Disclamer : L'univers d'Harry potter, ses personnages et ses lieux appartiennent à J.K.R

Résumé : « Fais-moi confiance mon ami, cent ans passent plus vite que tu ne le crois. Surtout ne ferme pas les yeux. »
Alors, prends garde Teddy, n'oublie pas.

Note : Le résumé est extrait de la chanson Don't blink de Kenny Chesney.


N'être qu'esquisse

(1/6)

« Fais-moi confiance mon ami, cent ans passent plus vite que tu ne le crois. Alors, surtout ne ferme pas les yeux. »

2110, le 26 juin

Une brise légère s'engouffra dans les branches des arbres, faisant s'agiter les feuilles vertes qui étaient réapparues récemment pour couvrir les écorces nues. C'était un jour d'été ordinaire qui s'élevait sur la ville galloise de Caerphilly, un peu de soleil et un vent frais, rien qui ne laissait présager un quelconque changement de météo pour la journée à venir. Il était encore tôt et les rues étaient encore vides de leurs habitants, seuls quelques hommes et femmes pressés d'aller travailler troublaient la tranquillité matinale.

Le vieux cimetière était désert à cette heure-là, d'ailleurs il l'était toujours quand les premiers signes de chaleur se faisaient sentir. Fleurir les tombes était une activité des jours de pluie, de ces jours déjà moroses où le manque et l'absence flottaient gentiment dans l'air. Pourtant il était là, assis dans sa chaise roulante, les épaules courbées vers l'avant. L'âge avait fait son chemin à travers son corps, traçant de profonds sillons sur sa peau distendue et la parsemant de taches brunes. Tout avait bien changé depuis sa jeunesse : ses cheveux, qu'il avait vus prendre une multitude de teintes différentes, étaient désormais gris presque blanc et ses mains autrefois si fortes et si sures étaient usées par trop d'arthrite.

Une couverture en laine était posée sur ses genoux, recouvrant entièrement ses jambes devenues si fines. Il n'avait pas tellement froid, il s'agissait plus de contenter son petit-fils – Anton – qui l'avait accompagné jusqu'au cimetière malgré l'heure précoce. Il l'avait laissé là, devant la tombe, pour qu'il puisse se recueillir en paix avec juste l'assurance qu'il serait à côté, si jamais il en ressentait le besoin. Parfois, l'homme laissait son regard divaguer, sur les autres pierres tombales qui peuplaient l'endroit, à la recherche d'un nom qu'il aurait pu connaitre et qui reposerait ici. Même si le résultat n'était jamais très probant, ils étaient dans un cimetière moldu après tout, c'était un autre monde pour eux.

Mais la pierre à ses pieds était neuve. Sa nièce – car il la considérait comme telle – Grace y avait mis un soin particulier cherchant la bonne couleur, le meilleur type de marbre ou la plus belle couronne. Tout ce qui pouvait la soulager un peu dans cette dure épreuve et tout ce qui pouvait lui rendre hommage au mieux. Lui, cela lui importait peu. Il avait conscience que ce n'était qu'une question de semaines, ou de mois, avant que son fils n'en choisisse une pour lui.

Lentement, il déposa un bouquet d'œillets rose pâle sur la pierre froide. Elle avait toujours aimé ces fleurs, s'en faisant des couronnes qu'elle nouait dans ses cheveux longs. Pendant un temps, elle avait tenté d'en faire pousser dans son jardin, mais elle n'avait jamais vraiment eu la main verte et ses tentatives avaient toutes misérablement échoué. Grace avait bien tenté de reprendre le jardin de leur petite maison familiale, mais sans grand succès, si bien que l'endroit s'était transformé en terrain de jeux pour les enfants, où ne poussaient plus que mauvaises herbes.

Mais cela n'avait aucune importance, la seule chose qui lui importait encore se tenait face à lui, gravée dans la pierre.

Lily Luna Potter-Williams

19 janvier 2008 – 07 novembre 2108

Fille, sœur, épouse et mère aimante.

Flamboyante devant l'éternel.

Teddy avait souvent du mal à réaliser qu'elle était partie. Il avait plus de cent douze ans désormais et il lui était facile d'oublier que celle qu'il avait tant aimée n'était plus avec lui. C'était dans l'ordre des choses, même s'il lui arrivait encore de se réveiller et de paniquer en constatant qu'il était seul et que plus personne ne dormait à ses côtés. Tout ce qu'il avait construit au fil des ans s'était envolé dans un simple claquement de doigts. Oh bien sûr, il finissait toujours par se calmer et par se rappeler qu'il vivait en solitaire depuis longtemps déjà. Mais après, c'était toujours la peine qui refaisait surface.

