Ce prologue, dans sa plus grande partie, ne fait que résumer le film. Ce n'est pas très intéressant, j'en suis consciente, mais j'ai besoin de « poser » mon histoire et, comme vous pourrez le constater, les changements commencent au cours de cette scène, celle de la bataille finale de « Jusqu'au bout du monde », quand le Black Pearl et le Hollandais Volant s'affrontent dans le tourbillon géant de la déesse Calypso.
J'ai fait aussi court que possible. Les changements définitifs arrivent bientôt et ils concernent tout le monde.
Note : les dialogues en italique sont ceux du film.
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Il fallait vraiment être un marin pour réussir à se tenir debout sur le pont ruisselant d'eau de pluie et cela malgré la gîte inquiétante du pont ! Et il fallait non seulement être un marin, mais encore avoir le cœur bien accroché pour oser se lancer, en se retenant seulement de ses deux mains à un malheureux filin, au-dessus des eaux rugissantes et tourbillonnantes afin d'aborder le navire ennemi ! C'était un véritable abîme qui s'ouvrait entre les deux navires, un abîme liquide au fond duquel les eaux tournoyaient avec violence pour disparaître dans les profondeurs insondables de l'océan.
Pourtant, de part et d'autre du vortex, ils furent bien deux dizaines à s'élancer de la sorte. Les damnés du Hollandais Volant croisèrent, à mi-parcours, les pirates du Black Pearl, puis chaque détachement d'assaillants aborda le navire ennemi et le combat s'engagea, féroce, implacable, aussi sauvage que les éléments eux-mêmes.
A bord du Black Pearl, se jouant avec flegme, semblait-il, de la mer en furie et du gouffre qui entraînait le navire en une longue glissade, le capitaine Barbossa, les mains fermement serrées sur le gouvernail, ne parut pas spécialement ému de voir surgir tout à coup une horde de créatures hybrides sur « son » navire. Sans lâcher la barre, il dégaina son sabre et accueillit avec panache ceux qui se ruèrent sur lui.
A quelques mètres au-dessous de lui, Will Turner et sa fiancée ne se montrèrent pas en reste : nu-têtes tous les deux, sans souci de la pluie glacée qui leur ruisselait dans les yeux et plaquaient leurs cheveux, ils firent front avec une fougue égale.
Sous le ciel d'un noir d'encre, des éclairs jetaient par moment une lueur peu engageante sur les armes ruisselantes de sang et de pluie, la mêlée faisait rage et le grondement de l'eau n'avait jamais paru plus menaçant. Qui aurait pu avoir une pensée agréable, ou même simplement légère, en cet instant ? Personne, à priori. Aussi, Elisabeth crut-elle tomber des nues lorsque, de but en blanc, entre deux passes d'arme, Will lui demanda tout à coup :
- Elisabeth, veux-tu m'épouser ?
Ses paroles, extravagantes dans la situation présente, parurent se heurter à un mur : la jeune femme regardait son fiancé avec un visage figé, presque sans expression. Elle essayait de se convaincre qu'elle avait bien entendu et, lorsqu'elle y parvint, elle se retint de lui demander si, par hasard, il était en train de se moquer d'elle !
- Je ne crois pas que ce soit le moment idéal pour ça répliqua t-elle, presque hargneuse.
Mais Will avait un funeste pressentiment.
- Ca pourrait bien être le dernier, répondit-il.
Elisabeth ne paraissait pas certaine qu'il ait tous ses esprits. Le jeune homme insista :
- Je t'aime. J'ai pris ma décision. Quelle est la tienne ?
C'était tellement le Will Turner qu'elle connaissait et qu'elle aimait que le cœur d'Elisabeth fondit. Elle entendit dans ces quelques mots bien plus qu'une déclaration d'amour et une demande en mariage. Il y avait aussi une tentative de réconciliation définitive après le froid qui s'était un temps glissé entre eux, et des promesses d'avenir. Elle prit sa décision sur le champ : leur mariage n'avait été que trop longtemps différé. Il était temps de concrétiser les choses.
- Barbossa ! cria t-elle pour couvrir le fracas ambiant. Mariez-nous !
De l'autre côté du maëlstrom, le Hollandais Volant, lui, tanguait à peine dans la tourmente. Pareil à un animal marin parfaitement à l'aise dans son élément, penché pourtant à près de quinze degrés sur bâbord, le navire filait dans le vent avec une inquiétante vélocité, pareil à un immense prédateur près à fondre sur sa proie.
