Disclaimer : La famille Malfoy est à JK Rowling, les autres et l'histoire sont à moi.
Béta : BettyMars
Bonjour à tous.
Comme promis depuis quelques temps maintenant, voici enfin ma nouvelle histoire. J'appréhende un peu de savoir ce que vous allez en penser car elle m'a pris, et me prend encore, pas mal de temps et je m'en voudrais qu'elle vous déçoive.
Avant de commencer, je tenais à faire quelques avertissements :
- Tout d'abord, sachez qu'il s'agit d'un drame familial qui va se passer sur plusieurs générations de la famille Malfoy. Je tiens déjà à signaler que certaines scènes ou situations peuvent être choquantes. Aussi ne vous attendez pas à « mon petit poney au pays des bisounours » car on en est très loin !
- Ensuite, si en pairing j'ai indiqué 'Draco' c'est principalement parce que c'est lui qui lance l'histoire, qui la finit et qui la suit au gré de certains chapitres. Mais j'aurais tout aussi bien pu noter, Lucius qui aura un rôle très important, Abraxas qui ne sera pas en reste, ou Scorpius qui fera également quelques apparitions. C'est l'histoire de leur famille après tout. (mise à jour : Fanfic ayant évolué, le pairing s'est finalement étendu à Scorpius, Abraxas et Lucius)
- Pour finir, et pas des moindres, cette histoire je l'ai pensée il y a plus de 16 ans et elle ne m'est revenue que très récemment en lisant une autre histoire familiale dramatique dans une autre fiction (celle de Salazar Serpentard dans le livre 3 de la saga : « le chemin des âmes » de Me-Violine, que je vous recommande). A l'époque, j'étais jeune, absolument certaine de ne pas pouvoir l'écrire (je venais de me planter sur le bac de français ce qui n'aide pas) et surtout le sorcier à lunettes n'existait pas encore. Maintenant je me sens bien plus confiante et ce grâce à vous qui m'avez suivi sur ma saga Simplicité. Mais du coup, cette fic est un UA (univers alternatif). Ici, le monde de la magie n'existe pas. De plus l'histoire se passera en Irlande et non en Angleterre donc ne soyez pas étonnés par ce changement.
Infos pratiques :
- Pour l'instant, l'histoire compte 25 chapitres d'écrits, dont : 16 prêts à être publiés, 1 en attente d'une première correction de ma béta, 7 en attente d'une deuxième correction toujours de ma béta et 1 en attente d'une dernière relecture de ma part. Autant vous dire que ma béta et moi-même avons fait le maximum pour vous offrir une fiction au poil.
- Sinon, comme vous en avez l'habitude, la publication se fera tous les mercredis (sauf cas de vacances ou à noel où ça pourrait être modifié).
INFO IMPORTANTE : Cette fanfic est le "premier" jet de mon histoire. après l'avoir plusieurs fois relue et arrangée, elle est maintenant disponible en livre (et pdf) dans une version plus achevée et non-HP. Si certains sont intéressés, le lien pour le site où il est disponible se trouve sur mon profil. Pour l'instant je ne supprime pas cette histoire du site fanfic mais je pourrais être amenée à le faire dans le futur.
Sur-ce je vous laisse découvrir tout ça en espérant vous retrouver à la fin de ce chapitre pour avoir votre avis.
Bonne lecture et à mercredi prochain … du moins je l'espère.
Résumé complet :
"Mon cher fils,
il y a longtemps j'ai pêché. Par peur, par haine. Je t'ai caché bien des choses et je sais que tu en as souffert. Mais tu aurais bien plus souffert de connaitre la vérité. Grâce à ta présence j'ai survécu dans les ombres de notre famille. Puis tu es parti et je te comprends tellement. Mais aujourd'hui, les fantômes du passé me rongent tel un acide puissant et je ne suis plus assez fort pour leur résister. Si un jour tu le désires, tu trouveras la vérité enfermée dans le manoir. Sache que je t'ai toujours aimé Draco, même si je ne te l'ai jamais suffisamment montré. Adieu mon fils. "
Amour, haine, innocence bafouée, vengeance, folie et secrets, Draco, la quatrième génération d'une famille déchirée dans un manoir maudit, tente de comprendre son passé.
Perpétuelle Obsession
« Évidence - Vous aveugle, quand elle ne vous crève pas les yeux ».
