« Béni soit le fruit, salua Sam le chauffeur des Samuels.

Bella enfonça ses doigts dans sa paume. Chaque fois qu'elle entendait cette phrase, la jeune femme était tentée de donner une réponse qui lui aurait valu de perdre un œil.

-Que le seigneur ouvre, se résigna-t-elle.

-Vous envoyez la servante faire des courses aujourd'hui ? demanda le chauffeur.

-Oui, elle doit me ramener quelques carottes pour la soupe de ce soir.

Sam acquiesça et monta chercher la servante. Bella ramassa son panier de linge et sortit l'étendre. Ce jour-là, il ne faisait ni froid, ni chaud. Le ciel était gris et une certaine morosité pesait dans l'air. Bella regarda la servante qui attendait devant la maison des Samuels. A cause de ses ailes, elle ne vit pas son visage mais après tout, elle avait appris à ne plus être aussi curieuse qu'autrefois. Il ne fallait pas dévisager ou même regarder, il fallait baisser la tête et laver, cuisiner, ranger. C'était son quotidien, aujourd'hui Bella était une Martha. Ironique, puisque la jeune femme avait toujours été désordonnée. Pourtant, elle savait quelle chance elle avait d'être une Martha. Elle aurait pu être bien pire, une servante par exemple. Une chance. Du moins, c'est ce qu'on lui répétait à longueur de temps. Une chance. Elle n'avait pas l'impression d'avoir de la chance. Deux mois auparavant, elle avait pu montrer à ses maîtres qu'elle n'était pas cet avis. Bella avait tenté de s'enfuir mais quelqu'un l'avait dénoncé lorsqu'elle se cachait. Après l'avoir retrouvé, ils l'avaient torturé pendant une semaine entière. Pensant qu'elle avait retenu la leçon et grâce à Madame Samuels qui estimait beaucoup sa Martha, il l'avait relâchée. Bella contempla les deux servantes s'éloigner de la maison et au même moment aperçut un camion noir s'arrêter juste devant le portail. L'un des deux hommes qui en sortirent échangea deux mots avec Sam et tourna son regard vers Bella. La jeune femme sentit son esprit s'embrouiller, sa bouche devenir pâteuse et son corps défaillir. Le garde la prit par le bras et lui indiqua de le suivre sans se débattre. Elle se laissa faire, la boule au ventre pensant qu'elle pourrait retrouver l'enfer de la torture qu'elle avait vécu deux mois plus tôt :

« Mais enfin, que faites-vous ? S'écria Madame Samuels.

Le garde ne lui donna aucune attention :

-Paul ! Appela-t-elle.

Son mari intervint assez rapidement :

-Que faites-vous de notre Martha ? Demanda-t-il.

Le garde s'arrêta et tout en restant dur et froid :

-Elle ne vous appartient plus désormais. Nous avons découvert qu'elle était fertile.

A ces mots, les deux époux restèrent bouche bée. Ils connaissaient l'importance d'une femme fertile. Avoir un enfant relevait du miracle désormais. D'ailleurs eux-mêmes n'en avaient jamais eu :

« Bénis soit le seigneur »

Ils se résignèrent et laissèrent le garde fermer les portes du van derrière Bella et l'amener loin de chez eux. La jeune femme, quant à elle, n'entendit plus rien, ne voit plus rien. Ils savaient. Le peu de liberté qu'il lui restait, c'était terminé. Ils savaient tout.

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Lorsque les portes du camion s'ouvrirent, Bella ne s'était toujours pas remise du choc. Elle suivit le garde sans contester. Celui-ci la fit entrer dans un immeuble entièrement gardé par d'autres gardes de Gilead. Comment avaient-ils pu savoir qu'elle était fertile ? Tout se bouscula dans sa tête. Bella n'avait jamais eu d'enfant, aucune trace. Elle réfléchit et comprit. Il y avait bien une possibilité. Le garde s'arrêta et repartit en sens inverse en laissant Bella seule dans une pièce. Une femme d'une cinquantaine d'année entra :

« Bénis soit le fruit, salua-t-elle.

Bella ne s'entendit pas répondre :

- Que le seigneur ouvre.

Mais vit la femme sourire et comprit qu'elle n'en attendait pas plus. Elle marqua une pause et tout à coup, Bella sentit une décharge la pulvériser au sol. Elle ne put se débattre, elle souffrait terriblement. La femme cessa son acte et reprit. Le manège dura environ cinq minutes qui parurent des heures pour Bella qui finit, finalement, par s'évanouir.

