elle s'affolait. Personne ne savait que Lucrezia venait souvent dormir dans sa chambre car il l'a remettait toujours dans son lit, la portant endormi, avant que le soleil ne se lève. Il ignorait pourquoi il faisait cela. Il n'y avait rien de mal à prendre soin de sa soeur. Mais il ne pouvait pas s'en empêcher, étrangement que quelqu'un les surprenne faisait partie de ses hantises.

Lucrezia baissa les yeux vers son frère, plus calme, et répondit doucement :

- Mon grand frère. Il avait l'air si triste et si en colère que j'avais peur qu'il ne casse son plateau d'échec.

Cesare ne répondit pas tout de suite, dévisageant sa soeur qui l'observait aussi avec une petite moue triste. Il soupira. Il était très doué pour cacher ses émotions. Pourtant, cette toute petite fille semblait lire en lui comme un livre ouvert. Quelques fois, cela lui donnait un sentiment du vulnérabilité qu'il n'aimait pas du tout. Comme à cet instant. Mais la plupart du temps, il s'en amusait. Elle le connaissait si bien, cette fillette… et si mal aussi. Elle n'avait pas la moindre idée des pensées sombres qui habitait son esprit et ce depuis qu'il commençait à devenir un homme. Et il priait chaque jour, même si il n'était pas certain qu'on entende vraiment ses prières, qu'elle ne l'apprenne jamais.

- Eh bien, tu à encore des choses à apprendre sur l'espionnage, mon âme, déclara-t-il en poussant une pièce de son échiquier.

La petite fille vit son geste et observa le plateau. Son visage s'illumina alors de nouveau et elle s'exclama :

- Et aux échecs ! Je ne sais pas jouer aux échecs ! Papa m'avait promis de m'apprendre mais il n'a jamais le temps, il est trop occupé avec le pape. Dis, tu m'apprends à jouer ? S'il te plait, Cesare, s'il te plait !

Toute trace d'inquiétude et de tristesse s'était effacée de son visage et elle sautillait sur place, regardant son frère avec espoir et excitation. C'est comme si l'orage qui arrivait n'existait plus. Cesare ne put s'empêcher d'être attendri par cette vision. Elle était encore si jeune, si joueuse. Toujours prompt à ranger ses vagues inquiétudes au placard au profit de l'amusement. Il aimait la voir comme ça et il espérait que cela durerait encore longtemps. Le plus longtemps possible. Il se rappelait ses propres 10 ans, qui n'était pas si calme que les siens. Déjà à cet âge là, il devait faire ses preuves face à son père et la compétition avec Juan grandissait en même temps qu'eux. Lucrezia avait la chance d'être une fille, la chance que leur père n'attendait rien d'elle si ce n'est des sourires et de la beauté… du moins pour l'instant. Elle était choyée, câlinée, gâtée et aimée au-delà du possible au sein de la maison. Et il était le premier à vouloir tout lui offrir, à son petit angelot blond.

Cesare lui sourit et oublia la partie qu'il menait tout seul. Il se faisait plus de mal qu'autre chose de toute manière. Sa Lucrezia était intelligente derrière ses petites pitreries. Elle allait devenir une reine des échecs, il en était persuadé.

- Assieds-toi, mon âme. Je vais te montrer comment on gagne aux échecs, non pas par l'attaque, mais par la stratégie.

Lucrezia cria de joie, et s'installa devant son frère, plus excitée que jamais tandis que Cesare remettait en place les pièces. Il avait tourné le plateau afin qu'elle joue les blancs. Il ne l'a voyait pas jouer les noirs. Elle était bien trop pure pour cela. Durant les deux heures qui suivirent, Cesare enseigna à Lucrezia ce qu'il savait des échecs et il fut impressionnée de voir sa concentration et sa passion, elle ne se lassa pas à un seul instant, alors qu'il avait connu bien des personnes qui abandonnait rapidement aux échecs. Elle avait tout compris à une rapidité incroyable et il craint même pendant un instant de perdre une partie contre elle. Mais ils ne surent jamais qui l'aurait remporté, car l'orage vint enfin et la cour fut inondé d'une pluie violente, ce qui les obligea à abandonner l'échiquier et leur partie entamée pour se réfugier à l'intérieur. Mais par la suite, Lucrezia fut l'une des seules qui parvenait des fois à le battre aux échecs. Car elle connaissait ses failles mieux que quiconque.

Cesare ferma les yeux, la douleur aiguë lui faisant saigné le cœur. Voilà si longtemps qu'il n'avait pas jouer aux échecs avec Lucrezia. Si longtemps qu'elle n'était plus cette douce fillette innocente mais une belle jeune femme forte et fière, qui en avait déjà bien trop vu dans sa courte vie. Tout ce qu'il avait toujours crains pour elle lui était arrivée. Et malgré le temps qui passait et leur relation qui avait changé, jamais il n'oublierait la petite fille innocente qu'elle était. Et jamais il ne pourra se pardonnez de ne pas avoir su la protéger comme il le fallait.

Il rouvrit les yeux, tandis que la ville de Rome grandissait devant lui. Il allait lui écrire une lettre dès qu'il serait arrivé au Vatican. Il fallait qu'elle revienne à Rome, le plus rapidement possible. Son besoin de la voir était plus grand d'heure en heure depuis qu'il avait quitté la France et maintenant qu'il était de retour chez eux, l'idée qu'elle soit loin de lui, à Naples, le torturait plus que jamais. Elle devait absolument rentrée. Ils s'étaient quittés de manière qu'il n'aimait pas. Et il ne supportait pas cela.

Mais d'abord, il devait voir son père. Cette retrouvaille le réjouissait beaucoup moins mais le satisfaisait terriblement en même temps. Cesare voyait parfaitement son père en train de tourner comme un lion en cage dans ses appartements, se demandant comment Diable il avait réussi à se mettre le roi à dos au point de le pousser à envahir l'Italie une seconde fois. Il aurait pu rassurer son père, mais cela lui faisait tellement plaisir de le tourmenter un petit peu, de le faire douter. De bien lui montrer qu'il n'avait plus aucun contrôle sur lui.

Il serait dans moins d'une demi heure au Vatican. Et à mesure qu'il avançait, s'approchant des remparts de Rome, la réjouissance le gagna complètement. Il allait enfin pouvoir montrer à son père qui il était vraiment, bientôt il partirait se débarrasser de Caterina Sforza et surtout, il reverrait très vite Lucrezia. A Rome, leur Ville Eternelle.


- Une armée entière met pieds sur nos terres à votre insu ! Le roi Louis de France envahit nos côtes à votre insu ! Et sans notre permission !

Cesare sourit en entendant les cris de son père plus loin tandis qu'il avançait dans les couloirs du palais apostolique. Il avait pu voir les cardinaux le dévisager en chuchotant entre eux, complotant certainement derrière leurs sermons de vertus. Le Vatican lui avait bien manqué. Presque autant que la voix colérique de son cher père. Le Saint-Père avait exactement la réaction que Cesare avait désirée. Et l'entendre ainsi en pleine détresse lui apportait une jouissance mesquine, il devait l'avouer.

Pourtant, il avait maintenant hâte de rentrer dans cette pièce et de dire à son père ce qu'il avait ramené en Italie avec lui. Qu'ils n'étaient absolument pas envahis, mais au contraire, soutenu par la France plus que jamais grâce à lui. Rodrigo avait espéré des faveurs importantes de la France. Et il ne pourra pas nier que son fils a réussi à en extorquer le plus possible, au-delà de ce qu'il en avait espéré.

Cesare entra discrètement dans la pièce, suivi de ses hommes et découvrit le conseil de guerre réunis devant le Saint-Père, les généraux de la garde pontificale qui se tortillait sur eux-mêmes, la tête inclinée devant la colère de leur pape. Il faut dire que Rodrigo Borgia savait être impressionnant quand il était furieux. Cesare regarda son père pendant une seconde, penché devant les plans de guerre étalés sur le bureau, se contenant visiblement de toutes ses forces. Ses efforts n'étaient guère visibles. Légèrement amusé, Cesare déclara avec force :

- Il à notre permission.

Rodrigo leva les yeux vers son fils aîné, comme tous les hommes de la pièce, qui se mirent immédiatement à chuchoter entre eux, tous abasourdis. Cesare commençait à vraiment détester les chuchotements dans ce palais. Même si pour une fois, il aimait la surprise qu'il avait causée. Personne ne s'attendait à cela. Et son père en dernier, il pouvait le voir à la manière mi choqué, mi furieuse que son père le regardait. Ce qu'il vit dans ses yeux le refroidit cependant quelque peu. Et lui pinça légèrement le cœur.

Toujours ce mépris glacial qu'il avait pour lui depuis des années, et qui n'avait fait que s'intensifier depuis la mort de Juan. Plusieurs fois quand il était jeune, Cesare s'était demandé si Rodrigo ne le haïssait pas. Jamais il ne le regardait comme il regardait Juan, Lucrezia où Gioffre. Pourquoi, cela il l'ignorait. Même si aujourd'hui, il avait une bonne raison de le détester. Il avait tué son précieux Juan… Ce regard n'était pas nouveau pour Cesare. Et malgré la carapace qu'il s'était forgé contre cela au fil des années, cela l'atteignait encore. Quelques fois. Il détestait son père, dans ces moments là. Mais il se détestait encore plus lui-même.

Cesare revint à la réalité et se rappela ce cher Amboise qu'il avait aussi ramenée de France en même temps que l'armée. Un cadeau spéciale pour son père : un magnifique serpent de plus à rajoutez au nid de vipères qu'il gouvernait déjà.