Il resta un long moment à fixer les mots incrustés dans la pierre sans pour autant les regarder. Son esprit était ailleurs et s'échappait de la réalité ambiante, préférant se perdre dans ses souvenirs des jours passés. À son âge, la mémoire commençait à le fuir avec application néanmoins, il y avait toujours ces dates qu'il ne pouvait se résoudre à laisser partir. Cela serait revenu à l'oublier et il n'en avait pas la force. Il se souvenait bien plus facilement de son passé que de son présent, en fait il l'aurait même offert au diable sans concession aucune, si en échange il avait pu se rappeler.

Se rappeler à quel point sa présence avait changé sa vie.

2008, le 19 janvier

« Fais attention, Teddy », l'avertit doucement Ginny en lui mettant le nouveau-né dans les bras et en lui indiquant comment soutenir la tête du bébé.

Il hocha la tête doucement, même s'il savait déjà tout ça. La femme lui avait déjà expliqué cela deux fois auparavant, lors des précédentes naissances de James et d'Albus. D'ailleurs, avec tous les enfants Weasley qui avaient défilé entre ses bras, il commençait à savoir comment si prendre néanmoins Ginny avait passé ses bras autour d'eux, prête à prendre le relais si le petit garçon décidait qu'il en avait assez de tenir la nouvelle Potter. Comme elle l'avait fait avec ses deux fils dans la matinée

En réalité, elle n'avait pas besoin de s'inquiéter. Teddy prenait son rôle très au sérieux et ne détachait pas ses yeux du petit corps qui dormait dans ses bras. Il semblait s'être entiché de la petite dans sa couverture pâle. Harry se moqua gentiment de lui et lui donna une petite tape affectueuse, avant de passer sa grosse main sur la tête de sa dernière-née, ébouriffant ses quelques cheveux roux au passage.

« Comment s'appelle-t-elle, tante Ginny ? demanda Teddy en tournant la tête pour regarder la femme rousse.

— Lily, répondit-elle en souriant en passant une main dans les cheveux du garçon, Lily Luna Potter.

— D'après Luna votre amie ?

— Exactement, répondit Harry. Tu penses que cela lui plaira, Teddy ?

— Hum, elle ne lui ressemble pas vraiment, fit-il concentré à examiner les traits rougis du bébé, mais c'est un bon modèle. Alors, je pense que cela lui plaira. »

Il leur adressa un signe de tête encourageant, signe de son approbation. Les adultes réprimèrent un petit rire et se laissèrent aller à contempler les deux enfants en silence. Teddy avait toujours occupé une place particulière dans leur famille, c'était un neveu, un frère, un fils personne ne savait très bien. Il était là, juste là, et personne n'aurait eu idée de remettre sa présence en question. Ces derniers temps, Andromeda, sa grand-mère, le laissait de plus en souvent chez les Potter. Elle fatiguait et n'avait plus l'énergie suffisante pour s'occuper d'un enfant d'une dizaine d'années, quand les Potter étaient jeunes et s'occupaient bien de lui.

Harry s'installa dans le fauteuil près du lit, pas jaloux de celui qui lui volait sa fille, il aurait bien le temps. Tant de biberons à donner, de couches à changer et de pleurs à calmer que Ginny et lui seraient les seuls à pouvoir gérer tant d'histoires à raconter, tant de jeux à partager et de peines à consoler pour qui il serait là. Il ne voulait rien manquer de cette nouvelle vie, ne rien regretter et ne pas se réveiller un jour en réalisant que son enfant était déjà devenu grand.

Alors, il la regardait et profitait simplement du moment. Ses deux fils étaient encore trop jeunes pour saisir l'importance de cette nouvelle vie et s'étaient vite désintéresser de leur cadette, trop rouge et trop braillarde, mais Teddy était et serait là quoiqu'il arrive. C'était comme une certitude qu'il ne pouvait réprimer, quand il le regardait la bercer tendrement.

Teddy et Lily, cela sonnait bien.

2015, le 1er août

« Chat ! C'est toi qu'y es ! »

Lily lui hurla dans les oreilles avant de s'enfuir à toutes jambes dans le jardin de la maison familiale. Teddy lâcha un soupir amusé et la suivit calmement en marchant lentement, s'il allait plus vite cela lui gâcherait tout le plaisir. Il était majeur depuis quelques mois et son physique, malgré ses talents de métamorphomage, était bien celui d'un adulte quand Lily n'avait que sept ans et dépassait à peine le mètre vingt. Le jeu était truqué par nature.

