Je courrais aussi vite que possible, le sentant derrière moi, prèt à bondir dès que l'occasion se présenterait. Alors je courrais sans ralentir, évitant tous les obstacles avec légèreté, accélérant dès que la situation le permettait. Mais il ne me lâchait pas, il ne perdait pas de terrain. J'entendais ses pas derrière moi, son odeur m'entourait, une odeur excitée par le défi et désireuse d'en finir. D'un coup, je le sentis bifurquer, il se mettait à la parallèle et gagnait du terrain. Merde.

Je débouchai sur une clairière, et ce n'était pas bon. L'endroit était bien trop dégagé et trop propice à une attaque. La forêt, elle, me protégeait, mais ce vaste pré me mettait en danger. Et lui, il était juste là. Pour éviter qu'il me saute dessus, je me mis à zigzaguer. Cependant, il avait beaucoup plus d'expérience que moi et me connaissait aussi bien trop. Je sentis ma dernière heure approcher, et surtout l'air changea suite à son brusque saut. Son corps de marbre me percuta violemment et je roulai avec lui dans l'herbre encore humide de la rosée du matin, et ce sur au moins dix mètres. Je me libérai et me relevai d'un bond. Tout mon corps se tendit, mes lèvres se retrousèrent dans un grognement sourd et guttural. Il se mit à tourner autour de moi, attendant le bon moment pour m'attaquer de nouveau. Il espérait trouver une faille. Tous mes muscles étaient arqués, j'adoptai une attitude de défense instinctive. J'allais défendre chèrement ma peau. Il me regardait avec un sourire ironique qui dévoilait une ranée de dent blanches avec des canines un peu plus pointues que la moyenne. Mais à part ce sourire, il n'avait rien d'humain. Un visage trop lisse, des traits trop parfaits, des yeux étranges, et enfin cette impassabilité énervante. Je me raidis encore plus quand il rétrécit le diamètre de son cercle d'observation. Le seul moyen de me défendre était de laisser transparaître une faiblesse. Je relâchai imperceptiblement mes muscles et cela suffit: la réaction ne se fit pas attendre. Il sauta sur moi comme un félin. Sauf que je l'attendais. Je me tournai vers lui et envoyai ma main droit dans son plexus. Il se retrouva plié en deux pendant une demi seconde, ce qui me suffit pour attaquer. Il m'attrapa par le bras et m'envoya valser à quelques mètres. Je percutai le tronc d'un chêne et m'aplatis par terre, un peu groggy. Je tentai de me relever mais il fut beaucoup plus rapide que moi et me tordis le bras sur mon dos me maintenant au sol avec force. J'essayai de me battre mais il appuya juste un peu plus sur ma colonne vertébrale ce qui m'arracha un léger gémissement.

« Tu t'avoues vaincue?

Jamais!

La première des qualités est de reconnaître ses défaites.

Et celle d'un mentor, d'avoir un minimum d'humilité.

... Pas faux.

Allez, lâche moi maintenant, grognai-je en bougeant un peu.

Mais tu t'améliores, continua-t-il en relâchant la pression, tu tiens djà beaucoup plus longtemps.

Ouais, grommelai-je, maintenant je cours vite. Ouah quel progrès!

Il sourit à ma boutade et m'attrapa par les épaules pour me serrer contre lui.

Fais pas cette tête. Tu t'adaptes très bien à ton environnement, et puis moi j'ai quelques siècles d'expérience de plus.

Si tu le dis, ça m'a donné faim.

Rapide alors, parce que je ne veux pas que tu rates ton premier jour de cours.

Comme si je pouvais oublier, soupirai-je.

Par là, répondit-il sans plus faire attention à moi.

