NA : Petit truc écrit y a quelques temps un peu étrange… Mais c'est ma première fic ! Pas sûr qu'il y aura une suite. C'était surtout un essai à la base, mais j'aimerais avoir un avis extérieur !

Avertissement : Maladie mentale.

Je mets en T parce que je ne savais pas trop quoi mettre mais il n'y a rien de choquant et aucune allusion sexuelle.

Disclaimer : NCIS, les personnages et la série ne m'appartiennent pas (Bien que ça serait tellement cool…)

Il soupire, il prend une longue inspiration et soulève légèrement le rideau pour risquer un coup d'œil. Rien, vide complet mis à part les arbres. La forêt règne autour de lui, elle l'entoure, elle l'enveloppe dans un sombre bouclier protecteur. Il a peur de ces ombres effrayantes, mais il les vénère pour garder ses cauchemars bien loin de lui. Il peut reprendre son souffle.

Lentement, il revient vers son canapé, et se recroqueville dessus. Les jambes repliées contre son torse, le menton posé sur ses genoux et ses bras entourant ses chevilles, il aime cette position. Ses orteils nus gigotent, il sourit.

« -Alors, qu'est-ce qui s'est passé ? » Demande la voix qui l'accompagne. Il ne lève pas les yeux, l'obscurité de la nuit lui permet à peine de voir ce qui l'entoure. Cette large bibliothèque, ce bureau, cette caisse, cette table basse, ce piano, ce canapé, cet écran de télé, son punshing-ball, tout est à peine discernable. Il sait où est chaque objet à force de rester dans cette pièce plongée dans une noirceur de nuit comme de jour. Les rideaux sont des amis précieux.

« -Je me souviens plus trop. » Déclare-t-il, la voix enrouée. Il passe sa main sur sa barbe de trois jours, puis la repositionne autour de son mollet.

« -Essaye. » L'implore l'autre.

« -Bon… C'était une enquête comme une autre. Un meurtre, un marine mort, égorgé. J'ai été le premier à remarquer que son passé était beaucoup trop trouble pour qu'il soit vrai. Après avoir fouillé longuement avec Bizut et Ziva, on a trouvé un dossier scellé, de quand il était mineur.

« 'S'agissait de petits délits, des vols à l'étalage, rackets, détention de stupéfiants, conneries d'adolescent perturbé. Ce gars n'avait pas eu d'enfance, et l'Armée l'avait sauvé. Ça lui a permis de se racheter, ça lui a fait un passeport pour la vie.

« Sa seule erreur a été de vouloir sauver un autre mec, un de ses amis. Il traînait dans un réseau de drogue. Au début, on croyait que c'était un truc mini, du genre qui passe près des lycées, universités. Ensuite, on s'est rendus compte que c'était tout un détournement de médocs et autres qui passait au ras du nez de la Navy. En clair, on avait beaucoup d'enculés dans nos rangs, et il fallait s'en occuper.

« Ca a résulté d'une belle chasse à l'homme. On a accumulé les missions sous couverture, on avait presque plus de vie. Le patron était tendu tout le temps, il arrêtait pas de nous crier dessus. Le café était devenu son oxygène, et je crois bien que je n'avais jamais vu autant de gobelets dans ma vie. Le bleu avait l'air inquiet, j'ai dû le rassurer plein de fois. Il n'est pas un aussi bon menteur que moi, tu sais. C'est un gars bien. J'avais peur pour lui, je préférais prendre les coups.

« Ziva avait l'air touchée, mais j'ai vu qu'elle essayait aussi de nous protéger au maximum. Pourtant, l'esprit d'équipe avait beaucoup de brèches, alors qu'il aurait dû en avoir encore moins, vu la situation. Ducky passait son temps à faire le psy, mais j'ai vu qu'il avait peur de devoir nous autopsier. A chaque fois qu'il nous voyait partir, il avait ce petit regard dans le vide.

« Abby était celle qui montrait le plus de panique. Je crois bien que c'était aussi celle qui s'inquiétait le plus pour moi. Je prenais le plus de mission, d'ailleurs, on travaillait souvent en duo. Je crois que j'en ai manqué que trois sur une bonne vingtaine.

