Le crépuscule tombait doucement sur la ville mais dans le quartier des affaires, les banques et entreprises commençaient à éteindre leurs lumières une à une. Mais une autre partie de la ville, moins glorieuse elle, se réveillait. Gotham ne dormait jamais, entre les rendez-vous et les dîners d'affaires, sans compter les casses et autres mauvais coups qui étaient hebdomadaires dans cette partie de la ville.

Car on était mercredi, et mercredi il y a toujours au moins un crime qui se produisait, que Batman réussisse à attraper le coupable ou non. Les petits plaisantins s'amusaient à faire des paris pour deviner quel criminel allait cambrioler ou tuer quelqu'un ce jour-là. Toujours est-il que ce soir c'était le clown le plus craint de la ville qui avait projeté de voler une banque servant de couverture à la mafia, qui de toute façon ne ferait que augmenter la prime sur leur têtes pour seules représailles.

Dans l'ombre de la ruelle voisine, Le Joker et sa complice glissaient entre les ombres pour infiltrer la banque par une évacuation de secours. La discrétion était de mise, le Joker avait désespérément besoin d'argent, pas question d'alerter Batman ou ses acolytes. Ce vol ne ressemblait pas guère à leurs vols habituels, pas de gadgets, pas de clinquants ou de figures spectaculaires ils avaient emmené un nouveau sbire qui travaillait dans cette même banque la journée et qui savait comment les faire entrer et sortir en toute discrétion.

Les seuls bruits provenaient de leurs pas qui résonnaient sur le carrelage et de la respiration haletante du sbire qui n'avait guère l'air d'être habitué à ce genre d'exercice de toute évidence. Arrivé devant la salle des coffres, l'homme de main tapa un code avant de se faire scanner la rétine, et les lourdes portes blindées s'ouvrirent, dévoilant des centaines de lingots d'or, purs.

Le sourire du Joker qui était déjà énorme, s'élargi, il se tourna alors vers le gonze, qui semblait d'ailleurs vainement se demander ce qu'il avait fait pour mériter son attention. L'arlequin reconnu ce sourire, seulement deux personnes allaient sortir de cette banque ce soir et la suite des événements lui donnèrent raison. Le clown sorti délicatement une fleur de sa boutonnière avant de la remettre à l'homme qui semblait de moins en moins rassuré au fur et à mesure que les secondes s'écoulait. Le sbire regarda la fleur qui reposait dans ses mains avec un mélange de crainte et de terreur qui était franchement comique. Le Joker lui, ne lui prêtait déjà plus attention et commençait déjà à mettre les lingots dans son sac avec empressement avec sa partenaire. L'employé croyant devoir suivre son exemple commença lui aussi à fourrer des lingots dans sa sacoche mais dans son avidité, il fit une erreur qui lui fut fatale.

Tenant toujours la fleur dans sa main, (il n'osait pas la lâcher) il serra le poing le temps de frotter son nez qui le démangeait mais la fleur répandit son gaz mortel à ce moment précis, il rendit son dernier souffle instantanément, un regard douloureux dans les yeux. Haussant les épaules, les deux malfaiteurs continuèrent à remplir leurs sacs dans un silence ponctué de fredonnements de la jeune femme et de rires du clown, aussi silencieux que des fous peuvent l'être en somme.

Quelque chose clochait, la personne qui les avait fait entrer devait probablement être un flic en infiltration ou devait les avoir vendus, car dès qu'ils étaient ressortis de la salle des coffres, les lumières des alarmes s'étaient allumés, illuminant la salle d'une lueur rouge. La salle semblait être noyée dans le sang. « GCPD ! Lâchez vos armes et mettez vos mains sur votre tête ! » Mais le Joker avait plus d'un tour dans son sac, il sortit de sa besace remplie à craquer une de ses célèbres boites à musique qui joua quelques notes sur un air de crécelle avant d'exploser, semant la panique. Rapidement, le prince du crime tira sa partenaire dans une autre salle avant de lui asséner d'un ton vengeur : « Encore ta faute, espèce d'incapable ! » en la jetant contre le mur avec un coup de poing avant de partir avec l'argent, la police à ses trousses, sans elle.

Elle avait eu toutes les peines du monde à réussir à s'échapper de cette banque infestée de flics, enfin les flics étaient partis poursuivre Mr J c'était déjà ça. La jeune femme avait réussi à se traîner dans une des nombreuses ruelles miteuses de la ville, ses vêtements ne couvraient plus grand-chose et les rares morceaux de tissus restants étaient littéralement imbibé de sang, mis en pièces par les coups des policiers qui prenaient plaisir à reporter sur elle leur haine pour le Joker. L'adrénaline qui courrait dans ses veines commençait déjà à s'estomper, ses jambes peinaient à soutenir le poids de son corps et encore moins à mettre un pied devant l'autre, la contraignant à s'écraser sur une poubelle avant d'embrasser le sol.

