Chapitre 1 : Une belle journée d'apocalypse
La Révolution des Pokémon, comme on l'appelait, durait maintenant depuis trop longtemps. Après la guerre qui s'ensuivit de la rébellion de Léon contre le Roi Audric, les Pokémon étaient devenus totalement fous. Quelques Pokémon domestiques avaient survécu à ce changement mais j'avais entendu dire que leur rage se propageait au contact comme un virus.
Malgré les nombreux raids qu'ils avaient lancés contre la plupart de nos villes, Jadielle était restée une zone paisible. La Sylphe avait enfin réussi à construire un genre d'arme efficace qui n'avait pas besoin de Pokémon pour fonctionner. Elle appelait ça 'arme à feu' et au fur et à mesure que les massacres s'enchaînaient, notre nouvelle entreprise nationale inventait sans cesse de nouvelles armes, de plus en plus puissantes, qui rassuraient la population autant qu'elles les protégeaient. Je m'étais moi-même équipé d'une de ces armes. Ils appelaient celle-ci 'Fusil à Pompe', je l'avais prise lorsque l'on m'avait dit que c'était l'une des plus efficace à ce jour. En cas d'attaque, j'étais le seul qui pourrait protéger ma famille de ce fléau qu'étaient devenus les Pokémon.
Ma femme et ma fille de huit ans étaient tout pour moi. Je ne laisserai rien me les arracher. J'avais même fini par m'attacher à cette Kangourex que ma femme avait trouvé blessée lorsque l'animal n'était qu'un bébé.
Des rumeurs circulèrent un jour à Jadielle. Comme quoi seules Jadielle et le Bourg Palette n'avaient pas encore été touchées par le drame. Pour moi, cela ne signifiait qu'une chose. Cela allait bientôt arriver.
Le soir même, lorsque j'astiquais mon arme, geste qui m'était devenu naturel depuis son acquisition, ma femme descendit dans le salon pour m'engueuler.
Ce geste aussi était devenu quotidien chez elle :
- Giovanni, tu as vu l'heure ? Tu t'occupes de cette machine toutes les nuits, elle devrait être en bon état maintenant...
- Je veux juste être sûr qu'elle marchera lorsque le moment sera venu de l'utiliser...
Elle s'approcha de moi et m'embrassa avant de me lancer un regard à la fois triste et en colère.
- Ne parle pas de malheur. Peut-être le virus Pokémon n'atteindra jamais notre ville. Regarde Kangourex, elle est toujours aussi joueuse sans pour autant en être dangereuse. Viens te coucher maintenant.
Je jetai un œil à notre Pokémon qui était étalée dans notre salon, prenant beaucoup plus de place que la première fois que l'on y avait emmenée. Je soupirai et laissai échapper un sourire :
- Tu as gagné Aline... Je la range et je monte.
Satisfaite, elle dégagea de son visage ses longs cheveux blonds et me donna un nouveau baiser avant de remonter les escaliers. Que je l'aimais cette femme-là. Je posai mon arme dans l'armoire près de l'escalier, que j'avais vidée uniquement pour elle, et montai me coucher. Aline m'attendait dans le lit avec un sourire qui me fit directement comprendre comment j'allais passer le reste de la nuit...
Un bruit sourd. Quelqu'un frappait à la porte. Une frappe trop forte et un débit trop rapide. Je me levai d'un bond et m'habillai en vitesse. Aline m'appela :
- Qu'est-ce qu'il y a Gio ?
- Rien ma chérie. Reste couchée...
J'étais loin d'être sûr qu'il n'y avait rien, mais elle serait plus en sécurité dans notre chambre si jamais c'était bien ce que je pensais. Elle se leva tout de même et s'habilla mais je fus dehors avant qu'elle n'eut fini. Dans le couloir du premier étage, la porte du fond s'ouvrit et ma fille sortit. Elle ressemblait de plus en plus à sa mère. La même blondeur de ses cheveux, ses mêmes yeux verts et ce caractère si gentil qui ne me faisait en rien regretter d'être son père. Son visage était encore régi par la fatigue, elle avait du être réveillée par le brouhaha qui continuait de provenir de notre porte d'entrée.
- Papa, qu'est-ce qu'il se passe ?
- Reste dans ta chambre pour l'instant. Je reviendrai te chercher.
Elle fit une moue déçue mais obéit rapidement. Je descendis les marches deux à deux et une fois arrivé au rez-de-chaussée, Kangourex se jeta sur moi.
Je n'avais jamais compris cet animal. Je devais être celui qui lui portait le moins d'attention depuis qu'elle était ici mais elle s'était entichée de moi plus que de n'importe qui.
- Pas maintenant, Kangourex. lui criai-je en la repoussant sur le côté tandis qu'elle se frottait énergiquement contre moi.
Quand elle était jeune encore, ça allait, mais maintenant... Je m'étais fait des muscles aux jambes à force d'essayer de garder mon équilibre face à ses assauts. Quand elle décida enfin de me laisser en paix, non sans un regard de Caninos battu, je me précipitai vers la porte pour faire cesser ce tintamarre. Lorsque j'ouvris la porte, la réaction de l'habitant essoufflé de derrière fut immédiate.
- Et bien, quand même Giovanni ! Le doyen nous fait tous appeler. Il paraît qu'ils seraient sur la Route 2. Prends ton arme et rejoins nous.