« Que ça soit avec Gibbs, Ziva ou le Bleu, j'avais toujours peur pour mon coéquipier. Je le montrais pas, je faisais le guignol pour les apaiser. Aussi, ça donnait des raisons au patron de me frapper, et ça le détendait un peu. Je crois qu'il a compris ça au bout de la seconde semaine, quand McGee arrêtait pas de le saouler avec son langage informatique, et moi je rétorquai avec les répliques de film.

« A ce moment-là, il m'a foudroyé du regard, puis peu à peu, il s'est radouci… Il venait de comprendre que je voulais juste remonter le moral des troupes. Quand on est allés dans l'ascenseur, il m'a dit « Merci, Tony. » C'est tout. Mais ça m'a suffi. J'aimais beaucoup quand il employait mon prénom. Je l'aime beaucoup. »

Il n'a plus le courage de continuer pour l'instant, et la voix ne le tracasse pas plus. Alors il se lève et traîne des pieds jusque dans la cuisine. Le carrelage est froid, ça le fait frémir mais l'apaise en même temps. Ses jambes engourdies par la température si basse réclament un peu de chaleur. Il met en marche la cafetière, et profite du laps de temps pour aller trottiner dans la chambre.

Il entre dans la pièce si simple. Il hésite à s'effondrer sur le lit ô si tentant. Il est assez bas, mais le matelas est large et très moelleux. Les couvertures couleur taupe comportent des symboles aztèques dont il se serait bien passé, mais il a choisi les draps au hasard.

Finalement, il se dirige vers la commode en bois à côté d'un grand miroir à pied. Il n'ose pas se contempler dans la vitre, il sait qu'il a une allure désolée. Il ouvre le premier tiroir et enfile un pull en coton blanc sur son torse nu. Le tissu prend la forme de ses muscles. Il remarque avec un soupir qu'il a encore perdu du poids.

Il ressort ensuite, et longe le petit couloir pour retourner dans la pièce où son café est fin prêt. Il aime bien l'ambiance de noirceur qui imprègne la maisonnée. Bien qu'elle fait plus penser à une cabane. Il s'installe à la petite table, et apprécie avec délice le contact de ses mains gelées autour de ce mug brûlant. Il hume le liquide avant de le déguster.

« -Tu veux continuer ? »Le questionne son compagnon qui l'a suivi sans qu'il ne s'en doute. Pourtant, il ne sourcille ni ne sursaute. Il y est habitué.

« -Je ne sais pas… » Soupire-t-il en contemplant le liquide noirâtre dans sa tasse. Il l'a préparé corsé et sans sucre, comme Gibbs l'aime.

« -Bien sûr ! Tu es trop lâche ! » Le raille une autre voix, plus perfide et malicieuse. Il ne sourcille pas, il n'a pas peur de ceux qui osent le défier ici.

« -Non. Je n'aime pas la suite. Je n'aime pas devoir donner des détails. » Il hausse les épaules avant de boire une autre gorgée.

« -C'est bien ce que je dis. Tu n'aimes pas parce que tu en as peur. » Le chuchotis à son oreille le fait rouler des yeux. Il a presque senti la chaleur du souffle sur sa nuque.

« -Et qu'est-ce que ça change ?... De toute façon, cela ne changera pas le passé…

« Cette fois-ci, on approchait de la fin, ça se sentait. On était déjà bien infiltrés dans le réseau, et j'avais même réussi à me créer une petite renommée. Gibbs avait l'air inquiet, mais Vance n'a pas voulu changer la date.

« D'ailleurs, j'ai rien dit, mais moi aussi j'étais inquiet. Je le sentais pas. J'avais le ventre qui me tordait, et je ne sais pas pourquoi, j'étais flippé. C'est con. J'ai demandé à McGee de faire attention à lui, il m'a regardé avec de grands yeux, et j'ai ri. Je lui ai dit que je ne voulais pas perdre mon petit bizut. Et on s'est enlacés.

« Puis je suis allé me préparer, et on ne s'est plus parlé que par radio. Il était dans le fourgon, en sécurité, du moins pour le moment. Je devais être avec le patron, et j'avoue que ça m'a bien rassuré de l'avoir avec moi. Son regard d'acier, son caractère de dur à cuire impénétrable, de marine impassible et sans douceur, ça m'a réconforté.

« Quand on est arrivés sur les lieux, on devait marchander, tranquille. Gibbs s'est occupé de la majorité du truc, moi j'observais. Et je peux avouer que je le sentais dans mes tripes, le coup de tonnerre.

