CHAPITRE 1
Rose Parkson ouvrit ses volets en ce jour du 4 avril 1919 alors que le soleil commençait son ascension. La voix de son amie lui parvint alors qu'elle refermait la fenêtre, elle soupira tout en passant ses doigts dans ses boucles blondes désormais coupées courtes. Son reflet lui sourit pour la première fois de la journée, elle commençait à s'habituer à sa nouvelle coupe de cheveux. Ce sacrifice lui avait rapporté cent dollars et dans sa situation cet argent avait été bon à prendre. Elle s'habillait à la va-vite, le choix était simple, deux tenues qui tournaient régulièrement. Sa vie à présent s'était considérablement simplifiée, se dit-elle tout en se mordant la lèvre inférieure, « mais je ne pourrais pas rester ici encore bien longtemps » et sur cette pensée regarda ses économies, encore maigre. « Je vais refaire le tour des logements en location, voilà ... et ensuite j'irais au travail ». Décidée Rose sortit de sa chambre d'un pas ferme.
- Ah Candy ! j'espère ne pas avoir fait trop de bruit ... oh pardon j'ai oublié ... Rose ! elle leva les yeux au ciel, décidément je ne m'y ferais jamais.
- Ça viendra. Comment va ... Grand-Mère ?
- Je vais bien ma petite, je vais bien ! je ne vais pas me plaindre ! je suis entourée de ma petite fille Patricia et de toi Candy, je suis la plus heureuse des grand-mères. Candy piqua un fard sous le compliment tandis que Patricia souriait. « Elle s'est bien remise de la disparition d'Alistair » se dit Candy tout en attaquant un œuf au plat préparé par Miss Johnson, unique domestique de la maison.
- Je ... je vais faire le tour des maisons ou appartements à louer commença Candy, je ... elle fixa Patricia qui à son tour la regardait, quelque part comme chagrinée. Je ne peux pas rester ici ... je dois me débrouiller toute seule. Tu sais que je n'aime pas dépendre de qui que ce soit.
- Candy tu sais que tu peux rester tant que tu veux. Grand-mère et moi ... tu nous apportes de la joie, ta bonne humeur nous régale et ...
- Oui je sais bien ... mais ça me gène et ... et surtout ...
- Surtout tu ne voudrais pas que Niel Legan remonte ta piste jusqu'à nous c'est ça ?
Candy à ce nom se sentit rougir. Elle hocha la tête affirmativement. Patricia ... il ne le faut pas et tu le sais bien ! je croyais que tu avais compris !
- J'ai compris que tu as fui parce que tu l'aimes Candy. Tu l'as fui (elle remua les mains) et je te comprends ... à cause de sa famille ... mais tu as pensé à lui ?
- Il se retrouvera bien vite une autre fille Patricia. Dans ce milieu ce ne sont pas les bons partis qui manquent. Je n'étais qu'un petit défi à ses yeux, un jeu sans importance et je ne veux plus souffrir comme par le passé.
Patricia se mordit la langue. « Non ce ne sont pas les bons partis qui manquent, mais l'amour, le vrai ... oui ça c'est sûr en revanche que ça manque ». Elle s'assit, soudain songeuse.
Patricia avait accueilli Candy sans difficulté. Prévenue une semaine plus tôt par courrier qu'elle allait s'établir en Floride, (à Miami afin de tourner définitivement la page de sa vie passée) elle lui avait préparé le terrain et fait quelques recherches sur les hôpitaux de la ville. Candy y était allée dès le lendemain de son arrivée avec la recommandation du Docteur Léonard de l'hôpital Ste-Johanna de Chicago dans sa poche et avait réussi à trouver une place d'infirmière dans le meilleur hôpital de la ville. Elle s'était fait embaucher sous l'identité de Rose Parkson.
Tout en se dirigeant vers le centre ville afin d'y prospecter un logement, elle laissa ses pensées vagabonder, et celles-ci invariablement la ramenèrent à l'année passée, au mois d'Août plus exactement, là où sa vie avait prit une tournure particulière.
