Bonjour, bonsoir,
Aujourd'hui, je viens vers vous avec une nouvelle fanfiction mettant en vedette une OC (Anaelle Picard). Il y a aussi apparition de Charlie Weasley.
J'ai hésité avant de la publier (Comme d'habitude me direz-vous)
Merci à MrsBrunette pour sa relecture et ses conseils ! :)
N'hésitez pas à laisser une review et bonne lecture !
Jess-Lili
Je ne sais pas quoi faire. La noirceur m'entoure. Quelle idée ai-je eu de partir comme ça ? Je n'ai jamais aimé la noirceur. Elle m'angoisse. Est-ce que le refus de mes parents justifie ce geste ? Je voulais simplement qu'ils acceptent mon choix. Je veux être dresseuse de dragons. Je dois me mettre à l'abri et vite, mais où ? La lumière d'une auberge perce la nuit. Plus je m'approche, plus elle semble miteuse, mais ça m'importe peu. Je dois fuir la noirceur. En panique, j'entre dans l'auberge. Il n'y a presque personne. Je mordille ma lèvre. J'appréhende déjà les mots que je devrai dire. Parler. Il faut parler.
- Bonjour, ma p'tite demoiselle, qu'est-ce que j'peux faire pour vous ?
Je déglutis avec difficulté. L'aubergiste me regarde un long moment. Je recule d'un pas. Je commence à regretter mon départ précipité. Je n'ai pas de bagage, je n'ai que de l'argent sur moi. Sorcier et Moldu, j'espère.
- Le chat a-t-il mangé votre langue ?
Je secoue la tête doucement. Je prends mon courage à deux mains pour lui répondre. Les yeux fixés sur le sol, je contemple le carrelage. Lorsque j'ose parler, ma voix ne porte pas. Elle n'est rien de plus qu'un souffle. J'exprime le moins de mots possible.
- Une chambre. Combien ?
- Pouvez-vous répéter ?
Je soupire. J'ose enfin le regarder. Je n'aime pas le regard qu'il me lance. Il doit sûrement se demander ce qu'une gamine d'à peine dix-sept ans fait dans son commerce à cette heure-ci. Je ne suis même pas encore majeure dans le monde Moldu. Ma respiration s'accélère lorsque je parle plus clairement. Je ne souhaite qu'une seule chose : m'enfermer dans une chambre. Je réfléchirais aux conséquences de mon geste plus tard.
- Je voudrais une chambre. C'est combien ?
- Vingt euros la nuit. Trente euros, et le petit déjeuner est inclus.
Je hoche la tête. Je regarde dans ma bourse espérant trouver l'argent nécessaire. Je sursaute quand une personne met sa main sur mon épaule.
- Laisse tomber petite. Viens t'asseoir, je te paie un verre et la chambre. Jack, tu lui donneras celle avec la vue sur la cathédrale Saint-Jean-Baptiste.
- Tu sais combien elle vaut, cette chambre.
- Fais ce que je te dis. N'oublie pas qui est le véritable patron. Viens t'asseoir fillette. Comment t'appelles-tu ?
- Ana.
Ce soir, je suis Ana. Tout simplement Ana. Il y a quelques heures, j'étais Anaelle. Maintenant, je suis Ana. Ana. Trois simples lettres qui veulent pourtant dire beaucoup de choses. Au revoir la petite fille couvée par ses parents. Je veux vivre. Je veux découvrir. Je veux être libre. Au diable les préceptes et la magie. Je suis Ana et rien d'autre. Je ne suis pas une Sorcière fraîchement diplômée. Je ne suis pas Anaelle Picard, une jeune femme de bonne famille. Je suis Ana et j'ai envie de braver les interdits.
