/!\ Cette introduction va être un peu longue /!\

Je suis très contente, après mûres réflexions, de vous proposer une petite histoire qui me trotte en tête depuis un moment. Je sens que je vais m'éclater !

L'univers :

Le Hobbit, un mixe entre livres de Tolkien et films de Jackson, puisque dans tout ce que j'ai lu (m'étant documentée autant que possible), j'utilise des sites et bouquins qui croisent les versions.

Le rated :

M, pour une tension sexuelle dans les premiers temps, ensuite sûrement plusieurs slash et quelques lemons (mais je fais de le soft). Il est question en tout cas d'inceste entre homme, pour ceux que ça mettrait mal à l'aise.

Les personnages que j'utilise :

[Thorïn II/Frérin], [Fili/Kili], Dis, Daïn II pour l'essentiel + un OC présent et deux autres mentionnés. Je mentionne Bilbo, les membres de la compagnie parfois.

Leur physique :

h.t.t.p.:/ / image . noelshack fichiers/2016/14/1460323711-h . png : (de gauche à droite) Rúnli (père de Kili et Fili, qui est dans ses bras), Dis, Thorïn, Frérin (frère de Thorïn et Dis). C'est une image que j'ai modifiée avec une photo de theevilpickle sur tumblr, pour le père des p'tits princes, et une autre mais quand j'ai cherché l'auteur, la page avait été supprimée... Alors je n'ai pas pu citer de nom, mais ces chefs-d'œuvres ne sont pas de moi !

h.t.t.p.:/ /orig11 . deviantart 6140/f/2013/151/b/2/thorin_and_frerin_by_deelane-d5zn6vl . j p g: D'abord Frérin à gauche, qui nous fait admirer sa musculature, et Thorïn qui se marre. Je trouve qu'elle illustre bien le lien entre les deux, les visages aussi, la ressemblance... Voilà, c'est eux pour moi. L'image est appelée Thorin and Frerin by Deelane sur Deviantart.

h.t.t.p.: / / image . noelshack fichiers/2016/14/1460323721-l . p n g : Le personnage de Dis. J'ai trouvé cette image parfaite de lucife56, appelée Grief - Dis et l'ai un peu foncée au niveau des cheveux.

h.t.t.p.:././img09 . deviantart 9166/i/2015/092/5/3/fili_and_kili_by_seraphimcrystal-d822j50 . p n g : Cette image de Fili et Kili que j'aime beaucoup pour la façon dont Kili a tressé ses cheveux, sa barbe, ainsi que leurs couronnes respectives (même si celle de Fili sera celle d'Erebor, et donc de Thorin pendant un moment), c'est bien représentatif de la tête qu'ils auront dans cette histoire. C'est une image de SeraphimCrystal, intitulée Fili and Kili sur deviantart.

h.t.t.p.: / / 9e3c/th/pre/i/2013/097/f/7/mommy_dwarf_and_baby_gimli_by_yorikosakakibara-d60typ6. p n g : la femme et le fils de Frérin (que vous découvrirez plus tard, je ne peux pas en dire plus).

Bonne lecture !

Lexique :

* Bundbaraz, le nom de la petite mine dans laquelle s'est réfugié Frerin, signifie, en Khuzdul : tête rouge ou tête rougeoyante. C'est une montagne dont la pierre à des reflets rouge, d'où son nom, et que j'ai inventé comme vous vous en douterez.


Des torches enflammées bordaient le chemin de pierres qui, en douce pente, serpentait jusqu'aux sous-sol et caves d'Erebor. Le lourd manteau sur ses épaules lui paraissait plus écrasant à chaque pas, l'écho de ses bottes plus résonnant, l'air plus étouffant. Bien que la température ambiante était telle qu'on l'attendait au cœur d'une montagne aux flancs enneigés, sa peau s'était couverte d'un film humide, des goûtes, sous sa tunique richement ornée, dévalaient sa colonne vertébrale. Son cœur, au creux de sa poitrine, battait plus intensément que jamais, décidé, semblait-il, à démontrer qu'il était bel et bien en place, fonctionnel, ce dont il n'aurait pas juré quelques jours auparavant, quand la lame de Bolg lui transperçait l'abdomen, frôlant de trop près l'organe vital. Ses mains, fermement accrochées à son imposante ceinture, elle-même entourant sa taille, trémulaient. Sa bouche était à l'image du Dernier Désert, dans l'extrême-est, et le tout allait de mal en pis.