Je jurai et retournai vite à l'intérieur récupérer mon arme et la charger. Je m'étais beaucoup entraîné pour ce jour, donc la manœuvre fut rapide. Le fusil prêt, je me rendis vers la sortie.
- Où vas-tu ?
Je me retournai rapidement. Si j'avais eu le doigt sur la détente, j'aurais sans doute appuyé dessus sous la surprise. Aline était descendue et regardai alternativement mon arme et moi, d'un regard mauvais. Elle sembla soudain se rendre compte de quelque chose et celle-ci émit une mine inquiète.
- Ils sont là ?
- C'est probable. Enferme-toi avec Safran et ne bougez pas jusqu'à ce que je revienne.
Je suivis l'habitant qui m'attendait impatiemment jusqu'au doyen de Jadielle sans ne prendre le temps de recevoir la réponse de ma bien-aimée.
Tout le monde s'était rassemblé sur la place. Mickaël, notre doyen était le Maire de Jadielle sous le règne du Roi Audric et avait joué un grand rôle dans la révolution en se rangeant du côté de Léon. Beaucoup de familles eurent des pertes pendant l'assaut du Château Indigo et la mort de notre Champion avait fait baissé le moral de la ville. Surtout depuis la Révolution des Pokémon. Malgré le fait que l'on en avait pas été touché durant la période où les armes à feu n'avaient pas encore été inventées, nous vivions dans la crainte d'attaques tous les jours. Mickaël avait aidé à faire importer des bonnes armes depuis Safrania et ne nous les vendait pas trop chères. Il était au centre de la place et vint vers moi lorsqu'il me vit arriver.
- Giovanni ! Content que tu sois là ! On dirait qu'on va avoir besoin de toi...
Malgré le compliment, je remarquai qu'il regardait plus mon arme que moi. J'étais le seul à avoir acheté celle-ci, même le doyen n'avait que deux petites armes qui tiraient en rafale dont j'avais oublié le nom mais qui semblait redoutable sur des petits Pokémon. Je répondis simplement :
- Donc, où sont-ils maintenant ?
- Hal, notre éclaireur nord, nous a dit voir plus de ces bestioles que d'habitude. Il a préféré revenir plutôt que de rester là-bas.
- C'est compréhensible... J'imagine qu'on ne pourra pas compter sur l'aide des Cinq Dresseurs.
Les Cinq Dresseurs étaient les cinq uniques personnes à avoir réussi l'exploit de garder le contrôle de leurs Pokémon après l'une des attaques. Ils étaient en train de ressembler des hommes dans toute la région pour riposter sur la menace de la faune et se dirigeait, d'après les rumeurs vers Jadielle avec toute leur armée. C'était l'un d'eux qui informait toute la région à l'aide de Roucool teints en noir et rouge, les couleurs du nouvel héros. Mais les dernières nouvelles les situaient vers Azuria donc si une attaque survenait dès maintenant, il faudrait sans doute se débrouiller seuls.
- En effet... Bon, maintenant que tu es là, on va pouvoir y aller...
- La Route 2 ?
- Oui, on va se poster à l'entrée de la ville. Tu resteras en arrière pour assurer la sécurité des troupes. Ton arme n'a pas assez de portée pour aider à l'attaque dans cette situation.
J'acquiesçai et notre chef se dirigea vers la-dite route, suivi par toute la population de Jadielle armée.
Nous dûmes patienter presque une heure pour apercevoir le premier signe de vie animal, mais personne ne s'était plaint de cette attente. Nous connaissions tous les enjeux. La première bestiole était un rongeur jaune qui nous fonça immédiatement dessus, le regard mauvais et les joues rouges pétillantes d'électricité. Le chef fut le premier à réagir à l'attaque mais la plupart des hommes au premier rang lâchèrent également plusieurs salves de balles sur le Pikachu qui hurla de douleur avant de s'effondrer sur le sol, immobile. Le silence qui suivit la mort de l'animal électrique ne dura pas longtemps. Il fut même considéré par ses confrères comme un signal de départ. Des hordes de Pokémon fonçaient vers nous à présent. Des Pokémon de tous les types. Les hommes parvenaient à garder à distance les terrestres mais les volants nous ignoraient et partaient à toute vitesse en direction du ville. J'arrivais à en toucher quelques-uns en tirant alors qu'ils passaient près de moi mais c'était loin d'être suffisant. Mickaël avait quitté les rangs et se dirigeait vers moi :
- Gio, on va devoir diviser le groupe ! Va tirer les volants dans la ville ! J'y vais aussi mais on va se disperser pour couvrir une plus grande zone.
Une dizaine de personne se portèrent volontaires pour vider la ville de ces animaux sauvages. Un jeune m'accompagna. Il avait une de ces armes qui tiraient plusieurs balles rapidement et il répondait au nom d'Adrien.
