Bienvenue dans notre nouvelle fiction !

Tout de suite, maintenant, voici le prologue !


Introduction

- Poppy ! me crie Paul attablé au bar pour me tenter dans un dernier verre.

C'est sans me faire prier que je prends place à ses côtés. Je suis ce genre de personne, ne sachant pas s'arrêter lorsqu'il s'agit de s'amuser et pour moi le divertissement va de pair avec l'alcool. J'ai toujours été une fille insouciante, insouciante du lendemain, voulant juste profiter de l'instant présent, entourée par les gens qui me sont chers. J'aime prolonger les moments de plaisir entre amis. Surtout ce soir, alors que c'est la dernière soirée où les rosters de la WWE sont réunis avant la séparation du départ en tournée.

Au collège j'étais très sage, une élève modèle. Puis j'ai découvert le lycée... quelle libération ! Je n'étais pas LA fille populaire mais j'avais une certaine réputation à tenir. On me connaissait parce que j'étais toujours là où il fallait et avec les bonnes personnes. Sachant m'entourer pour être vue.

Sans être inconsciente, j'aime m'amuser, danser, rigoler. Je profite de la vie. On ne sait pas de quoi demain sera fait après tout. Intégrée dans une bande de joyeux fanfarons, j'ai continué à développer mon goût certain pour les fêtes en allant à la fac.

Et ici au sein de la WWE je ne suis pas en reste. Si un de mes collègues peu débrouillard doit organiser une fête, il me téléphone, je suis la personne chez qui il faut être ou celle à contacter.

J'ai la chance que mes amis les plus proches aient eux aussi un gène de l'amusement surdéveloppé. Comment serait une fête sans Paul et April ? Bien monotone je pense, même si je m'efforcerai de faire le show pour impressionner mes convives.

Ma passion pour la fête est aussi partagée par mon adorable petit ami, un brin flambeur, qui aime se montrer et aime qu'on le remarque. À nous deux nous formons un véritable couple de jet setteurs. Nous pourrions écrire ensemble en une seule nuit le guide pratique du « Comment et où s'amuser aux USA »...

- Tu penses à quoi ? me demande Paul tout sourire.

- Au prochain cocktail que je vais boire !

Paul et moi rigolons de nos bêtises. Pour moi, ma vie est surtout remplie de mes amis, de mon petit ami et de rires. Je ne préfère pas penser à ce que je ferai demain.

Même si avec mon travail j'ai un planning précis établit - je sais où je vais atterrir, à quelle heure, dans quelle ville - ce que je ne sais jamais c'est dans quel club je serai après ma soirée de travail, avec quels amis j'aurai un fou rire et quels commérages je pourrai apprendre.

Je n'ai aucune volonté à calmer mes excès, je suis connue pour ça mais jamais ce volet de ma vie privée n'a entaché ma vie professionnelle. Tout ce qu'il y a d'exceptionnel à ma vie est le contexte et les personnes qui y participent. Je n'ai pas d'histoire familiale chaotique, pas de passé tumultueux et encore moins un horrible secret à conserver, je suis simple, joyeuse, chaleureuse et évidemment une épicurienne.

Ainsi est ma vie.

Perdue dans toutes mes pensées, je tourne la tête vers Paul. Mon meilleur ami, le seul en qui j'ai une confiance plus qu'absolue. Non pas que ce soit mon seul ami, mais Paul est le seul qui m'ait toujours soutenu, qui ait toujours été là pour moi. Le seul pour qui, sans hésiter, je donnerai un de mes reins. Il est toujours souriant, généreux, franc, loyal et désespérément amoureux ! Je souris tendrement y repensant.

Paul est gay mais personne sauf ses plus proches amis n'est au courant. Il s'est formé une carapace d'hétérosexualité lorsqu'il est arrivé à la WWE. Dans ce type de boulot, où la quasi totalité des mecs se baladent en slip et sont bourrés de testostérones et de phéromones en ébullition, il n'est pas bon d'être homo. Ça exclut. À mon grand désespoir, les catcheurs ont des idées assez arrêtées sur les gays. Efféminés. Nymphomanes. Pervertis, sont les adjectifs qui reviennent le plus souvent. Alors Paul soupire son amour en secret.

Quelle idée de tomber amoureux d'un hétéro aussi ! J'ai eu beau lui répéter, rien n'y a fait, « C'est l'Amour » qu'il me dit à chaque fois. Le fait que l'homme qu'il aime soit hétéro n'aurait pas arrêté Paul d'ordinaire. Mais le fait qu'il soit un de ses meilleurs amis le bloque. Il refuse de perdre son amitié qui lui tient tant.

