Et un Nakamura x Yada, et un ! Le pairing peut paraître assez étrange, mais c'est tout simplement magnifique quand on s'y habitue... Merci à Rosalie24 et Rin-BlackRabbit, ces deux fangirls déjantées qui me l'ont fait découvrir. x)
Disclaimer: Les personnages et l'univers d'AC appartiennent à Yūsei Matsui.
Sur ce, je vous souhaite une bonne lecture !
MàJ du 31/07/2018: Bon... J'ai finalement décidé de réécrire totalement cette fic. L'histoire reste la même, mais le texte a été quelque peu changé parce que, comment dire ? C'est très gênant de relire ses anciens écrits. Très. Gênant.
J'espère que c'est mieux comme ça, en tout cas. A nouveau, je vous souhaite une bonne lecture. :)
First: Just stay at home and sleep
Ce fut, comme chaque matin, la sonnerie stridente de son réveil qui tira Rio de son sommeil. D'un geste las, elle ramena son épaisse couverture sur sa tête dans une tentative d'étouffer le bruit particulièrement agaçant qui résonnait dans ses oreilles.
Je ne veux pas aller à l'école.
S'il s'arrêta au bout d'une longue minute, elle ne douta pas un instant qu'il reprenne bientôt sa diabolique tâche matinale ; aussi prit-elle soin de l'arrêter avant de s'emmitoufler une nouvelle fois sous sa couverture. Les rayons de soleil matinaux qui s'infiltraient dans la pièce vinrent caresser son visage, et la chaleur soudaine qu'ils lui apportèrent lui arracha un gémissement à moitié endormi. Son corps était entièrement courbaturé du fait de l'entraînement intensif qu'avait fait subir Karasuma-sensei à sa classe, et la douleur l'empêchait de se reposer correctement. À quand remontait la dernière nuit où elle avait pu dormir sans avoir à subir ces affreuses insomnies qui faisaient maintenant part entière de son quotidien ? Avec la fatigue qui suintait par tous les pores de son corps, elle se voyait mal supporter une journée entière de cours suivie de tentatives d'assassinat déjà destinées à être ratées.
Persuadée qu'une journée au lit lui ferait le plus grand bien, elle s'imagina déjà expliquer la situation à ses parents en prenant soin de ne pas éveiller leurs soupçons quant à la classe d'assassinat. Inventer des excuses toutes plus farfelues les unes que les autres avait, aussi loin qu'elle s'en souvienne, toujours été sa spécialité. Elle s'en sortirait sans doute sans problèmes si elle faisait preuve d'un minimum d'imagination ; en faisant mine de s'évanouir devant tout le monde au petit-déjeuner par exemple.
Elle était tant plongée dans l'élaboration de son plan que la sonnerie de son téléphone, qui résonna dans la pièce comme en écho à son réveil quelques minutes plus tôt, réussit à la faire sursauter. Bien que ce fut l'une de ses musiques préférées, elle ne put s'empêcher de se maudire de ne pas avoir pensé à le mettre en silencieux la veille avant de se coucher. Aussi, en décrochant, son premier réflexe fut de lâcher un « Quoi » bien trop haineux pour ne pas montrer que le dérangement n'était pas le moins du monde apprécié.
– N-Nakamura-san ? fit la voix douce et suave de Kanzaki.
Immédiatement, Rio se pinça l'arête du nez pour se forcer à se calmer. Elle parlait à Kanzaki Yukiko, l'une des filles les plus adorables de sa classe, et elle ne voulait pas avoir l'air aussi détestable devant une personne dont elle n'était pas particulièrement proche.
– Oui ? répondit-elle en ignorant temporairement la rage sourde qui grondait en elle.
– Isogai-kun et Kataoka-san ont élaboré ensemble un plan d'assassinat, mais nous avons besoin que toute la classe soit présente pour pouvoir le mettre à exécution… Tu comptes venir ?
Il ne lui fallut que quelques secondes de réflexion pour donner sa réponse. Isogai et Kataoka étaient les délégués de leur classe et sans doute ceux qui échafaudaient les meilleurs plans lorsqu'il était question de Koro-sensei. Certes, personne n'avait jamais réussi à blesser leur poulpe de professeur avant l'arrivée de Karma, mais n'importe qui pourrait reconnaître qu'ils avaient toujours fait preuve d'une ingéniosité sans pareille. Si Rio s'absentait, ils risquaient sans doute de reporter leur tentative au lendemain, et à en juger par les bruits enthousiastes qui s'élevaient derrière Kanzaki à travers l'appareil, toute la classe avait hâte d'y être. Elle ne voulait pas faire la rabat-joie et leur gâcher ce plaisir ; et puis, il fallait reconnaître qu'elle avait un peu hâte d'y être, elle aussi.
