Hermione passa sa main sur son ventre rond dans un geste à la fois tendre et absent : voilà déjà trois mois que Malefoy était parti, la laissant seule avec ce gros ventre. Malefoy… Comment avaient-ils pu en arriver là tous les deux ? Après six années de haine intense, de disputes incessantes et de coups bas à répétition, ils s'étaient retrouvés nus, collés l'un à l'autre dans une étreinte fiévreuse.

C'est incroyable ce que la guerre est capable de faire... Hermione sourit amèrement : la guerre. Cette guerre qui avait commencé il y a si longtemps et qui ne se finirait pas avant de longs mois. Cette guerre qui avait emporté Ron. Cette guerre qui avait éloigné Harry. Cette guerre qui lui avait fait découvrir Drago.

Elle était pourtant si fière à l'époque… Jusqu'à ce jour terrible où elle avait vu Ron tomber sous ses yeux. Le sort avait fusé sur lui sans qu'elle ne puisse rien y faire, elle le savait.

A partir de ce jour, elle n'avait plus été la même : Elle s'était refusée à tuer quiconque auparavant mais la mort de Ron avait marqué l'abolition de tous ses préjugés et de tous ses principes. Elle n'avait plus été qu'une machine de guerre impitoyable ce qui en avait effrayé plus d'un, mais pas Malefoy.

Trois coups retentirent contre la porte du QG, sortant Hermione de ses pensées. Elle s'approcha de la porte, demanda le code, lança un sort de vérité puis s'immobilisa : la voix qu'elle avait entendu lui était familière. Elle durçit un peu ses traits et ouvrit. Malefoy entra puis referma la lourde porte puis se tourna vers Hermione.

« T'as encore pris du poids. Il va bien ?

« Oui très bien. T'es amoché, qu'est ce qu'il s'est passé ?

« Une bataille au Nord de Londres, ça a duré trois jours.

« Tu as des nouvelles de Harry ?

« En Ecosse.

Malefoy se dirigea vers la cuisine. Hermione se reposa sur son fauteuil : voilà à quoi ils en étaient réduits, quelques mots lancés après trois mois d'absence. Ils ne s'étaient jamais aimés, seule une nuit froide de février les avait rapproché dans une volonté désespérée de contacts physiques. Rien de plus. Etrangement, lorsqu'Hermione avait appris sa grossesse, les deux avaient décidé de garder l'enfant. Malefoy avait toujours voulu devenir père mais dans sa contestation contre Voldemort, avoir un enfant avec Hermione se révélait être une parfaite vengeance. Hermione, quant à elle, avait un énorme vide à combler et cet enfant arrivait au bon moment. Elle ferma les yeux, pensant à tout cela tout en carressant à nouveau son ventre. Elle sentit la présence de Malefoy et ouvrit les yeux.

« Tiens, je t'ai fait un sandwich.

« Merci Malefoy.

Elle ne voyait aucune gentillesse dans son geste, juste la volonté de nourrir le bébé. Ce bébé était leur seul et unique point commun, aucun sentiment ne pouvait se mêlait à leur étrange relation, la guerre était trop imprévisible pour ça. Et puis, même si tout cela paraissait loin, une haine de six ans ne s'oublie pas si facilement.

« Je dois repartir dans deux jours.

« Où ça ?

« Rejoindre Potter en Ecosse, les géants ne se laissent pas convaincre si facilement.

« Tu lui diras que je pense à lui.

« Si tu veux.

« Promets

« C'est promis.

Hermione prit brusquement la main de Malefoy et la plaça sur son ventre : le bébé bougeait. Instantanément, le visage du jeune homme perdit de sa froideur et il fixa le ventre dans l'espoir de le sentir bouger à nouveau.

« Je connais le sexe du bébé.

« depuis quand ?

« Deux semaines.

« Et ?

« C'est une fille.

Pour la deuxième fois, le visage de Malefoy s'illumina. Il approcha doucement sa tête du ventre de la jeune femme et posa un doux baiser là où le bébé venait de bouger.

« Ma fille… J'ai toujours rêvé d'avoir une fille…

« Notre fille Malefoy.

« Oui, notre fille… je… J'aimerai qu'elle s'appelle Enora

« Pourquoi ?

« Ça ne te regarde pas Granger. »

« …

« …

« …

« Bon, d'accord, c'était le prénom de ma grand-mère maternelle. Je l'adorais.

« Je croyais que…

« Tu sais bien que tout ce que tu croyais à mon propos était faux. Donc cesse de croire.

« La ferme Malefoy.

Après un dernier baiser sur le ventre d'Hermione, Malefoy monta dans les étages. Il était heureux, il allait être papa d'une petite Enora. La vie n'était pas si cruelle finalement…

Hermione, de son côté, se contenta de murmurer doucement le prénom de sa fille et s'amusa à la sentir bouger à nouveau. Elle se souvenait parfaitement de la nuit où tout avait basculé, la nuit où Hermione Granger avait couché avec Drago Malefoy…

Il faisait très gris ce jour là et il avait plu à torrent toute la journée. Hermione venait à peine de rentrer au QG lorsque l'alarme avait sonné : un de leur camp se faisait attaquer. Elle avait aussitôt transplané sur le lieu de l'agression : le quartier des docks à Londres. Elle n'aimait pas cet endroit, c'était lugubre et mal famé. Mais dans le cas présent, il fallait agir, et vite : la moitié du campement était en flamme. Elle avait aperçu Harry au loin ainsi que Malefoy entrain de lutter contre le feu. Les mangemorts étaient partis, ne laissant que ruine derrière eux. Heureusement, seul le camp avait été touché, pas les combattants.