Il reprit sa course et je le suivis lestement. On ne tardait pas à repérer de jeunes biches qui s'abreuvaient. Le spectacle était magnifique, les bêtes splendides, mais notre état ne nous permettaient pas de nous extasier. Ma gorge était sèche et ma soif grandissait de plus en plus. Un coup d'oeil à mon compagnon, et nous étions prêts. Avant que le vent ne tourne et que nous soyons repérés, nous nous jetâmes sur le troupeau. J'atteris sur la croupe de ma proie et plantai mes dents aussi tranchantes que des lames de rasoir dans la jugulaire de l'animal. Je sentis la peau céder, la chair se déchirer et enfin le sang couler dans ma bouche avide de sang chaud, même celui d'un animal. Je commençai à boire alors que le coeur de la biche battait encore. Cruel, non çaurait dû être un humain. Ah non, il faut que je change ma façon de penser, ç'aurait pu être un humain. Voilà c'est mieux, mais pour l'instant j'étais toute à l'épanchement de ma soif impérieuse. La biche s'écroula, haletante, gémissante de douleur, et cela ne fit que renforcer mon plaisir. Je raffermis ma prise et bus de tout mon saoûl. Une main sur mon épaule me fis bondir. Et littérairement. Je faisais face à mon adversaire à cinq mètres du sol accrochée au tronc d'un arbre.

Désolé, Sélène, ce n'est que moi, me rassura mon mentor avec sa voix la plus suave et chaude.

Ne refais plus jamais ça, ma voix, elle, était rauque, saccadée, et gutturale.

Détend toi, ma belle.

Je me laissai tomber souplement de mon perchoir. J'étais encore trop jeune, mes réflexes étaient trop incontrôlables. Je fermai les yeux et pris une grande inspiration pour me calmer. Lorsque je rouvris les yeux, je fis un grand sourire à mon maître.

C'est bon, c'est passé. On rentre? Il ne faudrait pas que je sois en retard pour mon premier jour.

D'accord. Tu n'as plus faim, t'es sûre?

Ne t'inquiète pas. Tout va bien.

Je le pris par la main et nous reprîmes notre course, avec plus de nonchalance, plus rien ne pressait. L'entraînement était terminé, et notre soif apaisée.

Nous arrivâmes dans notre toute nouvelle maison depuis peu. Elle faisait 90m² au sol avec un sous-sol et un étage. Pourquoi si grand? Car un vampire (voilà le mot est lâché) a besoin d'espace encore plus quand ils sont deux. Kasen (quelle ironie ce prénom) l'avait choisie à l'abri des regards en grande partie et donnant sur la forêt. Elle était assez lumineuse, ou en tout cas devait l'être les jours de beaux temps et surtout avec de grands volume. Le sous-sol avait été aménagé en grande salle de sport donnant sur le jardin de l'autre côté, avec une piscine et de quoi se défouler un peu. Le rez de chaussée était composé des pièces à vivre, cuisine (il fallait bien en passer par là), séjour, salle à manger (idem), bibliothèque (très important) et enfin la chambre de mon mentor. L'étage m'était presque réservé, une grande pièce me servait de chambre avec une salle de bain attenante, un bureau spacieux (à lui la bibliothèque à moi cette pièce), dressing (!!!) et une chambre d'amis (mais en avait-on seulement).

Je montai donc dans mon chez moi et allai dans la salle de bain. Non pas que j'étais suante et transpirante, je ne l'étais jamais, mais j'aimais les douches chaudes, longues et chaudes. Tellement longues que Kasen vérifiait que chaque maison dans lesquelles nous emménagions n'était non pas dotée d'un ballon, mais bien d'une chaudière. Critère qui pouvait se révéler rédibitoire. Je pense qu'il en avait assez des douches froides. Je passai donc une bonne grosse demie heure dans la cabine, avant de me décider à me préparer. Je séchai mes longs cheveux et les regardai se boucler naturellement, en soupirant je n'arriverai jamais à en faire quelque chose. Heureusement, ils étaient longs, même très longs car sec ils arrivaient en bas du dos en grosses boucles souples à la limite des anglaises. Je sortis de la salle de bain enfumée et récupérai des fringues. Un jean slim brut avec un gros pull en mohair beige très clair avec un col roulé mais évasé. Je mis une paire bottines à talons (je complexais toujours autant sur ma taille) grises. Un coup d'oeil à la glace: parfait. La classe, avec un grand C en y regardant bien. Humaine, je ne pouvais me permettre de telles tenues, mais une fois transformées mes défauts avaient disparus et j'en profitais pour me rattrapper. Ce qui n'étais pas au goût de Kazen qui endossait en plus de son rôle de mentor celui de protecteur. Mais celle-ci ne le ferait pas trop tiquer, vu que le pull était assez long pour couvrir mes petites fesses. J'attrapai mon sac en cuir qui me suivait partout et descendis les escaliers.