– Ouais, je viens.
Elle se doutait bien que le plan n'aboutirait pas, mais que perdaient-ils à essayer ? Il y avait ce petit quelque chose d'agréable dans leurs tentatives d'assassinat sur lequel elle n'arrivait jamais à mettre la main, qui faisait qu'elle ne voulait pas abandonner ; pas maintenant, pas si tôt dans l'année. Peut-être était-ce la perspective de gagner la récompense, ou juste la bonne humeur qui régnait parmi les élèves de la classe 3-E lorsqu'ils s'y mettaient tous ensembles ; ou peut-être les deux à la fois.
Dans tous les cas, Rio s'en fichait pas mal : s'ils échouaient aujourd'hui, ils réussiraient une autre fois.
Rien ne pressait.
Évidemment, ils avaient échoué.
Les examens approchaient à grands pas et Koro-sensei avait décidé d'activer son mode « Révisions intensives ». De ce fait, plusieurs de ses clones étaient visibles dans la classe, chacun disposé devant un élève – parfois plus pour les idiots comme Terasaka, s'était amusé à faire remarquer Karma. Le plan était simple : sortir leurs pistolets et tirer des balles anti-sensei au hasard un peu partout dans la pièce, sans le viser particulièrement. S'il avait au début eu énormément de mal à les esquiver, il avait fini par s'y habituer et tous avaient fini par se retrouver à court de munitions devant le visage parsemé de rayures vertes de leur professeur.
Ils avaient appris à ne plus le prendre comme une humiliation. Koro-sensei avait beau rire de leurs plans après coup, mais il ne les prenait jamais de haut et reconnaissait toujours que leurs idées n'étaient pas mauvaises – allait même jusqu'à leur expliquer d'où venait le problème, comme s'il ne tenait pas tant que ça à la vie.
Bien sûr, ils avaient tous un petit peu déprimé pendant les deux premiers cours, assez déçus de ne pas s'en être sortis mieux que ça. L'ambiance avait été assez lourde et les rares élèves qui décidaient de faire preuve d'un minimum de participation le faisaient à contrecœur. Rio, pour sa part, ne portait pas le moindre intérêt à cette histoire mais le contrecoup de la fatigue l'empêchait de se concentrer sur ce que racontait Koro-sensei. D'ordinaire, elle était la première à lever la main pour répondre aux questions qu'il leur posait en cours d'anglais, qu'elle considérait comme le plus intéressant de tous. Tant pis, pensa-t-elle en laissant son regard traîner du côté de la fenêtre. Elle rattraperait ce qu'elle avait raté en rentrant.
En attendant, elle avait besoin d'une idée pour remonter le moral de ses camarades. Ils étaient tous beaucoup trop concernés et stressés par cette histoire d'assassinat, en plus des examens qui arrivaient à toute vitesse et de leurs problèmes personnels. Elle ne les comprenait que trop bien car elle aussi était exténuée ; mais c'était justement ce qui la motivait à vouloir les soulager un minimum.
Mais comment pouvait-elle s'y prendre ? La première idée qui lui vint à l'esprit fut assez classique : organiser une fête pour les aider à enfin décompresser et se relâcher. Toutefois, le simple fait d'y penser réussit à la fatiguer plus que de raison. Elle adorait les fêtes en tous genres, mais elle était beaucoup trop flemmarde pour se charger d'en préparer une, même si elle était aidée.
Elle se prit la tête entre les mains, ignorant le regard curieux que lui lança Nagisa à ses côtés. Koro-sensei leur avait un jour expliqué qu'ils venaient toujours avec les idées les plus farfelues alors que la solution était le plus souvent d'une simplicité étonnante, juste sous leurs yeux, que ce soit dans les études comme dans l'assassinat. Le problème venait encore une fois de là, remarqua-t-elle. Il lui fallait quelque chose de moins élaboré, de plus accessible ; quelque chose de simple.
