La vie est trop souvent fatale aux yeux des personnes trop faibles pour l'affronter ne serait-ce que de face. Les sourires pour cacher les pleures. Les rires pour cacher la douleur qui vous assiège sans grandes difficultés. La vie est à la fois douce et impitoyable ; cruelle et vengeresse. Une vraie salope. Elle vous tend la main le jour, un sourire aux lèvres, vous aidant et vous laisse tomber du haut de la falaise dès le lendemain sans aucune pitié ni aucun regret. Eren a d'ailleurs souvent pensé à la quitter une bonne fois pour toutes pour se retourner auprès des anges. Mais celle-ci le tien enchaîné ici, refusant qu'il passe de l'autre côté des grandes portes de la mort. Il peut garder la tête haute, faire face au destin qui s'acharne sur lui ; mais lorsque l'on a une histoire comme la sienne, on serait, nous aussi, tenté de baisser les bras une bonne fois pour toute.

Un père dépressif qui se plonge dans l'alcool pour oublier sa peine et sa douleur, une mère délaissée dans un hôpital dut à son Alzheimer déjà bien trop avancé. Non, Eren n'est pas gâté par la vie. La vie le détruit à petit feu et pourtant, il n'a que dix-sept ans. Tellement jeune mais tellement conscient du véritable visage du monde qui l'entoure et qu'il déteste plus que tous. Ses crises de dépression et de larmes, il ne les compte plus. Il a arrêté de compter ses nombreuses tentatives à étendre ses ailes qui l'on conduit à l'hôpital. Son âme est en miettes, ne tenant qu'à un fil et pourtant, il ne laisse rien paraître. Devant les autres, il joue son rôle à la perfection. Celui de l'adolescent plein de vie, de joie et d'optimisme. Même Armin et Mikasa qui sont pourtant ses amis les plus proches n'ont pas connaissance du « vrai » Eren – celui qui essaie d'en finir une bonne fois pour toute.

Aujourd'hui encore, Eren a revêtit son masque de bien heureux, ne laissant rien paraître face à sa mère qui, assise dans le fauteuil de sa chambre, lui sourit, heureuse de le voir après tant que temps.

« Eren ! Comme je suis contente de te voir depuis le mois dernier ! »

Comme chaque fois, son cœur se serre dans sa poitrine, ses poings se resserrent à s'en faire saigner, mais il sourit. Il ne dit rien, supporte et retient les larmes qui menacent de couler sur ses joues.

« Je suis venu hier maman. » Lui répondit-il toujours souriant en contrôlant au maximum le timbre de sa voix.

Se penchant vers elle, il dépose un baiser sur sa joue pâle tout en déposant son bouquet de roses dans le vase sur sa commode, jetant les précédentes, fanés, à la poubelle. Carla fronce les sourcils, ne comprenant pas pourquoi elle ne se rappelle pas la visite de son fils la veille. Penchant la tête, elle revient à la réalité en entendant le bruit du lit qui s'affaisse sous le poids du corps du jeune homme qui a bien grandi depuis la dernière fois que sa mère avait encore toute sa mémoire et riait avec lui et son père, assise avec eux à table, chez eux. Le bon vieux temps qui manquait à tout le monde. Mais surtout à Eren.

Ne relevant pas la tête, Carla se décide à engager la conversation, sachant que son fils ne le fera pas.

« Alors ? Quoi de beau ? Et ton brevet ? »

Son ton était doux et innocent, mais Eren a toujours autant mal à ne rien laisser paraître. Comme il a appris, il sourit, ne montre rien – ou presque, et lui répond en liant ses mains pour ne pas se trahir.

« Je passe en terminal et j'ai eu mon bac avec mention bien. Plus qu'une année, le reste du bac et je pourrais entrer dans le monde du travail. »

Sa mère hoche d'un air distrait la tête avant de lentement tourner la tête pour fixer droit devant elle, le visage figé dans le temps. Eren se redresse et retient son souffle. Plusieurs minutes passent avant qu'il n'avale avec difficulté sa salive et face une tentative pour attirer son attention.

« Maman ? »

Sa voix était trop hésitante et il se maudit pour avoir laissé entrevoir la faille.

Sa mère sembla revenir à la réalité et tourna lentement la tête vers son fils dont les sourcils étaient toujours froncés, attendant la réponse. Carla l'imita et rapprocha ses sourcils, formant des pliures sur le haut de son crâne avant de se redresser comme pour s'éloigner de lui.

« Qui êtes-vous ? Que faites-vous dans ma chambre ? » Demanda-t-elle, grondante.