Alors lorsque l'homme m'enjoint à m'attabler avec lui et les autres personnes présentes, j'hésite pendant un instant. Je ne les connais pas. Pourtant, quelques instants plus tard, je suis assise avec eux, un verre d'alcool entre les mains. Je le bois comme si ma vie en dépendait. Je le dépose devant moi, tandis qu'une assiette atterrit sur la table. Je ne sais pas quelle heure il est, mais la noirceur est plus que présente à l'extérieur. Je me sens oppressée, même si je suis à l'intérieur.
- Il faut manger. Pas seulement boire. Offert par la maison, ma p'tite demoiselle.
Les verres s'enchaînent. J'en perds le compte. L'esprit quelque peu embrumé par l'alcool, je réagis à peine quand une main m'effleure le dos. Je marmonne plutôt des paroles incompréhensibles, tandis que la personne continue. Quand sa main se retrouve sur l'intérieur de ma cuisse, j'ai un sursaut de lucidité. Je tente de le repousser. L'homme, Loïk, je crois, insiste. Titubante, je me lève.
- Arrêtez. Laissez-moi. Je vais aller dormir, oui. Au revoir…
Un rire s'échappe de mes lèvres. Loquace la demoiselle quand elle veut. Loïk insiste encore, je le laisse me raccompagner jusqu'à la chambre. Une fois devant celle-ci, il pose sa bouche sur la mienne, sans douceur. Un gémissement franchit mes lèvres. Même s'il est aussi saoul que moi, il a plus de force. Je n'arrive pas à le repousser ou à lui dire d'arrêter. La voix de Jack me fait sursauter encore une fois.
- Loïk, lâche la demoiselle. Elle a besoin de repos, la p'tite.
J'entends brièvement le susnommé marmonner, je me décolle du mur. Cela ne semble pourtant pas une bonne idée, puisque je tombe au sol. Jack m'aide à me relever. Il me fait penser à un père celui-là. Il m'accompagne jusqu'au lit, sans que j'offre une quelconque résistance.
- Un coup de baguette, mademoiselle et vous allez vous sentir mieux. N'ayez crainte pour cette nuit. Je protégerai votre chambre. Un sort, et le tour sera joué.
Je le regarde avec surprise. Il est donc un Sorcier, mais comment a-t-il su ? Comme s'il semblait entendre mon questionnement, il me répond.
- J'ai vu un Gallion dans votre bourse, ma p'tite demoiselle. Maintenant, prenez ceci et dormez.
Je hoche la tête machinalement. Une potion de sommeil sans rêve. Exactement ce qu'il me faut.
- Merci…
Il sort lentement de la chambre. La noirceur m'entoure et je me recroqueville dans le lit. La cathédrale fait une ombre imposante et menaçante. Pour la première fois depuis mon départ, je sens les larmes couler sur mes joues. La porte est close. Puis-je me risquer à l'ouvrir un peu pour avoir de la lumière ? Je ne peux pas utiliser ma baguette pour en faire et la seule source de lumière dans cette chambre semble être le plafonnier. Je me décide enfin à prendre la potion. Je glisse doucement dans un sommeil sans rêve. La noirceur n'a plus d'importance.
Je me réveille en sursaut aux premières lueurs du jour. Le soleil est à peine levé. La noirceur est encore trop présente. Un bruit à la porte m'a tirée de mon sommeil. Lentement, à l'aide de ma baguette, je vérifie que le sort mit par le dénommé Jack est encore effectif. C'est le cas. Je ne peux retenir un soupir de soulagement. Le bruit ne cesse pas. Il se fait plus insistant. Je me lève finalement, m'habille avec les mêmes vêtements qu'hier et ouvre lentement la porte. Il n'y a rien absolument rien. Me tournant vers le battant, je remarque une note.
« Viens dans la salle à manger. À cette heure, personne n'y est. Je t'attends. »
Curiosité ou pure idiotie ? Je n'en ai aucune idée. J'ai envie d'aller en bas. Mon plan d'hier me semble si loin en ce moment. Où voulais-je aller ? Je ne sais plus. J'ai l'impression d'être absente de moi-même. Mes pas me portent d'eux-mêmes à l'étage inférieur. Une odeur d'alcool flotte encore dans l'air. C'est plutôt d'un thé que je voudrais.
