Ch 01.01

Lundi 28 septembre

La sonnerie retentit. Pourtant il ne bougea pas. Il laissa son visage enfoui dans le creux de son cou. Elle poussa ses épaules pour l'obliger à s'éloigner d'elle. Il finit par se dégager en grognant.

- Eh, si tu veux plus, dis-le, je trouverai quelqu'un d'autre. C'est pas un problème.

- Ce n'est pas ça, lui répondit-elle en défroissant sa jupe après avoir remis sa culotte. Je ne suis pas comme toi, je ne veux pas arriver en retard en cours.

Elle passa ses doigts dans ses longs cheveux clairs pour les remettre en place.

- Pf, soupira-t-il en s'affalant sur une chaise après s'être rhabillé. Pourquoi j'ai dit oui.

- Je te rappelle que c'est toi qui es demandeur, lui dit-elle en posant la main sur la poignée de la porte. C'est toi qui a besoin de te soulager. A la semaine prochaine !

Il se leva d'un bond pour répondre mais elle était déjà sortie. Elle savait ce qu'il allait lui dire et elle n'avait pas envie de l'entendre. Elle l'entendit se rasseoir sur la chaise après en avoir balancé une autre. Elle n'était pas inquiète, elle savait qu'il attendrait encore cinq bonnes minutes avant de sortir pour rejoindre son cours. Il se moquait d'arriver en retard. Mais pas elle. Elle rejoignit rapidement la salle de son prochain cours.

Il ouvrit la porte sans prendre la peine de frapper.

- Tiens, déclara le professeur. Comme tous les lundis, monsieur DM arrive avec dix minutes de retard à mon cours, en pleine matinée. Vous faites une sieste pendant la récréation ?

- Vous plaignez pas, répondit le jeune homme, je viens.

- Pour ce que vous faites…

Sous les rires de ses camarades, DM rejoignit sa place en haussant les épaules, au fond de la salle, près des fenêtres. « La place des mauvais élèves ». Mais le jeune homme s'en moquait. Il s'était déjà fait viré de plusieurs écoles. Cependant en arrivant dans celle-ci, le surveillant général l'avait prévenu, ici les élèves n'étaient pas renvoyés. Alors quoiqu'il fasse, il était là jusqu'à la fin de l'année et de toutes façons il n'avait pas beaucoup d'autre choix. DM était sorti du bureau en haussant les épaules et en précisant qu'il viendrait seulement faire acte de présence.

Et c'est ce qu'il faisait à longueur de journée, où généralement, il dormait pendant les cours. Et pendant les intercours, il trouvait souvent quelqu'un avec qui se battre, histoire de se défouler, ce qui lui valait parfois plus d'heures de colle que de cours.

Pour l'instant, il écoutait vaguement le cours d'histoire tout en regardant dehors.

« Encore un fils à papa » pensa-t-il machinalement en regardant un jeune homme passer dans la cour. Puis, il retourna à sa rêverie lorsqu'il sursauta. Quelqu'un avait frappé à la porte et le professeur l'invitait déjà à entrer. Le surveillant général Aiolos fit la présentation d'un nouvel élève. DM se redressa avant de regarder de nouveau dehors. C'était lui qu'il venait de voir arriver. Il avait dû rêvasser trop longtemps. Le nouvel élève s'installa à une place libre. Les filles le suivirent du regard. Il leur plaisait et quelques commentaires fusèrent avant que le professeur ne demanda le calme. Le cours reprit à peu près normalement.

« Avec une particule, en plus. Prétentieux » songea DM.

Mais le nouvel élève ne s'était pas montré particulièrement bavard. Il était même plutôt très discret. Tout ce que ses camarades avaient pu tirer de lui, c'était son âge, 17 ans, comme eux et son origine, tibétain. A part ça, il ne parlait à personne.

