Disclaimer : La franchise Captain America et Marvel ne m'appartiennent pas. En revanche, tous les personnages de cette fiction qui ne leur appartiennent pas (notamment la famille Warrington, Helena Bell et les agents anonymes du SHIELD mentionnés) m'appartiennent.

Vengeance

1954 (10 ans)

― Bucky ?

― C'est qui, Bucky ?

La femme agenouillée à ses pieds le fixa de son regard incrédule.

Est-ce qu'il se moquait d'elle ? Il ne se souvenait vraiment pas ?

― Bucky, c'est moi, Amelia !

― Oui, Amelia Warrington...

Son arme pointée sur la tête de la femme ne dévia que pour désigner brièvement le cadavre de l'époux étendu de l'autre côté du lit.

― … et Jonathan Warrington.

― Bucky, c'est moi ! répéta-t-elle au bord du désespoir. On s'est rencontrés dans un bar, il y a dix ans ! Tu ne te souviens vraiment pas ?

― …doivent mourir, marmonna l'homme au bras d'acier en grimaçant.

C'étaient les mots d'un autre. Plus que des mots : un ordre. Et il devait suivre les ordres à la lettre.

En revanche, les souvenirs qu'évoquaient la femme faisaient écho à d'autres souvenirs, enfouis tout au fond de lui. Il luttait pour ne pas qu'ils remontent à sa mémoire. Il tenta de se persuader qu'il n'avait aucune idée de ce dont elle parlait.

Il ne devait pas penser. Les ordres étaient clairs : remplir la mission, puis rentrer à la base. C'était un soldat, il n'avait pas à penser, seulement à exécuter les ordres. C'était plus facile comme ça.

Une fois encore, il tenta de se persuader que cette mission était aussi simple que les précédentes.

― Tu devrais t'en souvenir... On a fait plus que boire un verre, ce soir-là...

Elle eut un rire désabusé avant de continuer :

― J'ai été si lamentable que ça ?

Son rire devint hystérique.

Le soldat en avait marre de l'entendre couiner. Il allait l'abattre lorsqu'elle se calma soudain.

Le regard de la femme s'était détourné de son bourreau. Elle fixait à présent un point derrière lui.

Le Winter Soldier avait senti la présence du gamin avant même que sa mère le voit, mais celui-ci ne représentant aucune menace, il avait choisi de l'ignorer.

― James ! Je t'avais dit de rester caché !

Le soldat grimaça de nouveau, excédé. Une fois encore, un prénom ramenait à sa mémoire des flashs d'un passé dont il n'avait aucun souvenir.

Il ne s'appelait ni Bucky, ni James, bordel ! Il n'avait aucun nom ! Il était uniquement le Soldat de l'Hiver, point barre !

Confus, il mélangeait tout ! Il fallait que cela cesse sur le champ !

― Ne lui fais pas de mal, je t'en prie ! le supplia la femme, horrifiée et paniquée. Je lui ai donné ton...

La détonation coupa court à ses gémissements.

James trouva cela étrange : sa mère pleurait et hurlait, le visage déformé par la peur, mais la seconde d'après, un bruit sec et sourd l'avait interrompue, et à présent elle gisait inerte sur la moquette, silencieuse et le visage paisible.

James préférait quand même quand sa mère ne criait pas, ce qui n'arrivait que lorsqu'elle était calme ou dormait. Mais pas comme ça. Il y avait quelque chose de bizarre dans la position de son corps. Et puis, elle n'aurait jamais dormi par terre : ça aurait froissé sa robe, et il n'y avait rien qu'elle déteste plus que les vêtements froissés !

― James ?

Le petit garçon leva les yeux vers l'homme au bras de métal qui s'était tourné vers lui et l'avait interpellé. Son impassibilité retrouvée, le soldat fixa l'enfant tremblant qui ne parvenait pas à détacher les yeux du corps de sa mère.

― Tu as quel âge ?

L'enfant leva ses yeux gris vers l'assassin de ses parents. Il se doutait qu'il ferait mieux de répondre.

― Dix ans...

― J'ai rencontré ta mère, il y a dix ans...

Le soldat eut vaguement l'impression que cela signifiait quelque chose, quelque chose d'important, mais il n'arrivait pas à déterminer quoi et ça commençait à l'énerver. D'autant que c'était elle qui l'affirmait, pas lui. Lui, il ne s'en souvenait tout simplement pas.

― Vous allez me tuer, moi aussi ?...

― Non. Ton nom n'est pas sur la liste.

― La liste ?

― Ordre d'HYDRA.

Le petit garçon dut se contenter de cette réponse car le tueur peu loquace était retombé dans le mutisme.

Ils se dévisagèrent un long moment, leurs prunelles du même gris assombries par les questions sans réponses, la brutalité de la mort et un avenir incertain.

Et puis, le soldat bougea. James craignit un instant qu'il ait changé d'avis, qu'il ne le tue lui aussi, mais l'homme se dirigea vers la porte et quitta la chambre sans une parole ou un regard de plus.

Ses pas s'éloignèrent lourdement dans le couloir. Longtemps, James entendrait résonner ce martèlement funèbre dans son sommeil, dans ses cauchemars. Longtemps, il vivrait dans la crainte de l'entendre revenir pour finalement l'exécuter lui aussi.

Le Winter Soldier partit comme un vent mauvais chargé de mort. Mais il avait commis une erreur qui le perdrait peut-être : il avait laissé derrière lui un petit garçon désormais orphelin. Un petit garçon prénommé James, qui retiendrait très bien les noms de ces funestes commanditaire et exécutant qui avaient apporté la mort en sa paisible maison et son heureux foyer.

HYDRA...

Bucky...

Plus tard, quand il serait assez grand, James apprendrait le mot qui qualifiait le désir qu'il ressentirait depuis cette sinistre nuit : vengeance.