If You Want to Make a Stand

En toute franchise, aller en cours avait manqué à Oz. Pas exactement pour les cours en eux-mêmes, mais pour ce qu'ils représentaient.

La normalité. Le fait de n'être rien d'autre qu'un étudiant parmi d'autres étudiants. La possibilité d'être avec Willow.

A l'instant même où il pensait à elle, son odeur si particulière – grenadine et fraises – lui parvint.

« Willow ? »

Non, ce n'était pas elle. C'était la fille blonde qu'il avait vue en compagnie du reste de la bande. Comment s'appelle-t-elle déjà ? Laura ? Terra ? Non, c'est Tara…

La fille était visiblement timide, à en juger par son bégaiement et le léger parfum de peur qui se dégageait d'elle, mais plutôt polie et apparemment inoffensive. Et puis, Oz avait remarqué le sweat-shirt qu'elle portait. Un sweat bleu imprégné de l'odeur de Willow. Était-ce ça qui l'avait induit en erreur ? Non… L'odeur ne provenait pas juste du vêtement…

« Je la sens partout sur toi » lâcha-t-il d'un ton plus accusateur qu'il ne l'aurait voulu.

La fille commença à paniquer – sa terreur devenant de plus en plus perceptible, au point que l'odeur semblait prête à se matérialiser – tandis qu'Oz sentait son estomac se tordre. Willow et lui avaient parlé toute la nuit, mais pas une seule fois elle n'avait mentionné le nom de Tara. Pourquoi aurait-elle fait ça ?

« Toutes les deux, vous êtes très liées ? » interrogea-t-il presque avec hystérie.

Elle voulait s'enfuir, elle essayait de ne pas répondre, et ça suffit pour que le cœur du loup-garou vole en éclats. A qui ne parlait-on pas de son nouvel amour ? A l'ancien.

« Est-ce qu'elle est amoureuse de toi ? » s'écria-t-il.

Elle ne répondait toujours pas, et il voulait la secouer par les épaules, la gifler, la renverser par terre, la…

Il sentit brusquement un courant d'énergie incandescente se répandre dans chacune de ses veines – un pouvoir qu'il ne reconnaissait que trop, nonnonnon pas ça, je ne veux pas, je ne veux plus ça, je ne veux pas la tuer…

Tara poussa un faible cri en voyant la main du garçon se changer en patte de loup-garou.

« Sauve-toi » parvint-il à lui dire avant que le loup ne prenne totalement le contrôle.


Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas laissé le loup sortir que le choc de la transition l'assomma complètement. C'était comme aux débuts de la chose – le grand trou de mémoire.

Oh Seigneur, est-ce que je l'ai tuée ?

Lorsqu'il revint à lui, étrangement, il ne se trouvait pas au-dessus du cadavre mutilé de Tara. Non, il était dans une cage métallique, sous le regard d'une troupe de types en blouse blanche ou pantalon kaki de l'armée. Et nu comme un ver.

Oz se sentit tout à coup très vulnérable. D'accord, il bousillait toujours ses habits pendant une transformation, mais jusque là, seuls ses amis l'avaient vu les fesses à l'air. Pas une bande de parfaits inconnus.

Un de ces inconnus le fixait actuellement d'un air ahuri – un homme assez jeune, en tenue de tous les jours, une arme à feu à la main. Est-ce qu'il allait me tirer dessus ? Attends… Celui-là, je l'ai déjà vu. Oui, c'est…

« Riley ? Est-ce que Tara n'a rien ? » interrogea-t-il.

Riley continua simplement à le regarder avec stupéfaction, rendant Oz de plus en plus nerveux. Mais bon, il pouvait comprendre, il venait de passer du stade monstre-sanguinaire-assoiffé-de-chair-humaine au stade péquin-moyen-à-peu-près-inoffensif.

Un des types en blouse s'avança d'un pas. Oz tenta de reculer, seulement pour sentir l'acier froid de la cage contre son dos. Ce fut le moment que choisit Riley pied dans la réalité :

« Hé, attendez… »

Oz sentit brusquement une aiguille s'enfoncer dans son bras par-derrière, et le monde devint noir.


Tout était trop lumineux. Et il avait la nausée. Oz lâcha un gémissement.

Ils m'ont injecté quoi ?

Il était allongé, les poignets entravés par ce qui était sans doute des menottes, exposé à tous les regards.

Oz eut envie de se rouler en une petite boule, loin des yeux scrutateurs dardés sur lui. Ses propres yeux le picotèrent. Il voulait être loin d'ici, loin de toutes ces blouses blanches. Il voulait pouvoir se rhabiller.

Pourquoi ils ne me laissent pas partir ? Je ne suis plus dangereux. Riley, explique-leur.

Il entendit brièvement la voix de Riley, sans arriver à comprendre ce que disait le jeune homme, trop engourdi qu'il était par le tranquillisant.

Quelques secondes après la fin des paroles de Riley, la douleur envahit son corps. Il reconnut la sensation qui le parcourait – NON ! Je ne veux plus me transformer !

Heureusement, il était attaché cette fois, se réconforta Oz avant de sombrer dans un néant familier.


Recroquevillé dans un coin de sa cellule, le jeune homme luttait de toutes ses forces pour ne pas éclater en sanglots.

Il avait mal partout. Les scientifiques qui l'avaient malmené ne s'étaient pas souciés de savoir si leurs examens étaient désagréables à subir – de toute façon, pourquoi gaspiller des antalgiques en les administrant à un monstre ?

Il avait vu le mot inscrit dans les yeux des laborantins. C'était tout ce qu'il était pour eux. Rien d'autre qu'une bête nuisible à garder sous clé.

Une bête à qui on avait fait des prélèvements sans précaution pour savoir si oui ou non elle avait la rage, et qu'on avait jetée dans une pièce nue où il était impossible de se cacher, impossible d'avoir ne serait-ce qu'un lambeau d'intimité.

Pendant les tests, il avait fini par se pisser dessus, tellement il souffrait. Ils n'avaient même pas pris la peine de l'essuyer avant de l'enfermer.

Maintenant, il était seul dans une cellule, plongé dans l'obscurité et tremblant autant de froid que de choc et de terreur.

Demain, ça recommencerait. Les blouses blanches reviendraient, avec leurs seringues et leurs gants en latex, et peut-être même que le matériel de dissection serait sorti du placard. Pourquoi donc s'en priver avec leur nouveau rat de laboratoire ?

Un rat de laboratoire. A l'envie de pleurer s'ajouta l'envie de vomir. Il refusait qu'on le touche encore… Il n'était pas un monstre, il était humain… Il ne voulait blesser personne, il ne méritait pas d'être bouclé à double tour… Il ne méritait pas de mourir entre ces murs en tant que sujet d'expérimentation…

Pitié… Aidez-moi…

Entendant biper le boîtier métallique commandant l'ouverture de sa cellule, Oz sursauta et leva la tête pour voir le visage de son nouveau tortionnaire.

Riley s'accroupit et lui tendit un paquet.

« Oz » souffla-t-il doucement, « enfile ces vêtements. »

Le loup-garou resta tout d'abord figé avant de commencer à se déplier lentement, quittant sa position fœtale.

Il n'était pas un animal. Il avait un nom. Il était Oz, et il allait sortir de cet enfer aseptisé.

Il n'oublierait pas de remercier Riley après ça.