Un grande inspiration gonfla ses poumons, bomba son poitrail, et une main s'abattit sur son épaule, la faisant tressaillir. Ses pupilles pâles suivirent le mouvement de son menton, qu'il déplaça légèrement vers la gauche, de façon à tomber dans l'œillade rassurante des yeux bruns de son frère. Très élégant, très digne, Kili marchait à ses côtés, silencieux. La bataille et son dénouement lui avaient confédérés un petit quelque chose de plus adulte, dans son regard, dans ses manières, ses gestes. L'expression de ses traits était grave et terne, sans que cela ne soit bien étonnant, lui-même devait tirer une tête de six pieds de longs. Toute la vigueur, l'insouciance de leur jeunesse envolée. Il eut même la surprise de constater que deux tresses ornaient à présent le dessus de ses lèvres, similaire à sa propre moustache, ajoutées à une autre qui nouait sa barbe en une tresse entrecoupée de perles de mithril, ainsi qu'en avait l'habitude, selon les dires de leur mère, leur oncle, Thorïn, sous le règne de Thráin.

Chacun d'eux avait tenté au mieux de faire honneur à leur lignée, à leur aîné. C'était un grand jour. Ils revêtaient leur tunique royale respectives, d'un magnifique cobalt pour lui, d'un sublime malachite pour son frère, et toutes deux finement ouvragées de fils d'argent. Ils arboraient les plus beaux bijoux que leur imposait leur rang, multiples bagues serties de joyaux, pierreries intégrées aux complexes tresses dans leurs cheveux. Et ils descendaient à présent, l'allure mesurée, escortés d'un cortège de guerriers et de rares habitants de la montagne, en direction du tombeau royal. Un bien curieux endroit pour la cérémonie à laquelle on les attendait.

En effet, aujourd'hui était le jour, amer plus que glorieux, de son couronnement. La montagne accueillait un nouveau souverain : Fili Crinière-de-lion, Grand Roi sous la montagne.

Les premières dorures de la grande chambre funéraire, sur lesquelles l'éclat des flammes semblait danser, se dévoilèrent lentement à leurs yeux. L'énorme caverne, composée d'un plateau et d'une voûte de pierre lisse, taillés avec plus de soin que n'importe quelle autre pièce de la ville enfouie, était magnifique. Douloureux contraste avec la fonction qu'elle remplissait. Dans les parois, l'éclat, tantôt rougeâtre, tantôt blanchâtre, des minerais précieux, telles les étoiles par une nuit d'été, étincelaient de majesté, s'ajoutant aux modestes statuettes d'or à l'effigie des défunts dans un spectacle macabrement ravissant.

Les jambes chevrotantes, la gorge nouée, le prince interrompit la marche, immobile sur le seuil de cet illustre endroit. Ses paupières tombèrent devant ses yeux, les doigts glissèrent de son épaule et il prit une nouvelle grande bouffée d'air. Les paroles de son oncle quant à sa posture, sa démarche, son attitude, emplirent ses pensées, concentrant son attention sur les détails, insignifiant entre d'autres occasions mais élémentaires à cet instant, de son apparence. Subtilement, il redressa et dilata le buste, carra les épaules, corrigea son port de tête, lissa l'expression de son visage, puis il rouvrit les yeux et avança, le pas franc, en direction de sa mère, Dis, fille de Thrain, qui lui tendait une main, le faciès glacial. Arrivé à sa hauteur, le jeune nain courba l'échine et effleura de ses lèvres le dos de cette main, l'œil attentif à l'étincelle de compassion, de douceur, dans ceux de sa mère, sa reine, avant de s'éloigner et de prendre place un peu plus loin, aux côtés de Daïn Pied-d'Acier, son désormais mentor et tuteur.

Les deux parents, épaule contre épaule, faisaient face à une foule ordonnée et aphone de soldats, combattants, mêlés aux quelques civils parvenus à la montagne depuis sa reprise aux griffes du dragon. Derrière eux, légèrement en retrait, se tenaient, selon leur échelon : D'abord, sur leur droite, Dwalin, maître d'arme de la cité, puis Kili, second héritier et, sur leur gauche, Balin, conseiller du roi, ainsi que Dis. Tout était conforme à ce qu'on lui avait enseigné, toute son enfance, dans le dessein de le voir prêt l'heure venue. Toutefois, il ne l'était pas. Personne n'était prêt, si jeune, à être roi. Il déglutit péniblement lorsque, enfin, le monarque des Monts de Fer amorça un pas en avant et prit la parole, d'une voix pleine de son accent nordique.