Le coup de grâce. Un coup de pieu dans le cœur. Le monde s'écroulant autour de lui alors qu'il essaye au mieux de ne pas montrer sa faiblesse, de ne pas pleurer, de ne pas trembler. Sa langue passe sur ses lèvres alors qu'il essaye de contrôler le timbre de sa voix qu'il sait tremblant avant de répondre en reprenant son sourire, faux bien sûr, car en cet instant, la tristesse et le seul sentiment dominant son être beaucoup trop fragile. Depuis qu'elle est atteinte de la maladie, soit trop longtemps au goût d'Eren, c'est la première fois qu'elle l'oublie, lui, signe que l'Alzheimer dont elle était atteinte avait empiré. Il savait ce que cela voulait dire.

« Maman... C'est... C'est moi, Eren. Ton fils. »

Ses barrières s'effritaient peu à peu et de manière dangereuse autour de lui.

« Mon fils ? » Commença-t-elle de façon surprise. « Je n'ai jamais eu de fils ! Comment osez-vous vous moquer de moi ! Allez-vous en ! Tout de suite ! » Rugit-elle en attrapant le vase à côté d'elle pour l'envoyer sur Eren qui a juste le temps d'esquiver en se relevant qu'il partit s'écraser contre le mur derrière lui.

Les yeux écarquillés, Eren regarde le vase en mille morceaux, l'eau se répandant et les fleurs gisantes sur le sol de la chambre d'hôpital qui avait oublié pour de bon. Malgré tout ce qu'il pouvait dire, tout ce qu'il pouvait faire croire, il n'y était pas préparé. Pas préparé du tout. C'est pourquoi, en jetant un dernier coup d'œil à sa mère au regard menaçant, il partit en courant de la chambre, ne retenant plus les larmes qui dévalaient progressivement ses joues. Les regards autour se braquaient sur lui, mais il s'en fichait, il courait loin de tous ça, sans destination précise, sans lieu définitif, sans bit à la fin. Il laissait ses jambes le guider alors que les sanglots de ses pleurs envahissaient l'atmosphère. Il courait à travers les rues de sa ville, ignorant les passants qui se retournaient à son passage, ignorant le monde autour de lui. Il souhaitait juste disparaître à tout jamais de ce monde cruel et sans pitié.

Sans s'en rendre compte, il se retrouva à l'autre bout de la ville, là où se trouvaient les bars et boîtes de nuits où se réunissait les jeunes de vingt ans et où il lui arrivait d'aller avec ses amis certains soir pour se retrouver le lendemain chez un ou une inconnu, à poil dans son lit et avec en guise de souvenir de la veille un trou noir et un sacré mal de crâne. Freinant sa course, il se plie, s'appuyant sur ses genoux, respirant la bouche grande ouverte et laissant ses sanglots s'échapper de sa gorge sans honte ni retenue. Dans un élan de rage sortie d'il ne sait où, Eren se redressa et hurla toutes sa rage, sa tristesse, son désespoir qui s'envola jusqu'au ciel. Reprenant sa respiration, pleurant toujours, mais de manière silencieuse cette fois-ci, Eren ferma ses yeux pour se reprendre. Les rouvrant, il se retrouve nez à nez avec un inconnu, un homme qui le regarde de haut en bas, ses bras croisés sur sa poitrine.

L'homme était plus petit que lui, de peu, mais plus petit. Plus vieux cependant, sa peau était pâle, contrastant avec sa chevelure sombre séparait d'une raie et rasé sur la base. Ses sourcils étaient fronçaient et ses yeux à mi-clos d'un gris perçant fixait Eren, semblant le traverser, le déshabiller sur place sans retenu, l'intimidant. Pour la première fois depuis qu'il avait quitté la chambre d'hôpital de sa mère, Eren avait honte d'avoir pleuré, d'avoir dévoilé au grand jour cette facette de lui-même, d'avoir hurlait ainsi dans la rue comme si elle lui appartenait. Ravalant sa salive, Eren glissa ses doigts dans ses cheveux bruns en bataille suite à la folle course qu'il venait de faire et l'abaissa lentement jusqu'à sa nuque qu'il se frotta comme chaque fois qu'il était gêné ou mal à l'aise.

Le silence venait de faire son nid avant d'être déniché par le soupir que le plus vieux laissa s'échapper d'un air ennuyé et agacé qui était peint sur son visage de manière naturelle. Eren baissa la tête et rougit en signe de réponse face au souffle exaspéré du noiraud en face de lui. Il se sentait si inférieur face à cet homme à l'aura si imposante malgré sa petite taille. Lui qui aurait envoyé bouler quiconque en temps normal se retrouvait soumis face à un inconnu qu'il venait de rencontrer dans la rue. Puis, dans un « Tsk » d'agacement, l'inconnu repris sa marche qui était souple et gracieuse, majestueuse, passant à côté d'Eren à qui il n'accorda aucune attention, se contentant de reprendre sa route l'air de rien, comme si rien ne s'était passé sous le regard d'Eren qui ne savait pas trop ce qui venait de se passer tant cela paraissait irréel.