- Il est pas trop sex' avec son accent anglais ?

Je rigole soudainement devant l'air attendri de Paul et tourne ma tête vers le fond de la pièce, où Stuart parle avec entrain. Paul à mes côtés soupire bruyamment.

Une légère pression de l'autre côté du canapé m'indique que quelqu'un s'y est installé. Je me retourne et aperçoit le sourire mystérieux d'April, ma meilleure amie.

- Oh. Mon. Dieu ! Vous ne devinerez jamais ce que j'ai entendu !

April est quelqu'un de très direct. De totalement franc. Elle n'hésite jamais à se lancer dans les disputes, puisqu'elle arrive, par je ne sais quel miracle encore, à embobiner son adversaire et à le faire plier sans avoir recours à ses poings. Venant d'une famille bourgeoise d'Irlande, elle a bénéficié des cours haute gamme avant de partir à l'aventure aux Etats-Unis et de se lancer dans le catch, à la plus grande surprise de ses parents. Elle a conservé son fort accent et son vocabulaire relevé qui contrastent avec son air angélique et son visage enfantin encadré de ses longues boucles rousses. Ce côté doux cache en réalité une personnalité bien affirmée et une commère de premier ordre.

- J'étais en train de flâner au travers des différentes pièces de ce splendide appartement victorien quand tout à coup, j'ai surpris une conversation des plus cocasses ! Nick, passablement éméché, courtisait Barbara !

Tandis qu'elle pouffe de rire, je regarde Paul qui a l'air aussi consterné que moi. Il est vrai que j'adore April mais elle est constamment à côté de la plaque. C'est en partie pour ça que je l'apprécie autant d'ailleurs. Elle n'est comme personne, toujours sur une autre planète, une planète qui tournerait encore au XVIIIe siècle...

- Euh... Ap'... Nick sort avec Barbara depuis deux mois déjà...

- Quoi ? Et comment se fait-il que vous ayez éludé ce fait tous les deux ?

- Baaaah... étant donné qu'ils se roulent des pelles devant tout le monde, on s'est dit que tu l'avais aussi compris...

April se tait et nous fixe, surprise.

- Comme c'est fâcheux ! Moi qui pensais tenir une information digne de ce nom !

Et elle repart de son rire cristallin.

Ma vie se résume à peu de choses. Toutes plus étranges les unes que les autres.

Un meilleur ami pervers, une meilleure amie débarquant d'une autre planète, un petit copain jaloux même des plantes, un rythme de travail étrange mais délicieux.

oOoOo

- Alors tu l'admires encore ? me demande Poppy installée à mes côtés sur la banquette.

- Comment ne pas être attiré par ce mec aussi ?

- Paul… soupire t-elle.

- Non Poppy n'y pense même pas ! dis-je pour la couper, devinant la suite de ses propos.

Elle se retourne vers moi et me sourit tendrement. Elle va me faire plier je le sais. Malheureusement j'accède trop facilement à ses demandes, surtout quand il s'agit de parler de nos histoires d'amour, existantes ou fantasmées.

- Je sais ce que tu vas dire mais….

- Poppy tu sais comment les homos sont considérés ici, je prends le risque de perdre un ami mais aussi que ça se sache.

- Ah donc tu veux bien parler. Me dit-elle en souriant.

Bien sûr que je vais lui en parler à qui d'autre à part April et elle ? Poppy se lève et je peux voir Ted au fond de la salle suivre le moindre de ses mouvements. Il la suit du regard, attiré par ce que mon amie dégage. Ils sont loin de ces couples pots de colle. Ted et Poppy savent passer du temps loin de l'autre, chacun pouvant profiter de ses amis. Mais Ted reste toujours attentif à elle, l'admirant du coin de l'œil. Poppy, en revenant, s'installe et me donne un verre rempli d'un liquide bleu.

- Vous êtes mignons tous les deux. Lui dis-je.

- Hein ?

- Ted. Lui dis-je en le désignant d'un mouvement de tête.

Poppy lève la tête vers son « Chou » - comme elle aime l'appeler - et lui adresse un des sourire dont elle a le secret, Ted lui répond de la même manière.

- Vous avez prévu quoi demain ?

- Aucune idée et n'essaye pas de changer de sujet… Stuart !