Au début de l'année scolaire, leurs premières tentatives d'assassinat avaient toutes échouées à ne serait-ce que toucher leur professeur parce qu'elles étaient toutes beaucoup trop tirées par les cheveux. Puis Karma était arrivé, et, en tout juste une minute, il avait réussi à le blesser grièvement.
C'est alors que Rio réalisa.
Karma.
Elle se retourna à toute vitesse vers son camarade, assis au fond de la classe. Celui-ci se balançait sur sa chaise, le regard fixé au plafond, comme perdu dans ses pensées. Rio ne put s'empêcher de se demander s'il était en train de mettre au point l'un de ces plans machiavéliques dont lui seul avait le secret ; à vrai dire, elle s'en souciait peu tant qu'elle n'était pas la victime.
Mais là, à cet instant, elle avait besoin de son intelligence légendaire pour trouver une idée infaillible. Aussi déchira-t-elle un bout de papier de son cahier de cours (elle savait qu'elle le regretterait plus tard mais elle n'avait pas d'autres options) et elle entreprit de lui expliquer la situation le plus brièvement possible. Rien de bien compliqué jusque-là ; mais le problème, c'était qu'elle n'avait aucune idée de comment lui passer le papier sous le regard de lynx de leur professeur.
Hayami, derrière elle, ne comprendrait certainement pas à qui le passer et se contenterait de lui lancer son habituel regard vide d'émotions. Quant à Mimura, à sa droite… il lui paraissait un peu trop éloigné pour qu'elle puisse lui passer le papier sans que Koro-sensei ne remarque son mouvement. Elle ne pouvait pas non plus le lancer directement à son destinataire car celui-ci était bien trop loin d'elle.
L'option Mimura lui parut être la plus sûre. À peine leur professeur se retourna-t-il pour noter quelque chose sur le tableau qu'elle le déposa à toute vitesse sur le bureau de son voisin. Celui-ci se dépêcha de le cacher entre ses mains, et, lorsqu'il lui lança un regard interrogateur, elle pointa Karma du doigt.
La réponse de ce dernier ne se fit pas attendre plus de deux minutes. Pourtant, si elle s'attendait à ce qu'elle revienne par le même itinéraire, elle fut surprise de voir le bout de papier atterrir juste sous ses yeux, dans un lancer bien trop parfait pour être humain. Elle jeta un regard en coin à Karma ; seulement pour constater qu'il la fixait avec toute la moquerie dont il était capable. Cela suffit à la faire rager intérieurement. Aussi, elle s'empressa de se détourner pour se concentrer sur sa réponse.
« Tu n'avais pas besoin d'une mise en scène pareille pour un simple papier, tu sais. Et, retourne-toi. »
Rio suivit son instruction et se retourna vers lui une énième fois, cette fois-ci en prenant soin d'être discrète. Karma capta son regard et, comme si elle lui avait lancé un signal, sortit quelque chose de son sac.
Même à cette distance, elle reconnut ce qu'il lui montrait. Un petit paquet rouge, à peine de la taille de sa main.
Des Pocky.
La pause déjeuner sembla arriver au moins un siècle plus tard. Étrangement, même Koro-sensei semblait épuisé ; peut-être que faire cours avec des élèves qui n'y mettaient pas du leur l'avait un peu déçu. Toujours était-il qu'à peine après avoir annoncé la fin du cours, il s'envola par la fenêtre en annonçant qu'une soupe cambodgienne lui ferait le plus grand bien.
Rio s'étira paresseusement sur sa chaise. Elle n'avait absolument aucune envie de se lever, mais l'idée du plan machiavélique que Karma et elle préparaient réussit à lui insuffler la motivation suffisante pour le faire.
Après une œillade entendue avec son complice, elle grimpa avec agilité sur le bureau professoral et se racla la gorge, s'attirant ainsi les regards de ses camarades.
– Qui est partant pour un petit jeu ?
Seul un long silence lui répondit, mais elle put voir dans tous les yeux qu'elle avait réussi à susciter l'intérêt général. Elle haussa donc les épaules et enchaîna :
– Collez tous les pupitres contre le mur et faites un cercle au centre de la classe !