Gustave Flaubert (écrivain, 1821-1880)
Chapitre 1
Juin 2011
Au milieu des nuages épais et sombres, le soleil tentait d'illuminer la vallée. Le mois de juin débutait juste mais déjà de nombreux touristes affluaient dans cette partie de l'Irlande. Le Connemara avait un attrait naturel qui rendait cette région, pourtant si sauvage, tellement visitée. Heureusement ce jour-là, la pluie menaçante avait freiné bien des ardeurs. Draco grimaça en relevant le col de son par-dessus. Il ne faisait pas froid mais le vent était désagréable. Il avait perdu l'habitude du climat qui sévissait sur ces terres. Devant lui, la vallée s'étendait verdoyante et bordée de la chaine de montagnes rocailleuse qu'il connaissait si bien. Comme avant. La bruyère commençait à fleurir et à parsemer de violet le paysage. Ça non plus cela n'avait pas changé. Au milieu de tout cela, fier et majestueux, se dressant entouré de quelques arbres et arbustes, le manoir Malfoy affichait son ancienne grandeur.
Il était encore loin mais il n'avait pu s'empêcher de s'arrêter au milieu de la route pour appréhender ses souvenirs avant d'y être totalement. Il ne gênait pas car de toute façon, très peu de véhicules circulaient sur cette longue et étroite route qui se finissait en impasse. Le moteur tournait toujours et pourtant Draco était figé, debout dans le fossé, les yeux fixés sur le bâtiment. De là où il était, il pouvait voir que le lierre, habillant la façade orientée ouest du manoir, s'était propagée sur toute l'aile sud. L'aile de son père. L'aile où il avait grandi, isolé au deuxième étage. Il n'avait jamais compris pourquoi son père avait tenu à ce qu'il ait sa chambre à l'étage des invités alors qu'il avait interdit à qui que ce soit d'utiliser l'aile nord du premier étage.
Après avoir lu quelques ouvrages parlant des coutumes de la famille, il lui avait été évident que cette partie du premier étage aurait dû être à lui. Son père ayant l'autre moitié de l'étage. Mais il avait tellement eu envie de se débarrasser de son fils qu'il l'avait exilé au dessus, dans une partie entièrement vide et silencieuse comme la mort. Draco plissa le nez. Il haïssait ce manoir, il haïssait cette partie de son enfance. Il l'avait quittée bien des années auparavant et avait tenté de toutes ses forces de l'oublier. Et il y était arrivé. Il avait maintenant sa vie et personne ne pourrait l'empêcher d'avancer.
Non, en fait c'était faux. Aussi lointainement enfoui dans sa mémoire qu'il était, son passé n'était jamais bien loin. Les soirs de solitude, quand l'absence d'Astoria se faisait durement sentir, ses pensées traversaient la mer et revenaient s'enfermer entre ces pierres anciennes. Et depuis un peu plus de trois mois, c'était encore pire. Encore une fois son père se mettait en travers de son chemin. Et pourtant, cela faisait déjà dix ans qu'il était enterré.
- Papa ?
- Hum ? Oh, excuse-moi mon ange, j'étais perdu dans mes pensées.
- Elles n'étaient pas agréables alors.
- Non, elles ne l'étaient.
Le garçon sortit de la voiture de location et vint se positionner à côté de son père. Ses grands yeux émerveillés ne pouvaient s'empêcher de glisser tout autour de lui. Ils vivaient à Londres. Il n'avait connu que la ville et les longues plages de sable blanc de la côte d'Azur où ils allaient tous les ans en vacances. Là c'était un paysage magnifique qu'il découvrait avec plaisir. Devant eux, les montagnes encerclaient une vaste vallée étonnement plane ainsi qu'un grand manoir, qui tenait plus du petit château que de la maison de campagne. De là où il était, il n'en voyait que le côté et vaguement la façade.
Il se retourna pour jeter un regard au loch qui reflétait les quelques rayons de soleil. Il était calme bien que même avec la distance, il voyait que la surface était frémissante sous la brise. Une bourrasque de vent fit tomber une mèche blonde devant ses yeux. Il inspira vivement l'air frais et bien plus sain que l'atmosphère londonienne. Son père n'était clairement pas ravi de venir ici, mais il pouvait affirmer qu'il était satisfait que Draco l'ait excusé auprès de son école pour l'entrainer quelques jours dans un tel cadre. C'était tout simplement grandiose.