« Les mecs avec qui on faisait le truc semblaient nerveux, aussi. J'ai discuté avec l'un d'entre eux. Il m'a dit que le grand patron soupçonnait des fuites, et ça avait l'air mal. Je lui ai demandé pourquoi il pensait ça, il m'a dit que plusieurs des gars s'étaient fait arrêtés. J'ai rétorqué que c'était normal, dans ce milieu-là, mais il a tout de suite rétorqué que les membres arrêtés étaient trop importants, et trop en sécurité. Ca faisait peur à plusieurs de leurs acheteurs.

« J'espérais que ça allait freiner un peu les envies sanguinaires des gars qui étaient tranquillement assis dans leurs fauteuils pendant qu'on risquait nos vies. Les gars nous on dit de venir, on les a suivis dans l'entrepôt, on a regardé le contenu. Tout se passait bien, pour l'instant.

« On s'est barrés, transportant dans deux voitures plutôt imposantes des trucs illicites. On devait rejoindre le NCIS. On était censés être en sécurité. Et là, le deuxième véhicule a explosé. Boum. On a été pris dans le souffle, et la bagnole a fait des tonneaux. »

Il frotte la table pour oublier la sensation de chaud qu'a produit la tasse et qui lui rappelle maintenant la chaleur qu'il a subie. Ses poings se crispent soudainement. Une larme plonge dans la boisson qui commence à peine à devenir tiède. Il n'ose plus y toucher.

« -Comment c'était ? »

« - Horrible. Ça sentait le brûlé. On était tombé dans une sorte forêt. On s'est pris de plein fouet les arbres. Ma tête a cogné contre le plateau de bord, puis le toit, ensuite mon siège. La ceinture me faisait tellement mal. J'étouffais, en plus de ça. Je conduisais, donc j'ai été protégé par le volant.

« La chute m'a paru être interminable. On roulait, et roulait. Il y avait toujours cette odeur lancinante de brûlé. Je ne savais même plus si elle venait de moi, notre voiture, ou l'autre. Tous mes sens étaient troublés. Le sang battait à mes tempes. Mes oreilles n'entendaient plus rien, ou tout à la fois. Je ne sais même pas si c'était parce qu'il y avait un long silence ou si j'étais devenu sourd.

« J'avais peur pour Gibbs. Ma main s'est accrochée à son épaule, au début. Après, j'ai été forcé de lâcher. Je crois que j'ai perdu conscience pendant quelques instants.

« Quand j'ai rouvert les yeux, j'avais mal partout. J'ai bien compris que c'était la fin. J'ai toussé un bon coup. La voiture était retournée sur le toit, et avec un faux mouvement, j'ai détaché la ceinture de sécurité. Résultat, j'ai frappé de plein fouet la vitre. Encore une bosse.

« J'ai tourné lentement la tête vers le patron. J'avais peur de ce que je pourrais y découvrir. J'aurais dû garder les yeux fermés. Il saignait, il y avait un bout de verre dans son ventre, et il avait l'air très pâle. J'ai gémis, je l'ai remué légèrement. Je lui ai dit de se réveiller, mais ses paupières voulaient plus s'ouvrir. J'aurais pris son pouls si j'avais pas senti des mouvements derrière.

« J'ai fermé les yeux, j'ai laissé pendre ma main. Je voulais pas rester si lui il partait. Je me refusais à la respiration si lui cessait de prendre son souffle. Je disais non à la vie si lui le faisait. C'était un beau serment silencieux, même si j'étais à peine conscient de mes actes.

« On m'a soulevé. J'entendais rien à part un murmure. Je ne sais pas si c'était parce que je n'en avais rien à foutre ou que mes oreilles étaient endommagées. Je suppose que c'était un peu les deux.

« Des pompiers nous ont sorti, alors j'ai voulu vérifier qu'ils ne lui faisaient pas de mal.

« C'était une mauvaise idée. Très mauvaise. Déjà, la lumière du jour a agressé ma rétine. Puis, quand je m'y suis habitué, j'ai vu à côté. C'était un brasier. L'autre véhicule n'était plus qu'un barbecue. J'ai repensé au rouquin débile et à cet abruti de Cambodgien. Moi qui n'avais cessé de le taquiner en l'appelant « le Japonais ». Et je n'allais plus les revoir. Parce qu'ils flambaient, là.