Nous partîmes en courant sans rien se dire. Les Pokémon nous voyant par groupe de deux, reprenaient confiance et fonçaient vers nous, becs et griffes en avant. Adrien tirait sur eux dès qu'il les voyait mais utilisait beaucoup trop de balles par animal ce qui me forçait à couvrir ses arrières à chaque fois qu'il rechargeait. Lorsque vint mon tour de ne plus avoir de balles dans le chargeur, nous rentrâmes dans une maison vide, son occupant étant au front, pour nous reposer. Mon chargeur rempli, je fis signe à Adrien que j'étais prêt. Il hocha la tête, ouvrit la porte, pointant immédiatement son arme vers les cieux, et sortit. Une puissante langue de flamme de la taille de la porte entra à l'intérieur alors que je m'apprêtais à sortir. Des cris atroces s'en suivirent. Adrien rentra aussitôt en courant. Il était en train de brûler. Il courut vers la cuisine la plus proche mais s'effondra sur le sol. Un reptile orange à la queue enflammée entra également et m'aperçut :
- Sala...
Je tirai à toute vitesse sur la tête de celui-ci, qui explosa en de milliers d'éclats rouges, et referma la porte alors que le reste de la bestiole s'affaissait sur le sol. Je courus vers la cuisine et cherchai un récipient que je remplis d'eau avant de le jeter sur mon coéquipier. Il ne faisait plus de bruit. Je tâtai son pouls et ne le trouvai pas.
- Putain, ces bestioles sont vraiment dangereuses !
Quelqu'un ou quelque chose frappa contre la porte d'entrée. Je me plaçai sur le côté et dégainai. Le porte se détacha et alla s'écraser près du corps sans vie d'Adrien. À l'endroit où elle se trouvait, un Pokémon à la forme humanoïde fonça vers moi pour me frapper de l'un de ses gants de boxes autour duquel je pouvais voir graviter de l'électricité. Je tirai à nouveau avant qu'il ne m'atteigne et sortis en courant de la maison lorsque je fus sûr qu'il était mort. Et ce fut à l'instant où j'avais mis les pieds dehors que j'avais vu ce qu'était devenu notre belle cité ; les Pokémon Feu se regroupaient pour faire brûler les maisons, les volants chassaient ceux qui fuyaient tandis que les Pokémon aquatiques rendaient leur fuite plus difficile en gelant le sol. Tous les autres traquaient simplement leurs proies, se moquant totalement des armes pointées sur eux. Ils n'avaient pas peur de la mort. Je me mis à courir. Il fallait que je rentre chez moi. Il me fallait protéger Aline et Safran...
Je trouvais Mickaël en zigzaguant entre les maisons, sur le chemin qui menait jusqu'à chez moi. Ses deux armes étaient au sol à côté du Pokémon géant qui le suspendait par le cou à l'aide de ses lianes. Je dus tirer deux coups à bout portant pour que le Florizarre ne lâche prise et un troisième pour l'achever alors qu'il dirigeait ses armes vers moi. Mickaël s'écrasait au sol. Il était en sang mais se releva immédiatement avant de récupérer ses deux armes.
- Merci Gio !
- Pas de quoi. C'est devenu la merde par ici.
- Je te le fais pas dire. Fais gaffe ! hurla-il en tirant une rafale derrière moi qui tua un Pokémon Plante qui semblait être le petit du gros que je venais d'abattre.
- C'est pas vraiment le moment de papoter, hein ?
Je m'élançai vers lui et visai le Pokémon d'un mètre qui s'apprêtait à l'attaquer avec un os. Le crâne qui portait en guise de masque explosa laissant apparaître le visage meurtri de la bête. Elle ne bougeait plus.
- Bon, Mick. Je vais voir si Aline et Safran vont bien.
- Ok, je vais voir si je peux sauver du monde de mon côté.
- Et qu'on se retrouve en vie !
Il me sourit et me tendit sa main libre que je serrai.
- Je vais faire de mon mieux !
Il courut en avant tirant sur un groupe de Goupix ayant apparemment l'objectif de brûler un jardin. Je me retournai et sprintai vers ma maison. Pourquoi fallait-il qu'elle soit si loin ? Je ne pouvais m'empêcher de penser à ma femme quand je voyais les gens se faire tuer ou dévorer par ces animaux féroces. Une jeune femme armée d'un pistolet courut vers moi en hurlant mon nom. Elle était poursuivie par un gros Pokémon rose qui lançait sa langue vers celle-ci pour l'attraper. Il l'avala d'un trait avant que je n'ai pu tirer. Mon doigt pressa tout de même la détente lorsque j'estimai le canon assez proche de sa tête.
- Recrache pourriture !
La moitié du corps de l'animal partit en arrière mais le bas de son corps resta sur place. Il n'y avait déjà plus aucune trace de la femme là-dedans. Je ne cherchai pas à comprendre pourquoi et recommençai ma course. De loin, je pouvais voir un grand Pokémon vert qui décapitait des gens avec efficacité à l'aide de lames qu'il semblait avoir à la place des bras.
- Tous des monstres... murmurai-je.
Ma maison était enfin en vue. Des Caninos et des Ponyta semblaient concourir contre un Magmar pour savoir lequel d'entre eux brûlerait ma maison le plus vite. Je me fichais de connaître le résultat. Je m'avançai dans le dos du Magmar, dont la simple proximité me faisait transpirer de plus belle, et tirai avant d'aller me réfugier contre le mur de la maison pour éviter les salves de flammes que les autres Pokémon m'envoyaient. C'était dans ces moments-là que je voulais de ces armes que Mickaël avait. La chance me souriait sans doute. Je pouvais voir sur la maison d'en face, une femme sans doute plus vieille que moi, manier une arme excessivement puissante face aux groupes unis. Je lui fis signe et elle traversa la rue qui nous séparait avant de s'adosser au même mur que moi.