- C'est ce manoir là qui est à nous ?
- Oui Scorpius. C'est notre manoir, indiqua Draco avec amertume.
- Tu ne l'aimes pas ? Moi je le trouve beau.
- Il l'est. Il est même plus que cela car il a abrité nos ancêtres sur de nombreuses générations. Ni les soulèvements, ni la famine, ni rien d'autre ne l'a égratigné. C'est un roc.
- Mais tu ne l'aimes pas.
- Mais je ne l'aime pas.
Le silence retomba sur eux alors qu'ils regardaient la silhouette de la bâtisse. L'un avec étonnement et envie, l'autre avec hostilité et déplaisir. Scorpius n'avait pas osé demander à son père pourquoi il était si nerveux à l'idée de venir ici. Mais sa curiosité était de plus en plus piquée. Surtout maintenant qu'ils étaient presque arrivés à destination. Pourtant il n'ajouta rien. Il n'avait que douze ans, mais l'étroit lien qu'il avait avec lui depuis des années lui disait que ce n'était pas le moment d'approfondir la question. Aussi il se contenta de lui prendre la main et de poser sa tête sur son épaule.
Draco resserra ses doigts sur la main de son fils. Rien que ce geste lui avait réchauffé le cœur. Scorpius était sa merveille, sa vie. Il avait été sa bouée de sauvetage quand Astoria était morte, quelques années plus tôt. Douze ans. Elle était partie quand Scorpius était arrivé. L'accouchement s'était mal passé et une grave hémorragie l'avait emportée avant même qu'elle n'ait pu voir son bébé. Depuis Draco s'était occupé de son fils avec attention et amour, le couvant trop, il le savait bien. Mais il avait tellement peur que l'amour de sa mère ne lui manque qu'il avait fait en sorte d'être un père et une mère pour lui. Il avait tenu à lui donner ce qu'il n'avait pas eu, malgré sa crainte de ne pas être à la hauteur. Après tout, personne ne lui avait montré ni appris comment faire.
- Allez, remonte en voiture, il est temps de continuer. Je ne sais pas si ça a changé depuis le temps, mais la route finissait en chemin caillouteux et sinueux. On mettra plus de temps à arriver que ce que le paysage nous montre.
- Il y aura quelqu'un là-bas à part nous ? Demanda Scorpius en prenant place sur le siège passager.
- Maître Ó Meadhra, le notaire, devrait être là. Je lui ai donné l'heure d'arrivée de l'avion.
- Et après nous seront seuls ?
- Oui. Il y a bien un jardinier et un homme d'entretien mais ils ne sont pas là en permanence.
- Qui les payent ? S'enquit Scorpius en fronçant les sourcils.
- La fortune de ton grand père. Il l'avait spécifié dans son testament.
Le garçon hocha pensivement la tête. Il avait toujours su que son père avait beaucoup d'argent car ils n'avaient jamais manqué de rien. Et même s'ils vivaient dans un appartement de taille moyenne, leur train de vie était assez élevé. Il n'avait jamais su exactement comment il avait eu autant d'argent. Car il n'était pas idiot au point de penser que son emploi de bibliothécaire y était pour quelque chose. Quand il lui avait annoncé qu'ils allaient faire un voyage en Irlande pour régler une affaire, il lui avait un peu expliqué qu'il avait tourné le dos à sa famille quatorze ans plus tôt et donc que sa famille avait une certaine fortune. Mais Scorpius n'avait pas imaginé qu'elle était assez grande pour payer deux personnes afin garder le manoir en état pendant des années sans aucun apport financier.
- Suivant les ordres de ton grand père, le notaire s'est occupé de faire fructifier la fortune familiale dans des placements plus que rentables, reprit Draco en connaissant assez son fils pour répondre à ses questions muettes. Quand il a pris sa retraite, c'est son fils qui a continué cette entreprise. Rien que les intérêts permettent de subvenir à toutes les dépenses annuelles, que ce soit pour le personnel autant que pour les taxes.
- Woaw. Alors on est vraiment très riche !
- Oui, même si je répugne de penser à cette fortune comme étant la notre.
- Oui mais pourtant, depuis que grand père est mort, tu as hérité de l'argent. Donc c'est notre fortune.
- Tu as raison. Mais c'est bien plus compliqué que cela. Pas administrativement. C'est juste que cette pensée me rebute.