- Permettez moi de vous présentez l'archevêque de Rouen, continua Cesare tandis que le pape s'approchait d'eux, l'air toujours aussi abasourdi. J'ai pris la liberté de lui promettre une barrette de cardinal comme témoignage de l'amitié ininterrompu entre la France et Rome.

Rodrigo regarda alternativement son fils et Amboise, le regard suspicieux et perdu, mais toujours aussi noir. Cesare, quand à lui, attendez impatiemment la réaction de son père face à cette promesse de faire d'Amboise un cardinal. Allait-il le ridiculiser pour l'humilier ? Non, certainement pas, il n'était pas assez stupide pour provoquer ainsi la France. Bien que Cesare n'avait aucun doute sur le fait que cela aurait fait énormément plaisir à son père de lui donner une bonne leçon. Grand bien lui fasse, tant qu'il ne ruinait pas ses efforts.

- Votre Sainteté, éminence, le cardinal d'Amboise, présenta-t-il en faisant un geste vers Amboise.

Ce dernier s'approcha et se mit à genoux devant le pape afin de lui baiser la bague mais Rodrigo n'accorda pas le moindre intérêt à l'archevêque, se contentant de lui tendre vaguement la main, continuant de regardez son fils, avec quelque chose de nouveaux dans le regard. Une question. « Qu'a-tu donc fait ? ». Il l'entendait aussi clairement que si c'était lui qu'il l'avait pensé. Et Cesare ne put s'empêcher de sourire, légerment insolent mais plus que jamais satisfait. Il n'avait vu que très rarement son père priver de mots. Et en être la cause était toujours plaisant. Il soutint son regard sans ciller. « Regarde ce que je sais faire. Ce que je peux accomplir. Quand comprendras-tu que de tes fils, c'était moi le plus digne de diriger ? ».

On pouvait entendre vaguement le salut respectueux d'Amboise mais à part cela un silence de tombe s'était abattu dans la pièce depuis qu'il avait parlé. Tous les hommes étaient silencieux, observant le père et le fils se dévisager et comprenant parfaitement que beaucoup de choses se disaient entre eux à cet instant. Rodrigo n'était pas stupide et commençait à comprendre ce que Cesare avait fait. Et celui-ci voyait tout ce qu'il pensait dans son regard. « Tu aurais du me prévenir… Me tenir informé de tes plans, tu n'a pas à agir seul, ce n'est pas toi le souverain pontife de Rome… ».

Ce à quoi Cesare répondit par un grand sourire, joyeux comme il se devait, alors que ses yeux lançaient des éclairs :

- Réjouissez-vous de mon mariage, père. Me voilà un homme honorable.

Le Saint-Père se reprenait, Cesare le voyait bien. Eh bien, c'était l'heure de l'affrontement verbal alors. Dont il comptait également sortir vainqueur.

- Qu'a-tu à dire sur cette armée ? Demanda sèchement Rodrigo sans quitter son fils des yeux.

Bien sur, pas un baiser de bienvenue, pas une accolade chaleureuse, aucun mot doux. Tout cela avait toujours été réservé à Juan. Bien évidemment. Que pouvait-il de son armé ? Déjà, que c'était lui et lui seul qui l'a dirigeait et que son cher père n'avait aucun pouvoir dessus. Ce serait un bon début. Mais un peu trop violent en public, hélas. Cela dit, il pourrait mettre ce fait en avant de manière plus délicate.

- L'armée Française s'est établi en Ligurie, dit-il alors en s'approchant du bureau, et elle l'a fait avec ma permission. Et sous mon commandement.

- Avec ta permission ? S'exclama Rodrigo, l'air de vouloir étrangler son fils.

Pas si délicatement que ça, finalement. Cesare aurait pu appuyez ceci, montrer à son père qu'il n'était plus désormais le maître en toute chose comme il aimait tellement ça. Mais il devait penser à leur famille et à ses intérêts avant tout. Leur relation houleuse n'était un secret pour personne et cela fragilisait déjà la souveraineté des Borgia. Montrer ainsi un tel irrespect en public devant le pape de Rome pourrait leur être fatale. Il devait se contenir, même si l'envie d'envoyer son père au diable ne manquait pas. Il dut prendre sur lui pour dire, d'un ton humble, afin de tempérer ses paroles précédentes dites sur un ton un peu trop dure :

- En votre nom, père.

- Nous te t'avons pas donné cette prérogative, fit remarquer Rodrigo, les dents serrés, se contrôlant lui aussi afin de ne pas montrer leur différents.

- Vous m'avez dit d'assurer la sécurité de Rome, rappela Cesare froidement, vous m'avez dit, par-dessus tout, qu'il n'y avait aucune limite à l'étendu de mes négociations. Je vous ais pris au mot. Je vous ramène une armée.

A ces mots, il ne vit le même dédain et la même colère dans les yeux de son père, cette même frustration et toujours ce mépris… Cesare ne put alors s'empêcher de sentir la déception le pincer. Cela l'aurait tué d'allez au-delà de ses rancunes envers lui et de voir que ce qu'il venait de faire pour Rome, pour leur famille et pour lui, était un exploit, une avancée énorme dans leur marche vers les Sforza et les autres familles d'Italie ?

Rodrigo baissa les yeux et s'écria alors vers les autres hommes :

- Dehors, dehors, sortez, sortez tous !

Tous s'empressèrent d'obéir tandis que Cesare continuait d'observer son père, amer mais pas surpris. Il se rendait compte à cet instant qu'il avait espéré voir un peu de fierté dans les yeux de son père. Quelques fois, il se stupéfiait lui-même de voir à quel point il pouvait être encore naïf. Eh bien, il se contenterait de la satisfaction immense que la frustration de Rodrigo Borgia provoquait en lui.

Rodrigo le dévisagea avec rage tandis que les hommes quittèrent la pièce, et Cesare ne put s'empêcher d'effacer l'expression de son visage qu'il savait insolente. Il chassa un dernier cardinaux qui s'attarda avec sécheresse, et enfin le père et le fils furent seuls dans la grande pièce, se dévisageant tels des chiens, guettant à quel moment l'autre attaquerait. Cesare ne dit pas un mot mais ne lâcha pas son père du regard. Rodrigo céda le premier et contourna alors la table doucement en murmurant d'une voix bien trop calme :

- Ainsi, tu nommes des cardinaux, maintenant ?

- En votre nom, père, répéta Cesare. D'ailleurs, il espionne sans doute pour le compte du roi Louis mais l'intérêt est qu'au moins nous pouvons le surveiller.

Ah, le serpent le dérangeait, bien évidemment. Un serpent qui observerait chaque action de leur famille afin de tout rapporter au roi Louis, certainement. Cesare le savait bien lorsqu'il avait proposé de le nommer cardinal. En fait, c'était bien plus prudent ainsi. Connais tes amis mais connais encore mieux tes ennemis. Rodrigo tournait le dos à son fils lorsqu'il continua, sa voix toujours trop calme au goût de Cesare. Cela prévoyait généralement qu'il menaçait d'exploser à tout moment.

- Tu reviens accompagné d'une armée sur nos terres ?

- Une armée qui ne répond qu'à mes ordres, précisa Cesare.

Cesare se sentit soudain quelque peu frustré. Son père était en train de s'obstiner dans son cul de sac rempli de rancœur et ne prenait même pas la peine de voir les intérêts politiques que cela pourrait avoir pour eux. Non, la seule chose qu'il voyait, c'est que son cher fils n'avait pas fait exactement ce qu'il attendait de lui. Il aurait aimé lui dire qu'il valait mieux qu'il s'y habitue car désormais il s'écouterait lui-même avant de lui obéir aveuglément. Mais ce n'était vraiment pas le moment.

- Mais nous avons notre armée, à Rome, grinça Rodrigo en se retournant d'un coup, le regard haineux.

Cesare contint un soupir. C'était une réaction bien enfantine de la part d'un homme de presque 70 ans. S'accrocher à quelque chose comme un petit garçon à son soldat en bois. Son père était tellement aveugle et fatiguant par moments que cela mettait ses nerfs à rude épreuve.

- Pff, ricana Cesare sans quitter Rodrigo des yeux. Mal équipée, en manque d'argent, défectif, où mal préparée.

Il contourna la table à son tour afin de faire face à son père, les yeux dans les yeux. Si seulement il cessait de s'obstiner et voyait à quel point les choses étaient avantageuses pour eux…

- Mon armée n'est qu'à quatre jours de marche de Milan, déclara Cesare en se penchant sur la carte étendue sur le bureau. Et Milan ne s'attend pas à cette visite.

La victoire sur Milan était assurée. Ludovico Sforza, ce porc stupide qui ne connaissait que la force brut, serait pris de court et n'aurait pas le temps de riposter. Cesare jeta un coup d'œil vers son père. Si il le désirait, il pourrait empêcher Cesare de faire ce qu'il faut pour contenter Louis, l'empêcher d'attaquer Milan. Même si Cesare penchait que son père n'était pas stupide et ne commettrait pas cette erreur, il avait contrarié le pape et la rancune de Rodrigo Borgia était légendaire. Il pouvait aussi être terriblement enquiquinant quand il le désirait. Mieux valait le convaincre que sa marche sur Milan serait bénéfique pour leur papauté au cas où le Saint-Père déciderait de s'obstiner.

- Je propose de rejoindre le nord, continua Cesare en regardant son père dans les yeux, de rallier les grandes familles à ma cause, de renverser le tyran Ludovico Sforza, d'attaquer Milan…

- Et tout cela au nom du roi Louis de France ? S'exclama Rodrigo de colère en se penchant vers Cesare.