« Peuple d'Erebor, nains du clan des Longues-Barbes, amis et frères, nous sommes ici, réunis, pour coiffer celui qui en est digne de la couronne et du titre de Grand Roi sous la Montagne.» Clama-t-il dans le mutisme général, récoltant quelques vaillantes approbations. « De lourds sacrifices furent nécessaires à la reconquête de ce royaume, de nombreux guerriers tombèrent et parmi eux, le roi d'Erebor. Thorïn Ecu-de-Chêne, fils de Thrain, fils de Thror, frôla la mort pendant l'ultime assaut de cette grande bataille et, grâce à cet... Étonnant cambrioleur, ami des nains, Hobbit sauveur de notre peuple, son sort est à présent entre les mains de Mahal, qui décidera ou non, de nous rendre le souverain le plus noble qu'il m'eut été donné de côtoyer.»

Le nain, de concert avec le futur roi, ne surent contenir un regard en direction de la table de granit, juste derrière les lignes qu'ils formaient, où reposait, cerné de deux gardes armés, le corps inanimé de leur cousin, leur oncle, leur frère, leur ami.

Ses longues boucles sombres formaient un halo autour de sa tête, les traits plus serein qu'ils ne le firent jamais de son vivant, la peau blafarde. Les paupières closes, on l'eut volontiers cru assoupi, bien qu'il s'agisse, en réalité, du sommeil le plus incertain qui soit.

Fili n'avait aucun mal à se remémorer les derniers instants où la vie l'habitait encore. Ils se battaient contre gobelins, orques pâles, créatures hideuses et indéterminées, enragés, avides de sang et de vengeance. Ils étaient parvenus à cette tour qui surplombait le champ de bataille, Thorin en première ligne, Kili, Dwalin et lui sur ses talons. Ils furent confrontés, à leur arrivée là-haut, à un instant de doute, seuls, le regard hagard, les sens à l'affût, et furent encerclés sans même le temps d'un sursaut, pris en tenaille dans un combat déloyal. Les sous-fifres ne leur résistèrent pas bien longtemps, tout du moins la première vague, et arriva Bolg et Azog eux-mêmes. Ils se firent rapidement dépasser, quoiqu'ils combattirent vaillamment. Thorïn faisait tournoyer Orcrist, fendait l'air plus rapidement, plus violemment qu'il ne l'avait vu faire de sa vie. Dwalin ne laissait aucun répit à ses adversaires, et Kili et lui combattaient dos à dos, comme ils l'avaient toujours fait, défendant les angles morts et faiblesses de l'autre. Ils ne furent peut-être pas assez offensifs, ou simplement trop peu nombreux, mais l'issue du combat devint inévitable. Le duel entre Thorin et l'orque pâle faisait rage, de même que celui que livraient les deux frères et Dwalin aux redoutables guerriers dont la Profanateur s'était entouré. Ils parvinrent, de leur côté, à écarter suffisamment la menace pour que, Dwalin continuant l'éradication à la hache de tout ennemis passant à sa portée, les héritiers de Durin se précipitent au secours de leur oncle. Ils s'engagèrent à leur tour, toutes dagues et épées dehors, avec la force du désespoir dans la lutte. Ils exécutaient une sinistre chorégraphie, une danse mortelle, sous une pluie écarlate. Tels deux fauves, ils n'eurent aucune trêve, ni pitié, pour défendre celui qui était plus proche du père que du précepteur. Mais celui-ci s'écroula, l'essence de la vie s'écoulant hors des plaies béantes qui recouvraient son corps. Ils se crurent perdus, assommés de chagrin, les entrailles tordues de crainte. Ils ne pouvaient le perdre, il était le roi sous la montagne ! Leur sang ! Celui qui avait si cher payé, donné plus que quiconque - une vie entière ! - pour retrouver ce royaume !

Ils ne connurent toutefois pas un sort plus glorieux. Une lame le transperça le premier, tandis que Kili était aux prises avec une dizaine de créature et qu'Azog gisait plus loin, tombé en même temps que Thorïn. Le bout de métal fouilla son estomac, juste sous la poitrine, douloureusement proche du cœur et des poumons. Il fut alors jeté contre le corps de son oncle, incapable de reprendre une seule inspiration, le sang gisant en torrent sur son ventre et affluant dans sa bouche. Ce furent, à n'en pas douter, les minutes et les heures les plus longues de sa vie. Il peina même à voir tomber, une poignée de minutes plus tard, son propre frère, de l'autre côté de la dépouille qu'ils s'écharnaient à préserver, le flanc lacéré, épuisé. Et il ne put garder les yeux ouverts suffisamment longtemps que pour voir un éclair de lumière blanche, qu'il prit d'abord pour un signe d'Aulë, et la silhouette du Hobbit alors que l'obscurité se refermait sur lui.