Les élèves se contentaient de passer devant les toilettes. Les filles ne disaient rien, ça ne les concernaient pas de toutes façons. Les garçons aussi se turent mais ils durent se rendre dans les autres toilettes. Mû regarda sans comprendre pourquoi il y avait un élève qui bloquait l'accès des toilettes pour les garçons. Il voulait s'y rendre mais le jeune homme l'en empêcha.

- Faut que t'ailles ailleurs, lui dit-il en tendant la main vers le nouvel élève pour l'arrêter.

Mû recula d'un pas pour ne pas qu'il le touche. Il le fixa pendant une seconde avant de regarder la porte des toilettes puis, il s'éloigna sans un mot.

A l'intérieur, Mathias expliquait à un autre étudiant quelques règles qu'il ne connaissait visiblement pas.

- Tu n'as qu'à ranger les livres là où tu les as pris, lui répondit le jeune homme à genoux que deux copains de Mathias maintenaient par les bras.

- Il faut bien que tu comprennes, Rune, que je…

Mathias tourna subitement la tête vers l'entrée des sanitaires. Un étudiant était parvenu à entrer.

- Il fout quoi, Guido à l'entrée ? maugréa Mathias en faisant signe à un autre de ses copains d'aller le voir.

Rune essaya de se libérer mais il était fermement maintenu. Il passa sa langue sur sa lèvre blessé en levant le regard vers le nouvel arrivant. Son visage était étrangement tranquille.

- Oh, tu fais quoi, là ? lui demanda Mathias en allant à sa rencontre. T'as pas vu que l'accès était interdit.

- Il a dû manquer de vigilance. Je voudrais juste me laver les mains.

Mû regarda fixement Mathias, ses yeux verts restaient paisibles mais le jeune homme avait l'impression qu'il se moquait de lui.

- T'es nouveau ici ? (Mû hocha tranquillement la tête). Il va falloir que tu apprennes certaines règles, le nouveau. La première, c'est moi qui décide. La deuxième, lorsqu'il y a un de mes potes devant une porte, c'est qu'on a pas le droit d'entrer. Et t'as pas intérêt à cafter.

- Je ne dirais rien.

- Bien, tu peux te laver les mains puisque tu comprends vite.

Il lui tourna le dos pour retourner près de ses deux copains et Rune.

- Je n'en serais pas aussi sûr à ta place.

- Excuse-moi, rétorqua Mathias en se tournant de nouveau vers Mû.

- Cafter implique de le dire à quelqu'un. Or pour cela, il faudrait que je quitte les lieux. Ce qui vous permettrez de terminer votre « leçon » avant de disparaître et ce, avant même que je trouve un responsable. Donc, non, je n'irai pas cafter mais je ne peux pas non plus fermer les yeux.

- Alors, tu vas prendre une raclée, toi-aussi. Histoire de bien te faire comprendre mes règles.

- Voyons. Un à l'extérieur, un autre qui est parti le rejoindre mais qui n'est pas encore revenu. Deux pour maintenir celui-ci parce que sinon, c'est lui qui va vous mettre une raclée. Ce qui me reste deux adversaires. Pardon, un et demi vu que tu fais maintenir tes opposants par tes amis.

Rune se moqua de lui tandis que Mathias fulminait contre ce petit arrogant d'étranger.

- Deux contre un, continua Mathias, t'es tibétain, donc bouddhiste et non-violent…

- C'est un peu restrictif...

Mathias et son ami se ruèrent sur Mû. Mais il les esquiva assez facilement et ce, plusieurs fois. Ses deux autres amis hésitèrent. Devaient-ils lâcher Rune pour aller les aider. Seulement l'étranger avait raison, s'ils le lâchaient, Rune se vengerait des coups qu'il avait reçus. Mais la rixe s'interrompit rapidement lorsque la porte des toilettes s'ouvrit brutalement en bousculant l'un des garçons.

- Oh, Mathias, maugréa DM en découvrant presque sans surprise la scène. T'as les j'tons de m'affronter maintenant, que tu te planques dans les chiottes pour molester les autres !

- C'est pas vrai, râla Mathias, mais tu la sens à distance la baston où quoi !