Pour Louis en effet, pour l'instant, du moins. Et seulement en apparence. La France avait déjà bien failli faire tomber Rome, il était vital de s'allier la France jusqu'à ce qu'il réunisse sa propre armée avec les familles italiennes, il était impératif de céder aux caprices de Louis pour le moment. Mais cela ne durerait pas très longtemps. Cesare n'était pas certain cela dit d'avoir la patience d'expliquer ses intentions à Rodrigo. Il commençait déjà à en avoir assez de cette pièce et de la présence de son père, toujours aussi entêté qu'une mule.

- Avant même que Caterina Sforza ne se rende compte que la bataille fait rage devant sa porte, termina calmement Cesare, gardant ses ressentiments pour lui.

- Tu n'hésiterais pas à distribuer des villes comme on distribue des cartes ! S'écria Rodrigo, le regard méprisant.

Cesare prit sur lui pour ne pas laisser sa colère qui montait lentement mais sûrement depuis son entrée dans le bureau d'éclater, il ne devait pas craquer. Mais Dieu qu'il en avait envie. Rodrigo n'était pas stupide, il devait parfaitement voir que ce plan était le meilleur à leur disposition si ils veulent en finir une bonne fois pour toute avec les Sforza… mais cela le contrariait tellement d'approuver son cher fils aîné.

- Je veux éliminer la dynastie des Sforza ! Rétorqua vivement Cesare, et sans qu'il s'en rende compte, sa main partit et balaya les statuts en fer qui représentait les armées sur la carte. Ludovico le premier, continua-t-il, essayant de se calmer. Il est inutile que l'armée papale participe le moins du monde. Et ensuite Caterina.

Eliminer la dynastie des Sforza. Cela semblait avoir calmé son père et il vit son regard s'éclaircir. Le pape commençait à réfléchir plus clairement, tant mieux. Le temps était un luxe qu'ils ne pouvaient pas s'offrir malgré leurs richesses. Il s'accordera un moment de paix une fois que les Sforza seront à terre. Une fois que Caterina sera enchaîné dans le château Saint-Ange.

- Mais que les Français prennent Milan n'était pas dans nos projets, dit Rodrigo, plus calme.

- Non, convint Cesare, mais c'est la seule façon d'assurer notre réussite et vous m'avez demandez de négocier tout les avantages possible ! Et c'est ce que j'ai fais.

Son visage n'était qu'à quelques centimètres de celui de son père. Il avait appuyé lourdement sur ses derniers mots, afin d'achever de convaincre Rodrigo. Ce dernier réfléchissait, Cesare pouvait le voir et il se demanda pendant un instant si il allait enfin reconnaître que son fils avait fait quelque chose de bien pour leur famille. Au lieu de le calomnier sans cesse, de lui faire des reproches encore et encore.

- Je vous ais offert une armée, père, ajouta Cesare en s'éloignant doucement. Préférez-vous que je la renvoie ?

Rodrigo ne répondit rien, ses yeux s'égarant dans le vide, visiblement perdu dans ses pensées. Cesare attendit quelques minutes, les dents serrés, une réponse qui tardait beaucoup trop à son goût. Il n'allait pas ruiner tous les efforts qu'il avait du faire en France d'un claquement de doigt… Il ne pouvait le permettre. Pourtant, il en avait parfaitement le pouvoir et que pourrait faire Cesare ? Toute action entraînerait des conséquences sans nom. Soupirant lourdement, Cesare tourna les talons, ramassa ses gants sur le bureau et ordonna rudement qu'on ouvre la porte. Pas question de rester ici un instant de plus et voir son père tout réduire à néant. Ses hommes baissèrent la tête avec respect en le voyant arriver et Cesare s'imagina déjà leur dire qu'ils devaient rentrer chez eux dans leurs villages français quand la voix de son père tonna derrière lui, glaciale mais résignée.

- Rejoins le nord, Cesare.

Ce dernier retourna, surpris, et vit son père debout au milieu de la pièce, les poings serrés, le regard dur mais l'expression déterminé. Il sentit l'espoir le regagner d'un coup. Enfin, le pape était passé par-dessus ses rancunes et s'était rendu à l'évidence : ce plan garantirait la chute des Sforza et la gloire des Borgia. Et envers et contre tout, Rodrigo désirait la gloire de sa famille.

- Tel est notre volonté, ajouta le pape, comme un avertissement.

Cela amusa quelque peu Cesare, loin de l'effrayer. Il avait sapé son autorité en France et cela avait grandement contrarié sa Sainteté. Ce dernier avait besoin de réaffirmer qui était le souverain pontife en lui rappelant que c'était lui qui dirigeait, et non pas son fils. Grand bien lui fasse. Ce n'était pas lui qui serait sur les champs de bataille pour diriger les hommes. Mais si cela lui faisait plaisir de se penser à la tête de tout et que cela le rendait accommodant, ce n'est pas Cesare qui allait contrarier cela. Il avait besoin de l'approbation du pape pour continuer et allez jusqu'au bout de son combat. Cesare sourit donc légèrement à son père avant de s'incliner bien bas. Puis, sans rien ajouter, s'en alla suivi de ses hommes, laissant sa Sainteté seul dans le bureau.

Cesare soupira lourdement tandis qu'il avançait dans le palais apostolique. Cela s'était aussi mal passé qu'il l'avait prévu. Les maigres espoirs qu'il avait eu de voir son père fier de lui avaient été totalement réduits en miettes. Il avait été stupide d'espérer quoi que ce soit de son père. Au bout de plus de vingt ans, il aurait du y être habitué pourtant. Peut-être est-ce quelque chose auquel on ne s'y habitue jamais vraiment. Etre l'enfant le moins aimé…

Cesare chassa ses pensées de son esprit. Il ne voulait plus penser à son père. Il n'en avait pas le temps. Les préparatifs pour Milan devaient commencer mais discrètement, il ne fallait pas que Ludovico Sforza apprenne que sa précieuse citée était la prochaine cible des Borgia et de la France. Il avait hâte de planter son épée dans le gros ventre de cet homme, de continuer l'éradication des Sforza qu'il avait commencé en tuant Giovanni. Ce sang ne devait plus jamais souiller l'Italie.

Il emmena ses troupes dans le quartier général de l'armée pontificale, là où dormaient les soldats. Et les soldats de l'armée papale était si peu nombreux qu'il y'avait bien assez de places pour les plus hauts généraux de l'armée, étant donnée que le reste de l'armée était toujours en Ligurie, attendant son retour pour qu'il mène à bien son attaque. Il n'avait pas voulu emmener toute l'armée à Rome, cela épuiserait les soldats inutilement. Mieux valait qu'ils se reposent dans le nord, où il les rejoindrait bientôt.

Mais pas tout de suite, cela dit. Pas tout de suite. Il allait rester quelques jours à Rome. Une semaine, même. Peut-être deux. Voir un mois. Le temps qu'il faudrait pour que Lucrezia fasse le voyage de Naples jusqu'à chez eux. Il ne pouvait pas repartir sans l'avoir vu, sans lui avoir parlé. Mais elle n'était pas encore au courant de son retour. Elle devait bien être occupé à Naples, avec son enfant qui venait de lui être rendu. Et il avait bien masqué son retour. Tandis qu'il arrivait dans ses appartements privés, il se déshabilla rapidement, n'appelant l'aide de personne. Il n'était pas en état de recevoir qui que ce soit pour l'instant. Juste en celui de s'asseoir et d'écrire. D'écrire le plus vite possible.

Une fois la lettre finie, il se rendit dans la place Saint-Pierre où il repéra un messager, et lui promis le double de son tarif habituelle si il chevauchait sans s'arrêter afin d'atteindre Naples le plus rapidement possible. Le jeune homme hocha vivement la tête, enthousiaste et partit sur le champ. Il sera rapidement arrivé à Naples. Avec un peu de chance, Lucrezia aurait la lettre entre ses mains avant la fin de la journée où au milieu de la nuit. Cesare se rendit alors compte qu'il se tordait les mains, à la fois impatient et légèrement anxieux. Mais surtout impatient. Leur séparation avait été trop brutale, ils étaient trop à vifs, l'un comme l'autre. Maintenant qu'ils étaient reposés, plus calme, l'esprit plus clair, ils pourraient se parler plus paisiblement. Même si il doutait de pouvoir penser un jour clairement avec Lucrezia devant lui.

Et Micheletto, bien sur. Cesare sentir un sentiment d'apaisement à l'idée de retrouver son fidèle coupe-gorge. Travailler sans lui en France avait été plus que désagréable. Comme contre nature. Il n'avait pas l'habitude d'agir sans Micheletto. C'était une faiblesse qu'il avait espéré éradiquer en France. Il s'était prouvé qu'il pouvait vaincre sans lui, mais ressentait toujours ce besoin de l'avoir près de lui. A quoi bon chercher à éradiquer cela ? Il avait mieux à faire. Micheletto serait de nouveau à ses côtés, prêt à l'aider dans ses combats et cette pensée le réjouissait et lui donnait encore plus envie d'avancer dans ses projets.

Cesare regarda alors la place Saint-Pierre. Il aurait pu appeler un messager au lieu de se déplacer lui-même mais il avait eu le besoin de sortir quelque peu et il observa cette place. Elle lui avait manqué. Rome lui avait manqué. Et même si il mourrait d'envie de repartir afin de mener à bien ses rêves, il était heureux de la retrouver. Et bientôt il retrouverait ce qui est le plus cher à ses yeux dans la ville qu'il aimait plus que toutes. Un sentiment de paix l'envahit. Pour la première fois depuis plusieurs mois, il se sentait serein. Confiant en l'avenir et au bonheur qu'il lui promettait.


Il était revenu.