- Giovanni ? Tu tombes bien. Couvre-moi, faut que je recharge !
La couvrir consista juste à faire exploser la cervelle d'un Kadabra qui avait eu la mauvaise idée de venir où nous étions. Je n'avais jamais vu autant d'espèces de Pokémon différentes. Lorsque la femme eut fini de recharger son magasin, elle s'exclama :
- Tu as vu Mickaël ? Il y a des consignes précises ?
- Survivre et sauver des gens me paraît être une bonne idée. C'est ce qu'il faisait quand je l'ai vu.
- Tsk, donc on est dans la merde...
- Totalement... Dis, tu voudrais pas me tirer le petit groupe devant la maison ?
Elle jeta un œil rapide et s'exclama :
- Les Caninos et Ponyta ? Ouais, bien sûr. C'est ta maison ?
- Ma femme et ma fille sont à l'intérieur...
- Putain...
Elle s'accroupit près de l'angle et commença à tirer. Elle s'arrêta soudainement et me donna un pistolet.
- Cours chez toi ! Je te couvre. Et file ça à ta femme !
Je la remerciai de la tête et fonçai vers ma porte d'entrée. La poignée était brûlante mais la porte céda après plusieurs coups de pieds. La première chose que je vis à l'intérieur fut Kangourex. Je braquai immédiatement mon arme sur elle et avançai doucement. Je n'avais aucun moyen de savoir si le virus Pokémon l'avait affectée et la tuer était peut-être la meilleure option. Lorsqu'elle m'entendit, elle se tourna vers moi. Elle me fonça dessus immédiatement. J'hésitai, je ne pouvais pas tuer cette bête-là. Mais c'était notre seule chance de survie.
- Papa ! s'écria alors la poche normalement vide de notre Kangourex.
Une petite tête blonde en sortit et une seconde l'accompagnait aussitôt. Aline et Safran allait bien ! Kangourex me heurta violemment me faisant décoller contre le mur brûlant derrière moi et se baissa pour me lécher. Je la caressai de ma main droite, ramassai le fusil tombé avec l'autre et ordonnai.
- Dehors Kangourex !
Elle prit une mine affligée comme quand je la grondais lorsqu'elle cassait des choses dans la maison. L'ordre était le même mais les circonstances étaient différentes. Ne pouvait-elle pas ressentir cette chaleur ? Je me levai et sortis de la maison. Je l'appelai de l'extérieur pour l'inciter à sortir. La femme était toujours au même endroit et observait la situation. Je criai :
- Ne tire pas sur le Kangourex !
Juste au bon moment car celle-ci sortit en trombe vers moi. Je m'éloignai de la maison en flamme et la femme armée me suivit.
- Ton Pokémon t'obéit encore ?
- À croire que oui. lançai-je, fier.
Cela me mettait au niveau des Cinq Dresseurs, je pensais. Une fois arrivé dans une zone paisible que nous avions nous-mêmes dû créer par la force, je fis descendre Aline et Safran de Kangourex. C'était peut-être plus sûr pour elles d'y rester mais je ne pouvais pas faire combattre notre Pokémon si elles restaient dedans. Et c'était peut-être Kangourex qui allait renverser la bataille. Elle fit rapidement ses preuves contre un Rhinoféros dont la peau de métal le rendait intouchable par balle. Le cadavre de l'animal métallique me faisait être content que Kangourex soit restée avec nous. Pour les Pokémon plus petits, nous préférions tirer tandis qu'elle protégeait Safran des éventuels dangers. Ma fille n'avait pas cessé de pleurer depuis l'instant où nous étions sortis de la maison. Aline se révéla être une plutôt bonne tireuse également. Notre groupe était sans doute ce que l'on faisait de mieux en terme de survie.
Nous retrouvâmes Mickaël un peu plus loin. Il poussa de toutes ses forces contre la bouche d'un Empiflor pour éviter que celui-ci ne l'avale. Ma femme fut la première à tirer et la créature tomba au sol avant que je n'ai eu le temps de la viser.
- Ouah, Aline...
Elle me sourit et porta le canon de son arme à ses lèvres avant de souffler dessus. Je lui rendis son sourire et elle partit rassurer Safran pendant que j'allais voir notre chef.
- Et bien ! Les Pokémon Plantes et toi, c'est une grande histoire d'amour ! plaisantai-je.
- Elles font parties de ces femmes qui préfèrent me garder trop près d'elles. Que veux-tu ? Je suis si populaire...
- Hum hum !
La tireuse se fit ainsi entendre coupant nos étranges salutations. Mickaël la salua aussitôt :
- Oh, Lise. Tu...
Il fut coupé par l'arme de celle-ci qui tirait en sa direction. Un Tartard derrière lui s'écroula sur le sol. Il s'exclama :
- Ce fusil d'assaut était une bonne idée à mon avis.
- On fait quoi ? lui demanda-elle, agacée par son semblant d'insouciance.
- L'ancienne Mairie me semble être l'endroit le plus sûr pour l'instant. Mais je vais rester dehors pour essayer de trouver d'autres personnes en attendant les renforts.