Teddy mit sa main en visière sur son front pour se protéger du soleil tapant et observa Lily qui s'agitait dans les massifs de fleurs. Les tulipes piétinées, Ginny allait hurler pensa-t-il avant de se promettre de réparer les dégâts à la fin de leur jeu. Lily se posta en haut d'une bute de terre et avec le soleil qui se reflétait dans ses longs cheveux mal coiffés et la frange trop longue qui tombait sur ses yeux lui, Teddy ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle avait l'air d'une casse-cou en mal d'aventure.

Les pieds nus enfoncés dans la terre sèche, elle semblait se moquer de lui du haut de sa montagne improvisée. Elle plia les genoux, à l'affut de chacune de ses réactions et se précipita en arrière quand il fit mine de s'avancer pour la rejoindre. Elle dévala la petite colline et atterrit directement dans le trou que son père avait creusé derrière pour accueillir un semblant d'étang ou une mare aux canards, sans canards et avec des poissons à la place.

Elle s'arrêta soudain et leva les yeux vers le ciel parsemé de nuages.

« Oh non ! Il se met à pleuvoir » maugréa-t-elle en tendant les mains devant elle pour recevoir les premières gouttes.

L'eau glissa sur sa peau et emporta la terre qui avait sali son visage, ses bras et ses pieds nus. Elle courrait depuis si longtemps qu'elle n'avait même pas fait attention à l'état dans lequel elle se trouvait. Elle était tombée, s'était écorché les genoux, s'était tachée, définitivement sa mère allait hurler. Elle était loin d'être la petite fille modèle que cette dernière aurait espérée, tête brulée qu'elle était. Elle était ce genre de personne qui aimait braver les interdits, ce genre de personne qui quand elle voyait un gros, beau et menaçant bouton qu'il ne fallait jamais, jamais presser, le faisait.

« On rentre ? demanda-t-elle en faisant une moue triste.

— Pourquoi ? Il n'y a rien de mieux qu'une bonne pluie d'été, je reste », répondit-il rapidement.

Lily fronça les sourcils, intriguée, alors que Teddy s'asseyait en tailleur sur l'herbe verte. Il posa ses mains sur ses genoux, la paume ouverte vers le ciel pour recueillir l'eau qui tombait et ferma les yeux.

« Tu vas prendre froid ! reprit-elle d'une voix aiguë.

— Et tante Ginny te dirait la même chose si elle était là. Alors qu'est-ce que tu attends rentre à l'intérieur et va faire… des trucs. Moi, je reste. »

La fillette secoua la tête à la négative et après un instant de réflexion alla s'asseoir à côté de lui. Elle imita sa posture et ferma les yeux à son tour. Elle aimait bien le bruit des gouttes qui tombait contre sa peau, contre les pierres du jardin et le toit de la maison avant de s'infiltrer dans le sol et la chaleur éphémère de l'eau sur sa peau.

« Tu la sens, Lily ? demanda-t-il alors que l'averse commençait à passer.

— Quoi ?

— L'odeur de la pluie, du sol humide et de la terre battue. »

Ils se turent un instant et profitèrent des dernières gouttes amenées à tomber. Teddy aimait particulièrement ces pluies d'été, si soudaines et si imprévisibles, ces pluies qui lavaient les sols et purgeaient les peines. Et il y avait la lourdeur du ciel grisâtre.

Teddy secoua la tête à la manière d'un chien mouillé et protesta pour la forme quand elle se moqua de lui. Il pinça ses lèvres l'une contre l'autre et esquissa un sourire gêné. Lily, sa fraicheur et sa pétulance allaient lui manquer l'année prochaine, mais il était grand maintenant et se devait de vivre par lui-même. Les Potter avaient eu la bonté de l'accueillir chez eux à la mort de sa grand-mère, mais maintenant qu'il était diplômé de Poudlard, il était temps pour lui de prendre son envol. Quand bien même cela voulait dire quitter sa famille, ses frères et sa sœur.

Fin du rêve, retour à la réalité Teddy.

« Tu vas partir, n'est-ce pas ? Je t'ai entendu le dire à Papa.

— Oui, murmura-t-il coupable.

— Ce n'est pas juste. »

2022, le 27 novembre

« Tu devrais partir Teddy, les élèves de Poudlard sont de sortie aujourd'hui. D'ici dix minutes, cette honorable taverne ne sera plus que l'ombre d'elle-même. Un désordre sans nom, mais les affaires le valent bien !