- Hé ma jolie. Viens donc t'asseoir avec nous.
Maintenant que j'y suis, j'hésite encore. Cependant, un homme vient me prendre par le bras pour me forcer à m'asseoir.
- Tu as vu mon message, Ana et tu es venue… C'est bien. Maintenant, tu vas te taire, peu importe ce qui se passe.
Je commence à avoir peur. Puis-je savoir ce qui m'a pris de descendre les rejoindre ? Les souvenirs d'hier sont confus dans ma tête, mais le souvenir de la main de Loïk sur moi suffit à raviver mon malaise et ma crainte. J'ai l'impression d'être incapable de bouger. Mes yeux s'écarquillent en remarquant le bout de bois qu'il tient entre ses mains. Une baguette. C'est un endroit fréquenté par des Moldus ! Comment ose-t-il ?
- Jack Jack n'est pas le seul à posséder ceci, ma belle. Cette baguette peut faire bien des choses. Bien des dommages. Tu dois le savoir, n'est-ce pas ? Tu ne peux pas crier, tu ne peux pas bouger. Tu es à notre merci. Un simple sort de stupéfixion peut faire bien des choses.
En ce moment, je maudis ce Jack à toutes les entités que je connais. Il avait promis de me protéger. Il avait promis de… Je ne peux pas le vouer aux feux de l'Enfer. Je suis fautive aussi, je le sais bien. J'aurais dû rester dans la chambre, mais la noirceur qui y régnait encore me faisait craindre cet endroit.
Mes yeux se concentrent sur le visage qui s'approche du mien. Mes sens semblent des plus aiguisés. Mon épiderme se hérisse en sentait des doigts sur lui. Mes yeux semblent vouloir brûler l'homme qui ose s'approcher et poser ses lèvres sur les miennes. Mes oreilles semblent à l'affût du moindre bruit. Est-ce un gémissement que j'entends ? Je ne peux pas bouger la tête pour vérifier autour de moi. Des mains partout sur moi. Des lèvres et une langue envahissent ma bouche tel des conquérants ayant acquis le plus beau et le plus grand trésor. Des mains s'approprient et salissent mon corps ; ma peau.
Je ferme mes yeux. Je dois fuir. En ce moment, j'aimerais être ailleurs. Dans mon salon, un livre sur les genoux. Mentalement, je récite tous les dragons que je connais, des plus dangereux aux plus inoffensifs. Je dois fuir ce qui se passe. Après, je partirai en Roumanie. Un grand dresseur de dragons s'y trouve. Charlie Weasley a réussi à se tailler une place de renom dans le domaine. Sa réputation et sa maîtrise des dragons ne sont pas à refaire. C'est avec lui que je veux travailler. C'est avec lui que je veux apprendre le plus beau métier du monde. J'espère qu'il accepte les apprenties… Avec mon diplôme, mes lettres de recommandation et mes notes plus hautes que la normale… Il ne pourra pas me refuser. Je veux travailler avec les dragons. Malgré les dangers que cela comporte. Les Magyars à pointes, les verts gallois, les Norvégiens à crête, les Pansedefer ukrainiens… Il doit y avoir beaucoup de personnes sur le terrain. Si un dragon s'agite, les sorts de stupéfixion sont inutiles en solo. Il faut être un grand groupe pour arriver à les contrôler. Il faut… Il faut quoi encore ? Ma tête s'embrume. Les larmes coulent sur mon visage. J'entends un fort bruit en écho, comme si je n'étais plus dans la pièce. J'entends un cri. Est-ce le mien ? J'entends le choc d'un objet sur le sol ou est-ce mon corps ? Je ne sais pas ; je ne sais plus. Je ne désire pas le savoir. Le froid qui se propage dans tout mon corps me fait craindre le pire. La noirceur m'envahit, tandis que je vois une ombre se pencher vers moi. Le noir me semble presque réconfortant et libérateur. Un ami qui vient me sauver. Qui vient me libérer.