Cette phrase tournait en boucle dans son esprit depuis qu'un messager était venu en pleine nuit au palais des Aragon lui remettre une lettre urgente de la part de Rome. Tout le monde dormait profondément à cette heure là, seuls les gardes était éveillés, et elle, qui lisait à la lueur d'une chandelle dans la bibliothèque des appartements qui leur avait été attribué à son mari et elle. Micheletto avait frappé et lui avait remis la missive.

En voyant le sceau des Borgia, elle avait pensé que c'était une lettre de son père et cela l'avait immédiatement inquiétée. Pourquoi dépêcher un messager et l'enjoindre de livrer le message à tout prix, même au beau milieu de la nuit ? Pendant une fraction de seconde, elle s'était imaginée le pire. Leur père avait été déposé et leur famille chassé de Rome. Quelqu'un était mort. Cesare était mort… Sa respiration s'était bloquée dans sa poitrine et ses mains s'étaient mises à trembler à cette pensée. Ce n'était pas possible. Elle avait alors ouvert la lettre, aussi impatiente qu'apeurée.

Le soulagement infini qu'elle ressenti alors en reconnaissant l'écriture élégante de Cesare ! Elle en aurait pleurer si les mots n'avait pas immédiatement attirée son attention, autant par leur contenu que par leur brièveté :

Ma très chère Lucrezia,

Le chemin entre Avignon et Rome m'a paru bien plus long qu'il ne l'était en réalité. Certainement parce que le besoin de retrouver de notre ville ne m'a jamais paru aussi fort. Mais surtout de te retrouver, toi, mon âme.

Rentre à Rome, Lucrezia, je t'en prie. Je dois bientôt repartir si je ne veux pas perdre l'avantage sur nos ennemis et je ne veux pas partir sans t'avoir revu. Je crois que toi comme moi avons besoin de parler. Revient, mon âme, ne serait-ce que pour quelques jours. S'il te plait.

Ton frère dévoué, Cesare Borgia.

« Surtout de te retrouver, toi, mon âme ». « Je ne veux pas partir sans t'avoir revu ». Ces mots ne ressemblaient en rien au discours que tenait son frère quand il avait quitté Rome. Elle relu la missive à de nombreuses reprises, essayant de comprendre l'état d'esprit de Cesare. Quel effet la France avait-il eu sur lui ? A son départ, il avait été très claire : rien n'était plus possible entre eux, rien ne se reproduirait. Et même si elle avait conscience mieux que lui qu'il se mentait à lui-même et qu'elle ne perdait pas l'espoir de le voir un jour ouvrir les yeux et cesser de lutter contre leur amour, ces longs mois à Naples avait grignoté son espoir pour la pousser dans la morosité et le chagrin. Mais se peut-il qu'il ait enfin compris ? Qu'il accepte totalement et pleinement leurs sentiments communs ? C'est bien trop beau pour être la réalité.

Il la priait de revenir à Rome. Quelque part en elle, elle eut envie pendant un instant de refuser. Elle n'avait pas oublié l'amertume que son départ et surtout ses mots avaient causée en elle. Lui qui lui avait refusé ces sentiments encore une fois malgré tout ce qui s'était passé, et voilà qu'il l'a suppliait presque de revenir à Rome pour lui. Oui, elle eut vraiment envie de retourner à sa lecture et faire comme si cette lettre n'était jamais arrivée, pour lui donner une petite leçon.

Mais à qui mentait-elle ? Elle ne se supporterait pas une heure de plus si elle faisait ce choix. Et il avait raison, comme toujours. Elle avait besoin de lui parler. Besoin de le voir, de le toucher, de s'assurer qu'il allait bien, les lettres, le papier, que des mots tout cela. Elle ne serait totalement rassurée que lorsqu'elle l'aurait vu. Mais pour la première fois, elle n'était pas seulement excitée de revoir Cesare. Mais aussi angoissée. Une boule s'était formé dans son ventre et la tiraillait. La manière dont ils s'étaient quittés avait laissé tant de choses en suspens. Tant de questions auquel elle avait pensée et repensée depuis qu'elle était arrivée à Naples et dont elle était certaine que lui aussi y avait réfléchi.

Maintenant, elle regardait les servantes, à peine réveillée et de mauvaise humeur malgré leur sourire respectueux, faire ses mâles tandis qu'elle tenait son fils endormi dans ses bras. Cela aurait pu attendre demain. Cela aurait du, même. Mais elle était trop fébrile. Plus tôt dans la soirée, elle avait compris qu'elle dormirait peu ce soir, ayant du mal à supporter la chaleur d'Alfonso contre son corps. Même si il ne l'avait pas touchée. Pas plus cette nuit que les autres nuits. Elle devait bien admettre avoir de la chance. Très peu de mari aurait accepté une telle froideur dans un lit. Cela dit, il n'avait même pas essayé, encore sous le choc de la mort du roi Ferdinand. Elle avait bien vu que son mari la regardait parfois étrangement. Elle sentait qu'il lui reprochait son absence de chagrin, presque. Parfois, elle se demandait si il avait des doutes, lui qui connaissait la réputation sulfureuse de sa famille. Mais si il se doutait de quoi que ce soit, il ne disait absolument rien. Et cela arrangeait grandement Lucrezia. Elle ne pouvait pas se préoccuper de ça en plus du reste.

Et à cet instant, elle aurait été bien incapable de rejoindre son lit conjugale, encore moins qu'il y'a quelques heures, maintenant qu'elle savait qu'il était enfin de retour. C'était une folie de partir dans l'heure mais elle se sentait trop surexcitée. Une servante était partie prévenir Micheletto à sa demande. Sans doute serait-il lui aussi heureux de retrouver son véritable maître, comme il appelait Cesare. Plus ami que maître, pour elle. Mais bien sur, il n'en montrerait rien, toujours impassible. Micheletto allait certainement repartir au service de Cesare, aussi. Ce constat lui fit beaucoup moins plaisir que le retour de son frère. Elle s'était habituée la présence de Micheletto, rassurante, un lien qui l'unissait à Rome et à Cesare. Il lui avait donnée le sentiment qu'elle n'était jamais seule à Naples quand bien même elle s'y sentait terriblement solitaire. Maintenant, quand elle repartirait à Naples, elle serait seule. Cette pensée la déprima mais elle l'a chassa. Elle aurait tout le temps d'y pensée quand au moment venu.

Un bruit l'interpella derrière elle et elle se retourna, découvrant Alfonso debout devant elle en chemise de nuit, observant les servantes qui s'agitait dans la pièce, l'air perplexe. Lucrezia soupira. Elle aurait bien aimée partir sans avoir à s'expliquer avec lui mais c'était impossible, évidemment. Alfonso leva les yeux vers elle, fuyant le bébé du regard comme elle avait pu le remarquer à plusieurs reprises depuis que Giovanni était arrivée à Naples. Elle ne comprenait pas trop cette aptitude gênée envers son fils, lui qui avait été si adorable avec Giovanni avant leur mariage à Rome. Peut-être liait-il l'enfant a la mort de Ferdinand, qui avait été tellement profitable à Lucrezia… Non. Il n'irait pas jusque là.

- Qu'est-ce cela, ma bien aimée ? Murmura Alfonso en désignant les malles, hésitant.

- Je dois partir à Rome, répondit-elle doucement, afin de ne pas réveiller Giovanni. Cesare est rentré et demande à ce que je revienne le temps qu'il est là.

Alfonso déglutit et elle vit une ombre passé dans son regard. Elle se rappela alors qu'Alfonso avait toujours eu peur de son frère. Cette pensée lui donnait toujours envie de rire. Son frère, effrayant… Aux yeux des autres, peut-être. Certainement, même. Mais pas aux siens. Jamais aux siens.

- Ah… Bien entendu. Tu partiras à Rome demain, dans ce cas ?

- Non, maintenant, répondit fermement Lucrezia en embrassant le front de son fils, qui remua doucement dans son sommeil.

- Maintenant ? S'exclama Alfonso, interloqué. En pleine nuit ? Lucrezia, tu n'y penses pas… Nous sommes encore en deuil…

Lucrezia leva les yeux vers son mari, le défiant de continuer sa phrase. En deuil ? Il était le seul à être en deuil dans cette pièce. Etait-il suffisamment aveugle pour ne pas voir qu'elle ne ressentait aucune tristesse pour la mort de ce roi ? Ou bien cherchait-il à se convaincre lui-même ? Dieu qu'il l'exaspérait par moments. Il avait parlé bien trop fort, réveillant Giovanni qui se met à pleurer. Lucrezia jeta un regard meurtrier à Alfonso qui se ratatina sur lui-même, faisant aussitôt culpabiliser Lucrezia tandis qu'une servante accourait pour lui apporter le biberon que prenait désormais Giovanni. Il fallait qu'elle cesse d'être aussi dure avec son mari, voilà des semaines qu'elle en avait conscience mais elle avait toujours du mal. Lucrezia tendit le bébé à la servante afin qu'elle le nourrisse et se tourna vers son époux, un sourire gentil sur les lèvres.

- Il à fait un long voyage et il doit bientôt repartir, je ne peux pas prendre le risque de le louper, répondit-elle d'un ton plus doux qu'elle n'aurait bien voulu au fond d'elle-même. Et Rome me manque, Alfonso. Naples est charmante mais ma famille, ma ville me manque. Surtout en ce moment. Je dois y aller, maintenant, pour en profiter autant que je peux.