La roue avant gauche de la voiture tomba dans un trou et secoua les deux occupants. Draco s'agrippa au volant et se concentra sur la route. Elle avait été goudronnée depuis son départ, mais le peu d'entretien et le climat avait fait des ravages sur son état. S'il voulait éviter d'y laisser une partie de la voiture, il devait faire plus attention. Comme il l'avait prévu, il leur fallut un certain temps pour passer l'entrée de la propriété. Les petits murets qui délimitaient le domaine avaient gardé leur charme mais la grille avait disparu au profit d'un banal portail en bois. Quelques instants plus tard, la voiture s'arrêtait dans la cour de gravillons, juste à côté de celle qui était déjà stationnée.
Draco ferma les yeux un moment alors que son fils se projetait déjà hors du véhicule. De près, le manoir était encore plus impressionnant. La façade, envahie de lierres, était majestueuse. Elle n'était pas entièrement droite. Il y avait une large avancée centrale entourée de deux tours rondes. Et dès le premier étage, deux tourelles ornaient cette avancée avec beauté. Juste sur le devant, une terrasse aurait permis à plusieurs dizaines de personnes de déjeuner au soleil. Scorpius s'avança mais stoppa rapidement au bas des quatre marches pour jeter un regard à son père. Celui-ci, la mine figée dans un air neutre et ses yeux assombris, regardait la bâtisse, la main appuyée sur le toit de la voiture.
Draco s'approcha doucement, écoutant le crissement des cailloux sous ses pas. A hauteur de son fils, il fit une pause avant de poser son bras sur ses épaules pour le guider vers la grande porte en chêne. Les joints des pierres de la terrasse s'étaient bien abimés avec le temps et de nombreux morceaux s'étaient détachés ça et là. Il n'y avait plus de fleurs ni de beaux meubles en fer forgé pour embellir cet endroit. Il n'y avait plus que des pots vides et un banc rouillé. Mais Draco s'en moquait. Ça n'avait jamais été son endroit préféré. Il avait toujours préféré la terrasse Est, à l'exact opposé, qui donnait sur la montagne. Elle était plus intimiste, plus solitaire. Il y avait passé du temps isolé seul et en paix.
Quand ils arrivèrent devant la porte, celle-ci s'ouvrit sur un homme brun. En cherchant dans ses souvenirs, Draco lui trouva un air avec le notaire de son père mais sa jeunesse prouvait qu'il n'en était que le fils.
- Monsieur Malfoy ! Je savais bien que j'avais entendu une voiture arriver. Avez-vous fait bon voyage ?
- Oui merci, tout s'est bien passé. Et nous ne venions pas de très loin. En avion c'est relativement rapide.
- Effectivement. Le trajet en voiture aurait pu être plus fatiguant.
- Les routes sont belles, il y a juste l'arrivée dans la vallée qui a été plus aventureuse.
- La région n'a pas beaucoup changé depuis votre départ. C'était il y a quatorze ans n'est-ce pas ?
- Tout à fait, répondit Draco un peu mal à l'aise.
- Bien, ne nous attardons pas, voici les clés, vous allez en avoir besoin pour les quelques jours que vous restez ici. Sur votre demande, Eddy a préparé deux chambres au deuxième étage, dans l'aile sud. Les deux salles d'eau sont opérationnelles. Pour ce qui est de la cuisine, les courses ont été faites hier soir, vous n'aurez pas besoin de vous en inquiéter. Utilisez la gazinière, le reste n'est plus en fonctionnement depuis quelques années. Voilà, je vais vous laisser redécouvrir votre manoir. Je reviendrais demain après midi pour voir avec vous le détail de la succession.
- Hum, agréable perspective.
- Je n'ai pas beaucoup connu votre père, mais vous semblez avoir son ironie.
- Si vous le dites. En tout cas merci d'avoir géré le domaine.
- Je suis payé pour. Mais en principe, j'avoue que je traite plus avec une personne réelle qu'avec un défunt. Oh, j'ai laissé dans le bureau une lettre de votre père.
- Encore une ? Pourquoi ne pas me l'avoir envoyée avec l'autre ?
- Parce que je devais vous la remettre lors de votre retour ici. Monsieur Malfoy senior avait bien stipulé à mon père que si vous ne reveniez pas dans les murs, alors cette lettre n'avait aucun intérêt. Passez une bonne journée, Monsieur. Jeune homme, je vous souhaite la bienvenue chez vous.
