Je te hais, Eddard Stark.
Je te hais et je t'aime. C'est paradoxal, n'est-ce pas?
Et maintenant il est trop tard. Ta tête est plantée sur une pique, et tu me fixes sans ciller de tes yeux vides qui ne peuvent plus me voir.
M'en veux-tu, Ned? Tu en aurais le droit.
Je pourrais me persuader que ta mort ne me coûte rien. Que je ne ressent rien. Mais ce n'est pas le cas. J'ai l'impression qu'une part de moi-même m'a été arrachée.

Te souviens-tu, cette nuit-là? La seule. L'unique.
J'allais épouser Robert, et toi Catelyn. Jaime était absent et tu étais seul. Tu ne voulais pas de moi. Mais la lionne obtient toujours ce qu'elle veut. Le loup du Nord et la lionne du Sud hurlant ensemble sous la lune. Je ne l'ai jamais regretté. Parce que cette nuit-là, j'ai entrevu le véritable Eddard Stark.
Mais les lions et les loups ne sont pas fait pour vivre ensemble.

Si on m'avait laissé le choix, je t'aurais épousé, toi. Au lieux de l'ivrogne qui me sert de mari. Dans un monde idéal...
Et puis il y a mon fils. Notre fils. Il a été si simple, à sa naissance, de le déclarer mort-né. Robert était à la chasse. Comme il le sera toujours. Seul Jaime était présent. Comme il le sera toujours. Et toi, dans la pièce voisine, attendant de l'emporter avec toi. À Winterfell. Loin de moi. Ironiquement, il est le seul de mes enfants à avoir eu un père.
J'ai appris plus tard comment tu l'avais nommé.
Jon. Jon Snow.
J'aime ce prénom,Ned.

Je ne t'ai revu que près de quinze années plus tard. J'étais curieuse.
Curieuse de savoir si tu avais changé. Et curieuse de le voir, lui. L'enfant que je n'ai pas vu grandir.
J'ai su que c'était lui avant même que tu ne me le dise. Ça ne pouvait être que lui. C'est un loup. Un vrai loup du Nord. Pourtant à moitié lion.
Il est beau. Je suis fière d'être sa mère. Même s'il ne le saura jamais. Ton maudit honneur de Stark t'a empêché de le lui dire et je ne le ferais pas à ta place. C'est un loup, pas un lion. Sa place est dans sa meute.

Il te ressemble, Ned. Bien plus que tes autres enfants. Eux, il lui ressemblent, à elle.
Elle. Catelyn. Ta femme.
Je la hais, Ned. Je l'ai haïs dès que je l'ai vue.
Parce qu'elle est ta femme. Parce qu'elle se réveille tous les matins dans tes bras. Parce qu'elle t'a donné des enfants, et qu'elle est incapable d'aimer celui qui n'est pas d'elle. Et parce que tu l'aimes. Tu préfère une truite à une lionne.
Je te mentirais en disant que je n'ai pas rêvé d'être à sa place.

J'ai vu à quel point tu aimes les enfants, Ned. Robert n'aimes pas les miens, tu sais. Si je t'avais épousé, tu les aurais élevé comme tes propres enfants. Tu les aurais aimés. Même s'ils sont de Jaime. De cela, je suis sûre. C'est ce qui rends la chose plus difficile à accepter.
Lorsque tu es venu me voir pour me dire que tu savais, tu voulais les sauver. Tu voulais sauver mes enfants.
Il n'y avait pas de jugement ou de mépris dans ton regard. Seulement de la tristesse et de la pitié. Parce que tu comprenais. Tu me comprends mieux que quiconque, Ned.
J'ai vu la colère dans tes yeux lorsque Robert m'a frappé devant toi.
Tu comprends l'amour qu'une mère porte à ses enfants. Parce que tu l'éprouves toi aussi.
Parce qu'il y a Jon. Celui qui nous relie irrémédiablement.

Tu as voulu épargner les frères, la sœur et la mère de ton fils et en fin de compte c'est l'un d'eux qui t'as tué.
Mon fils. Mon petit lion.
Joffrey.
Mon fils que je n'ai pu m'empêcher de haïr l'espace d'un instant.
Il n'aurait pas été ainsi si c'était toi qui l'avait élevé. C'est Robert l'unique coupable.

Je n'ai pas voulu cela, Ned. Jamais. Je n'aurais pu l'ordonner.
Je n'aurais jamais privé mon fils de son père.
Mais il est trop tard.
Je te hais. Je t'aime. Je n'ai aimé que deux hommes dans ma vie. Jaime. Et toi.
Maudit sois-tu pour la souffrance que tu m'infliges.
Pardonnes moi, Eddard Stark.
Tu es mon plus grand regret.

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