CO-POSTE SUR AO3
ARC I - KOL
I
Il se souvenait…
— Oh, Kol Mikaelson... Tu ne le savais pas ? avait-elle demandé avec un sourire de chat repu.
(Tais-toi. Ferme-la. Je ne veux plus t'entendre.)
Et dans ses yeux noirs de sorcière brûlaient les feux de l'Enfer.
Deuxième-putain-de-millénaire et quelques années… et le monde n'avait pas changé. Personne n'avait changé.
Souvent, dans un sursaut, ces parties de lui qu'il avait cru taire à jamais revenaient il rêvait.
Tout vampire, même après un millier d'années d'existence, devait s'endormir et baissait la garde pendant quelques heures.
La plupart du temps, il rêvait du passé. Il rêvait d'eux - sa famille - quand ils étaient encore insouciants et humains, quand la magie puissante coulait encore dans ses veines, quand la promesse de son règne sur le monde était encore sur les lèvres de leur mère.
Ces derniers temps, après ce néant morbide qu'avait été son sommeil forcé, après qu'on lui retire la dague que Niklaus lui avait enfoncée dans le cœur, il rêvait d'elle. Encore plus que durant ces derniers siècles, durant ces instants maudits où elle croisait sa route. Il revoyait chaque instant de son existence, il revoyait son visage alors qu'il pensait l'avoir oubliée.
C'était un poison qui se diffusait dans sa chair, sans un bruit.
Il ne voulait pas y penser, il ne voulait pas s'en souvenir : ça le mettait mal à l'aise, ça le rendait fou. Son inconscient errait vers ces années de vie où elle avait été là. Ces milliers de fois où ils s'étaient croisés, détestés et aimés, sans doute. Peut-être.
Il perdait tout contrôle de lui-même lorsqu'il pensait à cette fille. Elle réveillait en lui des choses qu'il aurait aimé oublier, qui lui donnaient envie de massacrer la terre entière. Il inquiétait ses frères et sa sœur, lorsqu'il plongeait dans une folie meurtrière et impulsive.
Il n'aimait pas penser à elle. Il détestait ressentir ces émotions humaines et désagréables qui n'avaient plus lieu d'être après tant de siècles, tant de sang, tant de haine… Le temps ne s'arrêtait jamais. Son humanité était éteinte, sa magie était éteinte. Tout avait brûlé il y avait plein longtemps. Il n'aurait jamais cru que ça recommencerait, encore et encore, qu'il serait incapable d'effacer les souvenirs brûlants qu'il avait d'elle. Qu'il serait sur le point de devenir ce qu'il avait toujours honni.
Il était l'Originel le plus craint, le plus dangereux de ce foutu monde. Il avait fait trembler des cités entières, il avait les connaissances d'un millier d'hommes… Il était celui qui inspirait le respect à Niklaus lui-même.
Mais pas quand il avait le malheur de penser à elle, de rêve d'elle. Pas quand elle était là.
Un Mikaelson qui avait un point faible était un vampire déjà mort.
Kol avait eu un cœur, un jour, comme toute sa fratrie. Ils en avaient tous un, vieux de plusieurs siècles. Un fossile. Il était simplement fait de pierre. Cependant, cette fille avait la capacité de gratter la surface jusqu'à ce qu'elle s'effrite, jusqu'à ce que la pierre commence à se fissurer. Jusqu'à ce que ça saigne. Inlassablement, sans même qu'elle le veuille réellement.
Il se souvenait. Il rêvait.
Elle réapparaissait là où il l'attendait le moins, le mettant dans une colère monstrueuse, le repoussant dans ses retranchements. Elle avait don de le mettre mal à l'aise. Elle lui faisait regretter chacune de ses précédentes actions. Elle lui donnant envie de ne plus rien ressentir, pas même la joie d'une orgie sanglante, pas même le plaisir. Elle lui coupait le souffle. Il se souvenait alors qu'il avait lui aussi besoin d'oxygène pour continuer à vivre.