- Non, m'écriai-je. Je viens avec toi ! T'es encore capable de te faire bouffer par une plante si tu restes seul.
- Je vais rester avec lui, me prévint Lise. Va mettre ta famille en lieu sûr. Ta fille a assez vu d'horreurs comme ça.
Je jetai un regard à Safran qui était encore en train de pleurer en se couvrant les oreilles. Ni Aline ni Kangourex ne semblaient réussir à la calmer. Je hochai la tête à contrecœur :
- Rejoignez-nous vite alors. Il commence à y en avoir des tas...
- Ne t'inquiète pas pour nous, Gio ! On se débrouillera !
J'allai poser une main sur l'épaule d'Aline. Elle se retourna et je lui dis d'un air grave :
- On y va.
- Où ?
- L'ancienne Mairie. On devrait y être en sécurité...
- Et pour Mickaël ? Et cette femme ?
- Ils nous rejoindront plus tard... Ma priorité est de vous mettre, Safran et toi, à l'abri.
- Gourex !
- Oui, oui... Toi aussi Kangourex.
La Pokémon sembla satisfaite et frotta sa tête contre la main que je lui tendais. Aline hocha la tête et agrippa fermement la crosse de son arme. Safran nous suivit et Kangourex resta derrière elle. Le chemin jusqu'à l'ancienne Mairie au nord de la ville se fit une fois de plus dans le bruit et le sang. Aucun blessé de notre côté, Kangourex était très efficace pour empêcher les ennemis de nous agresser. Par contre, nous avions tué un couple de Mélofée qui était en train de manger le cadavre d'une petite fille de l'âge de Safran, un Dardargnan dont l'attaque surprise était tombée à l'eau d'un simple coup de patte de notre Pokémon géant et plusieurs Sabelette qui s'étaient réunis pour attaquer les gens en meute. Devant l'ancienne Mairie, un Mackogneur et un Grolem essayaient de rentrer. Aline et moi tirâmes alors sur le Pokémon Combat tandis que Kangourex se chargea de l'autre. La porte du bâtiment était verrouillé de l'intérieur. Je frappai dessus en hurlant que l'on vienne nous ouvrir et l'on m'exauça :
- Giovanni ? Entre vite, ils vont sans doute revenir !
C'était tout de même incroyable que pas une personne n'ignore mon nom ou mon visage dans cette ville. Je fis d'abord entrer Safran et Aline avant de me réfugier à mon tour puis...
- Hiiiiiii ! lança la voix fort peu virile de l'homme qui m'avait ouvert.
Il était tombé sur le sol en arrière et pointait Kangourex du doigt en tremblant. La créature l'ignora et entra avec difficulté à l'intérieur du bâtiment, la porte n'étant pas vraiment à sa taille.
- Ne t'inquiète pas, elle est avec nous. le rassurai-je.
Je lui prouvai en caressant Kangourex qui se retourna sur le dos pour que je lui gratte le ventre. L'homme se redressa alors, un peu honteux d'avoir eu si peur et verrouilla la porte.
- Qui reste-il dehors ? me demanda-il alors.
- Mickaël et Lise cherchent des survivants. Ils viendront ici après.
- Je vois... Ici, on est à peu près une cinquantaine, m'informa-il. Ils sont tous au sous-sol... Restez en haut pour l'instant, je vais aller les prévenir que vous allez descendre avec un Kangourex.
Je hochai la tête et il partit. Safran n'arrêtait toujours pas de pleurer tandis Aline l'enlaçait gentiment sans pour autant lâcher son pistolet dans le dos de notre fille. Je voulus regarder à l'extérieur pour chercher Mickaël du regard mais le seul moyen était d'ouvrir la porte, l'ancienne Mairie étant dépourvue de fenêtres. C'était probablement l'endroit le plus sûr en effet. Mais les Pokémon étaient pleins de ressources et d'une force extraordinaire contre laquelle on avait beaucoup de mal à répliquer. L'homme remonta nous voir et nous annonça que l'on pouvait descendre. Lui, restait en haut pour continuer son tour de garde. Le sous-sol de l'ancienne Mairie, contrairement à l'étage uniquement composé d'une immense pièce semblable à un labyrinthe, était composé d'un couloir par lequel de nombreuses grandes pièces était reliées. Ces pièces semblaient avoir servies de cellules à l'origine, les portes étaient des barreaux métalliques à l'air solide. La salle du fond prenait un quart du sous-sol et c'était dans celle-ci que les gens s'étaient entassés. Tous réagirent en nous voyant rentrer :
- Ouah, c'est vraiment Giovanni !
- Vous êtes sûr que ce Pokémon est inoffensif ?
Je soupirai. Un groupe de cinq personnes accompagnés de deux enfants d'approximativement l'âge de Safran nous fit signe de les rejoindre. Ils nous expliquèrent la situation. Toutes les personnes rassemblées ici vivaient dans les environs et n'étaient pas suffisamment armés pour la bataille. Comme nous l'avait dit le seul homme du groupe, on n'allait pas attaquer un Onix avec un couteau de cuisine. Alors que la bataille faisait rage et que nous commencions à la perdre, de plus en plus de personnes vinrent trouver refuge ici. Mais tout espoir n'était pas encore perdu, Il semblait que l'armée des Cinq Dresseurs avançait beaucoup plus vite que prévu. Il nous fallait juste tenir un peu plus longtemps.