Ce fut plus par curiosité que par envie que toute la classe s'exécuta, entreprenant de pousser les vingt-huit bureaux indésirables dans un coin de la pièce avant de s'asseoir à même le sol. Bien que la jeune blonde remarqua l'air inquiet qu'arborait Nagisa, elle se retint de faire le moindre commentaire. De toute manière, il n'était pas sa seule victime aujourd'hui et il se sentirait probablement moins seul que s'il était le seul à être charrié. Okano et Maehara avaient eux aussi besoin d'être un petit peu poussés à bout, de même que Chiba et Hayami ou encore Sugino et Kanzaki.
Elle adressa un petit clin d'œil à Karma alors qu'elle prenait place entre Yoshida et Takebayashi, puis entreprit de s'expliquer face aux regards interrogateurs que tous lui lançaient :
– Bon, ne vous attendez pas à grand-chose, ce sera un classique. Karma ?
Son complice sortit le fameux paquet de sa poche et l'exposa à la vue de tous.
– Prêts pour un Pocky Game ? susurra-t-il malicieusement.
Rio se sentit presque coupable de ressentir du plaisir face aux yeux arrondis par la surprise de tous ses amis. Nagisa arborait une moue dubitative. C'était assez compréhensible, puisqu'il était le plus souvent la cible principale de leurs blagues, et il avait probablement immédiatement compris que leurs intentions étaient bien plus diaboliques qu'ils le laissaient paraître.
– Karma, Nakamura-san, vous manigancez encore quelque chose… soupira-t-il.
– Ce n'est évident ? répondit son meilleur ami avec cet air sadique qui lui était propre. De toute manière, on participe aussi au jeu, sans quoi ce serait beaucoup trop injuste.
Rio acquiesça, un sourire fier plaqué sur le visage. Elle n'était pas toute blanche non plus et n'avait pas réellement peur d'embrasser qui que ce soit – dans le pire des cas elle tomberait sur Okajima, mais qu'est-ce qu'un baiser pourrait bien lui faire de mal ?
– Je place une bouteille au centre du cercle et je la fais tourner. Les deux personnes qu'elle désignera prendront un Pocky et devront le manger ensemble, jusqu'à en arriver au point où elles s'embrasseront.
– Je rêve ou vous avez complètement changé les règles… ? fit remarquer Okano dans un murmure, mais Karma couvrit sa voix d'un raclement de gorge sonore.
Terasaka, aussi grincheux qu'à l'accoutumée, grogna.
– Juste- Commencez votre merde, qu'on en finisse.
Karma récupéra une bouteille d'eau vide qu'il avait pris soin de garder avec lui et suivit scrupuleusement les instructions. L'impatience se lisait clairement sur son visage, et Rio le comprenait : quoi de plus excitant que de voir deux personnes totalement opposées se rapprocher à l'aide d'un simple biscuit ? Évidemment, ils immortaliseraient ce moment sur leurs téléphones, et se chargeraient d'embêter leurs victimes jusqu'à la fin des temps.
La bouteille tourna à toute vitesse mais bien trop longuement, comme si elle prenait le temps d'analyser chacun d'eux pour mieux trouver ses proies. Cela dit, elle s'arrêta un peu trop brusquement pour que ce soit normal. Rio fronça les sourcils en direction de Karma, mais, si celui-ci le remarqua, il l'ignora superbement et continua d'afficher son rictus carnassier.
Le regard vert horrifié de Kurahashi passa de la bouteille dont l'extrémité la pointait avec moquerie au visage rougissant de Kimura, et un petit cri terrifié se fit entendre. Tous se retinrent d'éclater de rire. Les sentiments que leur ami avait pour la jeune fille n'étaient un secret pour personne, à part peut-être la principale concernée, et il était évident qu'il hurlait intérieurement de joie. Cependant, il était difficile de dire qu'il en allait de même pour la jeune rousse. Celle-ci manquait déjà d'éclater en sanglots en murmurant qu'elle s'était réservée pour Karasuma-sensei. Karma, sans compassion aucune, tendit un bâtonnet au chocolat au garçon et chuchota – assez fort pour que tout le monde puisse l'entendre – que le baiser devait durer au moins cinq secondes ; ce fut donc les joues virant au pivoine que Kimura plaça l'une des extrémités du biscuit entre ses lèvres, invitant Hinano à en faire de même avec l'autre.
Lorsque leurs lèvres s'effleurèrent, les lunettes d'Okuda tombèrent de son visage et Okajima essuya le sang qui coulait de son nez avec la manche de sa veste.
