J'avais dormi d'un sommeil de plomb, sans faire de cauchemars, ce que j'avais pourtant redouté au vu des événements de la nuit précédente. J'étais loin de me sentir aussi fraîche qu'une rose, et J'espérais une journée, ou tout du moins un après-midi (vu l'heure avancée, c'est tout ce qui me restait avant de prendre mon service du soir chez Merlotte) calme pour me remettre de ce à quoi j'avais assisté la veille au soir.
Je voulais profiter de ces quelques heures pour réfléchir à mes retrouvailles avec mon petit ami Quinn, que je n'espérais plus, et qui ne c'étaient pas déroulées telles que je les avais espéré. En émergeant de ma torpeur, je sus de suite que je n'en aurais pas le temps. Je voyais déjà se profiler à l'horizon tous les ingrédients d'un mauvais début de journée, à commencer par les prémisses d'une violente migraine. Je repérais également une présence dans ma chambre, non loin de mon lit, une présence que je reconnaissais. J'aurais aimé que ce soit Bob le chat, même si d'ordinaire l'accès de ma chambre lui était interdit, mais il s'agissait de la signature mentale humaine pas animale. Ce n'était pas non plus celle d'Amélia ma colocataire, elle ne se serait pas permise d'entrer dans ma chambre pendant mon sommeil. Non, Amélia avait dut s'absenter, car je ne percevais pas sa présence dans la maison. Je reconnus très vite l'identité de mon visiteur. Quand vous prenez l'habitude de côtoyer régulièrement une personne, vous finissez par reconnaître sa « signature mentale ». Pour moi, il était clair que cette présence était celle de Quinn !
Il était revenu pour une explication. Une discussion que je rêvais d'avoir avec lui moi aussi depuis sa disparition, mais que je ne me sentais pas de taille à l'avoir maintenant. Au vu de ce qui c'était passé la nuit précédente, j'avais du mal à savoir exactement où j'en étais avec lui, ce qui me paraissait si évident avant était devenu soudain très flou et j'aurais aimé avoir quelques jours devant moi pour faire le point avant de devoir "l'affronter".
En me redressant dans mon lit, je l'aperçus sur la chaise dans le coin de ma chambre, lui aussi me fixait de ses beaux yeux violets.
J'eu soudain envie de me jeter dans ses bras et laisser sa chaleur m'envahir, mais il fallait que je garde les idées aussi claires que je le pouvais. J'étais suffisamment remplie de doutes et d'incertitudes, il fallait d'abord qu'on s'explique. Aucun de nous deux ne semblait pourtant vouloir se lancer. Au bout de quelques secondes qui m'ont paru des heures, Quinn s'est redressé de la chaise dans laquelle il était assis en me lançant un "salut Bébé".
Malgré son impressionnante carrure, il ne m'inspirait aucune peur. Jusqu'à présent, je m'étais toujours sentie bien en sa présence. Après deux mois d'inquiétude à son sujet, j'avais enfin devant moi, l'homme pour lequel je commençais à éprouver des sentiments amoureux ou en tout cas je le croyais jusqu'aux événements d'hier soir. Je me jetais à l'eau sans m'embarrasser de quelconque salutation :
"Comment es-tu entré ? Lui demandais-je sur un ton qui se voulait plein de reproches et peut importe si ça lui rendait les choses plus difficiles, elles ne l'étaient pas pour moi non plus !
-Par la fenêtre. J'ai attendu qu'il fasse jour, je ne voulais pas me faire repérer par un des déterrés qui montaient la garde aux alentours hier soir. Je préférais laisser passer la nuit et retrouver mon calme avant de venir te voir. Je sais que j'aurais dû attendre ton réveil, venir frapper à ta porte et que tu m'invites à entrer, mais je n'étais pas sûr que tu ai envie de me voir, mais il faut qu'on parle.
- Ca fait longtemps que tu me regardes dormir ?
- un petit moment.
- Amélia est sortie ?" Tout en le questionnant, je me levais pour rejoindre la petite salle de bain attenante à ma chambre et vérifier dans le miroir si en dépit de mon manque de sommeil, j'avais toujours une apparence humaine. Je tentais de gagner un peu de temps pour trouver que j'allais lui dire, mais au fond de moi, je savais pertinemment que ce n'était pas ces quelques secondes de papotage qui allaient m'apporter la réponse idéale…
"Oui, elle et partie en voiture il y a environ 1 heure." Le silence recommençait à s'installer
"Sookie …"commença t-il alors que je rejoignais ma chambre, mais les mots semblaient lui manquer.