Sur la grand-vergue, le cliquetis hargneux des lames qui s'entrechoquaient paraissait aussi ténu qu'un tintement de cristal tant le vent hurlait dans les haubans. Davy Jones était d'une force redoutable, et Jack Sparrow ne parvenait pas à comprendre comment, surtout dans de telles conditions, il pouvait se tenir aussi fermement debout avec sa patte de crabe ! Pliée devant lui dans la position classique du bretteur, celle-ci lui assurait une stabilité de roc, la pointe fermement enfoncée dans le bois glissant. Jack, qui n'avait qu'une main pour combattre car l'autre serrait toujours fermement la poignée du coffre renfermant le cœur de son ennemi, avait besoin de toute son agilité pour résister aux assauts sans basculer dans le vide.
- Elisabeth Swann, veux-tu me prendre pour époux ?
- Je le veux !
L'esprit de Jack travaillait à toutes vitesse. Il était en position d'infériorité perché sur cette vergue au-dessus du vide, s'il voulait prendre l'avantage, il devait trouver une solution au plus vite. Il utilisa une ruse vieille comme le monde, une ruse qui a déjà fait ses preuves mille fois : il se fendit d'un sourire éclatant, les yeux rivés au mât derrière son adversaire, et s'écria d'un ton joyeux :
- C'est pas trop tôt !
Davy Jones ne put s'empêcher de tourner la tête pour regarder derrière lui. Jack se jeta sur lui et, bras tendus, le poussa dans le vide. Pris par surprise, Jones perdit l'équilibre et bascula, mais le long tentacule préhensile qui lui tenait lieu d'index à la main droite s'enroula solidement autour de la vergue. Jack était déjà occupé à se laisser glisser vers le pont le long d'un cordage. Il eut cependant à peine le temps de finir sa descente que le capitaine du Hollandais Volant se matérialisait devant lui, écumant de rage.
- Will Turner, est-ce que tu veux me prendre pour femme ? Pour le meilleur et pour le pire ? Et je crois que le pire est à envisager !
- Je le veux !
Se tenant par la main tout en combattant, leurs corps et leurs mouvements parfaitement synchronisés en une véritable danse de mort, les deux jeunes gens prononçaient les paroles rituelles tout en maniant leurs épées avec une fougue renouvelée. Mais ce n'était encore rien comparé à Barbossa ! Le vieux flibustier avait été contraint par le nombre à lâcher la barre, mais il combattait comme un démon, sans pour autant oublier de crier les paroles sacramentelles du mariage, assorties de commentaires particulièrement hauts en couleur, adressés à ses ennemis, à faire hurler au blasphème n'importe qui n'aurait pas appartenu à la piraterie !
Jack eut tout juste le temps de lever sa lame pour parer le coup que lui portait son ennemi. Puis il attaqua à son tour mais, avec une rapidité diabolique, Jones saisit au vol la lame de son sabre dans sa puissante pince de crabe et la brisa net. Ahuri, Jack considéra sans y croire le tronçon de métal, fort proprement coupé en biseau, qui dépassait de sa main. Dans le même temps, avec une agilité que l'on n'aurait pas attendue de lui, Jones pivota sur son pied humain et lança vers le haut sa patte de crabe, à la manière d'un balancier, pour frapper son adversaire au niveau des côtes avec une force qui lui vida instantanément les poumons de tout l'air qu'ils contenaient.
Le souffle coupé, Sparrow tituba dangereusement et parvint tout juste à reculer de quelques pas, jusqu'à ce que le mât dans son dos l'empêche d'aller plus loin. Le capitaine du Hollandais Volant posa avec délicatesse la pointe de son épée sur la gorge de son adversaire désarmé.
- Jack Sparrow, ricana t-il, est-ce que tu as peur de la mort ?
- Tu ne m'as pas déjà posé cette question, l'ami ? ironisa le pirate avec un sourire que la douleur changeait en grimace.
La pointe d'acier s'enfonça, à peine, mais suffisamment pour qu'une goutte de sang perle sur la peau brunie par le soleil.
- Il n'a jamais été dans mes intentions de te faire mourir vite, Jack Sparrow, fit Jones en détachant nettement chaque syllabe, mais peut-être que je pourrais m'y résoudre… si tu me supplies de le faire !
- Pourquoi je ferais ça ? fanfaronna le pirate. Je ne suis pas pressé, l'ami !
Le bras gauche de Davy Jones se détendit, trop vite pour que Jack, immobilisé par la morsure du métal, puisse l'éviter : la pince monstrueuse qui terminait le membre se referma sur lui, juste au-dessus du coude, et commença à serrer.
Très lentement.
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Promis, dès le prochain chapitre j'abandonne les évènements du film pour raconter ceux que j'ai imaginé.
