Il sait que les choses ont des noms, que les gens ont des noms, mais le sien lui échappe. Est-ce qu'il en avait seulement un, pour commencer ?
S'il en avait un avant, il n'en a certainement plus maintenant. À quoi bon ? Il obéit, il fait ce qu'on lui demande et c'est tout. Il n'a pas besoin d'un nom, il n'est pas l'un des agents haut placés dans les Ombres. Il n'est même pas un chien. Il n'est qu'un outil, tout juste bon à veiller sur le petit prince et à éliminer les intrus.
Les intrus de maintenant – il ne sait pas pourquoi, leur vue l'agite. Surtout celui avec l'oiseau bleu sur la poitrine, qui danse plus qu'il ne combat, qui sourit d'une telle façon que ça ferait pleuvoir dans le désert, et qui fait naître une telle rage en lui que son souffle se perd l'espace de quelques secondes, que le rythme contrôlé de son cœur se détraque.
Il ne sait pas pourquoi il veut voir saigner cet oiseau bleu – tu m'avais promis de m'aider – pourquoi il veut voir éteindre ce sourire – pourquoi tu ne me reconnais pas – pourquoi il veut que la danse s'arrête – pourquoi tu les as laissé me prendre ?
Il ne sait pas pourquoi son agitation empire lorsque l'oiseau bleu se détourne du combat – non ne pars pas – pour rassembler ses camarades – ne me laisse pas seul – et quitter le repère des Ombres – ne m'abandonne pas, tu es sensé être… !
Tu es sensé être –
Tu es –
Il ne sait pas pourquoi subitement, le nom jaillit des recoins de ses pensées, passe le barrage de ses cordes vocales et parvient à jaillir à l'air libre.
« Gray… son. »
Il ne sait pas pourquoi, ce nom lui donne envie de pleurer.
Pseudonymat : état masqué de l'identité.
