Disclaimer : la trilogie Divergente est une œuvre de Veronica Roth, elle ne m'appartient pas.
Ça y est, c'était le jour du Grand Choix aujourd'hui, j'avais passé le test la veille et je savais enfin de quelle faction je faisais vraiment partie. De toute façon, même si j'avais obtenu ma faction d'origine comme résultat, j'en avais rien à carrer, mon choix était déjà fait. Depuis toujours, je savais où était ma place, j'irai chez les Audacieux, j'appartenais aux meilleurs et c'est ce qu'ils étaient.
Je me rendais seul au coeur de la ville, sans mes parents pour m'accompagner jusqu'à la Ruche, à leurs yeux, j'étais déjà un putain de traître qui allait les abandonner, tant pis s'ils pensaient ça de moi et surtout bon débarras, je n'aurais plus à croupir dans ce repère d'intellos qu'était les Érudits, depuis le temps que j'attendais ça !
- oh regardez-moi ça, une tête d'ampoule qui s'est perdue !
Vu la dégaine du mec aux cheveux longs et aux dents grises qui venait juste de s'adresser à moi et me tournoyait autour en vélo, il devait faire partie de ces crasseux de Sans-Faction, je pouvais sentir son haleine de poney d'ici, le mec s'était ramené avec sa meute aujourd'hui.
- toi la queue de cheval, je t'ai pas sonné.
- fais pas trop le malin la grosse tête, sinon je te crève.
- oh ça joue les gros durs pour impressionner ses petits copains, si c'est pas touchant !
Visiblement, ma remarque sarcastique n'avait pas du tout plu à ce connard, il avait l'air d'avoir la haine contre moi, encore plus qu'avant.
- tu m'as l'air un peu trop arrogant, même pour un Érudit, faut remédier à ça.
- ouais sérieux, c'est quoi son problème à ce mister je sais tout ?
- en fait, j'en ai pas qu'un mais trois à la fois, tu vois.
Vu la tronche qu'ils tiraient, ces pauvres idiots avaient dû comprendre à qui je faisais référence, ce qui m'étonnait vu leurs gueules, ils avaient de belles têtes de vainqueurs tous les trois.
- fais gaffe à toi, tu pourrais finir écraser par un de tes problèmes.
- je suis mort de trouille.
- tu vas voir quand on en aura fini avec toi, t'auras déjà fait dans ton pantalon et appelé ta maman au secours.
Alors que je m'apprêtais justement à répondre à un de ces trois crasseux, je tournais tardivement la tête vers le mec à vélo, en une seconde je pus lire toute la rage dans ses yeux alors qu'il fonçait tout droit sur moi, je n'eus pas le temps de l'éviter, tout était allé beaucoup trop vite, quand je pris enfin conscience de ce qui m'arrivait, ma tête heurta violemment le sol au passage, c'était le trou noir...
Avant même que j'ouvre les yeux, un mal de crâne épouvantable me martelait les tempes. Je posais ma main droite sur mon front de douleur et je fus surpris de sentir un bandage noué tout autour de ma tête, pourquoi tout ce cirque ? Qu'est-ce qui m'était arrivé ? J'en n'avais plus le moindre souvenir.
Je regardai enfin devant moi et je ne pus m'empêcher de sursauter légèrement quand je me rendis compte que je n'étais pas seul. En face du lit dans lequel j'étais couché se trouvait une gamine assise sur une chaise, elle me regardait comme si elle avait fait une grosse bêtise.
- désolée, je ne voulais pas te faire peur.
Non mais elle était sérieuse ? Elle avait quoi ? Douze ans à tout casser ? C'était un vrai poids plume et j'aurais peur d'elle ? Foutaises !
- t'es qui ?
Mon ton était franchement peu aimable, elle se redressa sur sa chaise comme si elle était tout à coup intimidée en ma présence, alors qui faisait peur à qui maintenant ?
- je m'appelle Chloë McCoy. C'est mon frère qui t'a trouvé et t'a ramené ici.
Trouver où ça ? Pourquoi me ramener ici ? Je devais admettre que le lit était plutôt confortable même si la lumière de la chambre laissait à désirer et qu'il y avait genre trois meubles à tout casser dans cette pièce. J'avais une centaine de questions sur ma situation à poser mais comme si la gamine avait lu dans mes pensées, elle devança mes interrogations.
- il t'a retrouvé sans connaissance avec du sang séché sur ton cuir chevelu. Selon lui, c'est un coup des Sans-Faction parce qu'ils t'ont piqué tes vêtements aussi.
