Ca arrive toujours aux autres. Jusqu'au jour où les autres, c'est nous.

Oui, c'était toujours eux que je voyais trépasser, eux qui pleuraient la mort de leur camarade, eux qui souffraient. Toujours eux, et jamais moi. Et puis un jour, la seule personne à qui je tenais vraiment dans ce monde misérable fut tuée. Que dis-je ? Elle fut pitoyablement écrasée par ces horribles monstres appelés titans. Et puis d'un seul coup, eux, c'était devenu moi.

Je m'appelais Sina, oui, comme l'un des murs sacré. Soit mes parents avaient un humour assez orgueilleux, soit ils manquaient cruellement d'originalité…

Cela faisait dix-neuf ans que je vivais mon quotidien paisible de bandit dans les bas fonds de la capitale avec mon petit frère, Loki, d'un an moins âgé. Nous étions membres d'un petit groupe de cambrioleurs de la ville souterraine. Notre but était de collecter assez d'argent pour avoir un passeport civil nous permettant de gagner une place dans le monde d'en haut. Grâce à des équipements tridimensionnels que nous avions volé et apprit à utiliser par nos propres moyens, toutes nos missions furent des succès. Cependant nous étions très loin d'amasser la somme espérée.

Certains vieux de mon village me disaient souvent que mon histoire leur rappelait celle d'un homme, à présent soldat à l'armée et membre du bataillon d'exploration. Un héro connu de tous, l'homme le plus fort que l'humanité ait connue : Livaï Ackerman.

Il était aussi né dans la ville souterraine, et comme Loki et moi, son but était de vivre là-haut. Sauf que moi, je rêvais de bien plus que ça. Moi, je rêvais de liberté.

Et un jour, tout a basculé. En deux mot : Erwin Smith. Il est venu, nous a arrêté, nous a proposé un marché ; où plutôt nous a fait du chantage, et nous avons accepté. Puis Loki et moi avions intégrés le bataillon d'exploration en échange de la place tant désirée dans le monde d'en haut. Et ce, cinq ans après le chute du mur Maria.

Nous avions été contraints d'accepter le marché d'Erwin, et pourtant, j'étais heureuse. Oui parce que non seulement j'avais réussi à quitter les souterrains, mais en plus, j'avais trouvé une véritable vocation, à savoir décimer des titans. Ou plutôt, me battre pour l'humanité grâce à mon équipement tridimensionnel. Cette impression de voler, d'être libre quand je l'utilisais… c'était indescriptible.

J'avais finis par le rencontrer, ce fameux Livaï Ackerman. Enfin, rencontrer était un bien grand mot. Je l'avais plutôt vu, de loin. Il était n'était pas très grand, contrairement au cliché du héro. Il me dépassait d'à peine deux ou trois centimètres, moi qui était déjà particulièrement petite. Par ailleurs, il n'y avait rien d'agréable dans son caractère. Arrogant, froid, impoli. En aucun cas, il n'était fidèle à l'image qu'on avait de lui. Mais je ne pouvais nier qu'il était beau, extrêmement charismatique. Ses yeux gris intimidants n'avaient croisé mon regard qu'une seule fois, et m'avaient probablement oubliés la seconde d'après. Mais moi, je n'avais jamais pu les oublier. Ses yeux… impénétrable, impassible, neutre.

C'était lors de la 57ème expédition extra-muros que le court de ma vie fut chamboulé une nouvelle fois. C'était ce jour la que Loki fut tué devant mes yeux. Par un stupide déviant. J'avais alors sortis dangereusement mes lames, et je m'étais lancée vers cette sous merde de titan pour le déchiqueter entièrement en mille morceaux, en cinq secondes, lui ôtant ainsi la vie de la façon la plus violente qui soit. Et puis j'ai attendu que les larmes coulent, mais ce moment n'arriva pas. J'étais debout, face au cadavre de mon petit frère, incapable de pleurer sa mort. La tristesse et le désespoir qui m'envahissaient étaient tellement intense que je n'avais même pas réagit. J'étais simplement remontée sur mon cheval, pendant que mes camarades enveloppaient son corps dans un drap, et nous avions continué notre route.

Ce fut une heure plus tard que ma première réaction face à sa mort apparut. Poursuivis par des titans, nous avions été contraints d'abandonner tous les cadavres qui nous ralentissaient. En voyant celui de Loki être lancé lamentablement par terre, j'avais crié son nom d'une voix beaucoup trop aigue et cassée, et puis j'avais continué ma route, bouleversée, les sourcils froncés me donnant un ait troublé. Toujours aucune larme. Juste du désespoir.