Il apprit ensuite, sur une couchette de fortune, enturbanné de bandelettes médicales des pieds à la tête, qu'il devait la vie à ce Hobbit. Bilbo s'était dressé entre les assaillants et leurs cadavres, se jetant dans la gueule du Warg pour les épargner. Le magicien, Gandalf, était arrivé à temps pour le voir tomber, bien mort pour sa part, et sauver, d'un coup d'éclat seulement digne de lui, les trois descendants de Durin agonisants.

Leurs blessures étaient préoccupantes mais pas mortelles et, il n'aurait cru le dire un jour, mais il devait son rétablissement aux soins des elfes. Ceux-ci s'étaient empressés d'ajouter leurs talents à ceux de Gandalf pour sortir d'affaire les deux jeunes frères nains, les princes d'Erebor qui s'étaient si bien battu pour leur roi. Néanmoins, ce dernier n'eut pas la même chance. Ses blessures étaient plus importants, son déclin ayant duré davantage que le leur, et ils ne purent le faire revenir à la vie.

Pourtant, par un heureux miracle, ils parvinrent, de ce qu'ils en dirent, à le plonger dans un état d'entre-deux. Leur oncle n'était ni vivant, ni mort. Il patientait, non pas dans les halls aux côtés de ses ancêtres, mais plutôt pour une sorte d'entretient particulier avec Mahal. C'était ainsi qu'il choisissait de se représenter cet incroyable sommeil. Et Gandalf, pour derniers mots à ce sujet, avait seulement dit: « Thorin Ecu-de-Chêne se réveillera quand le destin décidera que le moment est venu.» Ils avaient alors apporté son corps dans cette salle, aux confins de la montagne, sous une surveillance accrue, et ils déposèrent l'Arkenstone sur sa poitrine. Celle-ci était réputée pour avoir un étrange lien avec le balancier de la vie et de la mort et ils songeaient, peut-être naïvement, que l'énergie qu'elle dégageait pourrait lui être utile. Ceci dit, même sans cela, elle lui revenait de droit exclusif et personne n'eut la moindre idée de la lui dérober, même dans la semi-mort qui l'entourait.

« Je te nomme, Fili, fils de Dis, fille de Thrain, neveu de Thorin Ecu-de-Chêne : Grand Roi sous la Montagne.» Scanda la voix de Pied d'Acier qui, à ses côtés, semblait avoir fait fi de son absence et continué la cérémonie.

Il papillonna des yeux, égaré, avant que son frère et sa mère ne l'incitent, d'une pression sur chaque épaule, à ployer les genoux, pour se faire coiffer, religieusement, dans un silence coi, de la lourde couronne qui l'incombait à présent. Et, alors qu'il se redressait peu à peu, Kili s'avança à son tour, dégaina son épée et la brandit face à la foule, élevant la voix pour déclamer :

« Longue vie au roi ! »

Bientôt entonné, tel une hymne, par la foule entière. Il se retourna vers son acolyte, son précieux petit frère et leva le bras à son tour, saluant la foule, partageant avec lui toute la désolation que lui causait cette consécration, cet avènement. Il dut pourtant se résoudre à se détacher de lui, aussi dur cela était-il, pour offrir un sourire confiant, tant attendu, tant espéré, qui rassura l'assemblée quant à l'avenir radieux auquel ils prétendaient à travers lui.

A quelques miles de la Montagne Solitaire et de ses abords, la rumeur de sa reconquête et de la Bataille ne mirent pas longtemps à courir. Les corbeaux, qui rallièrent la montagne lors de sa brève occupation par la compagnie de Thorin, s'en échappaient de nouveau et volaient au-delà de ses murs pour diffuser, à qui les comprenait, le récit des aventures récentes. Ainsi, la petite mine de Bundbaraz*, située à l'extrémité de la chaîne des Montagnes Grises, à quelques semaines de marche au Nord d'Erebor, s'était animée.

Ils étaient une petite citée indépendante, ridicule à côté du royaume d'Erebor, et plutôt pacifiste, épargnée des ombres qui planaient partout en Terre-du-Milieu. Ils ne formaient même pas un clan à eux seuls et, le peuple nain étant grand adepte du secret, ils n'étaient connus que d'une réduite minorité.