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La pièce dans laquelle je me réveille est sombre. Je me recroqueville sur moi-même, comme pour tenter de fuir cette noirceur. Les larmes coulent sur mon visage. J'entends des bruits venir vers moi. Des voix commencent à se faire entendre.
- Tu crois… réveillée ?
- Va voir… Peut-être qu'elle… Pas dû la laisser seule…
Je tente de me fondre dans la noirceur, même si je sens mon cœur s'emballer. Une douleur se fait sentir dans tout mon corps. Je ne veux pas y penser. Je ne veux plus penser. Une ombre s'avance vers moi, tandis que la lumière envahit la pièce, me faisant fermer les yeux. Je recule légèrement.
- Petite, c'est Jack. Tu es en sécurité. Tu ne dois pas t'en faire.
Jack tente de s'approcher de moi, mais je pousse un cri de terreur qui me surprend moi-même. En tâtonnant, je cherche ma baguette. Où est-elle ?
- Ana, tu dois me faire confiance. Des hommes sont à ta poursuite. Loïk n'en restera pas où il en était. Quand je suis arrivé, tu avais perdu connaissance.
Je pose mes mains sur mes oreilles dans un geste tout à fait puéril pour ne plus l'entendre. Je ne veux pas savoir. Je veux ma baguette. Je dois pouvoir me défendre. Je dois partir et rejoindre la Roumanie et surtout, je dois oublier. Oublier les derniers jours. D'ailleurs, quel jour sommes-nous ?
- Des lettres t'attendent. Plusieurs hiboux sont venus. Ça fait deux jours qu'on attend que tu te réveilles. Je crois qu'elles viennent de tes parents.
Il pose les lettres sur le lit. Malgré mes mains j'entends ce qu'il dit. Mes parents… Les cris, la gifle, mon départ précipité et la noirceur. La noirceur partout. Ensuite… Ensuite, je ne sais plus… Le noir partout. Tremblante, ma main se détache de mon oreille pour cueillir les lettres. L'aubergiste semble comprendre mes intentions, puisqu'il se retire de la pièce, suivi par le second homme. Les premières lettres contiennent les mêmes mots : « Reviens à la maison. » La dernière, datée d'i peine quelques heures tient un tout autre discours.
« Anaelle,
Ta décision a été prise à l'instant où tu as franchi le seuil de notre demeure. Tu te crois assez vieille pour faire ce qu'il te plaît. Tu es majeure, après tout. Tu nous rabats les oreilles avec cette information à chaque fois que nous voulons t'interdire quelque chose ou te faisons une recommandation. Alors, tu dois être assez vieille pour subvenir à tes besoins. Notre porte te restera fermée, ma fille.
Il y a trois jours, tu es partie. Tu as fermé derrière toi la porte de la demeure familiale. Ne viens pas la rouvrir pour l'instant. Tes effets personnels seront acheminés au logement que tu t'es pris en Roumanie. Oui, ton père et moi sommes au courant. Tu veux devenir dresseuse de dragons, malgré notre interdiction de faire ce métier pouvant mettre ta vie en péril. Tu dois en assumer les conséquences.
Quand tu te rendras compte de ton erreur, tu pourras revenir. La place de secrétaire dans l'entreprise de ton père te reviendra toujours de droit. Il s'agit d'un emploi bien pour une jeune femme d'une bonne famille. Cela te permettra de devenir mère et d'avoir une vie familiale. Une fois mariée, ton père te remplacera. Devenir dresseuse de dragons signifie de faire une croix sur la vie que nous t'avons bâti. Tu mets notre réputation en jeu en n'en faisant qu'à ta tête. Ton futur mari n'attendait que la fin de tes études et l'arrivée de tes notes pour demander ta main à ton père. Il est bien déconfit. Tout était arrangé, ton attitude nous déçoit et met à mal notre réputation dans le monde Sorcier. Tu aurais pu marier un homme d'une bonne famille. Maxime était un parti formidable, malgré son âge. Tu aurais été en sécurité avec lui. Il ne voulait que ton bien. Tout était arrangé depuis de nombreuses années.