« Je crois que j'ai hurlé, ou alors c'est quelqu'un d'autre. Très probable que ça soit quelqu'un d'autre, j'avais plus de voix. Mais je sais que j'ai pleuré. Une larme. Juste une putain de larme.

« Et puis je me suis endormi. Enfin, je suis plutôt tombé dans l'inconscience. » La tasse est maintenant froide, il n'en a plus bu une goutte.

« -On vous avait balancés ? » Un silence suit. Pas réellement une hésitation, un retour à la réalité.

« -Ils avaient foutu une bombe dans l'un des chargements, tout au fond, pour qu'on chope rien. » Il étouffe un sanglot, et ses yeux quittent le Mug pour la première fois depuis le début de son récit. « Putain, le raid était censé se passer la prochaine fois. Tout avait été tranquille. »

La rage et la tristesse l'assaillirent, et il projeta la tasse de la table d'un mouvement de brasse. Elle se brisa au sol, et le contenu se répandit sur le carrelage. Il cacha son visage dans ses mains et les pleurs explosèrent.

Il était à nouveau seul. Laissé dans l'obscurité, éloigné de toute population et trace de vie humaine. Il était dans sa bulle. Ici, il pouvait laisser place à sa folie et il entendait les voix de ses masques lui parler. Les boucliers qu'il avait toujours pris, tout au long de sa propre vie. Un homme cynique, un autre doux et encourageant, puis un rebelle, ensuite un drogué, et tant d'autres.

Pourtant, il était seul. Seul avec lui, ses pensées, ses doutes, ses regrets et ses remords. Il se morfondait dans l'attente de la mort ou d'un souffle de vie.

Son enveloppe charnelle ne contenait plus qu'une personnalité, et les autres l'entouraient pour le traquer. Elles l'aidaient. Mais son imagination l'effrayait. L'idée que les seuls compagnons qu'il voyait n'étaient que les propres éclats de sa vie brisée, de lui-même. C'était bien trop pour un seul homme.

Ici, au moins, il n'avait pas à affronter les regards soucieux lorsqu'il s'énervait contre une de ses visions. De toute façon, il n'avait plus personne à qui parler. Il n'avait jamais compté pour personne, cela n'allait pas changer parce qu'il était désespéré.

« -Tu veux continuer à parler ? » Encore une fois, il ne prouva aucune surprise. Il était habitué à ses fantômes apparaissant au cœur de la nuit. Ca l'avait terrorisé, ça ne lui faisait plus rien du tout.

« -Non. » Il se retourna vers l'image d'un homme bien connu. Blond, de larges épaules et le buste gonflé pour ressortir sa noblesse. Charles, son ami d'enfance, mort il y avait de cela quatre ans d'un accident de voiture. Aucun des membres de son équipe n'avait été mis au courant. Cela lui allait très bien.

« -Tu ferais mieux de dormir, tu vas tomber en lambeaux. » Lui dit l'apparition. L'homme réel avait beau cherché, il ne trouvait nulle part le véritable éclat de ses yeux noisette, qui prenaient une allure ambrée sous l'éclat d'un soleil d'été.

La lumière, le soleil, le ciel. Cela faisait longtemps que ni l'un ni l'autre n'en avait profité. Deux mois pour celui en vie. Il avait fallu soixante et un jours pour le pousser à avouer enfin ce qu'il s'était passé.

Deux mois qu'il avait quitté la civilisation, qu'il passait son temps dans cette maison, à frapper dans un sac de sable, à faire tinter les touches de son piano, ou à contempler un écran noir. Il n'avait plus contemplé un seul film depuis qu'il était arrivé. Il n'en avait aucun ici. Mais il laissait la télé, bien qu'il n'ait fait aucun branchage pour la faire fonctionner.

Deux mois qu'il perdait du poids à vue d'œil, qu'il se traînait partout sans objectif. Mais maintenant qu'il l'avait dit, peut-être pouvait-il enfin vivre.