Je soupire faussement blasé et boit une gorgée du délicieux cocktail. Poppy rigole en me regardant et j'abdique : « Si ça peut te faire plaisir de parler de lui ». Elle en sautillerait presque que j'accorde enfin une discussion sur Stuart !

- Que veux-tu savoir ? Enfin que tu ne sais pas déjà ?

- Si je ne sais pas comment je peux te dire ce qu'il y a à savoir ? rigole Poppy.

- Je suis follement amoureux d'un hétéro qui est un de mes amis.

Poppy émet le bruit d'un son de jeu télévisé. Celui qui vous indique que vous venez de vous trompez et enchaîne en disant : « Mauvaise réponse je sais déjà ! »

- Ce que je veux savoir Paul, c'est pourquoi ?

- C'est l'amour ! C'est comme ça, j'y peux rien. Ça m'est tombé dessus d'un coup ! Son flegme britannique, son accent, son physique, sa gentillesse…

- Pourquoi ne pas tenter ?

- Je me mets en danger. Tu le sais que c'est trop risqué. Et Stu est un de mes meilleurs amis. Je préfère l'avoir dans mon entourage plutôt que de le voir me fuir !

- Et si tu tentais subtilement ?

- Subtilement ? Moi subtile ?

- Euh... Oui ça ne va pas ensemble ! rigole Poppy !

Tout d'un coup elle s'arrête net. Je vois bien qu'une idée lui traverse l'esprit, qu'elle pense à quelque chose de très sérieux.

- Mais je sais ! s'écrie Poppy

- Oh non non, tu sais rien du tout !

- Mais si ! dit-elle en me donnant une petite tape sur le bras. T'es pas subtile, alors Ap' et moi on va monter un plan pour tenter une approche !

- Ah non vous ne faites rien toutes les deux ! Rien du tout ! Et surtout pas vous deux ensemble !

- Humm… Petite blonde à 10 heures. Elle t'a repéré et arrive.

- Je vais encore devoir me sacrifier. Dit Paul.

- Arrête j'aime pas quand tu dis ça.

La petite blonde approche, plutôt mignonne. Elle propose qu'on aille danser, je me dois d'accepter. Je dois donner l'illusion, faire croire au reste du groupe que je suis à caser dans la catégorie des hétéros. Je prends la main de la jolie demoiselle, et abandonne une Poppy morose sur la banquette.

Je n'hésite pas à répondre au désir que cette jeune demoiselle ne cache pas. Elle me veut mais ne m'aura pas. Elles me veulent toutes. Je les chauffe comme elles pensent m'allumer et les laisse finir la soirée seules.

Je me déhanche contre elle, la prend par la taille, l'approche, effleure sa peau. Je joue beaucoup avec cette fille, imaginant qu'un jour je pourrai me comporter comme ça avec Stuart.

Je la fais frissonner. Je lui donne chaud. Elle fait tomber toutes ses barrières. Si je le voulais, je pourrai l'emmener dans les toilettes de cette boîte et en faire ce que je veux. Elle m'offre son corps. Elle se donne à moi. Mais je ne veux pas d'elle, je le veux lui.

Je retourne aux côtés de Poppy et Ap' qui me regardaient pendant que je faisais illusion.

- Bien joué ! me dit Poppy.

- Merci je n'ai plus rien à prouver de la soirée.

- Donc on peut reprendre à Stuart… dit Poppy.

April semble d'accord car elle s'installe plus confortablement dans la banquette et c'est à deux paires d'yeux insistantes et impatientes que je fais face.

- Cet aprem on a parlé de la soirée, il m'a dit qu'il viendrait. Quand il a dit ça je me suis imaginé comment il serait habillé, quel jean moulant allait mettre en valeur son petit cul d'anglais, jusqu'où il ouvrirait sa chemise… On a failli me perdre sur ce coup là !

- Mais comment as-tu fait pour te ressaisir ? demande April.

- En imaginant que s'il était trop sexy, il repartirait au bras d'une fille !

- Vous êtes super potes pourquoi ne pas passer la soirée ensemble ? Vous ne l'êtes jamais ! affirme Poppy.

- Vous me connaissez, je bois, j'admire un cul, une bouille d'ange et ne me prive pas pour donner mon avis ! Voilà pourquoi mes fins de soirées je les passe avec vous !

- Ta franchise te perdra mon ami ! En attendant, sache que Poppy et moi-même, ici présentes, seront toujours là pour te veiller. Ta petite confidence reste sous bonne garde...