Après sa confidence, je jetai immédiatement un regard sous les draps du lit pour voir si j'étais nu mais à mon plus grand soulagement, je portais un pantalon et une chemise de couleur identique à celle de la tunique de la gamine qui camouflait tout son corps, sans parler de son chignon qui était typiquement un look d'Altruiste et me fit réaliser dans quelle Faction je me trouvais.
- ce sont les habits de mon frère, par chance, vous faites à peu près la même taille.
- c'est lui qui m'a habillé ?
- oui. Je ne me serais jamais permise.
Je voyais qu'elle commençait à rougir, cela me faisait doucement marrer, c'était vraiment une Altruiste, plus coincée tu meurs.
- tu ne sais pas à quelle faction j'appartiens alors.
- non, je ne t'avais jamais vu avant. Si tu ne veux pas me le dire, c'est pas grave, je comprends.
C'est pile à ce moment que je réalisais que j'en avais moi-même plus la moindre idée, je m'en voulais de ne pas savoir répondre à cette simple question, j'avais l'air d'un con et cela me frustrait, je faisais vraiment pitié à voir.
- faudrait déjà que je m'en rappelle.
- tu ne sais plus qui tu es.
C'était plus une affirmation qu'une question de sa part et j'avais toujours aucune réponse à lui apporter, je séchais complètement, il fallait que je recoupe tous les indices pour retrouver mon identité le plus vite possible.
- je ne me souviens de rien. J'étais où quand ton frère m'a trouvé ?
- il revenait de la Cérémonie du Choix et il t'a retrouvé gisant sur le sol en chemin.
Je soupirais, ce n'était certainement pas ce genre d'info qui allait m'aider quand tout à coup ça fit tilt dans ma tête.
- je devais sûrement être là pour la même raison, ça veut dire que j'ai au moins seize ans et que je suis pile dans le bon âge, je n'ai plus qu'à me rendre à la Ruche.
- tu ne peux pas. C'est trop tard. la Cérémonie a eu lieu hier.
Je me sentais déjà revivre et il fallut que l'autre gamine vienne me casser tout mon délire.
- t'es sûre ? Peut-être que…
- certaine. Mon frère y était. Il a choisi de rester chez les Altruistes pour ne pas me laisser toute seule ici.
Ce n'était pas vrai, ce n'était pas possible, qu'est-ce que j'allais faire maintenant ? Je ne savais même pas à quelle Faction j'appartenais, j'étais dans une merde internationale, tout ça à cause d'une gamine qui ne m'avait pas prévenu au bon moment.
- pourquoi tu ne m'as pas réveillé ?
Elle haussa un sourcil dans ma direction, visiblement, elle ne captait pas que je puisse lui faire un tel reproche.
- tu avais besoin de récupérer. Tu as eu un sérieux choc à la tête. Ça n'est pas à prendre à la légère ce genre de blessures. Je pense qu'on a fait le meilleur choix possible avec mon frère.
- Chloë ! À TABLE, C'EST PRÊT !
Quand on parlait du loup… cette voix masculine qui semblait provenir de la cuisine appartenait sûrement au frangin de la gamine. Elle quitta doucement sa chaise puis se dirigea lentement vers la porte avant de se tourner vers moi.
- j'espère que t'aimes le poulet et les petits pois.
Toujours cette petite voix doucereuse et ce ton super serviable, je n'en pouvais déjà plus de l'entendre.
- surtout ne bouge pas, je te ramène un plateau, tu es trop faible pour te lever, tu as encore besoin de repos.
Je commençais à bouillonner de l'intérieur à l'entendre me parler comme si j'étais un gosse ou un petit animal fragile et sans défense, j'étais à bout nerveusement.
- non, ça ira, je vais me lever.
- tu es sûr ? Ça ne me dérange pas, tu sais.
- j'ai dit que je me levais alors je me lève, c'est clair ?
- c'est clair, répéta-t-elle d'une voix à peine audible.
Elle disparut ensuite de la chambre sans faire de bruit, je me sentais totalement perdu, démuni, livré à moi-même, ne plus savoir qui j'étais me rendait totalement malade, il fallait que je retrouve la mémoire au plus vite, je n'allais pas tenir sinon.
J'avais rejoint le salon avec difficulté, j'avais encore un peu la tête qui tournait mais j'étais satisfait que la gamine m'ait enfin laissé en paix pour pouvoir me débrouiller seul, ça n'avait pas duré assez longtemps à mon goût, hélas.
- tiens, pour ta tête. Ça te fera du bien.
Elle venait de me passer un verre de tisane, j'hésitais franchement à le boire même si je me doutais qu'elle ne chercherait jamais à m'empoisonner, le breuvage n'avait pas l'air appétissant du tout.