Cependant, tu as choisi de prendre la fuite et de n'en faire qu'à ta tête. Tu dois vivre avec tes décisions, Anaelle. À partir de maintenant, ton père et moi nous déchargeons de tout ce qui pourrait t'arriver. Nous t'avons mise en garde, nous avons tout tenté pour que tu suives le chemin que nous t'avons tracé et pour te sortir de ton mutisme. Le métier de secrétaire t'aurait permis de socialiser avec d'autres personnes et de sortir de ta bulle. Malheureusement, tu refuses de le suivre.
Bonne continuation,
Anne Picard »
Ma mère a raison. Ma décision a été prise à l'instant où j'ai franchi le seuil de la demeure familiale. Je ne veux pas de cette vie bien rangée. Le mariage, le mari, les enfants, ce n'est pas pour moi. Je ne souhaite pas vivre la vie de ma mère. Je veux vivre ma vie. Cependant, pour cela, je dois partir d'ici. Retrouver ma baguette et partir. Prendre le premier portoloin possible pour la Roumanie. Je dois oublier ma vie d'avant. Je dois oublier la petite Anaelle et devenir Ana. Oublier.
Quand Jack revient dans la chambre, il tient quelque chose dans ses mains. Cela me prend quelques instants avant de réaliser qu'il s'agit de ma baguette. En deux morceaux. Un tour chez Irma Avilov s'impose. Je prends ma baguette dans mes mains. J'ai l'impression qu'on vient de briser une partie de moi. Qu'on vient de bafouer mon âme, mon corps, mon esprit. Est-ce le cas ? Je préfère l'oubli. Quand j'ose me lever, la pièce semble tourner. Jack a le bon sens de ne pas tenter de m'aider. Il me faut quelques secondes avant que la pièce arrête de bouger. Je me dirige vers la porte, sans porter une quelconque attention à l'aubergiste et son comparse. D'ailleurs, qui est-il ? Que fait-il là ? Je m'arrête sur le pas de la porte. Le plus poli à faire serait de les remercier. Ma voix me semble étrangère.
- Merci…
Ils ne tentent pas de me retenir. Aurais-je voulu qu'ils le fassent ? Qu'ils m'empêchent de partir ? Qu'ils m'empêchent de fuir ce qui s'est passé ? Dehors, le soleil m'aveugle. Je prends une longue inspiration. Il est trop tard pour reculer maintenant.
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Irma Avilov m'accueille en souriant. Quand je lui montre ma baguette en morceaux, elle secoue la tête de dépit. Rien ne peut la réparer. Elle doit m'en attribuer une nouvelle.
- Anaelle Picard. Ancienne baguette fabriquée par Mykew Gregorovitch. Bois de Saule, ventricule de dragons, 24,60 centimètres, flexible. N'est-ce pas ?
Je hoche seulement la tête. J'ai hâte de partir, mais je sais que l'attribution de la baguette peut être longue et fastidieuse. Après deux heures d'essais et surtout d'erreurs, Madame Avilov me remet une baguette, non sans cacher sa surprise.
- Bois de pin et de charme, oui, c'est ça… Ventricule de dragons, 25,32 centimètres, légèrement flexible… Vous allez étonner plus d'une personne, Mademoiselle Picard. Elle vous convient parfaitement. Comme le dit si bien mon collègue Garrick Ollivander : C'est la baguette qui choisit le sorcier.