Je savais déjà ce qu'il comptait me dire, pas besoin de lire dans son esprit pour ça, sa mine désolée en disait assez long ! Pendant ses deux mois d'absence, Quinn m'avait tant manqué, j'avais tellement eu peur qu'il ai eu des ennuis ! Et j'étais furieuse contre lui : furieuse qu'il m'ai laissé aussi longtemps sans nouvelle, furieuse qu'il m'ai mise… qu'il nous ai mise (parce qu'il ne fallait tout de même pas oublié qu'il avait embarqué sa sœur Frannie et ma coloc Amélia dans toute cette histoire) dans une situation aussi périlleuse le soir précédent. Malgré tout, en le voyant là devant moi, j'avais du mal à lui en vouloir. Je n'ai pas pris la parole, je ne savais pas si j'allais l'incendier ou tout lui pardonner, je préférais le laisser se débrouiller avec ses sentiments, et attendre qu'il reprenne lui-même la parole, pour me donner sa version des faits.
"Je suis désolé que les choses aient pris cette tournure !" Son ton était plein de remords.
"Et tu penses que ces trois mots vont suffire à tout effacer ? Deux mois sans nouvelles, pas de réponse à mes coups de téléphone et hier soir tu envoies ta sœur pour s'expliquer à ta place, avant de débarquer avec tous ses vampires ? Tu te rends compte des risques que tu lui as fait courir ?" (c'est vrai que je ne portais pas Frannie dans mon cœur, mais elle n'était pas très débrouillarde et plutôt sans défense. Je n'ose pas imaginer ce qui lui serait arrivée si les vamps l'avait attrapé avant qu'elle n'arrive chez moi).
"Il fallait que je te prévienne, qu'Amélia et toi vous mettiez à l'abri. Je n'avais pas prévu que tu laisserais entrer le danger chez toi en invitant Eric et Bill.
- Ne change pas de sujet en mêlant Eric et Bill à notre conversation. Il s'agit de toi et moi. Et ne me fait pas non plus passer pour la fautive alors que c'est toi qui à des explications à me fournir.
- Frannie t'as déjà tout expliqué hier soir. Qu'est ce que je pourrais ajouter de plus ? Je n'avais pas le choix, il tenait ma mère ...
- Mais tu aurais pu trouver un moyen de me prévenir plus tôt, me donner des nouvelles de toi dès que tu es parti à la recherche de ta mère. J'aurais peut-être pu t'aider... à vrai dire, j'aurais aimé que tu me demandes de t'aider.
- Je ne voulais pas t'impliquer dans cette histoire, c'est ma famille.
- Et moi, quelle place j'occupe à tes yeux ? Je croyais que nous deux c'était spécial ? près tout ce qui c'est passé à Rhode, tu refuses de m'impliquer plus que ça dans ta vie ?" Je sentais déjà les larmes me monter aux yeux, mais je tentais de me retenir, hors de question de jouer les pleurnicheuses devant lui !
"Je ne voulais pas te mettre en danger. Tu as eu ton compte à Rhodes. De toute façon, tu avais tes propres problèmes à régler. Ce lien du sang avec Eric. Mais malheureusement pour moi, le Viking est toujours là à tourner autour de toi. A moins que ce soit moi qui me trompe et que tu l'ai choisi lui ?
Je sentais la colère monter en lui à la seule évocation du nom d'Eric. Voilà qu'il recommençait à tout mélanger ! Quinn était venu me demander pardon, mais notre conversation tournait à la crise de jalousie, je n'en croyais pas mes oreilles.
"Non ! Je n'ai pas choisi Eric, comment peux tu remettre ça sur le tapis ? Ca n'a rien à voir avec ce qui c'est passé hier soir ! Tu n'étais pas là ces deux derniers mois, lui si, à chaque fois que j'ai eu besoin de lui! Je ne suis pas amoureuse de lui, je ne sais pas comment t'expliquer ce qu'il y a entre lui et moi, c'est à cause de ce fichu lien du sang. Crois-moi je fais ce que je peux pour essayer de rester moi-même, je ne veux pas que ce lien prenne le pas sur ce que j'éprouve. Je sais qu'avec le temps il s'atténuera."
C'est vrai que je ne pouvais m'empêcher d'être attiré par Eric, mais au fond de moi, je m'interrogeais. Je ne savais pas si mes sentiments étaient réels ou s'ils étaient liés au sang qu'Eric et moi avions échangé à Rhodes. Pour l'avoir connu de manière plutôt intime, je reconnais que ce de côté j'avais une certaine attirance pour lui, mais qu'en était-il du reste ? De mes sentiments ? Avait-il plus d'importance que Quinn à mes yeux ? Je ne connaissais pas la réponse, j'étais perdu. Ce dont j'étais certaine en revanche pour en avoir déjà fait l'expérience, c'est qu'après un certain temps, ce lien s'estompait et devenait moins fort.