Rio et Karma prirent soin d'immortaliser le moment ; pour eux, la fête ne faisait que commencer.
Seulement dix minutes s'étaient écoulées, mais déjà plusieurs couples plus sordides les uns que les autres avaient subi le même sort que Kimura et Kurahashi : Mimura et Fuwa, Muramatsu et Hazama, Yoshida et Hara… À son plus grand bonheur, Chiba et Hayami suivirent ces derniers et elle dut se forcer pour ne pas hurler sa joie. Il fallait avouer que ces deux-là avaient pris énormément de temps pour en arriver à ce point et en avaient eu réellement besoin. Sugino et Kanzaki furent les prochains (Rio n'aurait jamais cru voir un jour Kanzaki si déstabilisée), accompagnés d'Isogai et Kataoka. Ce dernier couple réussit à convaincre la jeune blonde du fait que Karma avait trafiqué sa bouteille d'une quelconque manière dans le but de tomber sur les couples qu'il désirait le plus voir finir ensemble.
Toutes les personnes déjà choisies se mirent de côté, si bien que le cercle se fit plus petit : Nagisa et Kayano tremblaient comme des feuilles, Terasaka grommelait dans son coin – encouragé par Itona qui insistait sur le fait qu'il finirait de toute manière ses jours seul –, Okuda rougissait à vue d'œil et remontait furtivement ses lunettes sur son nez, Okajima et Takebayashi se plaignaient à voix basse de ne pas encore avoir été choisis, Yada triturait nerveusement le pan de sa chemise d'uniforme et Sugaya fixait le plafond d'un air rêveur. La question ne se posait pas pour Nagisa et Kayano car elle se doutait qu'ils feraient partie des prochaines victimes, mais pour les autres, elle n'avait aucune idée de la suite des évènements. Elle se souvenait que Koro-sensei avait tenté de la caser avec Sugaya lors du test de courage en été, alors peut-être que Karma continuerait sur cette idée ? Sugaya n'était pas si mal, alors ça ne la dérangeait pas vraiment.
Karma fit tourner la bouteille une énième fois et se dépêcha de regagner sa place. Tous la contemplèrent avec plus d'ardeur qu'il ne le fallait, totalement pris dans l'émotion du jeu ; et, l'espace d'une seconde, Rio crut ressentir cette angoisse d'être choisie elle aussi mais la balaya rapidement d'un geste de la main. Elle se fichait pas mal d'embrasser l'un de ces garçons, peu importe de qui il s'agissait. Certes, Okajima était au stade terminal de la perversion, mais elle savait qu'il ne tenterait rien qu'elle n'approuverait pas. Et puis, puisqu'elle était convaincue que c'était Karma qui choisissait chacun des couples, elle savait qu'il ne la ferait jamais embrasser quelqu'un comme lui.
Elle ne fut pas vraiment surprise que le cul-de-bouteille s'arrête sur elle, mais son cœur manqua un battement. Elle avait l'impression que ce bouchon pointé sur elle la narguait, de la même manière qu'il l'avait fait avec toutes ses précédentes proies. De plus, il n'y avait personne assez près d'elle pour qu'elle puisse prétendre ne pas être celle qui avait été choisie, et ainsi sauver sa peau. De toute manière, pensa-t-elle, elle s'était déjà fait à l'idée d'embrasser l'un de ces stupides garçons. L'espoir secret que ce fut Nagisa naquit en elle, car Bitch-sensei l'avait placé en première place de son classement des meilleurs kissers de la classe, mais elle se doutait bien que Karma le réservait à Kayano. Sugaya, alors. Elle leva lentement les yeux vers la silhouette qui se dessinait derrière la bouteille en priant tous les dieux qu'elle connaissait pour que ce soit Sugaya.
Oh.
Les écarquilla.
Ah.
La queue-de-cheval de Yada fut la première chose qui tomba sous son regard. Elle espéra un instant que tout ceci ne fut qu'un cauchemar et qu'elle se réveillerait bientôt dans le tendre lit qu'elle n'aurait pas abandonné ce matin même si Kanzaki ne l'avait pas appelée. Mais, elle eut beau cligner des yeux plusieurs fois, elle ne voyait toujours que des cheveux bruns parfaitement attachés et deux iris d'un violet inhumain.