Alfonso ne répondit pas immédiatement, ne semblant pas convaincu. Lucrezia soupira. Sincèrement, elle n'avait qu'une envie, c'était qu'il quitte la pièce. A cet instant, il lui rappelait bien trop qu'elle n'avait pas revu Rome depuis trop longtemps. L'ambiance lugubre qui régnait à Naples depuis la mort du roi l'étouffait pour dire vraie. Elle qui n'avait qu'une envie, rayonner de bonheur maintenant qu'elle avait son fils auprès d'elle, elle devait subir le regard désapprobateur et méprisant des nobles de la cour, qui était de toute évidence scandalisé par la joie qu'elle montrait alors que la ville était en deuil, scandalisé par ce fils bâtard à qui elle donnait tant d'amour publiquement. Cela l'exaspérait tellement qu'elle restait la plupart du temps enfermé dans ses appartements, en compagnie de son fils et de Micheletto. Et elle commençait à devenir folle entre ses murs. Ce qui ne lui donna que plus envie de courir loin de cette maudite ville pour rentrer chez elle. Ne serait-ce que pour quelques jours.

Elle se détourna d'Alfonso pour retourner à ses préparations, repoussant la légère culpabilité qu'elle éprouvait à l'égard de son mari au fin fond d'elle-même quand il murmura, d'une voix lasse :

- Très bien. Je comprends… Ta famille doit te manquer, c'est vrai. Je ne pourrais pas venir avec toi, cela dit… Naples à besoin de tout les Aragonais en ce moment.

Sa voix faiblarde avait quelque chose de suppliant et Lucrezia réalisa qu'elle n'avait pas pensée un seul instant à l'idée qu'il pourrait venir avec elle à Naples. Et elle l'avait clairement montré dans ses propos sans même s'en rendre compte. Cela avait du le blesser. Elle se retourna lentement et observa Alfonso. Il avait l'air fragile, démuni, les bras pendu le long de son corps, ses traits triste et perdus. Le voir ainsi lui serra et savoir qu'elle était responsable de ce chagrin lui serra le cœur. Elle avait l'impression d'être un monstre s'en prenant à un agneau. Elle ne voulait pas être comme ça, devenir le bourreau, comme ceux qui lui avait fait du mal par le passé, parfois volontairement, parfois sans le remarquer car c'était dans leur nature. Ce n'était pas dans sa nature à elle. Jamais.

Mais il réagissait tellement comme un enfant… Elle avait souvent l'impression d'avoir un deuxième fils avec lequel elle devait se montrer délicate et prévenante, faire attention au moindre de ses propos pour ne pas le blesser. Elle se demande comment elle avait fait pour ne pas voir cela quand elle l'avait rencontré. Il paraissait avoir tellement plus d'assurance, car il pensait savoir où il allait certainement. Puis il avait découvert la nature de la famille Borgia, celle de Rodrigo et surtout celle de Cesare. Il en avait été de toute évidence effrayé. Comment aurait-elle pu le lui reprocher ? C'était des hommes, des hommes dures et farouches, là où il n'était qu'un petit garçon effrayé. Cela pesait sur ses épaules. Elle avait souvent besoin d'un homme, quelqu'un sur lequel elle pourrait se reposer et faire confiance, pas d'un enfant. Mais elle l'avait choisi. Et elle avait la ferme intention d'assumer son choix jusqu'au bout. C'était à elle de voir ses défauts, elle s'était laissée aveuglée. Ce n'était pas la faute d'Alfonso si elle était tel qu'il est. Etait-ce sa faute à elle cela dit, elle qui à été habituée à être entourée d'hommes qui prenait les choses en main sans éprouver de crainte ? Plus qu'a lui, en tout cas. Elle était capable de voir, elle. Mais son innocence, sa gentillesse, sa douceur lui avait tellement rappelé Paolo… Le seul homme pour lequel elle avait éprouvé de l'amour véritable en dehors de Cesare. Elle avait espéré retrouver un peu de son Paolo dans Alfonso. Mais il n'avait pas sa force.

Lucrezia sourit tendrement à son mari et s'approcha de lui afin de s'emparer de son visage et de baiser tendrement ses lèvres avant de murmurer avec douceur :

- Merci. Je comprends que tu ne puisse pas venir et tu à raison. Naples à besoin de toi. Tu vas me manquer, mais je ne serais pas partie longtemps. Seulement jusqu'à ce que Cesare reparte.

Alfonso hocha sombrement la tête, ne semblant pas apprécié ce qu'il entendait. Cela amusa Lucrezia. Il avait l'air de croire que Cesare était un monstre ! Que Diable son frère avait-il pu bien faire à son mari pour qu'il le craigne à ce point ? Il faudra qu'elle le questionne à ce sujet. Mais pour le moment, il valait mieux rassurer son époux avant d'enfin quitter cette maudite cité pour rentrer chez elle. Pour le retrouver.

- Ne t'inquiète pas, mon amour, sourit-elle. Je ne risque rien, avec Cesare. Il me protégera mieux que quiconque. A part toi, bien sur.

Alfonso sourit légèrement. Il en fallait si peu pour lui redonner confiance. La naïveté… Elle en avait eu, elle aussi, autrefois. Dans une autre vie, lui semblait-il. C'était tellement agréable, comme état d'esprit. Mais aussi terriblement dangereux, elle en avait conscience aujourd'hui. Et elle craignait qu'un jour la naïveté de son cher Alfonso lui joue de mauvais tours. Surtout avec sa famille… Mais elle n'avait pas envie de penser à cela maintenant. La seule chose qu'elle désirait, c'était partir. Enfin, revoir Rome, sa Ville Eternelle qu'elle aimait tant, si belle, radieuse et dorée comparé à Naples.

Et retrouver les bras de son frère.


Ses pas résonnaient dans le couloir du Vatican à mesure qu'elle avançait, le cœur battant. Elle avait fait les mêmes pas, la même arrivée plusieurs années auparavant, lorsque le roi de France était en Italie et qu'elle y avait échappé de peu grâce sa ruse et à son charme. Elle était entrée au palais, à la recherche de sa famille, lorsque Cesare était apparu derrière elle, la prenant par surprise, pour ensuite la réconforter de son étreinte. Après tellement de temps loin de lui, elle n'avait jamais été aussi heureuse de le revoir. A cette époque où il n'était encore que son grand frère et où les choses étaient peut-être moins compliquées pour eux.

A cet instant, elle s'attendait presque à ce que la scène se reproduise. A ce qu'il apparaisse derrière elle, sortant de l'obscurité tel l'ange noir qu'il était. Elle tendait presque l'oreille, attendant que le bruit de ses pas se fissent entendre, bien qu'il avait été tellement silencieux qu'elle n'avait presque rien remarqué la première fois. Une panthère, voilà ce qu'il était, silencieux et dangereuse. Langoureuse… Cette fois-ci, elle aimerait ne pas l'accueillir de la même manière. Au lieu de simplement le serrer dans ses bras, elle lui aurait pris le visage entre ses mains et aurait capturé ses lèvres avant qu'il n'ait pu la repousser. L'image était si claire dans son esprit qu'elle en frissonna violemment.

Mais cela ne pourrait pas se passer ainsi. C'était l'heure du dîner, et elle savait que toute sa famille l'attendait dans la salle à manger privé du pape. Cesare, ses parents, Giulia certainement aussi. Ce soir, elle ne pourrait pas dire ce qu'elle désirait à Cesare. Pas tout de suite, en tout cas. Ils allaient devoir tenir la face en public, le temps d'un dîner. Et essayer de trouver l'aptitude adéquate. Elle était tendue, ses mains se tortillant nerveusement. Mais l'envie de le revoir était bien plus forte que l'angoisse. Elle n'aurait pas du. Elle le savait, comme elle le savait depuis le début. Mais voilà longtemps que pour lui, elle avait vendue son âme au Diable et avec joie. Autant continué son chemin sur la route qui la mènerait tout droit en Enfer. Là où ils brûleraient tout deux pour leur amour.

Lucrezia vit la porte des appartements personnels du pape s'approcher, deux gardes postés devant à l'allure sévère. Plus elle s'approchait, plus elle entendit des voix parler avec force derrière la porte et tandis qu'elle arrivait devant la porte, elle sentit son cœur faire un bond derrière la poitrine lorsque la voix de Cesare se fit entendre. C'est incroyable. Quand quelqu'un s'éloignait de vous, on avait toujours l'impression de parfaitement se souvenir de sa voix, mieux que son visage même. Pourtant, en entendant son frère parler, bien qu'elle ne comprenait pas exactement ce qu'il disait, elle avait l'impression de redécouvrir sa voix. Elle avait ressenti la même chose lorsqu'elle était revenue de Pesaro. Et c'était tout aussi merveilleux.

Les gardes s'inclinèrent respectueusement et lui ouvrit la porte qu'elle franchit, le cœur battant si fort dans sa poitrine qu'elle l'entendait en écho dans sa tête. Comme un petit tam tam délicieusement angoissant. Elle traversa le mince couloir qui menait à la salle à manger, où deux autres gardes lui ouvrirent et elle entra.

La grande table était parsemée des mets les plus délicats et de la vaisselle la plus riche que le Vatican possédait, elle le vit immédiatement. Sa famille était assise autour de la table, comme elle l'avait imaginée. Elle vit tout d'abord son père, au bout de la table, présidant l'assemblé évidemment. Il écarquilla les yeux de surprise en voyant sa fille entrer dans la pièce. Bien sur, elle n'avait pas eu le temps de prévenir qui que ce soit. Rodrigo se leva de table en s'exclamant, ébahie :

- Lucrezia ! Oh, notre chère enfant ! Mais que fais-tu donc ici ? Dans nos bras, ma chérie !

Lucrezia sourit à son père qui s'approcha d'elle afin de la serrer contre lui, riant doucement en lui tapotant le dos. Elle vit sa mère se lever aussi et lui poser la même question que son père, tandis qu'elle notait l'absence étonnante de Giulia Farnèse. Mais elle avait du mal à se concentrer sur ce que disait ses parents. Elle aurait du leur répondre mais elle n'arrivait pas à mettre de l'ordre dans ses pensées à cet instant.