Je remercie la femme, paie et sors de la boutique en tenant ma nouvelle baguette dans ma main. Je regarde autour de moi, comme à l'affût du moindre mouvement suspect. Je tente de régulariser ma respiration avant de transplaner jusqu'à la place de Furstemberg. Par la suite, je pourrais entrer au ministère des Affaires Magiques et espérer avoir un Portoloin pour la Roumanie. Cependant, le destin ou le karma semble se jouer de moi. Je recule d'un pas quand mes yeux rencontrent ceux sombres d'un homme. Près de moi ; trop près de moi.
- Douce Anaelle… J'espère que tu as apprécié ton expérience… Tu es prise au piège. Sans baguette. Je n'en ai pas ter…
Avant qu'il ne termine sa phrase, je lance un sortilège informulé. Testant par le fait même, ma nouvelle baguette. Immobile, il semble me fixer quelques instants avant de tomber sur le sol. Malgré mon agitation, je réussis à me calmer assez longtemps pour transplaner sans encombre.
Lorsque j'arrive devant l'ascenseur, je dois attendre un long moment avant de réussir à le prendre. Les souvenirs semblent affluer dans ma tête. Ses yeux braqués sur moi, ses lèvres sur les miennes, sa langue s'emmêlant à la mienne, ses mains sur ma peau, caressant chaque parcelle de celle-ci, alors qu'impuissante, je ne peux qu'assister à la scène sans pouvoir crier ou me débattre. Le sol froid sur ma peau… Sur ma peau dénudée… Puis la noirceur. Cette noirceur libératrice. Cette noirceur qui m'empêche de réaliser ce qui se passe. Mon corps dans un état second. Mon esprit qui s'envole loin de tous les préjudices que vit mon enveloppe charnelle, mon esprit et mon âme. Incapable de bouger. Incapable de penser. Incapable de crier ma détresse. Je voulais seulement que tout cela cesse.
Assise contre un arbre, au centre de la place de Furstemberg, je sens les larmes couler. Plusieurs personnes passent pour accéder au ministère des Affaires Magiques. Je fixe l'ascenseur sans le voir. Je crains les ombres, je crains les hommes, je me crains. Si mes parents savaient… La précieuse réputation de Clément et Anne Picard serait détruite en un mot ; en une phrase. Pourquoi tout doit revenir à cette sacrée réputation ? S'ils savaient tout ce que j'ai pu faire pendant les vacances et même pendant l'année scolaire… Oublier la pression. Oublier. Aujourd'hui, rien n'a changé. Un verre pour oublier. Un verre pour noyer ma douleur ; pour oublier celle qui me broie le cœur depuis trop longtemps. Aujourd'hui, plus rien ne pourra l'apaiser.
J'entends des voix autour de moi, mais je veux le silence. Seulement le silence. Laissez-moi. Lâchez-moi. Laissez-moi me noyer dans la noirceur de mon cœur. Laissez-moi oublier son sourire vainqueur. Je ne veux plus entendre sa voix. Ana… Douce Ana, jolie Ana. Ana est morte cette fois. Ana n'existe plus. Anaelle s'est perdue dans cette auberge. Qui suis-je alors ? J'ai l'impression qu'il se passe des heures avant que je n'ouvre les yeux et que je trouve la force de me lever.
La dame du service doit se poser des questions, car elle me demande mes papiers d'identité et les raisons de mon départ. Je dois avoir les yeux rougis, les traits tirés. Je n'ai aucun bagage. Face à mon silence, elle se demande si elle doit m'obliger à parler. Abdiquant, elle me demande d'écrire. Ça, je peux le faire.
- Nom et prénom, je vous prie.
« Anaelle Blanche Emily Picard. »
- Âge.
« Dix-sept ans. »
- Lieu de résidence.
« France, Auvergne-Rhône-Alpes, Rochetaillée-sur-Saône. »
- Votre destination.
« La Roumanie. »
- Pour quelles raisons souhaitez-vous aller en Roumanie, Mademoiselle Picard ?