" Combien de temps ? Je refuse de te partager avec lui.
- Je n'en ai aucune idée, mais je ne peux pas être avec vous deux en même temps, je ne veux qu'un seul homme dans ma vie. J'essaye de faire un choix. Pour l'instant j'avoue que je suis complètement perdue (à vrai dire, sur ce point, la situation n'avançait pas d'un pouce depuis le sommet des vampires et j'aurais vraiment voulu de l'aide pour essayer d'y voir clair).
Subitement, le ton de Quinn changea, son regard qui ne m'avait pas quitté jusque là se perdit dans le vide comme s'il avait honte de ce qu'il allait m'annoncer :
- Ca aurait été si simple, s'il n'avait pas été dans ta maison hier soir. Si simple de laisser les vampires du Nevada se charger du clan de Shreveport sans que tu y sois mêlée ! Aujourd'hui tu n'aurais plus besoin de faire un choix; Eric aurait probablement rejoint sa reine... »
Sa phrase m'avait fait l'effet d'une douche froide, il l'avait certainement remarqué à mon changement d'expression. Le pacte qu'il avait conclu avec le roi du Nevada ne lui servait pas seulement à sauver sa mère, il pensait également pouvoir se débarrasser d'Eric, il le haïssait depuis qu'il avait appris notre "histoire commune". Je ne savais plus quoi penser de l'homme que j'avais en face de moi, qu'il puisse aller si loin pour me garder auprès de lui, c'était assez effrayant. Pendant un moment, j'imaginais la scène et je sentis mon sang se glacer dans mes veines ! Je me noyais au milieu de la multitude de sentiments que j'éprouvais pour Quinn et Eric.
Je ne savais que répondre à ce que je venais d'entendre. Sans était trop, je ne pouvais plus les retenir, mes larmes coulaient à présent doucement le long de mes joues.
"Quinn, je ne veux pas te perdre, mais je ne peux pas être avec toi, alors que moi même j'ignore vers qui va mon cœur. Tu mérites mieux... Il faut que je fasse un choix, mais j'en suis incapable maintenant, j'ai besoin de recul, il faut que tu me laisses du temps.
- je vois... " Il était manifestement déçu par ma réponse, il s'attendait à ce que mon choix soit déjà fait. Que mon choix se porterait vers lui. Je sentais la colère monter en lui tandis que ses prunelles se teintaient de reflets dorées, le félin prenait le pas sur l'homme...
"Et bien ça n'est pas la peine de continuer à discuter, il n'y a rien à ajouter. Il vaut mieux que je m'en aille.
- Non attends, Quinn, s'il te plaît..."
Mais déjà, il disparaissait par la fenêtre.
Je retombais sur mon lit en sanglotant et y restais allongée un bon moment. Je me détestais intérieurement de faire souffrir cet homme qui tenait tant à moi. Mais qu'est ce qui clochait chez moi ? J'avais d'un côté un homme qui avait toujours été adorable et m'avait toujours protégé, et de l'autre, un vampire manipulateur et imbu de sa personne dont je n'étais même pas sûre de la véracité des sentiments ! Seulement voilà, le cœur à ses raisons, que la raison ignore… Encore faudrait-il que ce soit vraiment mon cœur qui parle ? En me relevant de mon lit, Je me promettais de faire tout mon possible pour différencier ce que voulait mon cœur de ce que me dictait mon sang et j'espérais en être capable. Il me fallait reprendre le contrôle de ma vie sentimentale et y remettre de l'ordre.
Après avoir pris une longue douche bien chaude (Heureusement qu'Amélia avait déjà pris la sienne, j'avais probablement vidé le ballon d'eau chaude), je me hâtais de m'habiller et de me maquiller pour tenter de camoufler mes yeux rouges et ma mine de zombie. Au vu de ma discussion pour le moins houleuse avec Quinn, qui m'avait laissé un énorme nœud à l'estomac, je préférais faire l'impasse sur le petit déjeuner. Je ne prenais mon service chez Merlotte que ce soir, il me restait donc une partie de l'après midi de libre. Je décidais de passer voir Nikkie à son magasin, histoire de me changer les idées.
En sortant de la maison je gratifiais Bob d'une petite caresse et d'un « bonne journée mon chou », puis je pris ma voiture en direction de la petite galerie commerciale de Bon Temps.
