PROLOGUE

Il est 20h30.

J'ai avalé ma soupe en prenant tout mon temps. J'ai coiffé mes cheveux et passé ma chemise de nuit.

Je m'attelle à faire le feu. Je suis heureuse d'être encore capable d'alimenter ce plaisir singulier. Je regarde d'abord le papier se recourber et bruler doucement dans un souffle, puis le petit bois s'allume à son tour, intensifiant la lumière, enfin, la buche crépite, apportant de ses flammes ensorcelantes la chaleur.

Je m'assois sur le fauteuil près de la fenêtre. Je ne cherche pas la clarté, je regarde la nuit. Nous sommes en automne, ma saison préférée. Celle où les feuilles colorient le paysage et le sol, où le froid devient prégnant et les cheminées prennent vie.

Je reprends mon ouvrage et laisse les souvenirs emplir ma mémoire, comme un rituel avant le coucher.

Je me rappelle chaque détail de mon existence : toutes mes joies, mes amis, mon mari, mes enfants, mes peines aussi, la maladie, la solitude, la déception. Mais aucun souvenir n'a la saveur ni l'amertume de mes dix-sept ans.