- c'est un remède cent pour cent naturel.
Je l'avalais finalement, de toute façon, j'avais déjà la désagréable sensation que mon crâne était devenu un véritable flipper, ça ne pouvait pas être pire.
- enchanté.
Le frangin de la gamine me reprit le verre avec délicatesse puis me salua en inclinant la tête en guise de présentation, et dire qu'il m'avait déjà vu à poil alors que je ne connaissais même pas son nom.
- je suis Joel. Le grand frère de Chloë.
Pour ma part, je n'avais aucun prénom à lui donner en retour, ce qui me donnait envie de blaguer devant le ridicule de la situation.
- et moi, c'est monsieur X, dis-je alors d'un ton moqueur.
- notre gouvernement a pour coutume de donner le nom de John Doe à un garçon inconnu jusqu'à ce qu'il soit identifié par nos services, m'informa le frangin.
- mais tu peux en choisir un autre si celui-là ne te plaît pas, ajouta la gamine.
- ça va, c'est bon, y a pire.
John, Paul, Jack, la vérité c'est que j'en avais rien à cirer, je ne comptais pas garder ce pseudo prénom indéfiniment de toute manière, j'allais retrouver ma véritable identité au plus vite, c'était ma priorité numéro un.
- ma sœur m'a mis au courant pour ta perte de mémoire, ça doit être dû au choc que tu as subi, ça devrait très vite passer, ne t'en fais pas.
Super, à présent je n'avais plus seulement la gamine sur le dos, mais je devais aussi me coltiner le frangin, deux pour le prix d'un, tu parles d'un cadeau !
Et puis qu'est-ce qu'il en savait d'abord ? Il avait étudié la médecine ? Tout ce que je voulais à présent c'était réunir des infos pour savoir qui j'étais, le reste c'était du pipi de chat pour moi.
- j'y compte bien, dis-je d'un air décidé.
- si tu veux, tu peux aller te rafraîchir un peu avant de passer à table, me proposa le frangin. Chloë, montre-lui où se trouve la salle de bain s'il te plaît.
La gamine joignit le geste à la parole en pointant du doigt la pièce en question avant de passer juste devant moi. Je la suivis en silence et elle m'ouvrit la porte dès qu'on fut arrivé à destination.
- voilà, c'est là.
Encore une pièce qui était à peine éclairée et meublée, ça ne m'étonnait même plus venant des Altruistes, ils étaient vraiment des cas désespérés, tout pour les autres, rien pour eux, je connaissais la chanson.
- y a pas de miroir ?
- si mais les règles de la Faction sont strictes, elle nous autorise à se regarder dedans seulement le deuxième jour de chaque trimestre.
- parfait, on a qu'à dire que je me rattrape pour le trimestre précédent alors.
Elle n'argumenta pas et se dirigea directement vers une petite armoire d'où elle fit coulisser une porte qui révéla un miroir discret mais qui ferait largement l'affaire pour ce que j'avais à y faire.
- à tout de suite...John, me dit-elle dans un sourire timide.
- ouais, à plus.
Ça faisait trop bizarre de se faire appeler comme ça, si ça se trouve c'était mon vrai prénom et je ne le savais même pas, le comble du ridicule quoi, j'ignorais si je devais en rire ou en pleurer. Une fois seul, je pus me rafraîchir le visage à ma guise, quand je me matai ensuite dans la glace, je faisais peur à voir, j'étais blanc comme un linge et mes cernes alourdissaient vachement mon regard, avaler quelque chose ne pouvait que me faire du bien, ça tombait bien, ma faim commençait à se faire sentir.
Quand je rejoignis la cuisine, la gamine et son frangin étaient entrain de m'attendre comme je l'avais deviné. La pièce était éclairée seulement d'une petite ampoule qui descendait presque jusqu'au beau milieu de la table, une simple bougie aurait fait le même effet à mon humble avis.
Alors que je prenais place sur le banc en face de la gamine, son frangin me tendit la main en bout de table avant de prendre celle de sa sœur qui me tendit à son tour la sienne. Je les observais avec interrogation, j'étais tombé chez les fous, je ne voyais que cette explication.
- merci mon Dieu pour notre pain quotidien, merci de permettre à Chloë de se cultiver à l'école et de me donner l'opportunité de me former à un premier métier, merci enfin de continuer à prendre soin de notre famille et qu'on ait toujours la chance de rencontrer de nouveaux amis.