Deux jours passèrent. Le peu de nourriture dont nous disposions s'était évanoui et nous commençâmes à nous demander si ce n'était pas une bonne chose que personne ne soit venu ces deux derniers jours. Nous n'avons aucune idée de la situation à la surface. Avaient-ils abandonnés l'assaut pensant avoir gagné ? Nous attendaient-ils devant la porte ? Qu'étaient devenus Mickaël et Lise ? La plupart de nous avait trop peur pour découvrir la vérité mais je ne pouvais pas rester là sans rien faire tandis que ma famille mourrait de faim. Je me levai soudainement, empoignant mon fusil à pompe :
- Je vais sortir chercher des vivres... Qui veut venir ?
Toutes les discussions dans la salle s'étaient stoppées. Seul l'écho de ma voix me parvenait aux oreilles. Ma Pokémon se leva également :
- Rex !
- Non Kangourex. Toi, tu restes ici pour protéger ces gens. Je sais que tu en as marre de rester sous terre mais c'est bientôt fini...
- Kangou...
Elle me lécha le visage et je sortis de la salle pour me diriger vers l'escalier, seul. Cela me coûtait de laisser Aline et Safran derrière moi mais Kangourex les protégerait. J'en étais sûr.
J'expliquai la situation à la personne qui était de garde ce jour-ci et elle approuva avant de me déverrouiller la porte.
La bouffée d'air que je pus prendre à l'extérieur ne me fut pas aussi bénéfique que je pensais qu'elle serait. Pas seulement à cause de l'odeur de fumée qui s'empressait de pénétrer mes narines, le spectacle que je vis alors me fit penser que c'était la fin du monde. Les Pokémon étaient nombreux, je pouvais voir des foules se déplacer au loin et un grand nombre d'oiseaux survolaient encore la ville à la recherche de survivants. Le jeu du 'Qui brûlera les maisons le plus vite ?' des Pokémon Feu avait l'air d'avoir cessé d'être à la mode car plusieurs habitations étaient encore debout. Peut-être des gens étaient-ils encore cachés à l'intérieur en attendant leur heure...
Je me glissai près des habitations et voyageai discrètement de rue en rue, retenant mon envie de tirer sur ces saloperies qui dévoraient les cadavres de mes confrères. L'heure n'était plus à la barbarie pour nous. Je le savais. Le chaos provoqué par l'attaque avait cessé à partir du moment où nous n'étions plus assez nombreux à riposter. Si je tuais l'un de ces monstres, j'attirerais l'attention sur moi et je n'aurais aucune chance de survivre seul face à un si grand nombre de ces bêtes suffisamment dangereuses pour m'éliminer dans du un contre un.
Je pouvais simplement aller vider les réserves des maisons aux alentours pour trouver de la nourriture, mais j'étais plutôt inquiet pour Mickaël. Avait-il réussi à survivre deux jours à l'extérieur ? La réponse parvenait peut-être à mes oreilles lorsque je formulais doucement son surnom. Plusieurs bruits provenant de l'une de ces armes rapides avait dérangé un Miaouss qui dévorait la jambe d'une fillette et un Akwakwak qui lui ouvrait le torse. Les deux Pokémon se levèrent brusquement pour courir vers le bruit. C'était bien la réaction que j'attendais de leur part. Je les suivis en faisant bien attention de ne pas regarder l'enfant sur le sol. Comment avait-elle pu se retrouver seule par ici ? Je fronçai les sourcils à l'idée que ses parents s'étaient peut-être réfugiés dans l'ancienne Mairie, craignant pour leur vie, et l'avait abandonnée derrière parce qu'elle les ralentirait.
Une silhouette féminine bien connue était armée d'un fusil d'assaut et exterminait de nombreux Pokémon. Le Miaouss et l'Akwakwak ne firent pas exception. Je me joignai alors à la bataille en tirant dans le dos d'un Mackogneur qui s'apprêtait à foncer sur le seul ennemi qu'il voyait sous l'œil soulagée de l'humaine. Je visais ensuite un Rapasdepic qui fonçait directement sur moi après le bruit sourd de la détonation. En m'approchant, je constatai que Lise protégeait un enfant d'environ douze ans dont les habits verts étaient maculés de sang. Le voir augmenta étrangement ma précision et ma vitesse de tir. Un jet de flamme nous fit nous jeter au sol et Lise mitrailla rapidement le Feunard qui en était la cause pendant que je m'occupai du Machoc et du Rondoudou qui en profitaient pour se rapprocher de nous, les poings et crocs en avant. Notre résistance causa de nombreuses morts de leur côté qui leur fit comprendre qu'il valait mieux battre en retraite.
Lorsque la dernière queue de Ramoloss disparut dans une allée, nous pûmes soupirer de soulagement. Le garçon, malgré son jeune âge, ne pleurait pas et gardait un regard féroce en direction de la rue par où ils s'étaient enfuis.
- Merci. Tu nous as sauvés, me dit Lise en s'approchant de moi pendant que je haletai rapidement, non à cause de l'effort mais de la tension.
- Faut toujours que je sois là hein ? répondis-je ironiquement. En parlant de sauver, il est où Mickaël.