Le notaire reprit sa voiture et disparut dans un tourbillon de gravillons et de fines poussières. Draco avait le cœur qui battait la chamade. C'était très certainement une lettre concernant les secrets que son père lui avait signalés dans sa lettre d'adieu. Il avait envie de courir la lire et en même temps, il voulait rester loin d'elle. En fait, il avait beau être revenu chez lui, il ne savait toujours pas ce qu'il voulait faire. Et se retrouver entre ces murs ne l'aidait pas à y voir clair.
- Papa ?
- Hum ?
- Cet immense hall est superbe, mais j'aimerais bien visiter le reste, tu joues mon guide ?
- Bien sûr. Alors le couloir sur la gauche mène à l'aile des domestiques. Il y a là leurs anciens quartiers, la cuisine, une des buanderies, et par le fond, au niveau de la tour au bout du couloir, il y a la porte de service. Sur la droite, il y a la partie commune, dirons-nous. Petit salon, bureau, salle de musique, et autres pièces de loisirs. Les deux tours qui entourent le hall sont les escaliers qui montent aux étages.
- Il n'y a pas de grand escalier majestueux comme dans les films ?
- Non mon ange. C'est une petite originalité que l'on doit à notre aïeul le plus lointain. Il y a quatre escaliers qui desservent les étages. Ainsi, s'il y avait eu une attaque lors d'une guerre, la famille ne restait pas coincée par l'assaut. On pouvait sortir par les quatre tours.
- Il aurait fallu à l'assaillant d'être en grand nombre et organisé pour arrêter l'évacuation car ce n'était pas une architecture très répandue. Ingénieux. Et en face c'est quoi ?
- La salle à manger et salle de bal. Viens, tu devrais aimer.
Pour la première fois depuis qu'ils étaient arrivés en Irlande, Draco se permit un petit sourire en coin. Scorpius était une personne très cultivée pour son âge. Comme lui, il passait beaucoup de temps dans les livres mais pas dans des histoires insipides. Il aimait rêver en tournant les pages des livres d'histoires. Le temps des rois, des lords et autres nobles dans leurs belles tenues et leurs châteaux aux décors entêtants, le passionnait particulièrement.
Et il ne s'était pas trompé. Quand il passa le pas de la porte, Scorpius resta bouche bée devant la grandeur de la salle et ses fins décors. De grands draps plus ou moins poussiéreux recouvraient bien évidement les meubles pour les protéger, mais Draco voyait à travers les éclats de ses grands yeux bleus qu'il les imaginait parfaitement quelques décennies plus tôt, lors d'un bal ou d'un grand diner chic.
Pour sa part, il se rappela vaguement une de ces soirées élégantes. Enfin c'était plutôt des bruits, des discussions et des flashs. Rien de bien concret. C'était un anniversaire. Pas le sien, ni celui de son géniteur. Mais il ne se rappelait plus de qui c'était. C'était il y avait bien longtemps. Il ne devait pas avoir plus de quatre ou cinq ans à l'époque. Par la suite, il y avait eu d'autres soirées guidées durant lesquels son père paradait en maître oubliant totalement son fils. Mais ça n'avait plus rien de divertissant. C'était juste des réunions protocolaires et ennuyeuses auxquelles il essayait toujours de se soustraire. Et vu le peu d'intérêt que lui portait son père, il n'avait aucun mal à s'éclipser après avoir accueilli les invités aux côtés du grand Lucius Malfoy comme le voulait la tradition.
- Woaw ! C'est … c'est … c'est géant ! J'aurais trop aimé participer à un bal dans un tel décor ! Papa, c'est trop beau !
- Quelle éloquence jeune homme, s'amusa Draco.
Scorpius lui tira la langue avant de se décaler vers le fond de la salle. Il arriva devant les portes fenêtres et regarda l'extérieur avec attention. Le manoir était bâti en forme de U. Le hall et la salle de bal reliaient les deux ailes. En face de lui, il découvrit un petit jardin protégé qui avait certainement dû être magnifique du temps où il était entretenu. Au milieu, il y avait un couloir couvert et entièrement vitré qui reliait la pièce où il était à une sorte de véranda élégante. Son père qui s'était approché, lui expliqua que c'était le salon d'hiver. Grâce au toit en verre, il était très lumineux et très apprécié pour se sentir dehors même quand il gelait à l'extérieur. Il était orienté à l'Est, donnant sur la deuxième terrasse et les montagnes. Mais il n'y avait, en plus de la porte donnant sur la terrasse, qu'un accès intérieur, ce couloir couvert à travers le jardin.