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Lorsqu'elle se réveilla, elle mit quelques instants à comprendre où elle était. Lorsque la femme entra, plus aucun doute n'était permis. Bella se cramponna contre le mur de peur que la torture recommence :

-Sais-tu pourquoi tu es là, Isabella ? Demanda la femme.

-Bella, corrigea-t-elle.

La femme ne sembla pas apprécier cette correction :

-Ma chère, Isabella ou Bella, ça ne change rien, tu peux oublier ces prénoms.

C'était confirmé. Bella deviendrait une servante et ainsi comme le voulait la loi, prendrait le nom de son commandant. La servante de son foyer, où plutôt ancien foyer s'appelait DePaul. Plus rien n'appartenait aux servantes, en réalité, elles appartenaient toutes entières à leur commandant :

-Je crois que tu sais exactement ce que tu fais là, sourit la femme pleine de malice.

Cette femme était ce que l'on appelait aujourd'hui une tante. Son uniforme en attestait. Elle était chargée de s'occuper des servantes et de leur placement dans les différentes familles. La Tante sortit son taser et l'admira :

-Nous avons pu découvrir de nombreuses femmes fertiles parmi les patientes secrètes du Docteur Facinelli.

C'était bien ça. Bella avait été trahie par son opération qu'elle avait tue toute sa vie :

-Le seigneur voudrait la peine capitale pour toutes celles d'entre vous qui ont assassiné les enfants de Dieu. Malheureusement, vous le savez, vous êtes trop importantes pour nous. Vos yeux et vos mains par contre… ne sont pas utiles à la procréation.

Bella prit peur et se cramponna davantage contre le mur. La Tante s'arrêta et fronça les sourcils :

-Néanmoins, continua-t-elle. Ton nouveau foyer a insisté pour que tu sois parfaite.

Elle s'approcha et glissa son taser froid le long de la joue de Bella :

-D'après moi, tu es un être qui ne mérite que de vivre dans la souffrance et qui suivra ce chemin dans la mort.

Elle dit ces mots avec une telle haine, que Bella n'attendit qu'une chose, que la décharge se montre :

-Tu as de la chance d'être tombée sur un foyer prêt à pardonner aux plus grands hérétiques.

Elle retira son taser et Bella se relâcha :

-Habille-toi et sors, lanca la Tante en sortant de la chambre.

Bella regarda à côté d'elle et découvrit les nouveaux vêtements qu'elle devrait porter tous les jours désormais. Elle les enfila et ne put s'empêcher de se dire que le rouge avait toujours été sa couleur. Elle posa ensuite ses ailes sur sa tête et sortit de la chambre. Escortées par un garde, la jeune femme et la Tante, dont Bella entendit le nom prononcé par un garde, Tante Victoria, sortirent de l'immeuble et entrèrent une nouvelle fois dans un van. Le silence fut pesant durant tout le trajet. Bella s'apprêtait à rencontrer sa nouvelle famille. Une famille qui la violerait une fois par mois. Une famille qui la mépriserait pour son seul et unique pêché. Une famille qui lui donnerait un enfant mais qui lui reprendrait aussitôt né. Une famille de Gilead. Bella entremêla ses doigts, c'est tout ce qu'elle réussit à faire tant elle est oppressée dans sa nouvelle tenue. Ces ailes pesaient sur sa tête telle la croix que Jésus avait dû porter. La jeune femme savait que ce chemin la mènait vers sa perte mais elle ne put que s'y résoudre. Le van s'arrêta et un des gardes fit descendre Bella. Elle n'osa pas regarder la grande maison qui se dessinait devant elle. Lorsqu'elle entendit la porte de la demeure s'ouvrir, elle ne regarda pas non plus. Elle entendit la voix d'une femme les accueillir et parler de cette magnifique journée. Puis elle supposa que c'est à son tour de parler puisque celle-ci s'adressa à Bella par un nom qu'elle ne connaissait pas et qu'elle était sûre de ne pas vouloir connaître.

-Que le seigneur me rende digne d'être dans votre maison, répondit-elle dans un souffle.

Elle regarda alors la femme qui ne devait pas avoir plus de trente ans. Elle était magnifique. Blonde, grande, des yeux verts et un sourire plein de bonté. Elle était habillée comme toutes les autres femmes de commandants. Bella entendit alors des pas dans les escaliers mais ne regarda pas tout de suite. Ce n'est qu'une fois que l'homme fut à la hauteur de ses ailes que Bella put le découvrir. Ce fut une vision divine. Il était grand, mince, avait les cheveux en bataille et des yeux verts magnifique. Il était tout simplement sublime :

- Voici Monsieur et Madame Cullen. Désormais, tu t'appelleras DeEdward.

-Bienvenue DeEdward, sourit l'épouse du commandant. »