Vivre ? Retourner à une vie un peu sauvage, et c'est ce qu'il fit. Toujours éloigné de la population, pour toute seule compagnie les animaux de la forêt et du ciel, ainsi que sa propre démence. Il chassait ou pêchait à une rivière non loin lorsqu'il en avait besoin, il cultivait quelques aliments près de la porte, l'eau courante lui suffisait, et lorsqu'il voulait plus, il se servait dans sa petite réserve au sous-sol

Ses activités étaient à la fois diverses mais toujours reliées à ce qu'il pouvait faire dans son entourage. Il s'entraînait avec le punshing-ball, courait chaque matin dans la forêt, nageait dans le lac ou la rivière, grattait sa guitare, composant divers morceaux et chansons révélant un peu de sa personnalité. Il ne se laissait plus aller, il se rasait de temps en temps, appréciant la sensation de piqure d'une barbe de quelques jours.

Il n'était ni vide ni comblé, il était heureux, pourtant. Il ne devait rien à personne, aucune obligation, pas d'emploi du temps, il n'avait pas utilisé son pick-up depuis son arrivée et ses affaires étaient gérées par un avocat en qui il avait toute confiance. Ironique pour lui de faire confiance à un avocat, néanmoins, il le connaissait suffisamment.

Peu à peu, les souvenirs lui semblaient de moins en moins distincts. Lorsqu'il se remémorait ces années passées, il avait l'impression que ce n'était qu'un film, ou qu'on lui avait raconté ces histoires. Pourtant, c'était bien lui qui faisait part de ces récits avec les fantômes de son passé déchu. Il ne voyait que les morts, et cela lui allait très bien. Il ne voyait ni Kate, ni Jenny ou qui que ce soit d'autre du NCIS.

Mais il n'était décidément pas destiné à vivre tranquillement dans une bulle tout le reste de sa vie.

Il était en pleine course au cœur même de la forêt. Le chaud soleil d'été passait entre les feuilles pour l'éclairer d'une douce lumière apaisante. Ses bras dégageaient les branches avec aisance. A force, il connaissait bien le paysage mais ne s'en lassait pas. Son torse nu et musclé était perlé de quelques gouttes de sueur. Son jean légèrement large lui laissait un champs libre pour ses mouvements. Son souffle était tranquille, il gérait parfaitement sa respiration.

Il arriva enfin en vue de la petite bicoque de bois, et fronça les sourcils en voyant que son Pick Up n'était plus le seul véhicule. Il accéléra légèrement, pour découvrir la berline noire d'une agence fédérale. Sa porte avait été défoncée, et il ne réprima même pas un grognement.

« -Tony ? » La voix sortie de la maison le fit frissonner, mais il se contenta de suivre les agents.

« -Vous auriez pu attendre que j'arrive ! » Lança-t-il en entrant, déjà agacé. A peine eut il prononcé ces mots que deux personnes débarquèrent dans son champs de vision. Un sourire illumina leurs visages, mais Dinozzo resta impassible. Ses yeux verts dévisagèrent les deux fédéraux. Ils avaient l'air en forme.

« -Ca fait…

-Dix mois et demi. Je sais. Qu'est-ce que vous foutez là ? » Grogna-t-il en les foudroyant du regard.

« -A ton avis, Dinozzo ? » Ses yeux verts se posèrent sur quelque chose qu'ils ne pouvaient pas voir, et il frémit. Ce n'était pas le moment. Il observa à nouveau Gibbs, qui fixaient ses abdos reluisants, et Tony sentit un peu de fierté grimper chez lui.

« -On s'inquiétait pour toi. » Répondit Jethro qui fit un sourire peu sûr.

« -Hahaha. Comme si quelqu'un s'inquiétait pour toi. » Railla l'hallucination. Il se fit fusiller pensivement, mais demeura tout de même. Tim jeta un coup d'œil à l'endroit où se dressait le mirage.

« -Je vois. Vous auriez pu laisser ma porte en bon état, vous savez. » Il leur adressa un rictus taquin en s'approchant d'eux.

« -Il n'y avait pas de réponse, on a eu peur qu'il te soit arrivé quelque chose. » Le renseigna McGee.

« -Je faisais un jogging. » Ils semblèrent remarquer les cicatrices et l'absence de poignets d'amour. Il était réellement mince, et s'il n'avait pas eu ses muscles, presque maigre.

« -Regarde-moi comme ils te matent… Ce sont de beaux étalons, Tonio ! » Ses yeux s'écarquillèrent pendant un bref instant face à la voix qui avait été prise. Cela faisait longtemps qu'il ne l'avait pas entendue. Il aurait bien aimé ne pas l'entendre.