- Je vais te laisser découvrir le reste tout seul. Je vais chercher nos bagages et les apporter à nos chambres. Tu me trouveras au deuxième étage.
- Je peux aller partout ? Demanda Scorpius en fronçant les sourcils. Vraiment partout ?
- Bien sûr. Si tu vas à l'extérieur, évite de trop t'éloigner car le temps peut vite se gâter. Mais dans le manoir, il n'y a aucune restriction. Si tu te perds, crie. Avec un peu de chance je t'entendrais avant que tu ne meures de faim.
Le garçon roula des yeux alors qu'un sourire étirait ses lèvres. Puis il lui lança un regard tendre avant de replonger ses yeux sans le jardin. Son père n'appréciait pas ce manoir, mais il faisait l'effort d'être de compagnie convenable pour ne pas lui gâcher son séjour. Même si les bagages n'étaient qu'un prétexte pour s'isoler, il préférait faire passer le plaisir de son fils avant le sien. Quand il eut quitté l'immense salle, Scorpius fit tourner délicatement la poignée de la porte menant au couloir couvert. Il dut tout de même forcer un peu car les gonds s'étaient grippés de ne pas avoir servi depuis longtemps.
o0o
Draco était appuyé contre la voiture, les yeux de nouveau perdus dans la façade verdoyante du manoir. Un immense nuage noir s'était amassé à l'arrière de la bâtisse et un faible rayon de soleil venait éclairer le sol de la terrasse. Ce contraste rendait oppressante la sensation de malaise qui l'assaillait depuis qu'ils étaient arrivés dans la vallée. Cela lui faisait bizarre d'être de retour après sa fuite, quatorze ans plus tôt. Il n'était même pas majeur à ce moment là mais il avait voulu partir loin de cette cage dorée dans laquelle il se sentait aussi libre qu'un rat dans un piège.
Astoria avait été sa planche de salut. Il l'avait rencontrée peu de temps après son arrivée à Londres et entre eux, tout avait été rapide et merveilleux. Mais cela n'avait pas duré très longtemps. A peine deux ans. Deux années d'amour et de passion qui avaient été balayés d'un coup. S'il n'avait pas eu à s'occuper de son fils, nul doute qu'il aurait sombré dans une dépression et qu'il aurait mis ce mauvais coup du sort sur un quelconque paiement pour sa fugue. Il s'était raccroché à Scorpius en se promettant de tout faire pour qu'il soit heureux. Jusqu'à présent, il pouvait dire qu'il avait réussi. Il le savait en voyant l'amour qui transpirait de ses yeux quand il le regardait comme il l'avait fait un peu plus tôt.
Une goutte s'échoua sur sa joue et il leva la tête vers le ciel. Le soleil avait perdu la bataille et le nuage était maintenant installé bien au dessus du manoir. Se remuant, Draco attrapa les deux valises et se précipita à l'intérieur avant d'être trempé. Une fois dans le hall, il ne s'arrêta pas, il avança pour prendre l'escalier de la tour de droite et monta directement au deuxième étage. Là il posa ce qu'il portait et avança dans ce qui fut par le passé son lieu de prédilection. C'était une ancienne salle de jeux. Elle était située juste au dessus du grand hall et ne possédait pas de vrai plafond. La charpente rectangle et apparente donnait à cette partie avancée de la façade, le côté intimiste des combles d'une tour. A cet étage, les deux petites tourelles servaient de coins privés dans lesquels, il en était persuadé, certains invités des siècles passés avaient dû se retrouver pour des rencontres coquines. Lui s'était contenté de venir s'y cacher avec un livre dérobé à la bibliothèque.
Draco laissa là ses pensées et reprit son chemin vers l'aile sud pour ne s'arrêter que tout au bout du couloir. Il ouvrit la chambre dont les fenêtres donnaient sur le jardin et ne put s'empêcher de jeter un œil pour voir si son fils était dans le salon d'hiver. Mais la végétation avait aussi pris possession du toit de la verrière et Draco ne put savoir si il y était ou pas. Il déposa la valise puis traversa le couloir pour ouvrir la porte de son ancienne chambre. Elle avait une vue donnant sur la vallée. Il ne se rappelait plus combien de fois il s'était perdu dans la contemplation de ce paysage en rêvant de partir définitivement au-delà du loch qui s'étendait en fond.
