Chacun de ses pas fait claquer ses talons sur le bois de la table. Chacun de ses gestes fait tournoyer sa lourde cape noire autour de ses chevilles.

Elle rit.

Chaque geste brise quelque chose. Une vie, un cœur, une assiette, un verre, pour elle il n'y a pas de différences. Et Elle rit.

Elle chante.

Son rire brise le silence oppressant de la guerre. Ce silence qui n'est qu'imaginaire, que l'on invente pour oublier les cris de douleur. Et Elle chante.

Elle sourit.

Elle marche sur les corps des hommes et des femmes. Elle escalade les tas de cadavres. Ça lui rappelle quand elle escaladait les arbres avec son cousin, enfant. Et Elle sourit.

Elle parle.

Ses phrases n'ont pas de sens. Des mots qu'elle aime, les derniers mots de ces cadavres au sol peut-être. Ces mots que son père lui murmurait sur son lit de mort. Elle parle.

Elle marche.

Seule. Sans but, dans une errance pathétique. Ses mots se mélangent, ses mouvements ralentissent. Elle est fatiguée. Mais Elle marche.

Elle attaque.

Elle n'a rien contre la femme devant elle. Elle ne la connait pas. Elle ne sait pas. Elle est juste là, et cette femme est devant elle, alors Elle l'attaque.

Elle ricane.

La femme se défend. Bien. Elle devra se concentrer pour la pousser de son chemin, et continuer de marcher. Elle ricane.

Elle voit.

Le sort se dirige droit vers elle. Elle ne veut pas. Le sort est rouge, comme le sang. Comme les roses. Comme ces belles fleurs, que son père mettait dans ses cheveux quand Elle était petite. Elle le revoit.

Elle sent.

Le sort la touche sous le sein. Elle voit, elle sent son corps se figer, et assiste impuissante à l'arrivée du dernier sort, fatal. Elle le sent.

Elle s'éteint.

Et personne ne la regrettera. Parce qu'elle marchait seule. Alors, Elle s'éteint.