« -Tu as complètement disparu… » Commença McGee.

« -Ouais. Tu vas bien ? » Demanda Tony en s'adressant à Leroy, qui hocha silencieusement la tête.

« -Et toi ? » L'italien allait répondre à la question de l'homme aux mèches grises quand il fut coupé.

« -Oh, c'est trop chou. Il flippe, il a l'impression que t'es devenu un raté ! Ben Ouais, regarde toi, tu ressembles plus à grand-chose... » Il eut du mal à contenir sa rage face au discours que tenait une autre apparition.

« -B-bien, je me suis un peu mis à l'écart de la civilisation. Ça m'a fait du bien. » Ils ont remarqué sa gêne et ses poings crispés. Son visage était rouge et en sueur, mais cela ne semblait pas être dû à sa course. De temps en temps, son regard leur échappait pour se perdre dans ce qui semblait être le vide.

« -Un peu à l'écart, tu déconnes, j'espère ? Ça fait combien de temps que t'as pas vu un humain ? » Il remua la tête pour oublier ce murmure.

« -Bon, vous êtes rassurés, maintenant ? J'ai prévu de bouger un peu, aujourd'hui… »

« -On a fait toute cette route pour te voir, on ne va pas partir maintenant, Dinozzo. »

« -Ouais, c'est ça, au revoir. » Tony disparut de leur champs de vision pour presque courir jusqu'à l'exiguë salle de bains. Il ferma la porte à clef, haletant. Ses yeux hagards cherchèrent quelque chose jusqu'à ce qu'ils se posèrent sur le miroir.

Sur son visage exsangue drainait des centaines de coupures, petites, minuscules. Elles s'élargirent, s'ouvrant de plus en plus, et les voix bombardèrent dans son esprit. Il hurla de frayeur face à la vision cauchemardesque, et tituba en arrière jusqu'à ce que son dos cogna la porte.

« -Tony ? Tony ! Ouvre! » La voix étouffée de Gibbs le fit sursauter, et il se déplaça en un bond de l'autre côté. Il lui cria de partir de sa voix enrouée. Il entendit des coups sourds sur la porte, et il se laissa glisser contre le mur, les larmes coulant abondamment.

Sa détresse tordait son ventre et il avait la chair de poule. Des frissons le secouaient tant par les sanglots que la peur. Ses yeux clignaient, sa vue transpercée par des éclats blancs qui lui faisaient froid dans le dos. Il suppliait de partir autant que d'entrer pour l'aider.

Finalement, la porte s'ouvrit brusquement, les gonds sautant, et l'obscurité entra. La belle journée se métamorphosa en un obscur jour de pluie. Le ciel s'assombrit et une pluie battante dégringola. La porte claqua contre le mur, et personne n'était derrière.

Recroquevillé contre lui-même, les paumes cachant ses paupières fermées pour ne rien voir, il pleurait. Ses cris ne cessaient pas. Il voulait qu'on le laisse. Il voulait revivre. Il voulait revenir à une vie normale.

Lorsqu'il regarda enfin en face de lui, les larmes tombaient toujours, mais sa voix avait cessé d'émettre ces bruits rauques. Il leva la tête, et son corps fut figé d'effroi. Il y avait une ombre, dans le couloir. Elle approchait. C'était noir, et seul deux petits trous de lumière laissaient penser à des yeux.

Tony marmonna une prière inaudible de rester loin de lui, en vain. La chose approchait. Il hurla à nouveau, dissimulant ce qui l'entourait par les paume de ses mains placées stratégiquement face à son regard.

Il faisait froid, mais la sueur longeait toujours son torse. Il était glacé. Et tétanisé. Il voulait juste trouver la paix dans la mort. Mais il ne pouvait pas. Pas tant qu'il n'était pas sûr d'être dans la réalité.

Lorsqu'il rouvrit les yeux, le soleil était à nouveau régnant à l'extérieur. Quelques oiseaux pépiaient, et la porte était ouverte. Aucune ombre. Il se leva et passa un coup d'œil à l'extérieur grâce à la fenêtre. Aucune flaque ni trace d'eau. Pas de marque de voiture. Pas de voiture tout court mis à part son Pick Up.

Il se leva et recommença sa routine. Hallucination et réalité. Plus de différence.