Le visage de Lise s'assombrit tout à coup et je crus comprendre ce que je ne voulais pas. Elle simula un sourire et m'annonça :
- En parlant d'ironie, c'est un Rafflesia qui l'a attrapé...
Elle eut un rire nerveux et commença à pleurer bruyamment contre mon épaule. Je lui tapota légèrement le dos en jurant :
- Putain Mickaël... Tu t'es vraiment fait avoir par une plante...
Je ne pus retenir mes larmes plus longtemps. Mickaël et moi étions devenus si proches depuis la chute du Roi Fou... Et puis, nous avions perdu notre leader, comment pouvions-nous espérer vaincre à présent ?
- Gio... Giovanni. continua-elle en essuyant ses larmes.
- Quoi ?
- Il a dit... Si je te trouvais... Qu'il comptait sur toi pour sauver tout le monde.
Je baissai les yeux sur ce sol inondé de sang animal. Moi, diriger un groupe de survivant contre un raid de Pokémon enragés ? Je pouvais le faire, mais les mener à la victoire me semblait impossible. J'aurais préféré d'éviter d'endosser ce rôle mais je ne pouvais pas refuser la dernière requête de Mickaël.
- Trouvons de la nourriture et retournons à l'ancienne Mairie.
Elle acquiesça et nous partîmes dévaliser les maisons environnantes. Nous trouvâmes plusieurs sacs de voyages dans la première dans laquelle nous étions rentrés et nous tâchâmes d'y enfermer proprement le plus de nourriture possible. Trois maisons plus tard, les sacs étaient pleins. Lise avait raison sur le fait que les plus grandes maisons hébergeaient des plus grandes familles et donc plus de nourriture. Je ne pus m'empêcher de grignoter en chemin tant la faim tiraillait mon ventre par ces deux jours de diète. Les Pokémon étaient tout à coup moins nombreux. Étrange après la horde qui nous était tombée dessus mais je n'allais pas m'en plaindre. Malgré le fait que la situation semblait calme, nous ne ralentissions pas le pas pour autant. La porte de l'ancienne Mairie s'ouvrit à nous sans que nous n'aillons à combattre une nouvelle fois.
- Giovanni ? lança la femme de garde à mon intention. Tu tombes bien, j'entends des cris terribles là-dessous... Mais... J'ai si peur d'aller voir...
Je laissai tomber les sacs de nourritures que je portais et courus vers l'escalier. En effet, des cris terrifiés se faisaient entendre. Je savais que certains Pokémon étaient à l'aise avec la terre et pouvaient creuser avec efficacité. Quelques personnes affolées remontaient en courant le long de l'escalier et me bousculaient. J'étais le seul à aller vers le danger. Mais je pouvais voir qu'il restait encore beaucoup de personnes dans la salle. Et que Kangourex se battait bravement avec fureur. Mais ce fut en m'approchant de plus près que je m'aperçus contre qui elle se battait. Une moitié de corps au visage suppliant vint s'écraser devant moi tandis que d'autres membres humains volaient de part et d'autres de la salle dans une marée de sang incroyable. Il restait une dizaine de personnes à l'intérieur, donc Aline et Safran. Un homme et sa fille passèrent à côté de moi en hurlant. Personne n'avait remarqué ma présence. Je m'approchai de mon animal et visai la tête. Elle me regarda et se stoppa net. Mes larmes recommencèrent à couler :
- Putain Kangourex ! Pourquoi toi ?
Je restai plusieurs secondes à l'observer par dessus le canon de mon fusil à pompe. Elle savait très bien les dégâts qu'il pouvait causer. Nous n'étions plus que trois dans la pièce. Trois personnes et une Kangourex... Notre famille réunie... Mais je ne reconnaissais pas les yeux de mon Pokémon, ils avaient perdu toute la gentillesse qu'ils contenaient par le passé.
- Roh ! se plaignit une voix enfantine pleine de larmes.
Safran s'avança devant la Kangourex. Elle dressa un doigt vers elle et hurla sans prendre la peine de sécher ses larmes :
- Vilaine Kangourex ! Couchée !
Elle avait l'habitude de la réprimander ainsi lorsque Kangourex jouait un peu trop fort avec elle et lui faisait mal. Mais cette fois, la Pokémon n'avait aucune intention d'obéir. Elle leva une patte qu'elle abattit sur la fillette à une vitesse hallucinante. Aline fut beaucoup plus rapide que moi. Elle se jeta en avant en poussa fortement Safran avant de rentrer en contact avec la griffe qui descendait à grande vitesse. Safran cria de douleur en s'écrasant sur le sol mais je ne l'entendis presque pas. La moitié de ma femme gisait près des pattes désormais rouges de Kangourex tandis que la partie supérieure de son corps alla s'écraser près de notre fille. Celle-ci se retourna immédiatement se mit à quatre pattes devant sa mère :
- Maman !
Je tirai soudainement en hurlant le nom de ma femme, coupant l'occasion à Safran d'entendre les dernières paroles de sa mère, si elle pouvait encore parler. Je jetai un regard rapide. Oui, il me semblait qu'elle bougeait encore les lèvres. Les balles atteignirent la Kangourex à la jambe, la faisant s'écrouler au sol sur la partie inférieure d'Aline et sa griffe passa près de Safran juste sur la poitrine de sa mère. Je courus vers elle et lui attrapai le bras. Je tirai d'un coup sec pour la projeter vers la sortie et regarda Aline pour la dernière fois :
- Je t'aime Aline...
