J'ai toujours rêvé de travailler dans la police, depuis toute petite. Cela surement à cause d'un film: Lilo et Stich 2. Quel rapport avec la police me diriez vous ? Une scène très courte où des policiers assis à une table trempent leur beignet dans une boisson. Étant une enfant très gourmande je ne pus qu'être marquée par cette scène ô combien banale.
La moi d'il y a quinze ans serait déçue d'apprendre que je prend souvent mon café seule et que personne ne vient dans mon bureau m'offrir un beignet. C'est la triste réalité, mais cette boisson amer se marie plutôt bien avec ce poste. Même si à rester toujours seule la tête fourrée dans des papiers, je vais finir aussi amer et rugueuse que mon café.
Un bruit à ma porte me fait dévier de mon écran d'ordinateur.
"Oui ?" dis-je à haute voix.
Mon collègue Mike ouvre la porte pour simplement passer sa tête dans mon bureau.
"Nora, madame Yaeger est arrivée." m'informe Mike et je pose mon café sur le bois du meuble. Tant pis s'il devient froid, je m'en servirais un autre.
"D'accord j'arrive, merci beaucoup." je répond en me levant de ma chaise. J'attache mes cheveux pour me donner un peu de confiance. Ce que je m'apprête à faire est surement la chose la plus dure de tout ma carrière.
Je franchie la porte de mon bureau pour aller dans la salle d'attente où la femme que j'attendais est arrivée. Elle est assise sur une chaise bleue rembourrée au tissu un peu usé par le temps. La seule chose pour égailler cette pièce est une stupide plante en pot, qui je trouve donne plutôt un effet morbide. Le carrelage gris aide aussi à peindre un tableau morose et fade. Cette pièce me fait en réalité penser à salle d'attente de mon médecin lorsque j'étais petite. Bien qu'ici il n'y ai aucun jouet pour enfant. Je pense que l'atmosphère n'en aurait été que plus pesante. Peut-être que c'est moi qui ai un problème avec cette pièce et que c'est une salle d'attente tout à fait convenable.
"Madame Yaeger." la femme assise lève de grands yeux ambrés vers moi. "Je suis l'inspectrice Nora Church, merci de vous être déplacée." je lui tend une main respectueuse tandis qu'elle se lève. À peine a-t-elle saisit ma main que je peux sentir qu'elle est emplie d'une sueur froide, sans oublier un tremblement dérangeant. Je voudrai être n'importe où sauf ici.
Je vois qu'elle hésite à répondre, mais il n'y a pas grand chose à répondre. Je sais qu'elle n'est ni enchantée d'être là, ni ravie de faire ma rencontre.
"Je vous en pris suivez moi."
Nous faisons le chemin inverse jusqu'à mon bureau. Je pousse la porte en bois, bien que j'ai toujours douté que ce soit réellement du bois au bruit qu'elle fait.
Lorsque nous entrons elle prend automatiquement la place en face de mon bureau. Sa chaise est noire, tout ce qu'il y a de plus simple mais pas de plus confortable. Tandis que la mienne est faite pour que l'on puisse s'asseoir longtemps dessus. Le cuire est également noir et très peu usé. Les stores de ma fenêtre sont fermés mais la lumière du plafonnier est elle allumée.
"Vous voulez quelque chose à boire Madame ?" je demande avant même de m'asseoir. Qu'est-ce que je ne ferai pas pour retarder le moment fatidique ?
"Heu.. Je veux bien un peu d'eau s'il-vous-plaît." le ton de sa voix est faible et me donne presque envie de me rouler sous mon bureau et de disparaître.
Je lui rapporte de l'eau dans un verre qui à une teinte un peu violette. Ses mains s'en saisissent délicatement et je remarque que tout ses ongles sont rongés, certains ont même des craquelures ensanglantées. Pauvre femme.
Je m'assois calmement à mon bureau et prend une grande inspiration. Je me saisit d'un carnet et d'un stylos noir avant de parler.
"Donc Madame Yaeger, votre fils Eren a disparu depuis hier soir c'est bien cela ?" dis-je en voulant me claquer mentalement, bien sûr que c'est ça.
"Oui, il n'était pas à la maison lorsque je suis rentrée du travail." dit-elle en buvant ensuite une grande gorgée d'eau. Je le jure que si cette dame se met à pleurer, je fais de même.
"Vous êtes rentrée à quelle heure ?"
"Vers 19 heure. Normalement il est toujours à la maison bien avant moi.." sa voix se brise quelque peu.
"Et votre mari ?" je demande car j'ai également remarqué l'alliance autour de son doigt.
"Il rentre bien plus tard, il est médecin." je me disais bien que le nom Yaeger me disait quelque chose, c'est le nom du cabinet médical qui se trouve à Shiganshina, il est plutôt réputé.
"Madame, vous avez peut-être entendu aux informations que.." mon dieu comment je suis censée dire ça. "..Le tueur en série A' a fait une apparition dans la région.."
"Ne me dites pas que-" elle étouffe un sanglot en couvrant sa bouche de ses mains meurtries.
"Le garçon retrouvé correspond à la description de Eren, mais nous avons besoin de votre confirmation madame." lui dis-je. Il fallait que je lui parle clairement, il le faut pour que l'enquête avance, même si mon coeur semble être déchiré en un amas de chaire, je dois prendre sur moi. Au moins par respect pour cette dame. "Le jeune homme possède une cicatrice vieille de plusieurs années sous l'oreille droite, est-ce que-"
"Oui." elle essuie une larme avec sa main et je me maudis mentalement de ne pas avoir de mouchoir dans mon bureau. "Il a eu huit points de suture lorsqu'il avait onze ans."
Je baisse les yeux sur le rapport du médecin légiste et c'est bien nombre correspondant. Mon dieu, j'aurais tellement aimé pouvoir lui dire que nous nous sommes trompé.
Devant mon silence elle continu. "Qu'est-ce qu'il lui est arrivé..?"
"Heu.. il est décédée madame je-"
"Je le sais bien ça, je veux savoir ce qui est arrivé à mon bébé, je veux savoir ce qu'on lui a fait exactement." dit-elle la rage et les pleures se mélangeants dans un combo insupportable.
"Je ne suis pas sûre que vous devriez savoir ça madame." lui dis-je très honnêtement.
"Les médias racontent qu'il fait subir des choses répugnantes à ses victimes, que.. je veux savoir exactement, je ne veux pas rester dans l'ignorance." elle reprend petit à petit de l'assurance et je me dis que les mères ont un courage que je n'aurai sûrement jamais.
"Bien." je tourne la page du rapport et commence à lui expliquer sans oser la regarder dans les yeux. "Il est décédé d'une hémorragie, causée principalement par une coupure profonde dans la cuisse droite. Aucune drogue n'a été trouvée dans son sang. Il a été retrouvé seulement en sous vêtement, le corps lacéré presque dans son intégralité. Sur son torse est inscrit un A majuscule suivi d'un apostrophe, la lettre fait dix sept centimètres de hauteur. Les ongles de ses mains ont étés arrachés et quelque doigts brisés. Ses dents ont également étés toutes retirées, c'est une.. hum, particularité sur quelques unes de ses victimes, c'est le douzième corps à retrouver ce fait notable."
Heureusement qu'elle ne m'a pas demander à voir les photos du corps de son fils, elles sont dignes des pires films d'horreur.
"S'il.. s'il est mort d'une hémorragie, cela veut dire qu'il était vivant pendant tout le long ?"
"Oui madame."
C'est à partir de ce jour que mon cauchemar lié à l'affaire A' commença sans aucun moyen d'y échapper.