A son commencement, la mine appartenait à une grande famille de quatre générations, mineurs acharnés, orfèvres de talents, qui firent fortune en travaillant pour d'autres clans influents jusqu'à amasser suffisamment de richesses pour monter leur modeste royaume. D'une famille noble mais pas royale, ils se proclamèrent tout de même rois et reines de cette montagne exiguë, qu'ils investirent, taillèrent, et habitèrent. Ils y invitèrent à séjourner tous les nains qui le voudraient, pour peu qu'ils se fondent parmi la population et qu'ils paient les droits de séjour adéquats. Toutefois, ils eurent la surprise de voir affluer, pour la majorité, non pas les familles bourgeoises, convenablement installées dans les grandes citées minières alentours, mais plutôt des renégats. Les mercenaires en quête de liberté, les fils et filles déshérités, les nains en déroute, les téméraires en quête d'aventure. Et, pas à pas, la société n'eut de cesse de se diversifier, ni en bien, ni en mal, et ils obtinrent un peuplement plus hétéroclite que nulle part ailleurs.

Ce fut là, pour une raison n'appartenant qu'à lui, qu'il avait trouvé refuge, après la grande bataille d'Azanulbizar, soit en 2799, il y a 142 ans de cela. Il parvint à cette mine un soir de tempête, vêtements usés, joues creusées, cheveux et barbe hirsutes, boitillant tel un infirme, couvert de blessures tant dues à son combat récent qu'à la traversée nécessaire pour atteindre cette petite citée dont il avait entendu la légende. Il fut recueilli par la famille "royale" de l'endroit, sans même qu'aucun ne reconnaisse en lui le second hériter d'Erebor, le fils de Thrain. En outre, Frerin, frère cadet de Thorin et de Dis, n'avait à cet instant rien du prince qu'il était. Il mit longtemps, très longtemps avant de reprendre du poil de la bête, mais finit par se rétablir suffisamment pour descendre à la mine, sous le regard bienveillant des roitelets.

A force de persévérance, il parvint à se faire un nom dans l'étroit royaume. Personne n'avait connaissance de son véritable nom, de son rang, de son importance. Il ne devait sa renommée nouvelle qu'à son acharnement au travail et sa dextérité au combat. Il eut quelques fois des mercenaires, des vagabonds qui, ayant eut affaire à la famille royale d'Erebor, faisaient mine de le reconnaître mais les nains sont des êtres merveilleux en ce sens : ils ne sont jamais indiscrets que si ils ont un intérêt à l'être. Et, fort heureusement pour lui, ce n'était pas le cad. Ici personne ne se souciait de qui il était et, son peuple ne semblant pas le chercher, ils durent se dire qu'il était en visite de plein gré. Il passa ainsi les 142 dernières années paisiblement. Il s'établit dans un mariage de convenance avec l'héritière du couple royal, eut un fils et travailla d'arrache-pied à la maintenance de la petite mine. Il fut couronné du modeste titre de roi à son tour, son épouse étant l'unique héritière du trône et lui, le seul nain jugé suffisamment noble et préoccupé du devenir de la citée. Toutefois, une dizaine d'année seulement après cela, sa compagne céda à la maladie, le laissant seul à la tête du petit royaume. Ils vécurent alors d'autres années paisibles, son fils et lui, jusqu'à entendre ce murmure, celui des corbeaux.

La Montagne Solitaire, sa maison, ne quitta jamais ses pensées et ce malgré le siècle écoulé. Elle fut le théâtre de ses jours les plus heureux, d'une vie d'aisance, de pléthore, d'opulence. Il eut vent, bien entendu, de la condition de son frère, seigneur exilé, de la façon dont il assura la prospérité de son peuple au sein des Montagnes Bleues. Fait qui, du reste, l'emplit d'une fierté malséante : il n'avait juré toute son enfance que par son frère, persuadé, à raison, qu'il serait un grand roi et guerrier. Et lorsque, enfin, la rumeur de sa victoire sur la calamité Smaug ainsi que sur les hordes d'Orques lui vint, les sentiments qui l'animaient autrefois, et qu'il avait étouffés, désireux de les voir mourir sous les cendres de son ancienne vie, le submergèrent à nouveau, plus ardents que jamais. L'espérance enfla son cœur : ne serait-ce pas là la chance d'un nouveau départ ? Ne pourrait-il pas plaider sa cause auprès de son si cher frère ?

Le nain expatrié, son fils sous le bras et en qualité de petit monarque de la mine indépendante, prit alors la route d'Erebor, grand royaume nain, dans le but officiel de tisser des liens pour l'expansion de celle-ci, et dans celui, plus officieux, de recouvrer une place qui fut la sienne au sein d'un royaume et d'un cœur qui le repoussèrent naguère.