Gotham, c'est comme la mer, y'a les planctons, enfin les pauvres gens qui ont eu la malchance de naître dans ce taudis et qui ne seront jamais que des victimes, trop pauvres ou trop obstinés pour quitter cet enfer; puis les petits poissons et autre menu fretin (sans mauvais jeu de mots), bref truands, brutes et autres corrompus. Et enfin les requins, qui peuvent sentir une goutte de sang des lieues à la ronde et c'est là que ça ne devenait pas bon pour elle parce qu'elle était faible, seule et littéralement couverte de son propre sang.

Si elle s'éternisait trop elle n'aurait plus que 15 minutes à vivre grand max, bon sang ! « Je suis sure que je pourrais au moins rajouter 10 minutes si on n'avait pas détourné ce…détournement de fond la semaine dernière. »Elle allait continuer à grommeler à voix haute comme elle en avait l'habitude mais elle secoua la tête, se reprenant, elle perdait inutilement de l'énergie en braillant ainsi et elle n'avait pas ce luxe pour l'instant.

La planque qu'elle partageait avec le Joker n'était pas trop loin mais le rejoindre serait surement une très mauvaise idée, de un il serait toujours d'une humeur massacrante (au sens propre) et de deux il avait surement changé de planque comme il le fait après chaque casse avec intervention de la police. « De toute façon les autres planques sont au moins à 30 minutes à pieds et je ne pourrais pas marcher aussi longtemps sans me faire repérer. Humm, voler une voiture ? Non, non les flics doivent encore être dans le coin, je dois être discrète... Mais oui, Robinson parc est la porte à coté et qui dit verdure dit Pam ! » Elle hocha la tête, satisfaite de son raisonnement, il est vrai qu'elle n'avait pas tout fait tord, Poison Ivy possédait un appartement près de tous les parcs et autres serres de la ville. « De toute façon elle est en Amazonie, je suis sure qu'elle ne m'en voudrait pas si j'allais passer un moment chez elle. »

Elle s'était remise à parler à voix haute sans s'en rendre compte mais manœuvrait avec discrétions jusqu'au penthouse de son amie, évitant rues encombrés et passages mal famés. Ivy cachait toujours sa clé de rechange dans la plante à coté de son paillasson au cas où son amie avait besoin d'un endroit sûr. Pour entrer il suffisait de gratter ses racines du bout les ongles et la petite chose crachait la clé de la porte d'entrée, mais si l'on tentait de l'arracher elle vaporisait un gaz extrêmement toxique. « De toute manière je suis immunisée, dit-elle en entrant dans l'appartement »

Elle ôta ses vêtements sur le chemin de la salle de bain, laissant une longue traînée de tissus qui autrefois étaient appelés vêtements. Elle fit un arrêt juste sur le chemin pour prendre une vieille bouteille de vin et un verre à pied. « Oh mon dieu faites que ce moment dure pour l'éternité, soupira-t-elle en buvant une gorgée de son verre. » Le bain était délicieusement brûlant, le vin exquis et comble du comble, Ivy avait pensé à laisser son bain moussant et autres savonnettes ici et ça sentait délicieusement bon. « On pourrait presque penser que tu savais que je serais là, Pam, dit-elle avec reconnaissance » Sa voix était empâtée par l'alcool rendant son accent si reconnaissable inaudible, ses mouvements étaient lent quand elle sorti du bain maintenant froid pour panser ses blessures mises à vif par l'eau chaude. Et ce n'était pas beau à voir, des hématomes commençaient déjà à fleurir sur son dos et il n'y avait pas un seul centimètre carré de sa peau qui n'avait été meurtri ou égratigné par la folie vengeresse des policiers.

Mais Ivy laissait toujours des fournitures médicales dans chacune de ses planques et elles devaient toutes deux laisser au moins un change par planque. La jeune femme sourit rêveusement au souvenir, cela avait été une merveilleuse occasion de traîner Pam faire du shopping et elles avaient même braqué un ou deux, bon, quatre commerces pour fêter leur nouvelle « association » comme disait Rouge.

Elle ressemblait à une momie avec son corps enrubanné des pieds à la tête, mais merci Ivy ses blessures commençaient déjà à cicatriser. Confortablement emmitouflée dans une couverture, la jeune femme se laissa partir dans le monde des songes. Elle ne s'était pas laissé le temps de pleurer sur le mécontentement de Mr J et elle savait que si elle n'exerçait pas un minimum de contrôle sur elle-même, elle ne tarderait pas à aller traîner à ses pieds « comme si j'étais une putain commune, marmonna-t-elle avec rancœur, je suis Harley Quinn et je ne suis la pute de personne, siffla-t-elle entre ses dents. » Sa bonne humeur envolée, l'arlequin se retourna rageusement dans son lit et s'endormi, tentant d'ignorer les larmes qui coulaient à flot sur son visage.