Levy ouvrit les yeux. Elle poussa ses couvertures en grognant et, songeuse, pensait au rêve étrange qu'elle venait de faire. Étrange, c'était le moins que l'on puisse dire. Elle y avait vu un homme. Et ce qui était sûr, c'est que rien qu'avec son apparence il sortait de l'ordinaire.
Les cheveux très longs (ils lui descendaient tout de même en-dessous des épaules !) et d'un noir de jais, mis à part son pantalon, il portait des vêtements de la même couleur. Rien qu'en voyant sa carrure, il y avait de quoi être impressionné : il était très grand, avec des mains presque aussi larges que la tête de la jeune fille, et surtout, il avait des bras énormes, ses muscles saillants paraissant faux tellement ils étaient contractés. Ce qui avait le plus surpris Levy, ce n'était pas tout cela. Non, ce qui l'avait réellement surpris – et aussi intimidé, il fallait l'avouer – c'était le nombre de piercings que son visage arborait. Il en portait trois à la place de ses sourcils, cinq sur chaque oreille ainsi que trois de chaque côté du nez.
Il s'était alors tourné vers elle et Levy avait voulu s'enfuir, mais comme dans la plupart des rêves, elle avait été incapable de faire un geste. Elle avait alors eu tout le temps de regarder à loisir ce qu'elle avait omis, depuis le début, d'observer. Lorsqu'elle avait capté le regard du jeune homme, elle avait cru mourir de peur en voyant ces yeux froids, métalliques et dénués d'émotion. Et enfin, elle avait hoqueté de stupeur : dès qu'il avait aperçu la frêle jeune femme qui se tenait jusqu'alors derrière lui, quelque chose avait changé. Non, pas quelque chose. Tout avait changé. Levy avait vu des émotions si intense dans ces iris rouges qu'elle aurait presque pleuré pour cet homme qu'elle ne connaissait absolument pas. Elle avait vu défiler successivement surprise, colère meurtrière, stupéfaction, tristesse et désespoir. Un désespoir si énorme et douloureux que pendant quelques secondes, elle avait eu l'impression d'étouffer.
C'est lorsque le besoin de respirer, n'ayant pas seulement lieu que dans son rêve, mais aussi dans la réalité se fit ressentir, qu'elle se réveilla en sursaut en aspirant de grandes goulées d'air, les yeux clos et encore hagarde. Eh bien, elle qui se félicitait d'être fraîche et reposée dès le matin, pour une fois, ce n'était clairement pas le cas. Cela la contraria, surtout qu'elle ne comprenait vraiment pas la signification de son rêve. Habituée à lire, interpréter et analyser tout ce qui lui tombait sous la main, elle était plutôt fière de son incroyable capacité de déduction. Mais là, elle ne pouvait s'appuyer sur rien, et ne voyait pas une trace d'explication concrète à ce songe.
Elle soupira profondément pour se détendre. Ce n'était rien, elle allait l'oublier dès qu'elle rentrerai dans la guilde et ferai, une fois de plus, une mission avec ses deux partenaires, Jett et Droy. Elle espérait juste que cette fois, ils ne se disputent pas au point de détruire des bâtiments autour d'eux et du coup de réduire la prime. En ce moment, niveau argent, elle était plus bas que d'habitude et essayait de gagner assez pour ne pas avoir à prendre un appartement plus petit. Bien sûr, elle savait qu'elle pouvait compter sur l'aide de Lucy si elle avait des problèmes de ce genre, mais cela l'embêtait rien que d'y penser. C'est vrai, quoi, elle était quand même assez grande pour ne pas être obligée de demander de l'argent en baissant la tête !
Plongée dans ses pensés, elle marchait d'un pas vif en direction de Fairy Tail, marmonnant entre ses dents des mots qu'elle seule était capable de comprendre. Levy se reprit soudain et s'arrêta un instant. Qu'avait-elle à être aussi négative, aujourd'hui ? Ce n'était pas dans ses habitudes. Elle se frappa sans douceur les joues pour reprendre une contenance et se remit à avancer. Tout irait bien, se persuada-t-elle. Pour une fois, Jett et Droy trouveraient un terrain d'entente, elle allait pouvoir remonter dans ses économies puis faire la fête chez Lucy le soir venu. Ça, c'était un programme qui lui plaisait. Oui. Tout irai bien.
Elle était si concentrée qu'elle ne vit pas l'homme qui marchait lui aussi tête baissée, ayant l'air de très mauvaise humeur. Craintifs, les passants s'écartaient en chuchotant et le montraient du doigt. Une capuche cachait la plus grande partie de son visage mais ses yeux en payaient les frais : il ne voyait pas aussi bien que d'habitude. Mais de toute façon, qui pouvait être assez bête pour se trouver dans son chemin ? Il n'avait pas besoin de voir puisque personne ne s'approchait de lui, ce qui l'arrangeait bien. Il n'hésitait donc pas à prendre toute la place sur le trottoir en continuant de regarder ses pieds.
Levy, ayant enfin retrouvé sa bonne humeur, releva la tête... Juste à temps pour voir qu'elle fonçait sur quelqu'un. Elle cria pour l'avertir, mais trop tard : elle s'était cognée la tête de plein fouet contre le torse de l'homme imposant qui se tenait en face d'elle.
Surpris par ce minuscule bout de femme qui lui était tombé dessus, l'homme avait écarquillé les yeux et, bien que l'impact – du moins pour lui – n'avait pas été violent, il rejeta la tête en arrière et sa capuche découvrit son visage.
Levy se tenait le nez, mécontente. Elle s'était fait mal. Cela n'avait pas d'importance, tout irait bien, se répéta-t-elle. Elle leva la tête et faillit crier de nouveau. Visiblement, tout n'irait pas bien. Elle avait reconnu cet homme en une fraction de secondes, alors que lui ne l'avait probablement jamais vue. Non, tout n'irait pas bien. Car devant elle se dressait l'homme qui l'avait rendu si maussade alors que la journée n'avait pas encore commencé. Devant elle se tenait l'homme de son rêve.