C'était le mois d'Aout, la guerre en Europe n'occupait plus la Une des journaux, la vie s'écoulait à nouveau calme dans la ville de Chicago. Candy avait reprit des forces grâce à son lieu fétiche, la Maison de Pony. Là, l'Oncle William, Annie et son fiancé Archibald André, tous s'étaient retrouvés dans la joie et la bonne humeur et Candy avait réussi à oublier un temps ses ennuis avec la famille Legan. Quelques jours plus tard tout était redevenu « normal ». Train-train entre son travail à la Clinique du Docteur Martin et son domicile désormais trop vide, depuis qu'Albert l'eut déserté pour rejoindre son fief familial. Niel Legan s'était fait oublié durant la première semaine de son retour à son grand soulagement. Se fut de courte durée. Elle crut tout d'abord que son esprit lui jouait des tours en croyant l'apercevoir au détour d'une rue, face à son domicile, quand ce n'était pas sa silhouette elle se croyait suivie par sa voiture. Les semaines passant elle se sentit de plus en plus surveillée.
Alors qu'elle fermait la clinique du Dr Martin en ce début du mois d'Aout, une voiture rutilante et neuve se gara juste à côté d'elle puis se mit à la suivre. Candy inspira, son cœur accéléra et son cerveau s'occupa à élaborer des tas d'hypothèses. Elle entreprit alors d'accélérer le pas alors que deux portières se rabattaient, inquiétant. La clinique était un petit peu à l'écart du centre ville, elle prit alors ses jambes à son cou et là alors qu'elle allait tourner dans une grosse artère, elle sentit deux bras puissants l'enserrer puis une main appliqua sur son visage un mouchoir. Aussitôt elle se débattit mais rapidement l'oxygène vient à manquer et elle inspira. Une douce torpeur l'envahie alors et elle sombra dans un profond sommeil.
Lorsqu'elle reprit ses esprits elle ignorait totalement où elle se trouvait. Son esprit était totalement embrumé. Un vague ricanement lui parvint. Elle ronchonna. Puis au fur et à mesure son cerveau se remit à fonctionner normalement. Elle ouvrit les yeux et constata qu'elle ne portait plus ses habits ... que la pièce dispensait une lumière douce et blanche, et qu'elle se trouvait dans un lit à baldaquin majestueux. Elle balaya la pièce, son cerveau en alerte maximum. Qui ? elle ne connaissait qu'un garçon capable de cet acte ignoble, celui qui était l'objet de ses hallucinations, Niel Legan. Enfin elle distingua une silhouette devant la porte fenêtre dont les rideaux blanc étaient tirés, cette silhouette ... une couleur rosée envahie alors ses joues.
- Qui êtes-vous ? Souffla t-elle, alors que la colère suintait à travers cette question.
- Tu le sais très bien (rire narquois reconnaissable entre mille). Niel ... espèce de ... tu n'as pas osé !
- J'exige que tu me ramènes immédiatement ! siffla t-elle, si tu crois que ... si ... la colère à moins que ce soit le chloroforme, l'empêchait de formuler ses phrases correctement. Tu m'entends ?
- Je te ramènerais uniquement lorsque tu m'auras dit « oui » devant le prêtre et le Maire de la ville.
Candy était restée abasourdie.
- Tu as commis un crime, tu le sais au moins ?
- Je suis prêt à tout, j'ai toujours eu ce que je voulais et à présent, c'est toi que je veux.
- Je ne te veux pas, je ne te voudrais jamais ! (elle s'était levée et faisait le tour des possibilités d'évasion). Elle s'approcha de Niel et jeta un coup d'œil rapide. La vue était imprenable mais l'évasion par ce chemin totalement inenvisageable du fait de la hauteur de l'édifice.