Elle se sentait stupide, tellement stupide. Prise dans le feu de l'action, elle avait totalement oublié de se mettre dans la partie du cercle réservée aux filles et ainsi limiter le risque de tomber sur une personne du même sexe (à moins que ce ne soit l'un des stratagèmes machiavéliques de Karma ?). Bien que Bitch-sensei l'ait déjà embrassée – de même que tous les élèves de la classe E – elle trouvait cela infiniment plus embarrassant maintenant qu'il s'agissait d'une de ses camarades de classe. Il lui était pourtant impossible de se défiler… Ses victimes habituelles ressentaient-elles ce même sentiment de gêne lorsqu'elles se retrouvaient prises entre ses filets ?
Prenant son courage à deux mains, elle se saisit du Pocky que Karma lui tendait et plaça le bout dépourvu de chocolat entre ses lèvres, attendant patiemment que Yada l'imite. Sans émettre le moindre commentaire, la jeune fille à la queue-de-cheval s'approcha lentement – bien trop lentement au goût de Rio – avant de saisir à son tour sa partie, le rouge aux joues. Le sourire moqueur de Karma, les visages gênés de Nagisa, Kayano et Okuda, l'hémorragie nasale de Takebayashi et Okajima, l'air ahuri de Terasaka et celui impassible d'Itona – de même que les autres élèves qui quelques minutes auparavant avaient subi le même sort qu'elles et qui maintenant étaient bien trop dans la lune pour pouvoir s'attarder sur leur cas ; tout sembla s'envoler autour d'elle pour ne laisser place qu'à Yada, dans toute sa splendeur, qui lui faisait face sans esquisser le moindre mouvement.
Ce fut Rio qui se chargea de prendre une première bouchée du biscuit, minuscule, dans l'espoir secret de retarder le moment fatidique. Ce simple mouvement fit sursauter Yada, et celle-ci sembla revenir à la réalité et s'empressa de l'imiter. Ouvrir les yeux lui était impossible, et elle se doutait bien que son amie était dans la même situation. À quoi ressemblait-elle de si près, cette fille au visage et au corps parfaits qui faisait rêver tous les garçons ? Que pouvait-elle bien ressentir à cet instant, en même temps que cette gêne profonde qui les dévorait toutes les deux ?
Le baiser doit durer au moins cinq secondes, lui rappela sa conscience une fraction de seconde avant que leurs lèvres ne s'effleurent.
C'était doux, se surprit-elle à penser. Si elle avait ressenti la même chose lors de ses baisers avec ses précédents petits-amis, elle sentait qu'il y avait ce petit quelque chose d'étrangement différent. Aucune langue n'essayait de forcer la barrière de ses lèvres, aucune main n'allait se balader sur son corps ; leurs lèvres se contentaient de se toucher doucement, timidement, faisant fi du temps qui fuyait à toute vitesse. Réagissant peut-être au flot d'émotions qui parcourait chacune d'elles, leurs corps se rapprochèrent lentement sans pour autant se coller l'un à l'autre.
Lorsqu'enfin elles se séparèrent, le visage rougi et les vêtements légèrement froissés, personne, pas même Karma, n'osa faire remarquer que leur baiser avait duré beaucoup plus longtemps qu'il ne le fallait.
Nakamura se recula légèrement tout en détournant les yeux de ce regard violet profond dans lequel elle redoutait de se noyer. Les cheveux de sa camarade montaient légèrement au ciel et ses joues étaient parsemées de rougeurs qu'elle ne savait dues à la chaleur ou à l'embarras ; sans doute les deux. Mais ce ne fut que lorsque ses yeux tombèrent inconsciemment sur ses lèvres (roses et pulpeuses, remarqua-t-elle inconsciemment) qu'elle réalisa ce qui venait de se passer.
Elle avait embrassé Yada Tôka.
Et elle avait aimé ça.
Il fallait avouer lancer un Pocky Game n'était peut-être pas l'idée la plus ingénieuse qu'elle ait pu suivre et y participer encore moins, contrairement à ce qu'elle avait pu en penser lorsque Karma lui en avait parlé. Maintenant qu'elle en avait fait les frais, voir Isogai et Kataoka s'éviter du regard en rougissant ne l'enchantait guère, pas plus que Kanzaki qui souriait timidement à Sugino ou encore Maehara qui regardait furtivement Okano. Yada, le teint toujours rouge pivoine, sortit précipitamment du cercle et alla s'appuyer contre l'un des bureaux, près de Kurahashi, la laissant plantée là devant tout le monde. Heureusement pour elles, les autres étaient assez compréhensifs pour ne pas émettre le moindre commentaire, aussi se précipita-t-elle d'imiter son amie, mais prit soin de se placer assez loin d'elle pour ne pas avoir à croiser son regard.