Aucune réponse évidemment. Son visage était éternellement figé dans une expression de peine et de douleur à présent. Safran s'était arrêtée à l'endroit où je l'avais lancée. Ses jambes ne bougeraient pas. Je courus vers elle et la tirai à l'extérieur de la salle par le bras ne pouvant faire autrement avec mon fusil chargé dans l'autre main. Derrière nous, Kangourex hurlait son nom dans la souffrance. Une fois la porte franchie, je la fermai en espérant qu'elle ne puisse plus passer. Un homme m'envoya un trousseau de clés qu'il avait du trouver à l'étage. L'une d'elles me permit de verrouiller la salle.
- Montez tous à l'étage ! ordonnai-je sans la moindre once de peine.
Tous s'exécutèrent sauf Safran et Lise qui venait de descendre avec tous les sacs. Je tombai à genoux devant la cellule et me remis à pleurer en répétant sans cesse le prénom de ma femme. Safran ne pleurait plus par contre. Son regard était devenu vide et elle restait devant les barreaux à regarder la Kangourex souffrir avec un visage inexpressif que je ne lui connaissais pas. Une main se posa sur mon épaule :
- Giovanni... Désolé de te demander ça mais le groupe a besoin d'un leader...
- Le groupe peut aller se faire foutre Lise ! lui hurlai-je en réponse.
Elle me décrocha une gifle avec une force qu'une dame de son âge ne devrait pas avoir et rétorqua avec des yeux plein de larmes qui me firent comprendre qu'elle n'était pas aussi forte qu'elle le voudrait :
- Si quelqu'un ne prend pas les choses en main, ils vont tous céder à la panique et ça ne va pas arranger les choses.
Je déglutis avec difficulté. Elle avait raison, je devais respecter les derniers vœux de Mickaël et venger sa mort et celle d'Aline.
- Tain... Tu me gardes Safran ? annonçai-je finalement avant de me diriger vers l'escalier.
Comme prévu, en haut, c'était la panique. Les gens pleuraient, se hurlaient dessus tandis que d'autres vomissaient à vide à causes d'images qui resteront sans doute à jamais gravées dans leurs têtes. Je voulus attirer leur attention en hurlant mais le brouhaha qu'ils faisaient était diantre plus impressionnant. Seules deux ou trois personnes à côté de moi se retournèrent, mais n'avaient visiblement pas l'intention d'écouter mon speech. Je m'avançai alors dans la foule et me plaçai en hauteur pour être vu de tous. Ceci fait, je tirai un coup de fusil vers le plafond. Un silence suivit les cris de surprise. Attention capturée.
- Calmez-vous et écoutez-moi !
Des protestations s'élevèrent immédiatement.
- Et puis quoi encore ? Tu crois être le chef ?
- Tu crois que c'est qui qui a fait rentrer ce Kangourex ?
- Pour qui tu te prends ?
Je tirai un nouveau coup en l'air pour réclamer le silence. Ma patience était déjà à bout.
- Écoute-moi bien toi là-bas ! criai-je à l'attention de la première voix. Combien de Pokémon as-tu descendu dehors avant de venir te planquer ici ? Moi, un paquet et j'ai risqué ma vie suffisamment de fois pour comprendre comment on vient à bout de ces bêtes. Et puis, ce n'est pas toi qui t'es proposé volontaire pour aller chercher la bouffe, si ? Ne tremblais-tu pas dans ton coin quand j'ai posé la question ?
Je tournai son regard furieux sur la femme qui avait osé formulé la seconde phrase que j'avais pu entendre dans les protestations et pointai un doigt accusateur vers elle :
- Quand à toi, ma femme vient d'être tué par ce Kangourex ! Je ne peux pas plus regretter que ça le fait de l'avoir fait rentrer bien qu'elle m'ait aussi sauvé la vie !
Je respirai un grand coup. Non, je ne pouvais pas me permettre de pleurer.
- Je ne peux pas prétendre vous mener à la victoire. Je ne peux pas me vanter d'être le meilleur combattant du monde. Mais je vous promets que je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour venger la mort de nos frères et de notre chef !
Le bruit reprit alors de plus belle. Il y avait peut-être un autre moyen d'annoncer la mort de Mickaël. Je pouvais voir que certains étaient rassurés par mon discours et d'autres encore sous le choc. Je tentai une dernière phrase :
- Nous résisterons jusqu'à l'arrivée des Cinq Dresseurs !
L'homme qui avait mis en doute ma capacité de commander s'avança alors. Je le fixai, attendant de voir ce qu'il allait bien pouvoir me reprocher.
- Tu as raison. On a besoin d'un chef et tu es le mieux placé pour assumer ce rôle.
Il monta à mes côtés et leva de force mon bras avant de hurler :
- Vive Giovanni !
Quelques cris firent écho au sien alors qu'il répétait, et soudainement, la salle entière se mit à répéter mon prénom. Même Lise au fond de la salle se prêtait au jeu à côté de Safran qui regardait ses pieds d'un air absent. Les voix vibraient dans cette salle confinée et mon cœur ne tint pas plus longtemps. Moi, Giovanni, chef de Jadielle, lâchai à nouveau des larmes devant les gens qui m'acclamaient.