- Et je compte sur vous ! En parlant de franchise, vous savez ce que j'aimerai lui faire à cet homme ? L'embrasser en plaquant son corps contre …

- Mon amour ! Il faut AB-SO-LU-MENT que je te conte un fait tout à fait passionnant ! Est-ce tu savais que Nick et Babara avaient une relation charnelle ? C'est extravagant non ? s'écrie April en m'interrompant car Phil venait d'arriver près de nous.

- Eux et bientôt Paul et la petite blonde de la piste de danse d'après ce que j'ai entendu, gros veinard !

- Elles sont toutes sous mon charme que veux-tu ? lui dis-je soulagé qu'il n'ait pas entendu toute la phrase.

Poppy se lève pour laisser sa place à Phil, afin qu'il puisse s'installer à côté d'une April m'ayant sauvé la mise.

- Viens à côté de moi. Dis-je en lui montrant la place.

- Désolée Paul, j'ai été invitée à danser. Dit-elle en me montrant Ted lui aussi debout face à ses amis.

Ce n'est qu'une fois que j'ai remarqué le départ de Stu que je me suis résigné à rentrer à l'hôtel. Il était partit avec Stephen. Aucun beau mec à se mettre sous la dent, trop de collègues présents pour que je tente une proie moyenne gamme. Aucun intérêt à rester à cette soirée.

oOoOo

Encore une gueule de bois.

Et ma tête qui cogne.

Je me redresse difficilement dans mon lit.

Ma chambre tangue.

Mes souvenirs de la veille affluent en masse.

Flashback

Si je devais me ranger dans une catégorie, ce serait celle des psychopathes. Il fallait que tu le fasses encore hein ? Aller à cette soirée juste parce que tu savais pertinemment qu'il y allait. « Hoho comme c'est drôle Paul, moi aussi j'y vais ! ». Pathétique. Pathétique. Pathétique. Tu es définitivement pitoyable Stuart. Amoureux et pitoyable.

J'arrive dans cette soirée où tous mes collègues sont réunis. La démarche assurée et « cool », j'ai l'air du mec qui sait ce qu'il veut, qui vient pour faire la fête. En réalité, je suis stressé comme pas deux. L'image du mec « relax » masque parfaitement mon trouble. Je me suis fait beau dans l'espoir ultime que Paul tombe amoureux de moi, comme ça, en me voyant. Je me suis rasé de près, ait mis de l'after shave, porte ma plus belle chemise. J'ai l'air d'un navet. Ou d'un pingouin. Je me sens mal et je suis ridicule. Évidemment Stuart que Paul va virer homo en te voyant arriver comme ça dans ta petite chemise en coton ! Grand dadet va !

Je me dirige instinctivement vers le fond de la pièce. Elle est assez sombre, je suis sûr de passer inaperçu. Manque de bol, tout le monde vient me parler. Je discute avec tous ceux qui s'approchent de moi. Je tente encore une fois de passer pour le mec ultra sympa, ultra sociable. Ils ont l'air de tomber dans le panneau. Au bout de trois conversations avec des moulins à paroles – que j'appelle accessoirement des divas – je fuis en direction du bar. À peine posé, j'avale un grand verre de punch. Aussi discret que je puisse être, je tourne la tête pour chercher Paul du regard.

Je le trouve assis sur le canapé à l'autre bout de la pièce. Il a l'air décontracté, il rit. Il est magnifique... C'est quasiment un crime d'être aussi beau ! Et séduisant ! Drôle et intelligent aussi ! Comment fait-il pour ne pas voir toutes ces filles dégoulinantes soupirer lorsqu'il passe à côté d'elles ? Elles sont toutes à ses pieds ! Il n'a qu'à se baisser pour en ramasser à la pelle... et pourtant, il reste sourd à leurs murmures pompeux.

Il a ce sourire qui me fait craquer. Un sourire si lumineux lorsqu'il parle, si éblouissant, un sourire que je ne peux m'empêcher d'accrocher. J'aimerai pouvoir en recevoir de ces sourires là. Mais je comprends qu'ils ne soient réservés qu'à ses amis les plus proches, April et Poppy. Je vendrai mes propres parents pour qu'il me sourit comme ça, rien qu'à moi.

Et ce regard ! Ses yeux noisettes, brillants, vifs, rieurs. Tantôt tristes, fatigués, furieux, séducteurs. Le plus souvent, je les vois perdus dans le vague, avec cette lueur amoureuse qui me tue. Toujours cette même sensation déchirante. Il aime quelqu'un. Mais qui ? Pourquoi ne sort-il pas avec elle ? Elle sort peut-être déjà avec quelqu'un d'autre...