« Je veux devenir dresseuse de dragons. »
- Y a-t-il des personnes que nous pouvons contacter pour qu'elles confirment vos dires ?
« Mes parents. Ils vont vous faire un plaisir de m'interdire d'y aller. »
- Restez ici, Mademoiselle. Nous allons communiquer avec eux. Après, si tout concorde, nous vous laisserons passer. Pendant, ce temps, un elfe vous apportera de quoi vous sustenter. Vous avez l'air d'en avoir besoin.
La femme part, me laissant seule avec mes pensées. Le silence envahit la pièce. Je sursaute quand un elfe m'apporte de la nourriture. Malgré mes hochements négatifs, il insiste. Pour qu'il parte, je décide de croquer dans un fruit, découvrant par le fait même que je suis affamée. Il se passe plusieurs minutes avant que la femme ne revienne.
- Après discussion avec vos parents, nous vous laissons partir. Nous avons aussi contacté Monsieur Charlie Weasley. C'est lui qui vous accueillera à votre arrivée.
Je me lève et la remercie d'un signe de la tête. Il me semble que je me sens exténuée. La femme chargée des Portoloins m'emmène à l'endroit prévu et me désigne celui que je dois prendre. Au moment venu, je m'y accroche, comme si ma vie en dépend.
Mes pieds se posent sur un sol rocailleux. Je laisse tomber la botte au sol et regarde autour de moi. Des rugissements se font entendre au loin. Des cris aussi. Je crois qu'ils tentent de contrôler une dragonne, mais c'est trop indistinct pour que je puisse en avoir la certitude. Une voix d'homme me fait sursauter. La noirceur commence à tomber sur la réserve. Je sens la peur monter en moi et m'étreindre le cœur. L'homme n'a pas l'air enthousiasmé par ma présence. On dirait que je le dérange. Cependant, je ne bouge pas. Il ne sait pas tout ce que j'ai fait pour être ici.
- Charlie Weasley, bonsoir. Tu dois être Anaelle Picard.
Je sens son regard sur moi. Je sens qu'il semble me sonder, me juger, me jauger. En levant légèrement la tête, mon regard vert se plonge dans le sien, avant que je ne détourne le regard. Je hoche la tête et serre rapidement la main qu'il me tend. Alors ça y est, je suis sur la plus grande réserve de dragons du monde Sorcier. Mon rêve peut commencer. Envers et contre tous. Cependant, pour cela, je dois devenir quelqu'un d'autre. Être dresseuse de dragons a toujours été mon rêve, mais il sera le mien peu importe qui je suis. Je dois oublier Ana. Je dois oublier Anaelle.
- Ellie. Tu peux m'appeler Ellie.
Ana et Anaelle font parties du passé. Celui que je veux oublier. Celui dont je ne veux plus me souvenir. Me voilà devenue Ellie.
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Cela n'a pas toujours été facile. Le jugement des autres dresseurs me faisait craindre le pire. J'ai dû me battre pour accéder à mon poste d'apprentie. J'ai dû prouver ce dont j'étais capable. Je ne sais pas comment il a réussi cet exploit, mais Charlie m'a sortie de mon mutisme. J'ai combattu ma peur de la noirceur ou presque. La nuit, je me rappelle ses bras autour de moi. Ses bras rassurants. Un bouclier contre la noirceur. Une lueur dans la noirceur, avec ses cheveux éclatants. Il était là, sans poser de questions. Il se faisait seulement rassurant, sans chercher à comprendre ce qui me faisait peur. Il est trop tard pour reculer. Malgré mes interdits, malgré mon cœur en miettes, malgré mes craintes et mes peurs, je crois que je suis amoureuse de lui. Même s'il est de treize ans mon aîné. Même si tout semble nous séparer. Il n'y a que notre amour pour les dragons qui semble nous rapprocher. Je ne suis qu'une gamine imprudente. Qu'une impudente qui finira sous les crocs d'une dragonne à trop vouloir chercher le danger.