Et puis, elle disparaissait de nouveau. Il savait que ça arriverait à chaque fois. Mais il continuait, lorsqu'elle croisait sa route, à espérer que quelque chose change, que quelque chose arrive, qu'on lui explique comment arrêter tout ça.
Elle disparaissait comme une putain de voleuse, comme un putain de paradoxe et elle parvenait à entamer un peu plus les remparts de pierre qu'il avait construit, brique par brique, pendant plus d'un millénaire. Elle emportait avec elle une partie de lui, de la poussière, une partie encore humaine qu'il pensait envolée.
Il l'avait revue et il avait voulu fuir, comme un lâche. Combien y avait-il de chances pour qu'elle se trouve pile à l'endroit que Klaus avait choisi pour les réunir ? Qu'ils aillent tous brûler en enfer.
Il avait voulu quitter cette foutue ville et ne plus jamais y revenir, mettre le plus de distances entre lui et elle. Entre sa famille –dont les liens étaient putréfiés depuis longtemps- et lui. Très vite. Il voulait qu'elle meure, qu'elle s'en aille pour toujours, avant que l'histoire ne se répète, encore et encore et encore… avant qu'elle parvienne à le briser en mille morceaux, à l'usure. Lui. Kol Mikaelson. Elle le ferait, elle pouvait le faire. Et Kol voulait la tuer. Il le pouvait. Il le devait.
Survivre comme un dieu parmi les vampires, comme une légende, n'était pas sans sacrifices et elle était la dernière chose qui retenait encore ces parties de lui qui auraient dû disparaître, même si elles étaient parfois douloureuses. Elle faisait partie des ruines, des vestiges de ce qu'il avait été il y a bien trop longtemps. Elle était un putain de virus.
Il suffisait qu'il fasse taire ces relents d'humanité qui réapparaissaient de temps à autre. Une seule et unique fois pour avoir le courage de…
Il n'y arrivait pas. Il ne pouvait pas.
Cette fille était une malédiction depuis la première fois qu'il avait posé les yeux sur elle. Idiote, mutine, agaçante. Elle était la même que dans ses souvenirs et pourtant si différente à la fois. Elle n'avait jamais réellement changé. Il y avait des différences, bien sûr. Elle n'était plus tout à fait la même, et il ne serait jamais plus ce qu'il avait été, lui non plus. Tout changeait et pourtant, ils suivaient toujours la même histoire, le même fil conducteur.
Il savait qu'il ne devrait pas l'approcher, jamais, il savait qu'il n'était plus fait pour ça, et qu'il ne l'avait sans doute jamais été. Pourtant, il continuait à la poursuivre comme un chien fou, même s'il savait comment cela se terminerait, parce qu'il avait toujours été impulsif et égoïste, il avait toujours été trop orgueilleux. Et même s'il voulait à tout prix fuir dans la direction opposée et vivre son éternité dans ce monde moderne qui n'attendait qu'un roi pour le gouverner, il restait. Pas pour sa famille, non. Pour cette foutue fille. Sa famille n'avait jamais eu besoin de lui, préférant l'enfermer dans un cercueil quand il devenait le petit frère trop gênant. Qu'ils aillent tous se faire foutre. Qu'elle crève.
Il espérait parfois que cela se termine autrement. La notion d'espoir était pourtant devenue bien abstraite, à ses yeux.
Ça n'avait jamais été le cas, mais le serait-ce aujourd'hui ?
Le serait-ce demain ?
Kol la laissait fouiller les recoins sombres de son âme, en sachant pertinemment que cela pourrait être dévastateur pour tout le monde. Pour lui. Pour elle. Pour les humains qui rampaient dans le noir à la recherche d'un abri. Il la laissait réveiller les émotions stupides auxquelles il ne croyait plus, qui lui donnaient envie de foutre cette ville à feu et à sang.
Il la détestait.