Elle ne comprenait pas vraiment l'embarras qu'elle ressentait. Certes, Yada était une fille, mais en quoi l'embrasser avait-il été différent que d'embrasser n'importe quel garçon ? Après tout, elles étaient proches, et ce geste, bien que très intime, n'aurait pas dû être spécial d'une quelconque manière que ce fut.
La pause-déjeuner s'acheva sur cette note inconfortable. Koro-sensei revint en vantant son très court passage au Cambodge mais, contrairement à ce à quoi il était habitué, personne ne lui demanda plus de détails. Lorsque les cours reprirent, aucune attention ne fut portée à ce qu'il racontait et, même s'il tenta tant bien que mal de raviver l'ambiance joyeuse et propice à l'assassinat qui régnait d'ordinaire, rien ne changea.
Le regard de Rio alla se perdre dehors, derrière Nagisa et Kayano qui n'osaient plus se regarder dans les yeux – elle était trop dans les vapes pour pouvoir y faire attention, mais Karma avait laissé échapper que ces deux-là avaient partagé le dernier Pocky de la boîte – et regarda sans réellement la voir l'énorme étendue d'herbe qui précédait la forêt. Comment oser poser ses yeux de l'autre côté, alors que Yada ne se trouvait qu'à deux tables d'elle ? Ce baiser partagé, au lieu de les rapprocher, les avait irrémédiablement éloignées l'une de l'autre. De plus, elle ne doutait pas une seule seconde que son complice avait immortalisé cet instant sur son appareil photo et ne manquerait pas de la charrier avec ça jusqu'à la fin des temps.
Un bruyant soupir irrité lui échappa, faisant sursauter Okano assise juste en face d'elle. Jamais elle n'avait été autant sur les nerfs qu'à cet instant, et tout ça à cause d'un stupide jeu auquel elle avait elle-même décidé de jouer. S'ajoutaient à cela leur tentative d'assassinat ratée et l'omniprésence de la sensation des lèvres de Yada posées sur les siennes.
Elle aurait vraiment mieux fait de rester au lit, ce matin.
– Ma petite Rio, tu vas bien ? Tu es toute pâle…
Rio sursauta au contact de la main tiède de sa grand-mère sur son front. Elle venait tout juste de réaliser qu'elle s'était totalement laissée emporter par le flot de ses pensées, au point d'en oublier totalement qu'elle se trouvait en plein repas de famille. Ils avaient pour habitude d'en organiser un hebdomadairement et elle avait toujours considéré ça comme son jour préféré de la semaine. Près d'elle, les piaillements de son petit cousin faisaient rire les plus jeunes, tandis que les adultes discutaient joyeusement de choses futiles et joyeuses. Elle qui d'ordinaire adorait se mêler à toutes les discussions ne parvenait tout simplement pas à se concentrer sur l'une d'elles et elle n'avait pour l'instant réussi à avaler qu'une seule bouchée de son plat.
Elle s'efforça de sourire pour éviter d'inquiéter davantage son aînée. Celle-ci avait toujours été d'une tendresse maladive, à toujours se faire un sang d'encre pour les autres sans jamais se soucier de sa propre personne. Rio ne voulait lui ajouter plus de cheveux blancs qu'elle n'en avait déjà.
– Mais oui, ne t'en fais pas. Je suis juste un peu fatiguée.
– Tu dois beaucoup travailler ces temps-ci, non ? Essaye de ne pas trop forcer, non plus.
Travailler était sans doute le dernier de ses soucis, en ce moment, mais elle se garda bien de le dire. En temps normal elle aurait accusé les entraînements monstres que faisait subir Karasuma-sensei à sa classe, mais elle se doutait bien que la raison de son apparente fatigue était toute autre. En fait, si elle portait un nom, elle ne saurait dire s'il s'agissait de Yada ou de Karma.
