Blabla inutile: ça fait un moment que ce petit bout d'écrit me traîne dans la tête (un an ou deux, je pense) et je n'ai réussi à le mettre en forme et en mots que la nuit dernière. C'est un peu confus, je suppose, parce que j'avais beaucoup d'images et de sons en tête, et c'est très difficile à retranscrire sous forme écrite.

Concernant le disclaimer, les personnages et l'univers d'Harry Potter appartiennent à J.K Rowling ; je les emprunte juste pour un petit moment.

Le titre vient du poème Les Ombres Blanches de Paul Eluard.

Bonne lecture.


Souvent, ses doigts s'aventurent sur ses avant-bras, ses joues, ces parties de chair mutilée, et retracent agilement les blessures du passé, comme une sorte de routine, d'habitude prise. Ce sont des lignes, des impacts, des éclats, des formes qui se distinguent par différentes teintes ; la peau n'est jamais la même partout, n'arbore pas la même texture, le même toucher, et ne saurait s'uniformiser un jour : certaines cicatrices ont un goût amer dont il ne peut se séparer.

Ses yeux accrochent souvent la lumière obsédante du soleil, l'amenant ainsi à contempler des souvenirs d'un autre temps où sa vie s'était fondée sur tant d'espoirs, aujourd'hui dérisoires et douloureux ; un rire léger le prend, le secoue, l'anime, et puis, plus rien—sans voix, sans rien, la lumière s'en va et l'ombre remonte le long de sa colonne vertébrale.

Le jour se voile et se replie, misérable, vaincu par les ombres.

L'âme endolorie, George passe une main fatiguée sur son visage et note les sillons qui creusent progressivement le passage du temps sur sa personne. Tant de mois déjà et la douleur reste la même. Blessure ouverte, vivante, qui s'atténue parfois, il l'admet ; les couleurs remplacent à certains moments les vides et les sons meublent occasionnellement le silence qui s'est installé dans cette partie éteinte de son cœur, sans toutefois l'autoriser à vivre et respirer pleinement, pris au piège d'un amour immodéré pour ce frère absent et disparu.

Il voudrait se révolter afin de stopper cette torture incessante où tous ses désirs d'avenir se dérobent sous ses pieds, hurler jusqu'à ce que les sanglots raclent sa gorge et l'empêchent de se mouvoir, mais seules les larmes bercent régulièrement ce silence imposé de façon injuste, froid reflet d'un naufrage imprévisible. C'est une tache indélébile qui ronge une forme éclatée juste au-dessus de son cœur et dont la chaleur étrangement réconfortante luit faiblement au creux de la chair meurtrie.

Le vent se lève, passe délicatement entre les branches mortes des arbres avant d'en venir à caresser les ombres blanches, reflets où jadis fut mordue la peau lors des blessures de guerre ; elles se succèdent en petits éclairs laiteux qui font résonner chaque cri et chaque cauchemar au fond de son estomac comme y parviennent déjà les grands orages qui lui glacent le sang.

C'est toutefois au creux de certaines pièces de la maison qu'il parvient à se délester de cette solitude pesante. Lorsque ses doigts palpent certains de ces endroits, de ces objets, de ces choses réconfortantes desquelles l'aura de Fred émane sans évoquer de peine particulière, George peut soupirer, soulagé, comme s'il se sentait à nouveau capable de supporter ce manque vorace.

Au fil du temps apparaissent de nouvelles constellations, puis la nuit disparaît et laisse place à une aube pâle où les ombres blanches ne sont plus ces reflets agressifs de la souffrance, mais bien l'équivalent d'étoiles luisant paisiblement entre ciel et terre.

George se surprend à sourire, adressant un regard serein à l'espace infini qui lui fait face, et le sang bat énergiquement contre ses tempes et bouillonne au creux de ce cœur barré de cicatrices.