Elle était tout le contraire de ce qu'il était, de ce qu'il avait jadis été et elle parvenait à apaiser la violence et la colère qui se consumaient en lui. Elle parvenait à détourner son attention des massacres, de sa violence. De son envie de vengeance, de son envie de sang. Elle parvenait presque à le rendre prévisible.
Il la méprisait pour ça. Il voulait la tuer avant qu'elle ne puisse lui sourire, qu'il en finisse une bonne fois pour toutes.
Parfois, il parvenait à oublier son visage et le son de sa voix il oubliait presque tout d'elle, l'enfermant quelque part au fond de lui, là où elle ne causerait aucun dommage, là où il enfermait les souvenirs de sa vie passée.
Quand il la voyait de nouveau… il restait persuadé qu'il aurait assez de cran pour la détruire le lendemain, pour la vider de son sang jusqu'à ce qu'il ne reste d'elle qu'un corps exsangue, de la pourriture, dévoré par les insectes… Il n'en resterait qu'une infime poussière. Peut-être qu'il brûlerait son cadavre et qu'il disperserait ses foutues cendres jusqu'aux quatre coins de cette maudite planète.
Néanmoins… Elle existerait toujours.
Les échos du passé, les ombres de cette fille, de ce qu'elle avait été, les fantômes qu'il avait connus et qui avaient son visage, tout le hantait. Pourquoi ne pouvait-elle pas disparaître pour toujours ? Pourquoi continuer à toucher les braises encore fumantes s'il savait pertinemment qu'il se brûlerait les doigts ?
Il se souvenait…
Il se souvenait du bruit de ses pieds nus sur le sol quand elle courrait sur les sentiers. De son air mutin lorsqu'elle le défiait, lorsqu'elle le taquinait. De ces manies étranges qu'elle avait. Du frémissement de ses lèvres quand elle était énervée, ou qu'elle pleurait.
Elle avait dit :
Attrape-moi.
La texture de sa peau quand elle l'avait laissé la toucher pour la première fois. De leurs paumes l'une contre l'autre, les doigts entrelacés, couvertes de leur sang qui se mélangeaient. Il s'était senti fort, il s'était senti bien.
Il s'était senti vivant.
Il avait promis :
Je les tuerai tous pour toi.
Ses yeux vifs et d'un bleu profond, mais limpide. Ses cheveux, qu'elle avait encore plus blonds que ceux de Rebekah. La manière dont les éclats du soleil rendaient parfois sa tunique transparente, dévoilant ses formes, ses hanches, ses seins… Elle lui avait causé ses premiers vrais émois.
Ses lèvres, qui parfois remuaient trop, mais qu'il voulait embrasser.
Il se souvenait de l'Angleterre. Des corsages serrés et alléchants qu'elle portait parfois.
Sa naïveté agaçante.
Elle avait ordonné :
Vous devriez m'appeler par mon titre, Monsieur Mikaelson.
Son air outré. Son air effarouché. Son air faussement bagarreur. Elle n'aurait jamais pu faire de mal à une mouche. Elle était comme un chaton qui venait de naître et qui sortait ses minuscules griffes en pensant qu'il s'en sortirait.
Elle était…Une putain de maladie, la peste, le choléra, ce putain de cancer. Ce putain de spleen.
Putain de merde, que Nik le foute de nouveau dans son cercueil.
Il devait être maudit. Puni pour ce qu'il avait fait, pour tout ce qu'il avait fait et tout ce qu'il ferait ensuite.
Il devait partir. Elle devait disparaître. Il devait arrêter toute cette histoire.
Il songea :
«Quand tu te croiras à l'abri, quand tu t'y attendras le moins, Kol Mikaelson, il y aura du sang. Et ta joie, ta rédemption, tout se changera en cendres dans ta bouche. »
Sauf s'il la tuait avant. Sauf s'il redevenait une fois pour toutes celui qu'ils avaient toujours craint.
Mais pour l'instant, il se souvenait…