Cela faisait près de deux heures que cet abruti aux cheveux rouges la harcelait de messages sur Line et lui renvoyait la photo de son baiser avec la jeune fille à la queue-de-cheval encore et encore, accompagnée de remarques ouvertement moqueuses et de smileys en forme de cœur. Elle avait tout tenté pour le faire arrêter : lui demander poliment, lui crier dessus par message vocal, et même le bloquer pendant une bonne demi-heure ; mais rien n'y avait fait. Karma était tout simplement inépuisable. Ce ne fut qu'à ce moment que Rio comprit la douleur que ressentait ce pauvre Nagisa lorsqu'elle l'embêtait par rapport à son apparence androgyne ou à son baiser avec Kayano quelques semaines plus tôt. Elle se jura de ne plus jamais recommencer et de s'excuser en bonne et due forme auprès du principal intéressé.
Cela dit, l'attitude de Karma demeurait étrange. Pourquoi réagissait-il de la sorte alors qu'il n'avait jamais rien tenté pour la caser avec Yada ? Et si c'était une autre fille qu'elle avait embrassé ? Avait-elle un jour fait une erreur pour le pousser à croire qu'il existait un lien plus étroit entre elles ?
Mais quand ?
Sa relation avec Yada était des plus simples : elles se saluaient le matin, discutaient une fois par jour avant de se quitter avec un sourire aux lèvres. Sans doute en allait-il de même avec toutes les autres filles de sa classe. Son caractère jovial lui permettait de bien s'entendre avec tout le monde sans pour autant être particulièrement proche de qui que ce soit – à part Karma, mais lui ne comptait pas. Toujours était-il qu'elle ne se souvenait pas avoir un jour tenté quoi que ce soit avec la principale intéressée. Bordel, elle n'était même pas lesbienne !
Son téléphone vibra une énième fois dans la poche de son pantalon, mais cette fois-ci elle le sortit avec trop de rage pour pouvoir faire attention aux regards inquisiteurs qui lui étaient lancés. Il était temps pour elle de faire taire cet abruti d'Akabane une bonne fois pour toutes, et pour cela peu importait le moyen employé.
« Terasaka a embrassé Itona. »
… Bon, peut-être qu'elle n'était pas la plus à plaindre finalement.
« Et toi ? Tu regrettes de ne pas avoir embrassé Manami ? »
C'était bien trop jouissif de l'imaginer devenir aussi rouge que ses cheveux derrière l'écran ; car même s'il ne l'avait jamais avoué à haute voix, elle savait pertinemment qu'il n'était pas tout à fait insensible à la petite Okuda. Ils formaient certes un duo étrange, mais pas totalement improbable. Il n'y avait qu'à voir la manière dont il se radoucissait lorsqu'elle était à ses côtés.
Le prochain message ne mit pas plus de trente secondes à arriver.
« Je te conseille de ne pas jouer avec le feu. »
Rio haussa les épaules, bien que son interlocuteur ne puisse pas la voir. De toute manière, elle s'était déjà brûlée en se prêtant à son stupide jeu.
Au moins sa remarque avait eu l'effet escompté et elle n'avait pas reçu d'autres messages tout le reste de la soirée. Le reste du dîner se déroula sans encombre, et, au bout d'une petite heure, elle put enfin regagner sa chambre. Son premier réflexe fut de se jeter sur son lit, oh doux lit qu'elle n'aurait jamais dû quitter le matin même. Certes, elle aurait empêché ses camarades d'appliquer leurs plans d'assassinat, mais au moins elle n'aurait pas suivi cette idée stupide de Pocky Game.
Les évènements de la journée lui revinrent une énième fois en mémoire. Elle repensa à Yada, son visage d'ange, ses cheveux parfaitement attachés, ses yeux extraordinairement violets, ses lèvres incroyablement douces. Elle savait pertinemment que le baiser n'avait pas été désagréable le moins du monde – qu'il lui avait plu – mais elle ne comprenait pas pourquoi elle y repensait autant. Yada était une fille, elle était une fille, et il n'y avait absolument aucune raison pour que leur baiser ait quoi que ce soit de spécial.
S'il y avait bien une chose dont elle était convaincue, pensa-t-elle en mettant les rougeurs qui parsemaient ses joues sur le compte de la chaleur de la pièce, c'était qu'elle n'était pas lesbienne.
Alors là, certainement pas.
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que quelqu'un m'empêche de renommer cette fic "no homo tho"
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