- Tu comptes peut-être sauter ? Il rit tout en faisant le signe de se rapprocher de lui. Candy détourna la tête. Je t'en prie ... Elle obéit soudain, par défi. Des rochers tranchant comme des dents de requin entouraient en rang serré la demeure. Il lui souffla fielleux « On ne me piège pas deux fois ma petite Candy, ça m'a servi de leçon ». Elle soupira tout en se mordillant la lèvre inférieure. Comment vais-je me sortir de là ?
- Et tu comptes me garder prisonnière combien de temps ? Elle lui jeta un coup d'œil rapide. Jusqu'à temps que je te cède c'est ça ?
- Exactement. Il sentit le vent du désir souffler ardemment en lui. Elle avait serré ses bras autour d'elle pour se protéger de son regard mais c'était insuffisant. Même ses cheveux emmêlés, son visage fatigué, elle était toujours aussi attirante. Il s'obligea à un énorme self contrôle car l'envie de la bousculer, de la coucher sur le lit, de l'embrasser et plus luttait en lui contre sa propre raison. Pas maintenant ... se répétait-il. Il s'écarta d'elle et sortit de la pièce.
Elle entreprit de chercher quelque chose pour la recouvrir plus hermétiquement. Dans le placard de sa chambre, le plein avait été fait. Il regorgeait de robes élégantes à la découple simple et minimaliste et donc chères, mais aussi de tenues plus simple, et un peignoir. Elle se renfrogna, pas de trace de ses affaires, ni de son sac. La guigne ! Je vais devoir rester ici jusqu'à temps que je sache où il se trouve !
Évidemment rien de ses affaires nulle part. Elle ouvrit une porte et tomba sur une magnifique salle de bain (elle apprendra plus tard que chaque chambre en était pourvue). Elle se lava puis enfila les vêtements les plus simples qu'elle puisse trouver. Une fois habillée, lavée, son estomac lui rappela aussi qu'elle avait faim. Un cordon avec à son extrémité un pompon courrait le long du mur, contre l'une des colonne du majestueux lit. Elle tira.
Une femme de chambre d'un certain âge arriva bientôt. Candy détestait passer pour une maîtresse de maison mais là pas le choix. Elle lui demanda un petit déjeuner tout simple. Elle fût servie assez rapidement mais le repas fut copieux bien au-delà de ce qu'elle avait demandé. Candy lui dit qu'elle n'avait pas demandé autant mais la domestique lui expliqua qu'elle n'avait qu'obéir au Maître des lieux. Candy lâcha un soupir.
Une fois l'estomac plein elle décida de partir à la découverte de sa prison. Elle traversa deux salons, une ou deux bibliothèques, des chambres, entrevit au minimum deux salles de bain, et au fur et à mesure sa colère montait ... qu'avait-il fait de ses affaires ?
Dehors il faisait un temps magnifique et elle eut envie d'aller explorer le parc. Ça va peut-être me calmer et si je mets la main sur Niel ... elle se mordit la lèvre car soudain l'idée de lui assener une gifle ne pouvait plus faire partie des actes possibles. Elle détestait cette idée d'être à sa merci or c'était bien ce qui se produisait. Candy souffla, luttant par la même occasion contre l'envie de pleurer. Elle n'entendit pas la venue de son tourmenteur.
- Magnifique n'est-ce pas ?
- ...
- Tu te trouves dans l'une de nos résidences d'été de la famille Legan continua t-il sur un ton pompeux. Il glissa un coup d'œil en biais, un sourire calculateur vissé sur son visage légèrement hâlé. Il lui souffla ironique « Tu voudrais bien savoir où tu es n'est-ce pas ? »
Qu'est-ce que je lui réponds ... ? Nan ça ne m'intéresse pas ... en revanche où sont mes papiers pour que me sauve d'ici ... SI !
- Qu'as-tu fais de mes affaires ? persiffla t-elle, tendue.
- Je ne suis pas naïf vois-tu ... tu les auras ... avec le reste.