Cesare était assis à la droite de la chaise vide de leur père. Et Lucrezia sentit d'un coup le vide qu'elle avait ressenti ces derniers mois se combler. C'est comme si elle n'avait été durant tout ce temps à Naples qu'une immense coquille vide qui avait perdu son essence. Et qui venait de la retrouver. Son regard se souda au sien et un sourire tendre naquit sur les lèvres de Cesare. A ce sourire, qui lui était si familier, si rassurant, elle sentit les larmes monter mais elle les ravala. Et le lui rendit.

Son frère se leva de table à son tour afin de les rejoindre et Lucrezia l'observa par-dessus l'épaule de Rodrigo tandis qu'il venait vers eux. A mesure qu'il se rapprochait, elle sentait son cœur s'accélérer et elle dut prendre sur elle pour ne pas écarter son père et se jeter dans ses bras. Elle avait envie de sentir ses mains fortes sur elle, son étreinte puissante et rassurante qui lui avait tellement manquée ces derniers mois, dont elle aurait eu tellement besoin a de nombreuses reprises. Elle voulait entendre sa voix chuchoter à son oreille les mots que seul lui connaissait pour la rassurer, la couper du monde. Elle avait envie de caresser son visage, de sentir ce nez, cette joue, ces lèvres sous ses doigts, comme elle l'avait tant fait. Elle avait d'embrasser ses lèvres… De les embrasser passionnément, pour enlever le goût que sa récente femme avait du laisser sur les siennes. Car il devait être marié, bien sur. Cesare ne pouvait ne pas être revenu de France sans s'être marié. A cette pensée, un élan de rage la saisit et elle aurait bien voulu la rencontrer, cette femme. Pour la mépriser, pour lui montrer à qui cet homme appartenait.

Jalousie ridicule… Et hypocrite, en plus. N'était-elle pas mariée, elle aussi ? Il fallait qu'elle cesse de penser à la femme de Cesare, à son propre mari. Cela gâchait son humeur, cela gâchait l'instant. Et elle voulait tout sauf cela. Certes, rien n'était réglé entre eux. Elle lui en voulait encore beaucoup, pour beaucoup de choses. L'envie de le secouer pour tout ce qui s'était passé autrefois ne manquait pas. Mais celle de sentir ses lèvres sur les siennes, sa peau contre la sienne la dépassait et de très loin. Elle aurait du se sentir mal, pensa-t-elle avec ironie, de songer à ce genre de choses alors qu'elle était encore dans les bras de son père. Mais elle ne pouvait pas s'en empêcher. Elle allait avoir énormément de mal à tenir la face, ce soir. Et elle savait, à son regard, que lui aussi. Et ce constat lui donna encore plus envie de pleurer, mais elle ne pouvait vraiment pas. Alors, quand Cesare arriva enfin, elle se détacha doucement de Rodrigo, lui adressant un large sourire, lui faisant ainsi comprendre que les larmes qu'on pouvait voir dans ses yeux n'était que des larmes de joies, et elle s'approcha de son frère. De son amant. Frère, amant… Son meilleur ami, aussi. Son cœur qui battait dans sa poitrine et qui menaçait d'exploser tellement l'amour qu'elle ressentais le serrait, amour qu'elle avait enfoui au fond d'elle-même ces derniers mois pour ne pas souffrir revenait à la charge et l'engloutissait au point qu'elle craignait sincèrement de se noyer. Son repère, sans lequel elle avait été perdue dans cet univers impitoyable qu'était Naples. Son absolu.

Lucrezia arriva devant Cesare, dont le sourire s'élargit et ses yeux se mirent à briller d'émotions. Elle pouvait voir dans son esprit tout ce qu'il aurait voulu dire à cet instant, mais qu'il ne pouvait pas et cela l'a bouleversa. Des mots informulés, des mots en vrac, des mots qu'elle ne pourrait pas nommer mais des mots qu'il semblait crier à travers ses yeux. Tant de choses se cachaient derrière cette muraille qu'il tenait en place, tellement de sentiments violents… Elle le sentait bouillonner plus que jamais. Pas seulement pour elle mais pour beaucoup d'autres choses aussi. Il était tourmenté. Excité. A la fois incertain et sûr de lui. Plus passionné et enivré que jamais. Elle voyait toutes ces émotions violentes passé dans son regard et cela l'effraya presque. Il avait changé. Quelque chose avait changé en lui. Elle n'aurait pas su dire quoi exactement mais il s'était passé quelque chose en lui. Pourtant, il était aussi toujours le même. Son amour pour elle n'avait pas changée… Cesare s'approcha doucement et eut un petit rire amusé et murmura doucement :

- Bienvenue à la maison, petite soeur.

Lucrezia ne put s'empêcher de rire légèrement aussi et elle vint se blottir contre lui. Lorsqu'elle sentit ses bras fort se nouer autour d'elle, la serrant bien plus que nécessaire, lorsqu'elle sentit ses mains descendre sur son dos d'une manière tellement intense qu'elle craignit une seconde que ses parents ne remarque quelque chose, elle faillit fondre en larmes et elle enfouie son visage contre son torse, tout près de son cœur, qu'elle entendit alors battre doucement contre sa joue. Ce cœur fort et vaillant, vigoureux comme chaque partie de son corps. Lucrezia soupira d'aise, plus détendue qu'elle ne l'avait été depuis des mois. A la maison, oui. A sa place, dans ses bras a lui. Le seul endroit où elle se sentait entière et complète. Et tant que ce cœur battrait, elle pourrait tout supporter.

- Mon âme, murmura-t-il à son oreille, d'une voix beaucoup plus grave et rocailleuse que celle d'il y a quelques instants et elle gémit doucement contre son torse.

Cela lui avait tant manqué ! Cette voix, ce surnom qu'il était le seul à lui attribué et dont personne ne connaissait l'existence, pas même leurs parents. Aussi loin qu'elle s'en souvienne, il ne l'avait jamais appelé ainsi devant eux où devant qui que ce soit. Juste quand ils étaient seuls. Elle aurait voulu que cette étreinte ne finisse jamais, ne jamais devoir retourner dans le monde réel et affronter la vie de tous les jours, ne pas devoir s'éloigner de lui et enfiler son costume de petite soeur aimante et cacher ses véritables sentiments. Mais ils étaient bien obligés de le faire. Au risque que Rodrigo et Vannozza trouve cela étrange. Pourtant, elle n'arrivait pas à le lâcher, ayant elle-même passé ses bras trop petit autour de lui. Et Cesare ne semblait pas plus décidé qu'elle à la laisser partir. Que leurs parents aille au Diable, il n'y à personne d'autre qu'eux ici, juste eux deux, personne d'autre…

- Allons donc, cesse de l'accaparer, Cesare ! S'agaça Rodrigo en prenant Lucrezia par le bras pour la ramener vers lui. Tu nous as tellement manqués, ma fille chérie !

Rodrigo ria et Lucrezia ne put s'empêcher de céder aux rires à son tour tandis qu'elle se retrouvait entre Rodrigo et Cesare. Elle regarda son frère et elle vit un petit sourire naître aussi sur ses lèvres, même si une lueur amère persistait dans son regard, lueur qu'elle aurait voulu chasser. Certes, Rodrigo avait brisé l'instant mais ils avaient plusieurs jours devant eux pour le retrouver. Et pour discuter de choses bien trop sombres qui l'agaçait déjà. Mais elle ne voulait pas penser à cela à cet instant. Elle se sentait grisée, soudainement pleine d'énergie. Elle l'avait retrouvée. Elle les avait retrouvés, eux, sa famille. Jamais elle ne s'était sentie aussi heureuse qu'à cette instant et elle ria avec son père et sa mère, qui s'empressa alors de poser un milliers de question, tandis que Cesare restait silencieux, mais elle sentit sa main saisir la sienne et la serrer. Ce contact lui redonna encore plus vie et elle pressa la main de son frère à son tour. Elle avait hâte de se retrouver seul avec lui. Mais elle voulait profiter de sa famille au complet aussi.

Enfin, elle était chez elle. Avec les siens, les Borgia. Avec son homme, son seul et véritable homme. Cesare.


Ses mains le brûlaient. Il avait l'impression qu'elles étaient en feu et ce depuis plusieurs heures maintenant. Depuis qu'il l'avait touché.

Ce n'était pas la première fois qu'ils étaient séparés. Ce n'était pas non plus la première fois qu'ils se retrouvaient. Pourtant, quand il l'avait vu entrer dans la pièce, il avait ressenti quelque chose au fond de lui-même, quelque chose qu'il n'avait jamais ressenti auparavant. Où bien qu'il n'avait jamais eu conscience de ressentir. Car c'était le sentiment d'un époux retrouvant sa femme après des années de séparation. Pas celle d'un frère retrouvant sa soeur après seulement quelques mois sans se voir.

Tout était tellement différent, désormais. Il en avait conscience plus que jamais à cet instant, tandis qu'il l'a regardait manger et parler joyeusement avec leur père. Cesare ne participait pas vraiment à la conversation, les choses étant encore tendues entre son père et lui. D'ailleurs, il avait bien failli ne pas se rendre à ce dîner, une idée de sa mère qui voulait que ce qu'il lui reste de famille à Rome soit réuni pour une soirée. Revoir son père dans l'immédiat ne l'enchantait pas mais il n'avait pas voulu blesser ma mère et s'était rendu au repas, qui au début avait été rempli de tension. Vanozza essayait gaiement de tenir la conversation, mais à chaque que Rodrigo et Cesare en venait à se parler, c'était pour s'envoyer des piques où des remarques cinglantes. Il était fatigué, et sincèrement las de regarder le visage crispé de Rodrigo juste à ses côtés et il songeait de plus en plus à partir quand la porte de la salle à manger s'était ouverte brusquement et qu'il avait eu alors la plus belle vision depuis bien des mois.