Je souris poliment à la petite dédicace du frangin avant que la gamine ne lui passe le plat de petits pois et qu'il ne me le passe à moi puis qu'elle fasse pareil avec le plat qui contenait trois morceaux de poulet, toujours dans le sens contraire des aiguilles d'une montre. Personne ne commença à manger avant que tout le monde soit servi, ils avaient vraiment des rituels bizarres dans cette Faction, ça m'étonnerait franchement que je fasse partie des natifs de celle-ci.
Pendant le dîner, le frangin nous raconta à quel point il était excité de commencer un nouveau chapitre dans sa vie d'Altruiste, c'était un nouveau départ pour lui. La gamine l'écoutait attentivement, comme si son écoute était un cadeau qu'elle lui offrait.
- et toi alors, John ? Quels sont tes projets ? Tu peux rester ici le temps que tu veux, sache-le, tu es ici chez toi.
- merci Joel, j'ai pas encore trop réfléchi à ce que je vais faire. La meilleure solution pour moi serait que je retourne au lycée dès demain matin mais comme mon dernier jour c'était hier, je ne suis pas censé m'y trouver.
- je crois en effet que ce n'est pas une bonne idée d'y retourner, ça attirerait les soupçons sur toi, viens au chantier avec moi demain, j'entame une formation d'ouvrier du bâtiment, on repave une partie de la rue avec les collègues, je leur raconterai que tu es un transfert, ils seront d'accord pour que tu travailles avec nous, j'en suis certain.
- et puis quoi ensuite ? Sans vouloir te vexer, je n'ai pas l'intention de m'enterrer ici alors quand je me tirerais de chez toi dès que j'aurais retrouvé la mémoire ou au pire à la prochaine Cérémonie du Choix, ils vont en penser quoi de ma disparition soudaine ? Le mieux c'est que je fasse le mort dans cette baraque. Par contre, ça va pas m'aider à découvrir mon identité de pas aller en cours.
En face de moi, la gamine semblait s'agiter sur son banc, son frangin aussi l'avait remarqué.
- tu as une idée à proposer, Chloë ?
- je peux enquêter au lycée pour John s'il est d'accord, j'essaierais d'interroger des membres de plusieurs Factions pour voir s'ils le connaissent ou ont entendu parler de lui.
- et tu leur diras quoi sur moi ?
- je leur demanderais s'ils n'ont pas croisé un élève de dernière année, costaud avec les cheveux blonds et les yeux bleus.
- merci pour le costaud. Rajoute beau gosse aussi dans ta description, ils auront plus de chance de m'identifier comme ça, dis-je en lui adressant un clin d'œil au passage.
Encore une fois, elle se mit à rougir après mon geste et n'osa pas me regarder dans les yeux, c'était un jeu d'enfant de la déstabiliser, presque trop facile.
- je ne crois pas que ce soit judicieux, si ma sœur rajoute ce terme, ça en fera une description subjective et donc moins précise.
- ouais, elle a qu'à faire comme elle le sent.
Je lâchais l'affaire, apparemment, ils ne connaissaient pas l'humour, ni le second degré chez les Altruistes.
Lorsque vint l'heure de se coucher, le frangin et moi, on avait un débat animé dans le salon sur la répartition des chambres.
- tu es sûr, John ?
- certain, c'est ta chambre, c'est à toi de dormir dedans. Le canapé me va très bien.
- ça ne me dérange pas non plus de dormir sur le canapé, je peux te prêter ma chambre de nouveau au moins pour cette nuit. Allez, accepte.
- en plus, c'est mieux pour ta tête, tu seras mieux installé.
Maintenant que la gamine venait de se mêler à la conversation, ils étaient deux contre moi, je n'allais pas en sortir vainqueur, je le savais, en plus, je sentais la fatigue m'envahir, je n'avais plus la force d'argumenter pour rien, je parlais dans le vide, c'était peine perdue.
- vous m'énervez, soufflais-je. Je dors dans la chambre ce soir mais demain soir, je te la rends, que tu sois d'accord ou pas.
- ça marche. Bonne nuit.
- bonne nuit, John, répéta la gamine.
- ouais, bonne nuit.
Je leur adressai un dernier regard avant de rejoindre la chambre du frangin, je ne savais pas comment j'avais fait pour survivre à cette soirée, j'étais crevé, vraiment au bout du rouleau. Une fois allongé dans mon lit douillé, je fermai les yeux en espérant secrètement que cette journée ne soit qu'un mauvais rêve et que dès demain, je me réveillerais en sachant à nouveau qui j'étais, si seulement ça pouvait être vrai, c'était bien la seule chose que je voulais au monde.
Que la joie t'accompagne *_*