- Tu ne peux pas me retenir ici contre mon gré !
- Si ... je le peux, bien évidemment que je le peux !
- Je ne t'aimerais jamais Niel et même si ... ta famille est si ... si ... abjecte, si méchante, si ... JAMAIS tu m'entends ! Elle vit la grande allée et ses jambes mues comme par une volonté invisible s'élancèrent à corps perdue jusqu'à son extrémité mais elle fut obligée de s'arrêter bien avant, toute essoufflée. Alors qu'elle reprenait son souffle une voiture se rangea à son côté. Niel s'arrêta, amusé.
- Si ma future épouse veut bien monter ... même si je ne suis pas contre que tu fasses un peu de sport pour garder la ligne, je crains un malaise et la trousse de secours est à l'intérieur. Monte. Le ton ne permettait aucune réplique. Candy encore transpirante sous l'effort, rechercha encore une fois un moyen de s'y dérober mais il fallait se rendre à l'évidence, pas d'échappatoire là non plus possible.
Il lui fit la visite guidée du domaine, immense. Ainsi la maison se situait à Beaufort dans l'état de la Caroline du Nord, donc pas la porte à côté de Chicago. Elle avait été construite un siècle plus tôt. Pour sa tranquillité feu son grand-père avait protégé le côté mer par ses rochers, modifiés pour les rendre dangereux. La saison lui donnait une quiétude agréable, loin de l'agitation à laquelle elle était habituée dans sa ville de Chicago. Il lui apprit aussi que cinq domestiques vivaient ici toute l'année prêt à accueillir sans crier gare sa famille si l'envie lui prenait de venir y passer quelques jours.
- Et les mercenaires qui m'ont enlevé ?
- Disons que c'était un contrat et que tu ne les reverras plus jamais ... sauf si bien entendu tu décides d'en faire qu'à ta tête.
Elle pinça les lèvres mais ne répondis pas.
- Bien ! nous avons fait le tour. Je te laisse libre de faire ce que tu veux, je pense que tu as compris que toute tentative d'évasion est impossible. Pour ma part je serais en déplacement dès ce soir.
- Tu vas me laisser seule ici ? Hourra ! je vais pouvoir chercher mes affaires et hop ... surprise ! je ne serais plus là à ton retour ! Niel devait en revanche avoir un lecteur de pensées automatique car il se mit à rire.
- Non ... non tu ne t'imagines tout de même pas ... si ? il arqua les sourcils jouant la surprise à fond. Tu crois que tu vas pouvoir mettre à profit mon absence pour retrouver ton sac, tes papiers et tes affaires ? Candy le fixait, visiblement furieuse d'avoir été percée à jour. Tes affaires sont en lieu sûr, personne d'autre que moi sait où elles sont. Tu vas devoir m'attendre bien sagement, et être obéissante. Mes domestiques ont des consignes à ton égard et tout ce que tu feras, ou ne feras pas, me sera communiqué. Il la considéra goguenard. Tu vas être forcée de plier ma petite Candy, il soupira mais la lueur de son regard ne trompait personne. Je sais que ce n'est pas dans ton tempérament d'obéir, ça a toujours été d'ailleurs murmura t-il ironique, mais là ... vois-tu j'ai tout mon temps, je peux rester ici et y vivre indéfiniment.
- Ah oui ? Mes amis vont s'inquiéter de ne pas me voir, ils vont prévenir la Police.
- Hum ... certes mais quelqu'un sait où tu es et m'a donné son accord. Évidemment la clause implique que je ne dois pas te faire du mal, dans une certaine mesure ... laissa t-il planer en l'air.
Niel quitta la splendide demeure après le dîner qui se déroula dans un silence religieux. Alors qu'il regagnait le Ranch ses pensées le ramenait à cette fille blonde qu'il avait tant tourmenté par le passé, un sourire accroché à son visage hâlé. Avant de mettre son plan à exécution il avait prévenu la personne désormais qui portait le destin de la famille André sur ses épaules, l'Oncle William. Il prit avec précaution un des virages et repensa tout en fixant son attention sur la route à cette unique rencontre.
