Bonjour/bonsoir!

Quelques précisions avant de commencer: aucun personnage ne m'appartient si ce n'est les oc qui parsèment mon histoire. L'univers de Twilight est la propriété exclusive de Stephanie Meyers. Le titre est extrait d'un poème de Raymond Quenau, L'échelle des mois, que je vous conseille vivement de lire. C'est une vrai pépite.

J'espère que vous apprécierez votre lecture!


Mon âme a son secret, ma vie à son mystère, Un amour éternel en un moment conçu : Le mal est sans espoir, aussi j'ai dû le taire, Et celle qui l'a fait n'en a jamais rien su.

Hélas ! J'aurai passé près d'elle inaperçu, Toujours à ses côtés, et pourtant solitaire Et j'aurai jusqu'au bout fait mon temps sur la terre, N'osant rien demander et n'ayant rien reçu.

Pour elle, quoique Dieu l'ait faite douce et tendre, Elle suit son chemin, distraite et sans entendre Ce murmure d'amour élevé sur ses pas.

A l'austère devoir pieusement fidèle, Elle dira, lisant ces vers tous remplis d'elle : « Quelle est donc cette femme ? » et ne comprendra pas.

Félix Arvers, Mes heures perdues


Le couvert des arbres lui permettait de voir sans être vu et bien que son épiderme soit insensible au changement de température, il la savait agréable. Comme pour confirmer sa pensée, une légère brise lui caressa la joue, faisant virevolter quelques mèches claires. Le chasseur continuait de fixer l'asphalte au loin dans le virage. Il savait que les voitures ne tarderaient pas, il pouvait entendre leur monteur vrombir. Le son se rapprochait alors que la brûlure de sa gorge s'intensifiait.

Enfin il les aperçut. Son excellente acuité visuelle lui fit estimer la distance du premier véhicule qui tournait au coin des arbres à un peu moins de trois kilomètres. Cela devait être une famille. Monoparentale peut être. La banquette arrière de la petite voiture bleue était occupée par deux enfants en bas âge, un garçon et une fille à la ressemblance frappante et un jeune garçon. Les jumeaux –il ne voyait pas d'autres explications à la similarité presque parfaite de leurs traits- se chamaillaient avec application jusqu'à ce que l'autre occupant du siège, plongé quant à lui dans une console portative relève la tête et les foudroie du regard. La conductrice fit une réflexion en les regardant dans le rétroviseur, mais il ne chercha pas à l'entendre. Cela ne l'intéressait outre mesure et il préférait évaluer ses proies plutôt que de les écouter discutailler stérilement sur leur misérable condition humaine. La dernière occupante du tombeau de métal qui serait le leur, tapotait frénétiquement sur son téléphone portable. Elle devait être l'ainée de la fratrie.

Il percevait un relent de musique que crachotait leur radio et la mère battait le tempo sur le volant, les mains à dix heures dix. La jeune fille lui fit part d'un propos qu'il ignora et elles éclatèrent de rire. La conductrice, un sourire flottant sur ses lèvres, se concentra sur la route, sa fille se tourna vers la fenêtre, les deux enfants continuèrent leur conversation et leur frère rangea sa console pour se pencher vers sa sœur. Le temps avait été clément depuis le début de la matinée et le paysage splendide. Le soleil brillait à travers les feuillages, faisant danser des ombres sur le goudron et illuminant la carrosserie assortie aux teintes du ciel. Le vert des feuillages moucheté d'or baignait l'atmosphère irréelle d'un soupçon de magie telle était l'ironie cruelle de Dame Nature.

La voiture approchait de sa cachette à présent. Il esquissa un rictus à l'idée du festin qui s'offrait à lui : deux voitures pour le prix d'une. Le couple de la citadine grise qui roulait à quelques bandes blanches de la petite famille serait accueilli à bras ouverts. Il semblait perdu d'ailleurs, à étudier avec insistance la direction que lui prônait de prendre le GPS.

Voila. Le moment qu'il attendait.

Il sortit des feuillages et s'avança au milieu de la route, en plein soleil.

La mère de famille le vit. Elle freina. Brutalement. Il pouvait presque sentir la terrible pression qu'elle exerça sur la pédale. Elle le fixait toujours tandis que ses passagers émettaient forces protestations sous la dureté de la poussée qui les projetait en avant. Ses efforts furent récompensés la voiture pila. Le chasseur la vit reprendre son souffle et relever la tête vers lui. Mais il n'était déjà plus là. Tremblante, elle se tourna vers ses enfants pour les rassurer et se rassurer elle-même.

Le choc fut violent. La deuxième voiture emboutit le coffre avec fracas. Le conducteur semblait presque perplexe, incapable de bouger face à ce qui venait de se produire. La mère perdit le contrôle lorsqu'elle sentit sa voiture avancer sous l'impact. L'épouse voulut esquisser un mouvement vers son mari pour lui dire de freiner mais elle aperçut le camion qui arrivait sur la file d'en face. Tout comme la conductrice de la voiture bleue. Leur cri simultané résonna aux oreilles du prédateur.

Il n'avait pas choisi cette route par hasard. Les petites routes de forêt étaient difficiles à pratiquer quand deux véhicules se croisaient. Il fallait être prudent pour éviter la collision.

C'est exactement ce qui se produisit. Un klaxon strident retentit et le camionneur braqua pour les éviter. Trop juste, il les percuta du côté des portières conductrices. Les deux voitures se détachèrent l'une de l'autre et valsèrent sur le goudron, le camion se courba sur son flanc toujours dans sa lancée et il s'écrasa à grand bruit, faisant exploser ses vitres. Les deux autres véhicules terminèrent leurs courses dans le fossé, se fracassant contre les arbres, dans un joyeux chaos de fin du monde.

Le silence revient comme surpris d'exister après le vacarme de l'accident. Le chasseur sourit, satisfait et se prépara à entamer son repas.

Seulement, un bus de touristes vint se garer sur le bas-côté et il entendait le cliquetis des appareils photos que l'on dégainait et la voix du chauffeur prévenir les secours.

Son déjeuner allait être écourté.