Cesare se rappelait d'elle par le passé, comment elle était alors qu'elle n'était qu'une toute petite fille. Gracile, belle, joyeuse… Innocente. Toujours dans ses robes à couleurs claires et enfantines, toujours ses cheveux détachés qui volait autour d'elle et toujours ce regard pétillant d'amusement pour presque tout. En la regardant à cet instant, il voyait plus que jamais à quel point elle avait grandit et changée. C'était la même personne, tout en ayant radicalement changée. Voilà longtemps qu'elle était une vraie femme… Il avait pu y goûter. Les images de leur nuit de noces… de sa nuit de noces, lui revinrent en mémoire et lui brûla l'esprit. Il se rappelait plus que jamais à quel point sa peau avait été douce sous ses mains, à quel point ses lèvres était humide et passionnée, à quel point son corps était chaud et accueillant… Il s'était senti tellement à sa place. Chez lui. En elle. Plus qu'avec n'importe quel autre femme.

Et plus il l'a regardait, toujours aussi belle, avec sa robe plus sombre, plus adulte, avec ses cheveux ramenés sur sa tête de façon raffiné et ses yeux qui brillait désormais de maturité, plus son désir revenait et grandissait pour cette femme. Et non plus pour cette enfant, pour celle qu'il appelait sa petite soeur. Pendant quelques instants, sa culpabilité, celle qui l'avait tellement rongée, n'avait plus lieu d'être. Mais elle revenait toujours, malheureusement. On ne pouvait pas changer les liens du sang.

« Non, on ne peut pas et on ne le veut pas. Tu te rappel ce qu'elle t'a dit ? Seul un Borgia est capable d'aimer un Borgia ! Nous les Borgia, nous ne devrions avoir d'enfants que de nous-mêmes et ne laissait aucune autre goutte de sang souiller le nôtre. Et aucun autre homme la souiller ! » Ragea la voix noir au fin fond de son esprit.

Cesare ricana légèrement dans son verre de vin. Des Borgia qui naîtrait de Borgia, quelle folie. Cela aurait pu arriver, cette nuit-là, cela dit. Mais de toute évidence, la nature n'avait pas voulu qu'ils engendrent. Peut-être était-ce mieux ainsi. Peut-être leur avait-on évité de créer quelque chose qui les aurait hantée toute leur vie. Où bien les avait-on privés d'un cadeau précieux. Il se sentit quelque peu troublé. Il ne pensait jamais vraiment aux enfants, n'en ayant pas lui-même. Le seul enfant dont il s'inquiétait était son neveu Giovanni, qu'il chérissait. Mais avoir des enfants à lui… Voilà un désir auquel il n'avait jamais pleinement réfléchie.

« Je voudrais une fille. Une fille aux beaux cheveux blonds, comme sa mère. Une fille qui rira comme elle riait quand elle était enfant, une fille avec lequel je n'échouerais pas cette fois et dont je ne laisserais personne voler l'innocence ». Sa mère… Qui ne pourrait jamais l'être. Si il avait des enfants, ce serait de sa femme Charlotte, sa gentille Charlotte. Qui ne lui donnerait jamais de filles aux cheveux blonds et aux traits fins.

Cesare posa lourdement son verre contre la table mais sa famille ne s'en aperçut pas. Leur mère demandait à Lucrezia comment allait Alfonso, comment allait son fils Giovanni. Si seulement ce rat d'Alfonso était tombé dans le bassin de lamproies en même temps que son roi maudit… Mais il remarqua que Lucrezia aborda une expression quelque peu sombre lorsqu'elle parla de son mari. Ennuyée et lasse. Ses poings se serra sous la table. Mais il n'était pas surpris. Il savait qu'Alfonso serait incapable de la rendre heureuse, bien sur. Comment cet avorton l'aurait pu ? Une Borgia ne peut pas aimer un lâche.

Pour l'instant, ses préoccupations allaient à Milan et aux Sforza et cela prendrait du temps avant que tout ne soit réglé avec eux. Mais une fois qu'il en aurait fini avec cela, il y aurait bien évidemment le problème de Naples. Le roi voulait Naples plus que tout, plus que Milan et ne quitterait pas l'Italie tant qu'il n'aurait pas eu satisfaction. Cesare devrait l'aider et cela ne lui ferait que trop plaisir d'enfin faire tomber cette maudite cité et arrachée Lucrezia de là-bas pour la ramener chez elle. Auprès de lui. Elle n'était pas heureuse là bas de toute façon. Mais son cœur était trop pur. Il savait déjà qu'elle ne voudrait pas qu'Alfonso meure.

Et pourtant, il ne voyait pas comment faire pour ne pas le tuer. Et surtout, il n'en avait aucune envie.

Il retint un soupir, qui aurait été mal accueilli. Il réfléchirait tout cela à plus tard, quand le temps serait venu. Si l'ennui de Lucrezia l'agaçait, il était heureux de voir son visage s'illuminer quand elle parlait de son fils, qu'elle avait pu retrouver grâce à la mort du roi. Il se sentait toujours mal d'avoir échouer sur cela aussi mais il était encore plus intrigué sur ce qui s'était passé avec ce roi à Naples. Il fallait absolument qu'il questionne Micheletto sur ce sujet.

Lucrezia lui apprit que Micheletto était revenu avec elle, bien sur. Elle parlait de lui avec beaucoup d'affection et de reconnaissance, ce qui lui indiqua qu'il avait bien fait son travail. Bien évidemment. Micheletto ne le décevrai jamais. Cesare en ressentait une profonde satisfaction et il devait bien admettre qu'il avait hâte d'enfin l'avoir à nouveau à son service. Le danger qui menaçait Lucrezia était ce maudit roi, roi qui était désormais sous terre. Elle ne craignait de ce frêle mari, qu'elle aurait su mater, il n'avait aucun doute là-dessus.

Plus il l'a regardait, plus il se sentait serein et apaisé. Mais frustré aussi. Elle était radieuse. Son visage irradiait quand elle riait, et bien souvent, leur regard se croisait, et il voyait toutes les choses silencieuses qu'elle n'osait dire à voix haute. Et il voyait que ce dîner prolonger la frustrée tout autant que lui. Plus le temps passait, plus le besoin de se retrouver seul avec elle se faisait sentir. Autant que celui de s'éloigner de son père, dont les remarques n'avait pas cessé durant le dîner mais dont il s'était gardé de répondre, ne voulant pas gâcher la joie de Lucrezia. Elle avait remarqué cependant ce que disait son père et regardait souvent son frère, tâchant de lui dire par le regard de ne pas s'énerver. Ce à quoi il répondait par un sourire amer, mais un sourire tout de même.

Rodrigo et Vanozza avait du mal à s'éloigner de leur fille, et même si il était en conflit avec Rodrigo, Cesare ne put s'empêcher de sourire à cette vision. Elle était tant aimée et à raison. Comment pourrait-elle être heureuse à Naples alors qu'elle ne recevait pas le quart de l'affection là-bas qu'ici ? Auprès de sa famille. Auprès de lui…

Une fois le dîner fini et après une énième plaisanterie de Rodrigo auquel Lucrezia, celle-ci se leva et déclara, le sourire aux lèvres :

- Je crois qu'il est temps que je me retire, il commence à se faire tard.

Elle regarda Cesare d'un air entendu et il ne put s'empêcher de rire sous barbe. Petit renard qu'elle était. Elle essayait d'écouter les retrouvailles car Rodrigo ne semblait vraiment pas prêt à laisser sa fille lui échapper et il fronça les sourcils à l'annonce de Lucrezia :

- Oh, non, non, allons donc, Lucrezia, le soleil vient à peine de se coucher ! Il faut encore que nous allons voir le petit Giovanni, notre petit fils nous a tant manqués…

- Le soleil est couché depuis des heures, Rodrigo, sourit Vanozza en se levant, et Lucrezia a fait un long voyage, elle doit être fatiguée. Je crois qu'il est temps qu'on aille tous se coucher.

- Oui, approuva Cesare en se levant à son tour. J'ai aussi à faire demain. Les préparatifs vont commencer et je dois m'assurer que tout est en ordre.

Rodrigo regarda ses enfants et Vanozza d'un air mécontent mais se leva à son tour en grommelant :

- Bien, bien, allons nous coucher dans ce cas… Mais d'abord, nous tenons à voir Giovanni. Il à du grandir, notre petit Borgia !

- Rodrigo…, soupira Vanozza.

- Allez-y, père, sourit Lucrezia avec douceur. De toute manière, il risque de bientôt se réveiller pour manger. Cela lui fera plaisir d'être réveillé par son grand-père.

« Cela sera bien égal au petit, du moment qu'il mange… » Pensa Cesare avec ironie tandis que Rodrigo hocha vivement la tête tandis qu'ils quittait la pièce, visiblement réjoui. Vanozza se tourna vers ses enfants et leva les yeux au ciel, ce qui fit rire Cesare et Lucrezia. Mais tandis qu'ils marchait tous vers la chambre de Lucrezia, Cesare, qui marchait aux côtés de sa soeur derrière leurs parents, prit doucement son bras et murmura à son oreille :

- Laissons-les y aller seuls.

Lucrezia s'arrêta et hocha la tête avant de lancer à ses parents :

- Allez-y sans nous, j'ai vu qu'il y avait des festivités dans les rues de Rome et j'aimerais allez les voir avant d'aller me coucher. C'est en l'honneur de quoi, d'ailleurs ?