C'était le vendredi dernier, il avait téléphoné et était tombé sur Georges, l'homme de confiance d'Albert et avait demandé une entrevue qui lui avait été accordée. Une heure après Niel faisait face à cet homme qui avait entretenu le mystère une grande période de sa vie. Albert avait écouté Niel sur ses sentiments, son désir qu'il avait de Candy. Il n'était pas surpris car Candy l'avait déjà mit au courant des velléités du fils Legan. C'était la manière surtout qui l'interpelait.
- Monsieur Legan, vous comprenez bien que Candy a quelques raisons de vous fuir, n'est-ce pas ?
Niel avait un peu rougit, sa posture dévoilant un gros malaise. Il avait détourné les yeux d'Albert et avait gardé le silence. « Évidemment que oui je le comprends, je veux à présent qu'elle comprenne, qu'elle sache qu'elle ne craint plus rien de moi ! , mais comment le lui faire comprendre ... s'il est d'accord alors je pourrais faire en sorte qu'elle m'aime, je l'enlèverais et elle sera bien obligée de m'aimer ! »
- Monsieur Legan ?
- Oui ... oui répétât-il, lasse soudain. Il le fixa alors une lueur de détermination bien ancrée au fond de ses yeux ambre qui avaient la particularité de se muer en pierre noire, d'un noir aussi profond que l'Onyx. Oui je sais que j'ai énormément de « casseroles » fit-il en mettant gestuellement les guillemets mais je pense que si ... il souffla, je pense que si de gré ou de force elle est contrainte de vivre avec moi, et bien elle finira par m'aimer et ... à comprendre que je ne suis plus quelqu'un qui lui veut du mal. Albert avait hoché silencieusement la tête.
Les nuages s'amoncelaient à présent et des grosses gouttes de pluies s'abattirent sur le pare-brise de sa voiture neuve et rutilante. Niel ronchonna car le Ranch n'était pas encore pour maintenant et vu les conditions il lui serait prudent de s'arrêter. Il passa encore deux bourgades avant de se décider à s'arrêter dans un hôtel de moyenne classe. Pour une nuit cela suffirait bien, il restait une bonne centaine de kilomètres avant Chicago et encore la moitié de cette distance pour arriver enfin au Ranch.
Allongé sur son lit qui grinçait à cause des ressorts fatigués il fit un cent quatre-vingt degré de son lieu de transit. Un lavabo petit et qui ne datait pas de ce début du vingtième siècle, des vitres qui portaient les stigmates des intempéries pour une bonne dizaine d'année au moins. Il avait vérifié, les draps étaient revanche irréprochables. Le sommeil le chercha puis enfin le trouva et Niel sombra dans une autre réalité.
Candy elle aussi s'était couchée, en proie à une seule idée, s'enfuir de ce lieu paradisiaque. Tous les domestiques étaient prévenants envers elle, là n'était pas la question, mais être prisonnière de Niel pour le long terme la révulsait. Elle fit la moue, non pas que ça la révulsait vraiment en fait, parce qu'indéniablement il était devenu très agréable à regarder, surtout depuis qu'il arborait cette assurance qui auparavant l'agaçait au plus haut point. Bon d'accord, cette assurance l'énervait, ok, mais il y avait quelque chose d'autre, et c'est ce « quelque chose d'autre » sur lequel elle n'arrivait pas à mettre une étiquette qui la rendait nerveuse. Elle tourna dans son lit aux draps frais, la fenêtre légèrement ouverte, le bruit des vagues s'écrasant contre les rochers ponctuant de temps à autre le silence. Elle chercha à s'endormir par divers moyens : la relaxation, ça ne marcha pas la maison de Pony : non plus Niel ... « Non pas encore Niel ! Niel si, Niel ça ... toujours Niel !» et à un moment alors que le sommeil jouait infatigable au chat et à la souris, Candy sombra enfin dans les rêves.