J'y vais.

Fais attention.

Au moindre doute, je m'éclipse, ne t'inquiète pas.

Je compte sur toi.

Je l'embrassai rapidement sur la joue et sortis de la maison. Le seul point commun à tous les vampires: le goût de la vitesse. Moi j'avais opté pour la simplicité: une mercedes benz SLR Mclaren dernier cri, ok j'avoue on repassera pour la simplicité, mais c'était la seule chose que l'on pouvait se permettre. Alors je m'y adonnais avec délectation, et Kazen avait beau gronder pour rien au monde je me contenterais d'une voiture banale. Je montai donc dans mon petit bijou et démarrai. Je fis rugir le moteur juste pour le plaisir, et aussi pour agacer un peu plus mon père vampirique. Enfin je démarrai. Le trajet fut rapide, il était encore tôt et peu de voitures étaient sur la route. J'entrai en trombe sur le parking et freinai brusquement avant de m'engager en marche arrière pour retrouver le sécrétariat.

J'entrai dans l'office et fis face à une dame d'une cinquantaine d'années un peu rondellette mais l'air bonhomme. Lorsqu'elle s'intéressa enfin à moi je lui fis mon plus grand sourire.

Bonjour madame, dis-je d'une voix douce. Je suis nouvelle et on m'a dit de m'adresser à vous pour mon premier jour.

Ah oui, répondit-elle en me rendant mon sourire, mon charme avait encore agi, j'ai vos papier. Alors, votre emploi du temps, votre numéro de casier, votre code, votre inscription à rendre dûment remplie, des informations sur les mutuelles, et enfin, le règlement intérieur du lycée.

Je me retrouvai les bras remplis de paperasse. Je la remerciai et filai. Les papiers ne tardèrent pas à finir au fond de mon sac, je me doutais que mordre un élève et le vider de son sang était une des règles prohibées d'une et de deux j'avais déjà retenu en un simple coup d'oeil toutes les informations nécessaires pour ma journée. Je remontai dans ma voiture et allai me garer sur le parking des élèves déjà occupé par une dizaine de voiture. Je descendis sous le regard admiratif de plusieurs personnes. Afin d'éviter toutes conversations, les jeunes ici me parraissaient accueillants et avides de potins comme dans tous les petits bleds, je mis sur mes oreilles mes écouteurs au son le plus bas. Cela suffisait pour me couper du monde. Je sortis de mon sac, après avoir fouillé un moment, un bouquin et me posai sur le capot de ma voiture pour lire un peu. J'adorais lire, et n'importe quel bouquin qui me tombait sous la main et puis j'avais assez de temps libre pour me permettre d'être éclectique. J'étais absorbée dans mon livre, comme à chaque fois que je m'y mettais, lorsque je sentis une odeur qui se dégageait de celle de tous les humains. J'hésitai à humer plus attentivement à cause de tous ces parfums du sang qui circulait dans les veines de tant d'humains, mais j'avais besoin d'en avoir le coeur net. Je levai un peu la tête et reniflai essayant de me désintéresser des humains. Et je reconnus aussitôt cette fragrance mais sans vouloir y croire. Une chance sur combien franchement? J'ouvris les yeux, me redressai un peu et observai la foule. Et je les vis, au nombre de cinq. Autour d'une volvo. Ils ne m'avaient pas encore remarquée le vent jouant en ma faveur. Je pris le temps de les détailler: ennemis ou amis?