- En l'honneur du retour de ton frère, grommela Rodrigo en balayant les faits d'un geste négligent de la main.

Lucrezia se tourna vers Cesare, une lueur de tendresse dans les yeux et murmura :

- Bien sur.

Ce regard qu'elle posa sur lui le fit frissonner. Dieu que cela lui avait manqué. Ce mélange de fierté, de confiance et d'amour, cette manière dont elle seule ne l'avait jamais regardé, ce regard qui avait disparu dans leurs derniers jours ensemble à Rome, car elle se sentait trahie de ce qu'il avait fait… et elle avait raison. Pendant quelques secondes, ils ne parvinrent pas à se quitter des yeux, mais Lucrezia rompit finalement le contact pour sourire à son père et dire, un sourire crispé sur les lèvres :

- Il n'y à jamais ce genre de fêtes, à Naples. Cela m'a manquée.

- Rome est unique, acquiesça Rodrigo en se rapprochant d'eux. Bien, je vous verrais demain tous les deux alors, bonne nuit, ma chérie.

Rodrigo embrassa Lucrezia sur le front en lui souriant grandement avant de murmurer un « Bonne nuit, Cesare » du bout des lèvres qui fit froncer les sourcils à Vanozza de mécontentement et troubla Lucrezia. Leur mère soupira et serra ses deux enfants dans ses bras avec force, le manque des derniers mois s'étant fait horriblement sentir. Puis ils partirent tous les deux, se dirigeant vers la chambre de Lucrezia où dormait Giovanni, laissant seuls Cesare et Lucrezia dans le couloir.


Lucrezia regarda ses parents disparaître dans le couloir, ce couloir, ces murs qu'elle connaissait tant et dont la simple vue la rassurait. Elle était épuisée, lasse, et aurait grand eu envie de dormir en effet, mais elle était aussi sereine, tranquillisée… et mélancolique. Tout cela, ces longs dîners remplis de joie et de vie comme seule leur famille savait faire lui manquait tellement. Ses parents lui manquait… et Cesare surtout. Se dire que tout cela, toute ce bonheur et cette familiarité qu'elle retrouvait n'allait durer que quelques jours lui brisaient le cœur.

Mais enfin, elle était seule avec lui. Comme elle l'avait attendu durant toute la soirée, à l'observer derrière son verre de vin, à lui sourire. Il semblait différent de celui qu'elle avait quitté tout en restant le même homme. Il avait une assurance nouvelle, une certitude qui lui donnait envie de sourire. Cesare avait enfin trouvée sa route, cette route qu'il cherchait depuis tellement de temps et ce chemin le comblait. Même si, tout comme elle, il lui manquait quelque chose pour que tout soit parfait. Et elle ne savait que trop bien quoi.

Lucrezia avait bien remarqué la tension entre Cesare et leur père et avait jeté à de nombreuses reprises des regards interrogateurs à leur mère à ce sujet, ce à quoi elle haussait les épaules en soupirant tristement. Lucrezia n'aimait pas les voir ainsi diviser. Si elle pouvait faire quelque chose pour améliorer la situation entre Cesare et leur père avant de partir… « Avant de partir. Cesse de penser à cela ! ».

- Père t'en veut, déclara-t-elle doucement en se tournant vers lui avec un petit sourire triste. Qu'est-ce qui se passe donc pour que la colère du taureau s'abatte sur toi ?

Cesare rit amèrement, jetant un regard froid sur le chemin que leur père avait pris et dont il avait disparu maintenant.

- Il est mécontent que j'ai raison et lui tort, faut dire qu'il n'est pas habitué à cela. Mais il s'y fera. Et je suis autant un taureau Borgia que lui. C'est aussi parce que je réussi et que je ne suis pas Juan.

Juan… Toujours Juan. Lucrezia soupira et baissa les yeux, regardant le sol. Leur père n'avait jamais vu Cesare tel qu'il était vraiment et s'était toujours obstiner à placer Juan au-dessus alors qu'il n'avait pas le quart du talent de son frère. Et cela désolait Lucrezia de voir que même après sa mort, Rodrigo continuait à préférer son deuxième fils, ignoble et incapable, à son fils aîné, méritant, son plus digne héritier. Mais Lucrezia savait aussi que rien ne pouvait faire changer d'avis Rodrigo à ce sujet. Cela traînait depuis des années.

Elle sentit alors la main de Cesare lui caresser la joue et lui relever le visage. Ce contact, peau contre peau, la fit vibrer mais l'apaisa aussi. La différence avec Alfonso était tellement immense ! Dire qu'il fallait qu'elle se concentre pour frissonner un peu quand son mari lui donnait un baiser, et qu'il suffise d'un simple contact à son frère pour qu'elle s'embrasse autant qu'elle se tranquillise. Comme si leur peau n'en faisait qu'une. Elle leva les yeux vers Cesare, qui la regardait intensément et murmura :

- Est-ce que tu vas bien, Lucrezia ? Est-ce que tout va bien à Naples, avec Alfonso ?

Elle ne répondit pas tout de suite, regardant le visage de son frère, détaillant le moindre détail de ses traits. Elle reconnaissait bien cette expression. Une expression enflammée, dure, un feu qui s'allumait dans les yeux de son frère, un feu destructeur. Lucrezia avait déjà pu voir ce feu par le passé. Elle l'avait vu à de nombreuses reprises chez leur père, dans ses pires colères. Elle l'avait vu chez Cesare lorsqu'elle lui avait parlé de Giovanni et qu'il lui avait jurer de lui faire payer. Promesse qu'il avait tenu jusqu'au bout. Elle avait aussi vu ce feu le jour où il dut lui annoncer qu'elle allait devoir consommer son mariage en public.

Cette flamme était dangereuse. Trop dangereuse. Il suffisait qu'elle dise que rien n'allait à Naples, qu'elle y était malheureuse, que son mari était un faible qui ne la comblait pas, et dans quelque temps, Alfonso serait mort et elle serait loin de Naples. Alfonso serait mort… Elle ne pouvait pas laisser cela se produire. Jamais. C'était en effet un lâche et un faible, certes il ne l'a rendait pas heureuse, mais il ne lui faisait pas non plus de mal. C'était un idiot, mais un idiot innocent. Et un innocent était déjà à cause de l'un de ses frères. Son Paolo… Même si elle n'aimerait jamais Alfonso comme elle avait aimée Paolo, elle ne pouvait pas laisser Cesare lui faire du mal. Elle ne supporterait pas d'avoir cette mort en plus sur la conscience.

Elle appuya sa joue contre sa main, savourant son contact plus que jamais, le contact de cette main qui avait fait couler le sang de leur frère, de son premier mari et qui n'hésiterait pas à tuer le deuxième aussi. Cette main qu'elle chérissait plus que tout au monde, cet homme qui la complétait là où aucun autre n'y est jamais vraiment parvenu, pas même son Paolo. Cet homme à qui elle allait devoir mentir à présent si elle tenait à son âme et à sa tranquillité d'esprit. Même si l'enfer leur était sans doute déjà grand ouvert.

Elle aurait tellement aimée tout pouvoir lui dire, comme elle le faisait autrefois ! Lui parler de tout ce qu'elle ressentait, de tous ses sentiments, de son mariage désastreux et de cette maudite ville qu'elle détestait. Il l'aurait compris et réconforter mieux que quiconque. Mais elle ne pouvait pas sans condamner son mari. Les choses avait bien trop changé, plus rien ne sera jamais comme avant. Cesare n'était plus le même homme, son ambition grandissait un peu plus chaque jour, de même que son influence et son pouvoir. Et elle n'était plus non plus la même personne.

La nostalgie de leur enfance la prit. Elle regrettait cette époque, où tout était bien plus simple. Mais même si les choses changeait, même si leurs buts et leurs motivations n'était plus les mêmes, leur amour ne changeait pas. Tandis qu'elle sentait sa main contre sa peau, elle sentait cette certitude. Elle parvenait à vivre sans lui, même si il lui manquait horriblement. Elle n'approuvait pas tous ses actes, loin de là. Mais elle l'aimait, envers et contre tout, et tout le reste pouvait bien s'écouler, cela, cela ne changera jamais. Même si elle ne pouvait plus se confier à lui comme autrefois.

Lucrezia chassa donc ses véritables émotions au fond d'elle-même et regarda son frère, en lui offrant un doux sourire.

- Je suis bien, à Naples. Alfonso est adorable. Même si rien ne vaut notre ville Eternelle, n'est-ce pas ?

« Même si rien ne te vaut, toi, même si rien ne vaut notre amour » lui dit-elle par le regard et elle voyait bien qu'il comprenait, qu'il savait parfaitement ce à quoi elle pensait. Ce lien lui avait tant manqué, aussi. Il était inutile de parler avec Cesare, il suffisait de regarder.

- Rien ne vaut Rome, en effet, murmura-t-il lentement sans la quitter des yeux avant de sourire largement. Et si nous allions profiter des festivités en mon honneur ?

Lucrezia rit et hocha la tête, chassant toutes les mauvaises pensées de son esprit et elle prit son bras sous le sien et sa chaleur lui apporta plus de réconfort qu'elle n'en aurait espéré, même si elle n'avait pas ses mots. Elle se colla le plus possible contre lui sans que cela en devienne indécent, après tout ils allaient dehors, dans le peuple et tout Rome les reconnaissait. Quand ils arrivèrent dans la place Saint-Pierre, où les feux de joies et les danses montaient de partout, où les lumières de la ville éclairaient au loin le château Saint-Ange, elle se dit qu'ils n'avaient que trop raison. En dépit de sa saleté et de sa pauvreté de certains quartiers, Rome, la Ville Eternelle, leur Ville Eternelle, n'était comparable à aucune autre.

Comme leur amour.