Un titan plutôt rapide avait presque réussi à nous rattraper, et je me mis debout sur mon cheval que j'avais arrêté, prête à me lancer sur lui. Mais je ne bougeai pas. Les yeux dans le vide, je le laissais se rapprocher de moi alors que je me rendais doucement compte que ma vie n'avait plus aucun sens sans mon frère. Ca a toujours été nous deux, Loki et Sina. Jamais l'un sans l'autre. Si la moitié de notre duo avait disparu, alors je n'étais plus rien. A quoi bon… continuer ?

Il était là. Cette chose dévastatrice n'était plus qu'à quelques mètres de moi, et tendais son bras pour m'attraper dans sa main. Mais au moment où le titan aurait dut m'empoigner, je sentis quelqu'un me prendre violement par la taille pour m'emmener loin du monstre. J'ouvris les yeux que j'avais fermés quelques secondes plus tôt pour découvrir Livaï Ackerman, les sourcils froncés, me lançant un regard noir.

- Imbécile ! Te laisser dévorer comme ça, c'est pathétique ! cracha-t-il froidement.

Incapable de parler, je le dévisageai les yeux ronds. En un clin d'œil, je me retrouvai sur son cheval, le mien étant probablement mort à cause du monstre, assise devant lui alors qu'il tenait les rênes. Je sentais son torse contre mon dos et ses bras autour de moi, et je un petit sentiment de sécurité naquit en moi. Aucun mot ne sorti de ma bouche pendant tout le chemin.

Après avoir semé les monstres, nous nous étions arrêtés un moment pour réétudier la direction à prendre. Livaï était descendu de son cheval, et quelques secondes plus tard, je fis de même. Débout, immobile, je ne pleurais toujours pas. Soudain, je vis le brun se rapprocher de moi, et me tendre une cape verte d'un des membres du bataillon d'exploration.

- C'est tout ce que j'ai pu récupérer. Elle appartenait à ton frère.

Les mains tremblantes, je la pris, la regarda longuement, jusqu'à ce que je ne puisse plus la distinguer à cause des larmes qui me montaient enfin aux yeux. Je pleurais. Il était temps. Je sentais les perles salées dévaler mes joues sans retenu et ma gorge se nouer au point que cela me fit mal.

- Capitaine Livaï ! criai-je en me jetant dans ses bras sans pouvoir me contrôler.

J'éclatai pitoyablement en sanglot, comme si toute la tristesse révélait enfin ses symptômes. Je m'accrochai à sa chemise comme si toute ma vie en dépendait, en laissant tout mon désespoir s'exprimer, et je ne sais pas si c'était juste mon imagination, mais je crois qu'il avait finement posé sa main gauche sur ma nuque, comme pour me réconforter. Toutefois, s'il y a bien une chose dont j'étais sure, c'était qu'il m'avait laissé pleurer dans ses bras sans m'interrompre, jusqu'à ce que je me calme.

Etrangement, je me sentais mieux, ou tout du moins pour le pire, moins mal. Il m'avait prit le poignet, emmener prêt de son cheval, et dit de monter, ce que je fis. Il monta à son tour et nous nous remîmes en route, en silence, alors que je serrais la cape de mon défunt petit frère contre mon cœur.

Arrivés devant les portes, elles s'ouvrirent et nous entrâmes devant les civils déçus de voir que nous étions beaucoup moins nombreux que ce matin. Je les entendais se plaindre, nous… juger.

- Ils ont apparemment réussi à jeter nos impôts par la fenêtre, entendis-je un peu plus loin.

Une vague de colère s'empara de moi, et je serais sans aucun doute descendu mettre mon poing dans la mâchoire de l'abruti qui avait dit ça, si le capitaine ne m'en avait pas empêcher en enroulant son bras droit autour de mon corps, m'immobilisant moi ainsi que mes bras.

- Calme-toi, me dit-il.

Paradoxalement, je l'écoutai et me détendis. Moi qui détestait qu'on me donne des ordres…

C'était atroce. J'entendais tout les villageois demander en hurlant à Erwin ce que cette expédition nous avait apporté en contrepartie de tous ces sacrifices, s'il n'avait aucun regret devant tous ces morts, alors qu'il restait de marbre. Ce spectacle était dramatique. Leur voix… cassées par le désespoir qui nous rongeait tous. La 57ème expédition fut un échec total, et pour la deuxième fois, je repleurai, en silence, mes sanglots étouffés dans la cape de mon frère. Et seul Livaï en fut témoin.