Ce n'est qu'une fois enivrée que j'ai réussi à lui avouer. Poussée par une audace que je ne me connaissais pas, je l'ai embrassé. Je lui ai avoué que je l'aimais. Même s'il a l'âge d'être mon frère, même s'il a trente-et-un ans. Même si je n'ai que dix-huit ans. Je lui ai avoué qu'il empêchait la noirceur de m'envahir complètement. Ça ne sert à rien de le cacher. Je suis amoureuse. De lui et de son calme. Du soleil qu'il apporte dans ma vie.
L'amour n'a pas d'âge. L'amour n'a pas de frontières. Ce soir-là, il réussit à faire tomber les miennes, une à la fois. Je lui ouvre mon cœur. Je lui confie mes peurs. Je lui confie mes sentiments. Je le laisse m'aimer. Je me laisse croire en ses belles paroles comme si plus rien n'existe autour de nous. Seulement ses mots, lui et moi. Ses mains sur moi, ses lèvres sur les miennes.
- Ellie… Tu es la personne qui mérite le plus d'être aimée sur cette Terre. Tu es une personne formidable, intelligente, résiliente… Tu as peur du noir, tu as peur d'être repoussante, tu espères toujours bien faire et tu acceptes difficilement les erreurs. Si tu tentais moins d'être parfaite, tu verrais la différence. Un jour, tu vas te lever et réaliser qu'il existe plusieurs nuances d'une couleur. Tout n'est pas que noir ou blanc. Ce n'est pas tout ou rien, dans la vie. Ce soir, laisse-moi te montrer que tu mérites d'être aimée. Que tu es belle. Anaelle, un jour, tu te regarderas dans le miroir et tu verras. Un jour, tu te verras comme je te vois. Un jour, tu sauras te regarder et te dire que tu mérites d'être aimée réellement. Parce que j'ai voulu ignorer ce que je ressentais, mais c'est impossible. Malgré la différence d'âge, je veux être franc avec toi. Je ne sais pas ce qui te ronge, ce qui t'empêche de t'apprécier à ta juste valeur, mais tu vaux la peine d'être aimée. Tu en vaux la peine, Anaelle. Malgré ce que tu peux penser, malgré ce que tu peux dire.
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Tranquillement, j'apprends à me connaître sous ses doigts, sous ses lèvres. Il essuie doucement les larmes qui coulent de mes yeux. Pour cette nuit, je veux bien redevenir Anaelle. Pour cette nuit, je veux bien le croire lorsqu'il me chuchote que je suis belle. Je veux bien le croire lorsque ses lèvres laissent échapper un « Je t'aime ». Je veux bien le laisser se faire une place dans mon cœur. Je veux bien le laisser découvrir mon corps parce que sous ses doigts, j'ai l'impression de me découvrir à nouveau. Du bout des doigts, je le sens suivre le contour de quelques cicatrices. Les risques du métier. Il n'a pas à savoir que certaines étaient là bien avant. Dans ses yeux, j'ai l'impression de me perdre et pourtant, j'ai l'impression de m'y retrouver, comme si j'avais trouvé mon phare dans la nuit. J'oublie où je suis, dans ses bras. Cependant, la sensation n'a rien de désagréable. Je ne sais pas où cela nous mènera, mais cela vaut la peine d'essayer et d'espérer ne pas chuter. L'oubli, ce sont ses lèvres sur les miennes. Ses mains sur mon corps. La libération. Avec lui, la noirceur ne me fait plus peur. Avec lui, la douleur n'existe plus. Je ne suis plus perdue. Tout change dans ses bras. Tout change lorsque je regarde dans ses yeux bleus. Quand j'ose aventurer ma main dans sa chevelure rousse. Tout change quand trois simples mots franchissent mes lèvres. Quand je réponds que moi aussi, je l'aime envers et contre tous.