- C'est l'odeur du sang que je sens, répondit DM sur un ton presque sadique.

- T'es complètement barré. On se casse !

DM avait fixé son regard sur Mû. Il avait eu juste le temps de le voir esquiver Mathias et il semblait rapide. Il se battrait bien contre lui, juste pour voir. Mathias et ses copains filèrent sans demander leurs restes. Ils connaissaient déjà DM. En à peine un mois, il s'était déjà fait la réputation d'un voyou.

- Et n'oublie pas tes deux potes à l'entrée.

Rune se releva pour les regarder sortir.

- Pour un bouddhiste non-violent… commenta celui-ci en s'approchant du lavabo.

- Etre non-violent ne signifie pas se laisser battre. (Il s'approcha de Rune). Le problème avec les blessures à la lèvre, c'est qu'elles peuvent avoir tendance à saigner sans cesse.

Il s'approcha encore de Rune jusqu'à l'embrasser sur la coupure de sa lèvre inférieure. Surpris, Rune ne réagit pas.

- Ça devrait aller, lui dit Mû avec douceur avant de sortir des toilettes.

Stupéfaits, Rune et DM le regardèrent partir.

- C'était comment ? demanda DM sur un ton plein de sous-entendus.

- Chaud et doux, comme un bonbon au miel, répondit Rune d'un ton rêveur puis, il réalisa. Je ne suis pas comme ça ! s'insurgea-t-il.

- Mais tu fais ce que tu veux, se moqua DM. En attendant, tu ne saignes plus.

Rune se regarda dans le miroir. En effet, sa lèvre ne saignait plus.

Il avait fallu à peine une heure à Rune, Mû et DM pour se retrouver devant le bureau du surveillant général. DM était affalé sur sa chaise tandis que Rune, installé à côté de lui, regardait fixement le papier lui signifiant ses deux heures de colle. La porte s'ouvrit et Mû sortit du bureau avec le même papier à la main. Aiolos en tendit un à DM.

- Tu sais ce que c'est, lui dit-il sèchement. Inutile que je me fatigue à te faire la morale, je suppose.

- Ouais, répondit simplement DM en prenant le papier. Samedi, 8 h 30, pendant deux heures.

Aiolos retourna dans son bureau en laissant les trois adolescents dans le couloir.

- Je vais me faire tuer, commenta Rune.

- Deux jours, et je suis collé.

- De quoi tu t'plains. J'me suis fais viré une vingtaine de fois dans quatre écoles différentes.

- Une moyenne de deux fois par mois, sans les vacances, commenta Rune en regardant, atterré, ce type visiblement fier de lui.

- Et cette année, je me suis fait virer dès la rentrée avant d'atterrir ici.

- Et tu es encore là ? demanda Mû.

- Aiolos m'a prévenu d'entrée de jeu, ils ne virent pas ici.

- Vraiment, commenta Mû à voix basse.

En fait d'heures de colle du samedi matin, ils devaient aider Aphrodite à la serre. Mû sembla apprécier la punition.

- C'est plutôt apaisant, commenta-t-il.

- Parle pour toi ! commenta à son tour DM en posant son troisième sac de terreau sur un établi.

- De quoi tu plains-tu ? répliqua Aphrodite en le fixant droit dans les yeux. C'est à peu près tout ce que je te demande, après je te laisse dormir.

- Oh la chance ! intervint Rune.

- C'est surtout parce que je ne veux pas qu'il fasse mourir mes boutures.

- Garce, lui balança DM en la fusillant du regard.

Finalement, la jeune fille expédia également Rune. Elle trouvait qu'il avait une influence néfaste sur ses précieuses boutures. Celui-ci râla, surtout qu'il n'avait pas prévu de livre.

- Tant pis pour toi, lui dit Aphrodite.

- Tu as raison, dit Rune à DM en s'asseyant près de lui. C'est une garce.

- Et c'est rien de le dire, répondit DM d'un ton sec.