- Stuart ? Stuart ! Tu m'écoutes oui ou non ?

- Pardon ? Oui, bien sûr que je t'écoute !

- Bien sûr... qu'est-ce que je disais ?

- … C'est... une bonne question...

Trop occupé à observer Paul, je n'avais même pas remarqué que Stephen m'avait rejoint au bar et qu'il me parlait depuis près de 5 minutes. Stephen me donne un grand coup dans l'épaule. Je recule quelque peu avec la force de l'impact. C'est qu'il frappe fort ce gaillard ! Sous son air exaspéré, je rigole tout en frottant l'épaule, où je risque d'avoir un bleu.

- Arrête de le regarder comme ça, on dirait que tu vas le bouffer tout cru !

- … Je peux pas m'en empêcher ! C'est plus fort que moi !

- Essaie au moins d'être discret.

Je rigole de plus belle, accompagné du rire de Stephen. C'est bien la seule personne à qui je peux tout avouer. Même mon homosexualité et mon coup de foudre pour Paul, sans qu'il ne crie au meurtre. Je me sentais seul, à la fois à cause du mal du pays, c'est ça d'être anglais, et aussi à cause de ma « différence », chose que tout le monde ignorait. Stuart est très timide, c'est normal, il est anglais. Stuart est plutôt renfermé vous ne trouvez pas ? Son pays natal doit lui manquer terriblement ! Si seulement il n'y avait que ça. Stephen aussi se sentait seul, sans vraiment personne pour comprendre son mal être permanent, pas de celui qui vous fait vous sentir déprimé, mais celui qui ne vous lâche jamais vraiment, celui qui fait que vous n'êtes jamais vraiment chez vous. Les différences, ça le connaissait aussi. Irlandais, roux, gigantesque. On s'est bien trouvés. On a ramé, on s'est soutenu. Finalement, on se considère comme des vieux frères lui et moi...

- J'te parle grande perche ! T'es reparti, c'est fou ça ! Il suffit d'une seconde d'inattention...

- Pardon, pardon mec !

- Ça sent pas bon tout ça...

- Hein ? Quoi ?

- Lionne en chasse à trois heures... Parade nuptiale assurée.

Je me tourne rapidement vers le fond de la pièce, où Paul est assis aux côtés de Poppy tandis qu'une blonde insipide se dirige toutes griffes dehors vers lui. Je déteste les moments comme ça. Paul se lève à la demande de cette foutue fille. Il l'accompagne sur la piste de danse dans un mouvement félin. Sa chemise légèrement entrouverte laisse apercevoir ses clavicules bronzées. Il a relevé son col pour se donner un air plus mystérieux, plus séducteur. Si je ne me retenais pas, je la lui arracherai bien volontiers sur le champ. Elle commence à se déhancher outrageusement devant lui. Elle se mord la lèvre inférieure, comme une enfant prise en faute. Il lui sourit, de ces sourires en coin, à la fois charmeurs et charmants. Il s'approche d'elle, un peu trop, et la prend par la taille. Commence alors cette danse de séduction, où leur deux corps sont collés, où leurs courbes s'épousent parfaitement, où leurs regards se confondent. Je tiens fermement la table à laquelle je suis accoudé pour éviter d'aller les séparer. Même si mon cœur me hurle de le faire, au risque d'être définitivement cramé. Je ne supporte pas ces scènes. C'est chaque fois plus dur, chaque fois plus déchirant. Mais de quel droit pourrais-je faire ça ?

- Bois ça. Tu te fais plus de mal que de bien en les regardant.

Stephen me tend un shot de je ne sais quelle boisson forte. J'avale cul sec. L'espace d'un instant, ça me fait oublier que l'homme dont je suis raide dingue danse collé contre une fille. Hétéro. Hétéro. Hétéro. Ça crépite comme un feu d'artifice dans mon cerveau. J'enchaine alors les shots avec Stephen, qui m'aide gentiment à oublier ma peine. Ma tête commence à tourner, je n'arrive plus à penser correctement. Comme à chaque fois, c'est le moment où je risque de tout avouer devant l'assemblée générale. Comme à chaque fois, Stephen me ramène dans ma chambre d'hôtel où je m'écroule ivre mort.

Fin du flashback


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La suite, au prochain numéro !