Il savait qu'il réagirait fortement en se retrouvant dans son domaine personnel, mais il ne s'était pas attendu à un tel choc. Là juste devant lui, il retrouvait sa chambre. Pas une vulgaire chambre d'amis, non, mais sa chambre telle qu'il l'avait laissée quand il avait fui. Et elle était là, comme si son retour avait toujours été attendu. Rien n'avait changé, rien n'avait été déplacé. Quatorze ans s'étaient écoulés et pourtant le temps semblait ne pas avoir eu d'emprise ici. Ça en était choquant et Draco dut s'accrocher fermement au chambranle. On aurait dit que quelqu'un avait voulu garder tout en état dans l'espoir que ça le ferait revenir … Il ferma violemment les yeux alors qu'un vertige le rendait flageolant. Il dut prendre quelques grandes inspirations pour calmer les battements désordonnés et douloureux de son cœur.
Quand il rouvrit les yeux, rien n'avait changé. Il n'avait donc rien imaginé. Les jambes tremblantes, il s'avança jusqu'à son lit et s'y laissa choir. Pourquoi avait-il décidé de revenir dans ce manoir où il n'avait jamais réellement été heureux ? Pourquoi n'avait-il pas ignoré le message de son père ? Après tout, il était mort depuis dix ans et Draco n'avait jamais ressenti le besoin de revenir au pays. Il avait su que sans aucune manifestation de sa part, au bout de quinze ans, la fortune familiale deviendrait celle de l'état. Et cela lui était parfaitement égal. Après tout, avec ce qu'il avait de côté et les placements qu'il avait effectués, il pouvait vivre aisément jusqu'à sa mort.
Mais voilà, son père avait tenu à se rappeler à son bon plaisir grâce à une lettre que le notaire ne devait lui faire parvenir qu'à l'anniversaire des dix ans de sa mort. Et malgré tout, Draco avait été ébranlé par ce courrier. Lui qui avait cru faire un trait sur son passé et qui n'avait d'ailleurs jamais eu la nécessité ni l'envie de venir à l'enterrement de son père, avait été bouleversé par ces quelques lignes.
Mon cher fils,
Il y a longtemps j'ai pêché. Par peur, par haine. Je t'ai caché bien des choses et je sais que tu en as souffert. Mais tu aurais bien plus souffert de connaitre la vérité. Grâce à ta présence j'ai survécu dans les ombres de notre famille. Puis tu es parti et je te comprends tellement. Mais aujourd'hui, les fantômes du passé me rongent tel un acide puissant et je ne suis plus assez fort pour leur résister. Si un jour tu le désires, tu trouveras la vérité enfermée dans le manoir. Sache que je t'ai toujours aimé Draco, même si je ne te l'ai jamais suffisamment montré. Adieu mon fils.
Lucius Malfoy l'avait toujours aimé. Et c'était dans cette chambre, sur laquelle le temps n'avait eu aucune prise, qu'il le réalisait réellement. Maintenant il savait pourquoi il était revenu. Son cœur d'enfant avait toujours gardé l'espoir qu'il avait été aimé. Son cœur d'adulte ressentait le besoin de savoir pourquoi son père l'avait ignoré alors qu'il affirmait l'aimer. Désormais il savait que c'était vrai. Mais autre chose s'insinuait en lui. Tant de choses gâchées. Tant d'amertume et de haine pour du vent. Draco ressentait maintenant la nécessité de savoir pourquoi.
Il se leva et se dirigea vers la pièce d'à côté. C'était la salle de bain. Il se rafraichit longuement et but de longues gorgées directement au robinet. Après s'être essuyé vivement le visage, il regarda le long corridor qui le séparait de l'escalier qu'il avait pris pour monter. Un couloir donnant sur une multitude de chambres qui furent remplies du temps des grandes fêtes mondaines de ses ancêtres mais qui avaient été incroyablement vides du temps où lui y avait vécu.
Faisant demi-tour, il s'engouffra dans l'escalier de la tour qui fermait l'aile puis dévala les marches sur les deux étages. Malgré l'entretien dont le manoir faisait l'objet, il se prit la tête dans un certain nombre de toiles d'araignée et manqua de déraper dans la poussière sur le sol. Ce n'était pas un endroit qui avait été nettoyé souvent. Mais ce n'était qu'un escalier secondaire après tout. Il arriva au rez-de-chaussée et s'arrêta pour écouter. Aucun appel n'arriva jusqu'à lui. Son fils devait être quelque part à fureter.