Les rêves sont instables et malicieux par nature car parfois ce que nous détestons le plus, s'y trouve, et attirant qui plus est. Niel était aux avant-poste et s'amusait avec elle dans une sorte de labyrinthe. Des mains la saisissait mais sans brutalité bien au contraire et Candy remarqua qu'au lieu de les fuir elle s'amusait à présent à volontiers se laisser attraper. C'était un délice. Enfin jusqu'à ce que leur propriétaire se dévoile car lorsqu'il le fit le sol se muât en sables mouvant, l'entraînant par le fond. Candy chercha à s'accrocher à quelque chose et alors qu'elle parvenait à saisir un poignet, elle se réveilla. La lumière de sa chambre était allumée et Betty, une femme noire d'un certain âge la fixait inquiète.
- Bonjour fit Candy d'une voix hachée.
- Ah Mademoiselle va bien ?
- Oui ... je ... je suis désolée, j'ai fait un cauchemar ...
- Je vous ai entendu du rez-de-chaussée.
- Désolée ...
- Ne soyez pas désolée, je suis venue voir si tout allait bien.
Betty partie, Candy replongea dans un sommeil nettement moins agité et profond.
Niel quant à lui avait très mal dormi. Il se demandait si Candy n'avait pas cherché à s'enfuir en tout premier lieu, mais ça ça l'aurait bien étonné car cette fois il avait prit ses précautions. Il rit en se rappelant sa réaction lorsque Candy avait sauté dans le lac, oscillant entre l'admiration et la fureur. Il s'était alors juré qu'il obtiendrait ce qu'il désirait par n'importe quel moyen. C'était cette même détermination qu'Albert avait vu. Ce dernier lui avait demandé ce qu'il comptait faire et Niel lui avait exposé son plan. Il n'avait pas caché à Niel sa réticence. Niel avait alors argumenté que Candy serait toujours sous sa protection, qu'elle ne manquerait bien évidemment de rien et qu'il avait veillé à ce qu'elle ne se mette pas en danger. Dans leur discussion bien évidemment l'épisode du bain forcé dans le lac avait été évoqué.
- Et si Candy pour finir ne vous aime toujours pas ?
- J'abandonnerai. Il avait presque craché ce mot tant la défaite dans l'acquisition de ce qu'il voulait lui était étrangère.
- Je vous avouerai que je ne vous connais que très peu, et ceux par qui je vous connais font de vous quelqu'un de très peu sympathique, voire hautain et imbu donc de vous-même, soit ... des qualités aux antipodes de ce qu'est Candy, vous l'avez perçu je suppose ?
Niel regarda dehors et son attention tomba sur un chêne plus que centenaire, impressionnant par la taille et qui donnait sur la fenêtre. Il y avait un silence presque irréel dehors alors que le soleil atteignait son zénith.
- Je sais et j'ai bien l'intention également de travailler sur moi-même, il le faut de toute façon, mon père souhaiterait faire de moi son successeur dans les affaires. Il soupira. Candy occupe toutes mes pensées depuis presque un an déjà. Il changea de position et s'enfonça plus profondément dans le fauteuil en cuir.
- Hum ... racontez moi ça voulez-vous ?
Et Niel avait raconté.