— Non, c'est bon. Un peu de vie, ça me fera du bien. »

L'homme replongea son regard dans son verre de Whiskey pur feu et fit tourner les glaçons avec le dos de sa cuillère. Il frotta ses yeux avec la paume de ses mains et réprima un bâillement avec difficulté la nuit précédente avait été longue pourtant, il n'était pas décidé à rentrer. À cette heure-là, Victoire devait l'attendre, juchée sur ses talons telle la grande inquisitrice qu'elle était et ils devraient parler. Parler de sujet qu'il n'avait pas la moindre envie d'aborder. Il la connaissait si bien qu'il aurait pu prédire ses moindres mots : « parfois, j'aimerais vraiment savoir pourquoi tu m'as demandée en mariage si tu ne comptais pas t'engager » ou « six ans, c'est un peu long pour de simples fiançailles ».

Et que pouvait-il lui répondre ? Qu'il n'avait que dix-huit ans quand il lui avait fait cette promesse et qu'il était trop jeune et trop immature pour faire des choix de cette importance ? Ou bien qu'ils feraient mieux d'abandonner tout de suite, car les amours de jeunesse n'étaient pas faits pour durer ? Sûr qu'elle allait apprécier.

Teddy but une autre gorgée de la boisson et esquissa une grimace lorsqu'il sentit l'alcool brûler sa trachée. Il trouvait cette sensation détestable, mais au moins à cet instant il se sentait vivant. Bien plus vivant que tous les patients qu'il accompagnait vers la mort tous les jours. Il ne se plaignait pas, après tout, c'est ce qu'il avait toujours voulu : devenir Médicomage, même si cela impliquait qu'il doive passer par les pires services qui soient.

La clochette accrochée à la porte tinta pour annoncer l'arrivée de nouveaux clients et les premiers élèves de l'école de sorcellerie s'enfoncèrent dans la chaleur réconfortante du pub. Bientôt, le lieu devint plus bruyant porté par les conversations enthousiastes et les rires des plus jeunes. Teddy aperçut Albus assis dans le fond avec son groupe d'amis et le salua d'un petit geste de la main. Il semblait encore avoir muri, depuis la dernière fois qu'il l'avait vu. À vrai dire, pour lui Albus était encore ce garçon renfermé de neuf ans qu'il avait abandonné sur le pas de la porte des années auparavant.

Lily était là aussi, encore emmitouflée dans sa cape et son écharpe verte, le dos courbé et les coudes maladroitement posés sur la table. Serpentard, il n'en revenait toujours pas. Mais il faut dire que Lily n'était plus une fillette et que son caractère s'était affirmé. Sa Lily avait changé, rien de plus normal à cet âge. Il regrettait juste qu'elle ait laissé échapper son innocence si vite. Ses yeux étaient plus tristes, son sourire plus rare et ses conversations éphémères. Il ne la retrouvait plus tout simplement. Au début, il avait cru qu'elle lui en voulait de les quitter, mais cela durait depuis trop longtemps pour que ce ne soit qu'un caprice d'enfant.

Teddy jeta un coup d'œil au garçon qui l'accompagnait et réprima un sourire discret. Il n'était pas plus vieux qu'elle, la première fois qu'il avait invité une fille à sortir avec lui. C'était un drôle de retournement de situation. Il observa le jeune couple pendant quelques minutes avant de se détourner rapidement. Leur vue lui était désagréable, Lily était encore trop jeune pour jouer le jeu de l'amour. Trop fragile aussi. Elle était encore la petite poupée rousse dont il poussait la balançoire, la petite imprudente que l'on perdait dans les champs une fois l'été venu. Quand était-elle devenue cette adolescente ?

« Tu n'es pas très discret, fit-elle d'une petite voix en s'installant au comptoir à ses côtés.

— Ouais, je sais. J'aurais fait un mauvais Auror, répondit-il en buvant une gorgée supplémentaire.

— Tu bois maintenant ? demanda-t-elle froidement.

— Ça te regarde, peut-être ? Retourne donc à ton rendez-vous que ton frère te ramène à Poudlard de force et t'enferme dans ton dortoir !

— Comme si Albus allait faire ça ! rigola-t-elle doucement.

— Je voulais dire ton autre frère.

— James ? Il a quitté Poudlard l'année dernière, vérifie tes sources de temps en temps.

— Oh ! Alors, je devrais m'en charger. Tu es trop jeune pour sortir avec des garçons, Lily.

— Tu oublies quelque chose, Teddy. Tu n'es pas mon frère, tu es parti et ça t'a ôté tous les droits que tu pensais avoir. »