Draco souffla fortement lorsqu'il poussa la porte du bureau qui était juste à sa gauche. C'était assez ironique de savoir que sa chambre et la pièce où son père passait la plupart de son temps quand il était au manoir, n'étaient finalement éloignées que d'un escalier alors qu'ils étaient si éloignés l'un de l'autre. Là non plus rien n'avait changé. Du moins pour ce qu'il s'en souvenait car il n'avait pas eu beaucoup l'occasion d'y venir. Juste sur la fin, avant qu'il ne fugue, quand son père avait voulu lui apprendre les responsabilités qui lui incomberaient par la suite. Leçons qu'il n'avait suivies que peu de temps avec mauvaises grâces.
Il s'avança dans la pièce et contourna le bureau. Si ses yeux se perdirent un instant dans les vitrines, étagères et bibliothèques, son regard s'arrêta rapidement sur l'enveloppe scellée, déposée bien en évidence sur le meuble massif. Un frisson parcourut Draco alors que son cœur s'était remis à battre violemment. D'un pas hésitant, il s'approcha. Ses doigts glissèrent sur le bois vernis alors qu'il le contournait pour pouvoir s'asseoir sur le fauteuil. Ce fut lourdement qu'il prit place alors que ses mains se tendaient presque malgré lui vers l'épaisse lettre.
Les ombres de la famille et les fantômes du passé. Voilà ce que cette enveloppe devait contenir. Tout ce que Draco était venu chercher en revenant au manoir. Mais pour l'instant, la curiosité bataillait avec sa peur. La peur d'apprendre cette vérité qui avait gâché tant de choses. Il tourna la tête vers la fenêtre quand le bruit de la pluie tambourina contre les vitres. C'était une belle averse qui s'abattait sur eux et c'était une chance qu'ils soient arrivés avant.
Après avoir de nouveau tendu l'oreille en quête d'un appel de Scorpius, il attrapa l'enveloppe et la descella d'un mouvement qui manquait d'assurance. Il y avait beaucoup de feuillets, remplis de l'écriture fine et aristocratique de son père. Il fut étonné de voir qu'il se rappelait de bien des détails sur son père alors que sa rancune l'avait fait haïr au plus haut point. Il ferma les yeux un instant comme pour se donner du courage avant de commencer sa lecture. Ses yeux se fixèrent sur le premier mot alors que ses mains faisaient trembler le papier.
Draco, mon fils tant aimé.
Si tu lis cette lettre, c'est que tu es finalement revenu au manoir. Je suis certain que c'est plus la curiosité des secrets qui pèsent sur notre famille qui t'aura attiré que ma mémoire. J'ai fait beaucoup de choses dans ma vie. J'ai fait des choses horribles dont la culpabilité me ronge de plus en plus. Mais j'ai aussi réussi de belles entreprises et tu es celle dont je suis le plus fier. Ta mère et moi désespérions d'avoir un jour un enfant mais tu es arrivé et nous t'avons aimé dès le premier instant.
Même après ton départ, je t'ai suivi pas à pas. Oh j'ai bien mis un peu de temps à te retrouver, car tu avais bien fait les choses. J'étais si heureux d'apprendre que j'étais grand père. De savoir que je ne verrais jamais mon petit fils est un regret de plus à mon existence. Et je ne me pardonnerais jamais de t'avoir fait souffrir par mon indifférence.
Je me doute que tout ce que je pourrais dire t'importera peu. Alors je vais directement passer à ce que tu es venu apprendre. Je ne peux pas tout te relater dans le détail, ce serait trop long. Mais si tu tiens à le savoir, alors tu découvriras par toi-même où chercher. Le manoir est le berceau de beaucoup de secrets mais toi, plus que quiconque, peut les dévoiler.
On dit que les enfants payent les erreurs de leurs parents. Pour nous, c'est même au-delà de cette vérité. Notre histoire commence il y a très longtemps, ici même, au manoir Malfoy. Mon grand père, Lysandre Malfoy, était alors un fier jeune homme …
Alors, cela vous donne-t-il envie d'en lire un peu plus ? Vous reverrai-je la semaine prochaine ?