L'oncle William regardait ce garçon qu'il n'avait jamais apprécié comme les membres de la famille Legan en général. Même le chef de famille ne lui était pas sympathique. Il avait toujours trouvé trop laxiste quelque part dans sa façon de diriger son clan et il avait laissé trop de liberté à son épouse. Albert frissonna, la mère de Niel dès qu'il l'avait rencontré, il l'avait cordialement détesté. Elle représentait ce qu'il exécrait par dessus tout : la suffisance grâce à la naissance. Il revint sur Niel et s'obligea à la réflexion. Bien ce garçon semblait pour une fois, sincère. Il l'aimait bel et bien. Candy il était certain que non ... mais malgré son manque d'expérience envers les femmes, Albert savait que certaines changent d'avis et que rien n'est définitif et puis Candy avait un goût certain envers les garçons rebelles et Niel venait d'entrer dans cette catégorie en affrontant sa famille dans son choix amoureux. De zéro sur l'échelle de considération qui comportait dix paliers, Niel en franchit deux d'un coup. Après tout pourquoi pas ? Et au moins Candy serait à l'abri du besoin et il cesserait lui, de se faire du soucis à son égard. Il fronça les sourcils, bien sûr il resterait à mettre hors d'état de nuire, les deux pestes : Élisa et sa mère mais ça ... ce n'était qu'un détail que les hommes de la famille peaufineraient au moment venu.
Niel était sorti de l'entrevue, ravi. Il s'était ensuite dirigé vers un bar à la devanture tapageuse mais connu pour sa fréquentation douteuse. C'était non loin de là que Candy était intervenue alors qu'il subissait l'agression des trois voyous. Il avait choisi sa main d'œuvre avec soin. Les brutes épaisses et à l'air violent déjà étaient mises à l'écart, étaient arrivés deux individus louches mais néanmoins assez classes qui lui plu tout de suite, et il les avait engagés leur donnant toutes les garanties.
Le Ranch était à une trentaine de kilomètres et il n'ignorait pas que la Maison de Pony était sur sa route. Il sourit en lui-même et décida d'y faire une halte, prétextant l'envie de boire quelque chose ce qui était justifié vu la température qui commençait à se faire sentir. Se fût Sœur Maria qui lui ouvrit. Niel se justifia mais tût qu'il connaissait une des plus célèbre pensionnaire de l'établissement. Il découvrit ainsi l'Orphelinat dans lequel cette fille (pour lequel son cœur était désormais lié) avait vécu. Il avisa une photo toute neuve, bien encadrée et il y reconnut Annie et Archibald, Candy totalement heureuse et dans son élément, la sœur qui l'avait accueilli et la Directrice à pressent âgée de la structure. Un homme fixait presque à contre cœur l'objectif, c'était Albert alias l'Oncle William.
- Ah ! vous regarder une photo qui a été faîte il y a une quinzaine de jours, fin juillet ! il faisait beau comme vous voyez.
Niel montra du doigt Candy mais fît comme s'il ne la connaissait pas.
Sœur Maria sourit mais conserva son air réservé.
- Ah ... c'est Candy ! elle soupira ce qui interrogea Niel.
- Hum ... on dirait qu'elle vous a causé quelques soucis, je me trompe ?
- Non ... c'est pas ça ... Candy est quelqu'un a fleur de peau, un ange ... et pourtant lors de ses dix premières années j'aurais plutôt dit un petit démon ! un vrai garçon manqué, maniant le lasso comme un cow-boy ... ah ! elle nous aura fait tourner en bourrique !
- Et elle est restée longtemps ici ?
- Oui jeune homme. Elle avait une amie, ici ... (son doigt désigna Annie), qui a été adoptée mais ça encore ... ça n'a pas été simple ... Candy voulait rester ici pour toujours avec cette amie et puis le destin les a séparé. Sœur Maria se mordit la lèvre inférieure. Je pense que c'est pour ça qu'elle a accepté d'être adoptée par une riche famille de la région.
Niel cacha un petit malaise intérieur et une chaleur qui montait en lui qui en était la conséquence.
- Et ça c'est bien passé ?
- Je ne crois pas mais Candy n'a jamais voulu faire de soucis à Mademoiselle Pony et a toujours gardé le silence là-dessus.
Niel hocha silencieusement la tête puis remercia chaleureusement son hôte et prit congé.
Il fit le reste de la route d'une traite et arriva en début d'après-midi au Ranch.