Dans ce genre d'intervention, chacun avait une mission bien précise : Harry et son équipe devait sécuriser l'endroit, Hermione devait évacuer les blessés. Ici, aucun blessé donc elle était rentrée plus tôt que les autres. Elle s'était dirigée vers la cuisine pour manger quelque chose, la journée avait été longue. Elle les avait entendus rentrer, Harry était monté se coucher alors que Malefoy s'était attablé en face d'elle. Il semblait exténué : ses traits tirés n'avaient plus rien de la grâce aristocratique de ses années Poudlard et ses yeux autrefois si arrogants ne reflétaient désormais plus qu'une grande fatigue : Ils avaient tous beaucoup perdu dans cette guerre, lui surtout puisqu'il avait tourné le dos à toute sa famille et à son ancienne vie après avoir vu son père assassiner sa mère parce que Voldemort le lui avait demandé.

Malgré tout, il avait tenu à briser le silence dans cette cuisine trop grande. Hermione et lui avaient beaucoup parlé cette nuit là, ils avaient presque rit et avaient bu. A un certain moment, elle ne se souvenait plus pourquoi, Malefoy était venu coller sa chaise à la sienne. Plus tard, il lui avait dit que ses cheveux avaient l'air doux. Puis ils avait encore bu, jusqu'à se retrouver tous les deux allongés sur le grand tapis du salon, en face de la cheminée. Malefoy avait alors lancé un jeu stupide : cap ou pas cap.

« Cap ou pas Cap d'enlever un vêtement devant moi ?

Les nombreux verres d'alcool aidant, Hermione avait accepté… en enlevant une chaussette.

« Malefoy, Cap ou pas Cap d'embrasser la première fille que tu vois ?

Le jeune homme avait bien sûr accepté. Il était allé droit sur la porte d'un pas titubant, avait observé le couloir, était revenu dans la pièce et avait déclaré :

« Tu es la première fille que je vois Granger !

Il s'était approché d'elle et l'avait embrassé d'une manière brutale, sans aucune douceur. Puis ils s'étaient retrouvés l'un sur l'autre et tout avait dérapé.

Le lendemain matin, ils s'étaient réveillés tous deux avec un monstrueux mal de tête, se jurant de ne jamais parler de tout ça, à personne. Mais un mois plus tard, Hermione avait appris sa grossesse. Elle l'avait avoué à Harry qui ne lui avait plus adressé la parole pendant trois semaines. Puis il lui avait assigné le poste de gardienne du QG puisque son état ne lui permettait plus d'aller sur le terrain. Enfin, il avait envoyé Malefoy en mission et ce dernier n'avait plus réapparu pendant trois mois.

Elle entendit Malefoy redescendre et s'agenouillait devant elle à hauteur de son ventre rond. Après une caresse, il leva vers elle des yeux chargés d'inquiétude:

Dis Granger, tu veux que je reste avec toi ?

« Pardon ?

« Je t'ai dit que je devais partir en Ecosse demain rejoindre Potter…

« Je ne suis pas en sucre Malefoy, je peux me débrouiller seule.

« Mais pour le bébé… Je ne sais pas quand je reviendrai…

« Je n'accoucherai pas avant 6 mois, tu auras tout le temps de revenir d'ici là.

« Bon.. d'accord.

Sans attendre la réponse la réponse d'Hermione, il monta quatre à quatre les marches menant à sa chambre et redescendit aussitôt en lui tendant un petit objet doré de la forme d'un petit galet.

« Qu'est ce que c'est ?

« Un memorandum.

« Où l'as-tu trouvé ?

J'ai passé les trois derniers mois dans un petit peuple d'Afrique dont le chef en fabriquait. Il m'en a offert un en signe de remerciement. Je pense que nous en aurons l'utilité au cours de mission.

« Comment ça marche ?

« Granger, tu ne lis plus ?

« …

« Si tu as le moindre problème, tu sers le galet dans ta main en répétant trois « Enora ». J'ai un memorandum similaire dans ma poche qui chauffera aussi. Il faut que je répète trois fois « Enora » moi aussi et le galet m'enverra directement à toi.

« Son pouvoir est stupéfiant…

« Oui, il en existe moins de dix dans le monde sorcier donc ne le perd pas !

« Tu me prends pour qui ?

« J'ai dit ça comme ça Granger.

« J'espère bien.

« Bon, je vais me coucher, je pars tôt demain.

« Fais attention à toi et n'oublies pas de dire à Harry que…

« … Tu penses à lui oui je sais. J'essayerai de revenir vite.

Malefoy se pencha une dernière fois sur le ventre d'Hermione, l'embrassa tendrement et posa sa main dessus puis monta se coucher.

Hermione regagna également sa chambre située tout à côté de l'entrée, au cas où quelqu'un se présenterait à la porte en pleine nuit. Malheureusement, ce cas de figure était très fréquent ces dernies temps : les attaques étaient de plus ne plus imprévisibles dans le temps et de plus en plus violentes. Voldemort voulait que la guerre cesse pour enfin assouvir sa soif de pouvoir mais Harry ne cédait pas d'un pouce. Ce dernier avait d'ailleurs bien changé depuis Poudlard : le petit garçon timide et craintif s'était mué en un chef de guerre accompli qui ne reculait devant rien face à l'ennemi. Hermione ne le voyait presque plus depuis la mort de Ron : elle savait qu'Harry ne voulait pas y penser donc il partait par monts et par vaux dès que l'occasion se présentait. Il ne s'était pas retrouvé seul avec Hermione depuis l'annonce de la mort de leur meilleur ami. Ça aurait été bien trop dur à assumer. Eux deux et non plus eux trois. Trop douloureux à constater.